Jeudi soir. Tu étais sorti de ta chambre pour aller manger, mais il s’est avéré que finalement, tu n’avais plus faim. C’était comme ça ces derniers temps, tu ne savais pas trop ce que tu voulais. T’étais un peu dans l’indécision totale. Mais bon, il fallait faire avec. Tu avais pris l’habitude, avec le temps. Après avoir changé d’avis, donc, tu voulais rejoindre ton lit. Seul endroit où tu te sentais bien ces derniers temps. Jusqu’à ce que tu entendes quelqu’un faire les cent pas, accompagné d’un monologue. Ta curiosité fut plus forte que toi, et tu te rendis où la voix se faisait entendre. Le salon. « Mickey, ils sont jeunes... idiots... irresponsables aussi... Quoi que tu puisses leur dire, ils n'en feront qu'à leur tête car leur occupation principale, c'est de te contrarier. » Il devait parler de toi. Du moins, tu te sentais quelque peu concerné. Pour la partie « jeune, idiot, et irresponsable ». Par contre, tu ne lui ferais pas volontairement du mal. Tu n’avais pas que ça à faire, après tout. Tu ne le connaissais même pas. « Si je trouve celui qui a osé corner une page de l’œuvre de Stephen King, c'est bien simple, je l'étripe. » Bon, il n’était visiblement pas content. Tout ça pour… pour un livre, oui. Chacun se met en colère pour des choses différentes, hm. Lui, son truc, c’était les livres. Bah… ok. Toi et les livres, vous n’avez jamais été de grands amis. Tu n’as jamais pu te résoudre à te poser sur une chaise, et te concentrer plus de dix minutes sur une page. Tout simplement parce que t’as ce besoin constant de bouger, de parler. Un peu comme un hyperactif en fait. « J'espère que ce n'est pas toi. » Wow. Tu le connais pas, il t’agresse. C’est quoi ce manque de délicatesse ? (On t’a pas dit de traiter les femmes comme des princesses ?)Tu n’as même pas encore dit un mot, et il fait des conclusions hâtives. Très bien. Tu hausses finalement tes épaules. « De toute manière, j’sais pas lire. » Bien sûr que si, tu savais lire. Mais il avait l’air de prendre tous les candidats pour des idiots, alors un peu plus ou un peu moins… Tu avais dit ça seulement pour voir sa réaction – sûrement serait-il horrifié- puisqu’il avait l’air à vouer un culte pour tout ce qui était écriture. Alors apprendre que quelqu'un ne savait pas lire sous ce toi.. Ô malheur, Ô damnation !

On avait l’impression que sa vie était finie. Ce livre, il pourrait sûrement le racheter en un millier d’exemplaire, ce n’était pas la mort. Bon, apparemment, si. Tant pis pour lui, s’il ne savait pas se calmer, hein. « Ne dis pas ça en l'air, tu sais que je pourrais complètement te prendre au sérieux là... » T’as envie de rire, mais tu n’en fais rien. Tu hausses tes épaules, nonchalamment. « Qui dit que je mens ? » Le héros de Walt Disney a l’air encore moins content. Tu ne sais pas trop pourquoi, cette fois-ci. De toute manière, si c’était toi qui avais corné ce fichu livre, tu lui aurais tout de suite dit. Tout simplement parce que tu assumes tout ce que tu fais. « Parce que bon, tu es sourd apparemment et d'après ce que j'ai pu voir dimanche... alors au fond, je ne serais pas grandement étonné du fait que tu ne saches pas lire. » Jusqu’à présent, les candidats avaient eu assez de respect pour toi, et s’étaient rendu compte que tu te blâmais déjà toi-même, pour ne pas te faire de remarques sur l’épisode de dimanche soir. Et c’est pourtant le plus civilisé de tous les candidats qui t’en fait. Tout ça était assez ironique en soi. Mais tu te fiches de ce qu’il peut bien penser, de toute façon il a l’air d’avoir une opinion toute faite de chacun des candidats, autant ne pas le déranger dans ses pensées de mec bizarroïde. « En attendant, ce n’est pas moi qui pète un câble pour une fichue page. » Bah quoi, c’était vrai. T’espère ne jamais devenir fou comme lui, après tout. « J'ai fait un peu de rangement dans la salle de bain cet après-midi. L'Audispray Junior se trouve maintenant dans la porte gauche de l’armoire au-dessus des lavabos. » Le rapport, s’il vous plait ? Oui, tu n’avais pas écouté Cupidon, oui, tu avais giflé ta partenaire. Mais tu étais propre. Il était définitivement plus bizarre que toi. « Ah, tu veux que j’en ramène pour en mettre un peu sur ton livre ? D’accord, c’est toi qui vois. » Il manquerait plus qu’il fasse une seule remarque désagréable, oui, juste une seule, et tu prenais le livre de ses mains et tu le mettais à l’eau. Il ne fallait pas le chercher, pas sûr ça. Tu avais assez honte de l’épisode du prime comme ça. Tu t’étais assez excusé. Tu n’avais pas de compte à rendre à un inconnu qui n’avait rien à faire dans l’histoire.

