Loin de moi l'idée de vouloir abuser seulement, lorsque je commence quelque chose, j'ai tendance à vouloir aller jusqu'au bout. Et cet après midi, mon esprit me rappelle que je suis toujours aussi nul en matière de billard. Qu'il faudrait que je songe à m'entraîner d'avantage. A Paris, la plupart des bars possédant des billards sont payants. Nous en avons un gratuit, autant en profiter. J'attrape une queue de billard. J'ai l'air déterminé mais au fond, je sais pertinemment que je n'y arriverai pas. Parce que je n'ai pas la technique et que, selon Liv – que je regrette amèrement – j'ai peur de frapper dans la boule. Très bien. Je tente mon coup, je me concentre, je tire et.. « Et merde. » je viens de créer un joli trou dans la moquette verte entretenue avec soin. Je feins l'indifférence, comme si je n'avais rien fait. Non, non, ce trou est un procédé de mon imagination pour me forcer à tout arrêter et laisser tomber ce loisir pas fait pour moi. Bien entendu et comme par hasard, un candidat fait son apparition au bon moment. Callan, que je dévisage avec la tête d'un gamin prêt à se faire engueuler. Je crois qu'il comprend parce qu'il me contourne sans bruit pour venir inspecter le billard. Ma main est posée – comme si de rien n'était – sur le trou. Je finis par l'enlever dans un soupire. « C'est pas ce que tu crois. On dirait un trou mais.. » Mais rien du tout, c'est un trou, point. Je souris timidement. Est-ce qu'on va me demander de repayer tout ça ? Parce que j'avoue préférer mettre les sous de mes parents dans autre chose qu'une moquette verte immonde, en fait. « Si je te paye un coup, tu n'as rien vu ? » Je demande d'un air des plus sérieux. De l'alcool pour acheter son silence sinon, je serai obligé de le tuer..

Je viens de sortir de la douche, j'ai enchaîné deux heures de sports et j'ai envie de me détendre. Je ne sais pas encore ce que je vais bien pouvoir faire mais je prends la direction de l'auberge, il y a toujours quelque chose à faire, je pense que je devrais bien y trouver mon bonheur. Au pire je me poserais dans l'un des canapés et j'écouterais de la musique. J'entre mais je n'ai pas besoin de me poser de question quant à une future activité puisque Arès est déjà là. Je n'ai jamais vraiment eu l'occasion de converser avec lui pourtant il me semble être un candidat particulièrement attachant. Il a le regard d'un enfant qui vient de faire une bêtise, suspicieux puisqu'il est appuyé d'une façon bien étrange sur le billard. Je le contour pour m'approche de la table en bois. Je regarde minutieusement mais ne vois rien du tout. Enfin jusqu'à ce qu'il enlève sa main, j'y découvre un trou, je me mets à rire. « Toi tu n'as pas dû passer beaucoup de temps à écumer les bars. » A ma différence, mais bon je suis Irlandais, les pubs c'est culturel j'ai une circonstance atténuante. Il tente de m'acheter avec de l'alcool, si j'étais raisonnable je devrais dire que je ne bois pas mais je suppose que cette réplique n'est plus vraiment crédible, puisqu'il a dû me voir à mainte reprise un verre à la main. « Un trou ? Où ça ? Non vraiment, y'a rien Arès, tu te fais des idées. » Je souris, c'est ma manière à moi de lui dire que j'accepte sa proposition avec plaisir. Un verre ce n'est pas très grave.

Non, effectivement, je n'ai pas passé beaucoup de temps à écumer les bars comprenant des billards. Malheureusement pour moi et pour cette pauvre table que je viens de massacrer, d'ailleurs. J'observe l'irlandais. Lui ne doit pas avoir beaucoup de mal à jouer. Ils se bourrent la gueule tous les soirs en Irlande, non ? Il faut que je songe à voyager jusqu'en Irlande, visiter leurs bars et surtout, apprendre à jouer au billard. C'est une idée que je note au coin de mon crâne tandis que Callan arbore un léger sourire. Il se moque de moi et à sa place, j'aurais certainement fait de même. « Y a pas de billards en boîte. Sinon, je serai certainement champion du monde. » je réplique armé d'un sourire faussement gêné. La jeunesse, les boîte, l'alcool, les toilettes dégueulasses. C'était mon quotidien et ce, dans toutes les plus belles villes du monde jusqu'à ce que j’atterrisse ici, par pure coïncidence. Peu importe, ce qui importe là c'est le trou énorme que je viens de creuser dans le billard. J'essaie d'atténuer ma circonstance en proposant à boire à Callan. A son regard, je sais qu'il ne résistera pas et j'arbore un regard triomphale. Bien. J'attrape une bouteille d'un bon scotch en supposant que c'est ce qu'il s'enfile et nous serre deux verres. « A notre rencontre tardive et au trou dans le billard que nous ne verrons plus d'ici une dizaine de verres ! » Je fais claquer mon verre contre le sien et l'alcool parvient à réchauffer ma gorge avec violence. Je toussote, je suis une vraie tapette. J'ai plutôt l'habitude de la vodka, le scotch n'est pas réellement mon ami, je le redécouvre aujourd'hui.

Arès n'est donc pas du genre à écumer les pubs. Il n'y a pas beaucoup de pub en France il faut dire, il me semble qu'il est français non ? Bref, à la différence de moi qui n'ai jamais quitté les pubs, ou les bars comme ils les appellent ici. Ils ont tous un billard, plusieurs billards même. Et sans me vanter, je suis plutôt doué à ce jeu. J'ai beaucoup d'heures de picoles à mon actif, je n'en suis pas très fier, mais j'ai tendance à dire pour dédramatisé que c'est dans mes gênes. Arès réagit à ma remarque et ça me fait sourire. « Tu dois être un champion de danse alors... » Je souris, ça ne va sans doute pas de pair parce qu'on sait tous que les mecs vont rarement en boîte pour danser mais bon, ça me fait marrer. Un peu comme ce trou qui va considérablement être un handicap pour le jeu, mais peu importe, de toute façon je n'ai pas vu beaucoup de gens y jouer de toute façon. J'accepte de boire en sa compagnie volontiers, je n'ai pas beaucoup de volonté, je n'ai plus beaucoup de volonté devrais-je dire, lorsqu'il s'agit d'alcool. Il attrape une bouteille de scotch, j'aime pas trop l'écossais mais je ne vais pas faire le difficile. On trinque et il me fait rire. « A nous et à ta future cuite... » Je vide le verre d'une traite. Ça me brûle la gorge, ils sont vraiment mauvais ces écossais. D'ailleurs il tousse, et j'ai les yeux ronds comme des soucoupes. « Toi non plus t'aime pas la sous merde écossaise ? » Je ris, non je ne suis pas tendre avec mes voisins les écossais, mais après tout ils sont rattaché à cette Angleterre que je déteste tant. Encore je supporte l'Américain, mais le scotch trop massif j'aime pas tellement. On a beau dire tous les whisky n'ont pas la même faveur. Je me lève et me rends vers le bar, il m'avait semblé voir du Jameson. Oui, super, je m'empare de la bouteille, je prends quatre autre verres propres. Je jette son verre sans lui demander son autorisation mais il me remerciera, j'en suis persuadé. D'abord je verse de l'eau dans nos verres, puis je remplis les deux autres du whiskey irlandais. « Tiens bois ça, tu m'en diras des nouvelles... » Je lui tends le verre, je bois une gorgée d'eau, ça permet de ne pas mélanger les goût et bois une gorgée du Jameson. Délicieux.