J'aime l'effet qu'à cet endroit sur moi. J'ai l'impression de faire un bond dans le temps, une sorte d'arrêt sur image. Un cocon, un endroit où rien importe. Je suis vide de toute émotion lorsque je marche sur ce sol sablonneux, lorsque j'observe ces stands de barbes à papa, ou ce vieux carrousel d'une époque désormais révolue. Il souffle comme un vent de nostalgie en ce lieu. Je suis assise sur le banc entrain de fumer lorsque j'aperçois la silhouette d'Arès se dessiner au loin. « Il y a comme un parfum de déjà-vu... » Je lance alors qu'il s'avance vers moi. C'est ici que nous nous sommes parler pour la première fois, c'est ici que les choses ont réellement commencé ici entre nous. Il m'a sauvé d'une chute, du ridicule aussi. « Tu viens me sauver ? » J'écrase ma cigarette dans le cendrier puis me lève et réduis la distance qui nous sépare. Je passe mon bras sous le sien puis on se remet à marcher sans but précis. J'aime cet endroit, je crois que c'est celui que je préfère dans tout le village, ça ne s'explique pas. C'est ici que j'ai commencé à tissé des liens avec Arès, c'est également ici que j'ai parlé pour la première fois à William, cet endroit me plait. « Je suis contente que tu sois resté... » Ça me semblait évident, pourtant, il me paraissait nécessaire de le lui dire. Je pose mon regard doux sur lui alors que je dépose ma tête sur son épaule. Je me permets des familiarités avec lui qui me semble naturelle et dont je ne raffole pourtant pas avec les autres. Je ne suis pas tactile, pas du tout. Sans raisons apparente, je me mets à rire je me détache, glisse ma main dans la sienne pour le tirer vers le carrousel. « Tu m'accompagnes ? » Je n'attends pas sa réponse, presse le pas malgré mes talons aiguilles qui ne sont véritablement pas un problème. Je me stoppe devant le manège et l'observe avec les yeux brillant d'une petite fille. « Tu veux bien monter ? »

Cet endroit s'impose à moi à chaque fois que je n'ai rien à faire. A chaque fois que je m'ennuie, aussi. Ainsi, il s'impose à moi cet après midi tandis qu'un énième soupire d'ennuis s'échappe de ma gorge. Je souffle comme un boeuf, espérant que quelqu'un m'entende et puisse venir me tenir compagnie. Malheureusement pour ma pauvre carcasse, je n'ai de retour que le silence pesant de ma chambre. Nous ne sommes plus qu'une dizaine et il est aisé de se perdre dans le village et ne plus se croiser. C'est cette constatation qui traverse mon esprit lorsque je pénètre dans la fête foraine abandonnée, une cigarette coincée entre deux doigts. La voix chantante et rauque de Candace me tire de mes rêveries sombres et m'arrachent un sourire amusé. Elle tombe à pic. Elle tombe toujours à pic. Comme une sorte de petite fée qui veille sur moi et apparaît aux moments propices. Je la couve un instant du regard, me rappelant notre première rencontre avec engouement. Si elle ne s'était pas sentie défaillir, si mes bras ne l'avaient pas retenue, nous n'en serions certainement pas là. Notre relation est nouvelle, innocente et nous sommes proches sans réellement nous connaître. Une amitié comme je les aime, simple et pourtant très forte sans qu'on ne sache réellement pourquoi. Je jette ma clope à moitié consumée et je m'agenouille, taquin. « A vos ordres, mi lady. » à l'image d'un chevalier prêt à servir sa dame. Je reste dans cette position quelques instants avant d'aller ma soir près d'elle. Elle est contente que je sois resté et je ne peux m'empêcher de sourire d'autant plus. Mon bras se pose sur ses épaules avec tendresse et je l'enlace avec douceur sans même me poser la question de savoir si ces gestes lui plaisent ou non. « J'étais obligé. Je n'allais pas quitter la femme de ma vie comme ça. » je réponds à son instar d'une voix mielleuse et taquine. Elle a Callan, j'ai Elliot et pourtant, je ne peux pas m'empêcher de la taquiner sur ce point là. Je sais à quel point Candace aime son mari et à quel point elle est indépendante. Comme moi, en somme. Je me reconnais en elle et je peux donc me permettre quelques frasques de ce genre. Nous ne restons que très peu de temps assis comme ça. Elle attrape ma main et me tire avec violence. Mes yeux s'arrondissent. Cette femme à une poigne et une force vraiment impressionnantes. Je me laisse aller, traînant les pieds tel un enfant mécontent pour finalement me retrouver face au carrousel. Je la fixe un moment d'un air d'avoir une idée et puis, rapidement, je l'empoigne telle une mariée. « Allons-y ! » je ris comme un enfant et m'avance jusqu'au carrousel. Je la dépose en amazone sur un cheval et me poste à côté d'elle. Quelques secondes et le manège démarre. Mon sourire n'en fini plus, j'ai mal aux joues.

J'aime la relation particulière qui me lie à Arès, elle s'est battit sur une chute, et s'est plus ou moins construite d'elle même. Je suis différent avec lui, je suis naturellement douce, je suis naturellement joyeuse, avenante, compatissante, à l'écoute. Comme je peux l'être avec Raphaël. Mais je me comporte de cette manière puisqu'il renvoie de la sympathie, de la douceur, une certaine innocence, même si on voit qu'il a déjà vécu des tas de choses. Notre relation est douce et innocente. J'ai l'impression d'être moi, même si je suis mon parfait opposé finalement. C'est paradoxal. Mais ça n'a pas d'importance sur l'instant. On verra plus tard, pour le moment, j'agis avec une légèreté que je n'aurais pas soupçonné. Je suis réellement contente de le voir, je suis contente, et le pire dans tout ça c'est que j'y crois dur comme faire à cette satisfaction. Sa réaction me fait sourire. Il se comporte en parfait gentleman, je couvre ma bouche de mes mains comme le faisait les jeunes femmes à une époque révolue, comme si sourire m'était interdit. Je lui fais une courbette et lui tends immédiatement la main pour qu'il se relève. « Si je n'étais pas mariée, je crois que je t'épouserais sur le champs... » Je plaisante qu'à moitié, il me rappelle Callan sur certains points, il me rappelle ce qui m'a immédiatement plu chez lui. Il est avec Elliot et moi avec Callan, je ne voudrais pour rien au monde tenter quoi que ce soit avec celui que je considère comme un ami désormais. Non, c'est simplement une manière de jouer comme on le fait depuis un certain temps. J'aime ça. Et lorsqu'il me dit qu'il ne pouvait pas partir, je baisse la tête souriante. J'ai ma tête contre son épaule et lui son bras autour des miennes. On est proche, et pourtant, on ne sait quasiment rien l'un de l'autre. Je me surprends à me demander s'il réagirait de la sorte s'il savait tout de moi. Balayant cette pensée néfaste d'un mouvement de tête, je me lève soudainement et le tire avec le carrousel. Il suit sans rechigner. Et sans que je m'y attende me soulève dans les airs. Je ris aux éclats, mon rire se mêle au sien. Il me dépose sur le cheval, il reste debout, le manège démarre et je lui tends la main pour qu'il me rejoigne sur la bête. « Où m'emmènes tu mon bon prince ? » Au paradis j'espère. Cet échange est plein d'innocence et de légèreté. Je m'évade grâce à Arès.