Ne coupe pas les ficelles quand tu pourrais défaire les nœuds.

Leone était confortablement appuyé sur le rebord du bassin, une cigarette au coin des lèvres. Il se refusait le droit de penser. Incapable de trouver le sommeil il était naturellement venu se réfugier dans la piscine, seul. Il n’avait volontairement pas allumé la lumière, préférant l’obscurité. La baie vitrée, recouverte de buée, indiquait que la nuit devait être glaciale. Le nuage de tabac qu’il dégageait masquait l’odeur du chlore.

Derrière lui la porte s’ouvrit, bouleversant ainsi son havre de paix. Un rapide courant d’air frais souffla dans son dos. Il s’enfonça davantage dans l’eau, ne prêtant aucune attention à celui ou celle qui avait décidé de le rejoindre. Impassible, il tira de nouveau sur sa cigarette.

Insomnie. Insomnie. Insomnie. Voilà deux jours que je peinais à dormir, ou ne serait-ce qu'à m'endormir. Je devais en être à ma centième roulade dans les draps, et j'avais beau fermer les yeux le plus fort sourire et prier pour m'assoupir enfin, rien n'y faisait. J'étais désespérément éveillée. Éveillée et seule. Le marchand de sable ne passerait pas ce soir, c'était un fait, alors autant m'occuper autrement qu'en réveillant Franz toutes les trois minutes par des coups de poings ou de pieds. Après une réflexion d'une dizaine de minutes (à l'heure qu'il était, il fallait au moins ça à mon cerveau pour fonctionner normalement), je décidais de me rendre à la piscine que je n'avais pas encore visitée et d'aller y nager. Je pouvais à cette heure là être sûre de ne pas y être dérangée. J'enfilai donc mon maillot de bain en dessous de mes vêtements chauds et me rendis au dit lieu. Alors que j'entrais dans la grande salle abritant la piscine, j'eus un sursaut en voyant que quelqu'un était là. Leone. Je n'avais jamais eu l'occasion de lui parler mais au bout de plus d'une semaine de jeu, évidemment, je connaissais son prénom. Encore sous le choc et à demi en train de courir, je me rendais au bord du bassin juste à côté de lui. « Nom de dieu mais qu'est-ce que tu fous là à une heure pareille ? Tu devrais être couché avec tous les autres. Enfin … je te dérange peut-être ? Ceci étant dit, quelle que soit la réponse, je reste ici. » dis-je plus obstinée que jamais.

Non seulement la jolie rousse par sa présence perturbait son univers reposant, mais elle l’enchainait également de questions auxquelles il n’avait ni l’envie ni la force de répondre. De toute évidence sa décision semblait prise, elle ne quitterait pas la piscine quoiqu’il en dise. Elle était là, à quelques centimètres de lui. Bien désireux de lui clouer le bec, Leone posa sa cigarette dans le cendrier et plaqua ses mains sur les joues de sa colocataire. Sans crier gare il l’embrassa tendrement. Retour au silence. Imperturbable, il recula son visage du sien et récupéra sa clope. Un léger rictus s’était néanmoins dessiné sur ses lèvres.

Billie-Jean, il ne la connaissait pas et n’avait par conséquent aucun moyen de prédire sa réaction. Aux premiers abords elle paraissait sympathique et charmante, de plus il ne pouvait nier l’éclat de sa splendeur. Oui elle était belle mais non, il ne lui ferait jamais le plaisir de lui confier ce compliment.

Après lui avoir dérobé sa cigarette, la demoiselle le coula. Les deux candidats n’étaient certainement pas sur la même longueur d’onde. Le jeune homme sortit sa tête de l’eau, Billie-Jean paraissait fière d’elle arborant un grand sourire. Il voulait bien être gentil, du moins ne pas l’envoyer bouler avec arrogance ; en revanche subir ses gamineries au beau milieu de la nuit, non ce n’était définitivement pas dans ses projets. Le Nid d’Amour devait regorger de garçons prêts à l’accompagner dans ses délires, pas lui, pas ce soir.

« Je ne joue pas. » Répliqua-t-il d’un ton cassant, au risque de paraître vraiment rabat-joie.

Lorsqu’il récupéra sa cigarette, il l’écrasa immédiatement dans le cendrier lui prouvant ainsi qu’il ne bluffait pas. Elle était libre de venir dans la piscine, tout comme lui, par contre il ne lui permettrait pas son numéro de petite fille. Il ne bougea pas, continuant de la défier de son regard azur, persuadé qu’elle comprendrait par elle-même qu’il n’était actuellement pas dans le même état d’esprit qu’elle.