« Une fichue page... une fichue page, vraiment ? Garçon, sache que l'individu bien négligeant qui a corné cette "fichue page" comme tu dis est moins stupide que toi encore car lui, au moins, a eu le bon goût d'entreprendre la lecture d'un ouvrage comme celui-ci. Toi, que tu saches lire ou non et je m'en fiche en fait, tu te désintéresses totalement de ce genre d'occupations intelligentes, par là j'entends lire, et je peux te dire que ça se sent à des kilomètres. » Moi aussi je t’aime, Mickey. Certes, tu n’étais pas un grand lecteur. Mais faire des conclusions hâtives, comme ça, c’était vraiment pas cool. Tu comprends mieux maintenant pourquoi autant de monde n’apprécie pas ce zigoto. Tout s’explique. En plus, c’est même pas comme si t’avais dit quelque chose de mal ou quoi que ce soit. Et aussi, depuis quand il n’y avait que la lecture qui était une occupation intelligente ? C’était vraiment n’importe quoi. Vous vivez sur deux mondes différents, c’était flagrant. Tu le regardes stupéfait, comme s’il était fou. Il l’est, hm. Il doit avoir de sérieux problèmes dans sa tête, lui. Tu hausses tes épaules, ça n’a pas d’importance. Après tout, il pouvait bien penser ce qu’il voulait de toi. « bah.. C’est cool pour cette fichue page alors, tant mieux pour elle. Sa vie doit être bien intéressante. » Ou pas, hein. Puis tu le menaces d’abimer son livre. Tu n’hésiteras d’ailleurs pas à le faire s’il continue à te casser les pieds de la sorte. Tu ne lui avais rien demandé après tout. « Je te le déconseille fortement. Endommager un ouvrage est un acte vraiment odieux. Et au vu de celui que tu as déjà commis dimanche, à savoir frapper une femme, je pense que le mieux serait encore de t'arrêter là. » Et voilà. La chose à ne pas dire. Tu avais conscience que ce que tu avais fait était mal. Tu avais conscience que tu n’étais qu’un idiot. Et tu te punissais déjà assez comme ça pour qu’un crétin vienne en rajouter une couche. Si tu autorisais quelqu’un à te parler comme ça, c’était bien Mado, parce qu’en soi, l’histoire était entre elle et toi. Il n’avait rien à faire là-dedans, bordel. « Tu vois, petit Disney, tous les candidats ont eu le respect de ne pas me parler de ça parce qu’ils savent très bien que je m’en veux déjà. » tu lui prends le livre des mains, sans qu’il ne s’y attende. « Et toi, qui te prétends mieux élevé, mieux éduqué, plus respectueux, tu es pourtant le seul à oser faire une remarque de la sorte. Ironique, non ? Tu ne vaux pas mieux que ces "jeunes ignorants" comme tu le dis si bien. » Tu te diriges vers le lavabo non loin de toi, tu ouvres le robinet. « Alors la prochaine fois, réfléchis deux fois avant de parler, et pense à ce qui se dit, et ce qui ne se dit pas. » Sur ces paroles, tu mets l’ouvrage tant chérît par Mickey sous l’eau. Ça lui apprendra.

T’as pas vraiment peur. De quoi aurais-tu peur, de toute manière ? Qu’allais-t-il te faire ? Sûrement rien de bien important et grave qui suscite le sentiment de la frayeur. Alors oui, tu gardes le livre sous l’eau. Si ça pouvait l’énerver, c’était parfait. Il n’avait pas à parler de ce que tu avais fait à Mado. C’est tout. Quel goujat, aussi. Il avait été élevé chez des muets, ou quoi ? M’enfin. « Ton imbécilité et tes bravades nous manqueront beaucoup. » Oh, une menace. Et quelle menace. Effrayant. Ou pas, hein. Tu lèves les yeux aux ciels. Ton imbécilité ne manquera à personne de toute manière, ça tu le savais déjà, il n’avait pas besoin de te le dire.. « Par ailleurs, te venger sur un pauvre livre parce que tu ne supportes pas qu'on te fasse le moindre reproche, ce n'est pas un peu excessif ? Ou alors tu détestes vraiment la littérature, et dans ce cas ça ne pardonne pas non plus ton geste. » Tu ris légèrement, la première option est la bonne. Tu hausses les épaules, l’air de rien. Vous deux, vous n’alliez pas vous entendre, c’était certain. « Je n’aime pas les personnes qui se permettent de parler sur ce qui ne les regarde pas. Ce que tu es très clairement en train de faire. » Au moins, ça c’était dit. Tu ne comprenais seulement pas comment et pourquoi il te disait ça après tout. Il n’avait pas à se mêler de ça, tout simplement. T’aimes pas quand les gens ne s’occupent pas de leurs propres affaires. Comme s’ils avaient rien d’autre à faire que de critiquer les autres.« J'espère au moins que tu es fier de toi. » Tu souris. Oh bah oui, t’es bien content. Puisque tu avais fait ça pour l’énerver, et ça avait visiblement marché. « Plutôt, oui. Je me sens plutôt bien en ce moment même. » Oui, tu te rendais bien compte que ton geste était puéril et idiot. Mais c’était apparemment la seule manière de calmer le coco. Enfin, « calmer », tout était relatif. Tu faisais tout simplement tout pour le provoquer.

« Tu as droit aux reproches que tu mérites. » Blah, blah, blah. Comme s’il n’était pas au courant. Comme s’il ne savait pas déjà que ce qu’il avait fait été mal. Comme s’il ne savait pas qu’il était idiot. Il en avait bien conscience, et il s’en voulait affreusement, justement. Ce que tu ne comprenais pas, par contre, c’était pourquoi il lui en parlait. Certes, il pouvait bien penser ce qu’il voulait de toi, mais ce n’était pas la peine de te le dire. Tout simplement parce que ça remuait le couteau dans la plaie, mais en plus de ça parce que ça t’agaçait fortement. « Tu pourras me faire des reproches quand je t’aurais foutu un poing en pleine figure. » bon, et voilà, une belle menace de faite. Pourtant, tu ne t’exécuterais pas. Car certes, tu as toujours été connu pour être celui qui commençait les bastons, mais, tu ne t’abaisseras pas à ça. « Savoure mon bonhomme, c'est tout ce que je peux te dire. » Tu éclates de rire. Il était sérieux, là ? Tu arques un sourcil, assez choqué, mais aussi curieux de voir les armes que pouvait avoir Mickey. « Pourquoi, qu’est-ce que tu vas me faire Mickey Mouse ? » Hm ouais, surnom assez stupide. Mais si ça l’énerve, tant mieux. C’était un peu ton but. Ton simplement parce que… parce qu’il se plaignait trop de tout, voilà. Et qu’il se mêlait de ce qui ne le regardait pas. Donc il fallait lui faire payer, un peu. Tu sors finalement le livre de l’eau, il est fichu. Tu le lui tends. « Tiens petite chose, amuse-toi bien à le sécher. » T’étais pas certain qu’il le fasse, en fait. Quoi que… si. Il avait rien d’autre à faire, de toute manière. Sûrement que pour lui, sauver un livre revenait à sauver des vies.