« Je ne joue pas. » J'avais envie de lui demander ce qu'il faisait ici dans ce cas. Pas dans la piscine, mais dans cette aventure. Mais je n'en fis rien, rentrant dans un mutisme durant quelques minutes. Il écrasa sa cigarette dans le cendrier, ce qui me fit sourire. Je n'avais pas besoin qu'on en face des tonnes pour faire comprendre quelque chose. Il n'était pas d'humeur ce soir, j'avais saisit. Je pris appui sur le haut de la piscine et me hissait sur le rebord. Un frisson parcouru mon corps et j'essorais mes cheveux d'un air décidé. Mais pas décidée à partir, non, simplement décidée à … je ne savais pas à quoi au juste. Après une longue et pesante minute sans paroles, je brisais le silence. « Dans ce cas pourquoi m'avoir embrassé ? Pour me faire taire j'avais saisi, et encore ? Tu n'avais qu'à me demander de me taire, bien que j'aurais moins bien réagi. »

« Tais-toi. » Répliqua-t-il sèchement, il avait tenté de l’épargner mais apparemment elle l’avait réclamé. De son point de vue il avait préféré le baiser. Au moins désormais elle pouvait comparer. Avant de voir à quel point Billie-Jean réagirait mal, le jeune homme reprit d’un ton joueur :
« Satisfaite ? »

La garce, elle était même parvenue à lui décrocher un sourire sincère. La spontanéité et le naturel de la demoiselle l’amusaient, il le reconnaissait en toute franchise.

« Pourquoi ma compagnie te plait-elle tant ? »

Il ne l’avait pas traitée comme un Gentleman, loin de là, pourtant elle était restée à ses côtés continuant de faire preuve de sympathie à son égard. Un tel comportement l’intriguait.

« Tais-toi. » « Finalement la prochaine fois t'as raison, embrasse moi, c'est plus agréable. » répliqua-t-elle sèchement du tac au tac. Encore avait-il la chance incroyable qu'elle ne l'envoie pas sur les roses pour lui avoir parlé comme ça. Elle en venait d'ailleurs à se demander pourquoi elle n'avait pas répondu autre chose. Sans nul doute car elle n'en avait finalement pas envie et parce qu'elle était lassée de protester aux remarques des hommes chaque fois qu'elle en était offusquée. « Satisfaite ? » Il la cherchait ou elle rêvait ? Billie eut un sourire en coin à sa question. « Étrangement, non. » C'est là qu'elle le vit sourire pour la première depuis leur échange verbale. Il était temps ! Nerveusement, elle agitait ses jambes, seules parties de son corps encore dans l'eau claire et à son gout trop chlorée de la piscine. « Pourquoi ma compagnie te plait-elle tant ? » Bonne question. Elle s'attendait à tout sauf à une question du genre, il fallait le dire. Elle ne s'était elle-même pas encore demandé cela, mais visiblement il allait falloir y songer. Elle prit donc le temps de la réflexion avant de répondre en passant ses longs doigts fins dans ses cheveux roux encore trempés. « Je ne sais pas trop. Je n'ai pas d'explications à tout ce que je fais, j'en ai même rarement. T'es un peu différent, tu prends pas de gants, c'est déconcertant. Et du coup, j'ai envie de rester, je pense que c'est ça. Et toi, pourquoi ma compagnie te déplait-elle tant ? » Ca, c'était du masochisme pur.

Le jeune New Yorkais avait obtenu sa réponse. Billie-Jean avait préféré le baiser. Son sourire s’élargit un peu plus. Il allait devoir lui apprendre à savoir ce qu’elle voulait. Il la défia de son regard azur, plongeant ses yeux dans les siens. Qu’entendait-elle par un peu différent ? La demoiselle demeurait étrangement évasive. Avait-elle quelque chose à cacher ? Ou pire, quelque chose à craindre ? Certes Leone n’adaptait pas ses paroles en fonction des candidats, même s’il risquait parfois de les brusquer. Il disait ce qu’il avait à dire, toujours.

« Qui t’a dit que ta compagnie me déplaisait ? Tu tires des conclusions trop hâtives. Je t’ai seulement fait comprendre que je ne partageais pas tes envies. »

Couler sa colocataire et faire mumuse dans la piscine, dans d’autres circonstances peut-être mais pas ce soir. Ce soir, il ne jouait pas.

Un instant, elle se demande ce qu'il aurait fait si elle avait décidé de lui mettre de nouveau la tête sous l'eau … A vue de nez, elle imaginait bien qu'il n'aurait pas apprécié. Elle se ravisa finalement, tenant plus à son visage qu'à offrir le premier meurtre d'une télé réalité. Elle était prête à beaucoup de choses pour rester ici, et ce pour de multiples raisons, mais pas à sacrifier sa vie, inutile et idiot de surcroit. « Qui t’a dit que ta compagnie me déplaisait ? Tu tires des conclusions trop hâtives. Je t’ai seulement fait comprendre que je ne partageais pas tes envies. » Son corps fut d'abord traversé de secousses, puis elle se mit à rire nerveusement durant quelques secondes. Elle n'avait pourtant pas l'impression qu'il appréciait particulièrement sa compagnie, ayant davantage l'impression d'être un boulet. Mais bon, pour ce que ça la changeait … « Personne. Enfin elle n'a pas l'air de te réjouir tant que ça. T'es toujours comme ça ou c'est un traitement de faveur ? » demandais-je ironique sur la question.

désolée pour le retard