Adie a mal dormi. En réalité, cela fait des semaines voir des mois qu'elle dort mal. Les joies de la grossesse encore une fois car au final, chaque stade arrive avec son lot de désagréments et le neuvième mois bien entamé, la jeune femme compte plus facilement les désagréments que les avantages. Passer devant tout le monde à la caisse ? Elle ne fait pas les courses vu qu'elle ne comprend pas un mot de français, ou presque pas. L'accès plus rapide à certains lieux et/ou événements ? Aucune idée, Adie ne sort pas, parce qu'elle se trouve bien trop grosse et que c'est, en plus, très inconfortable. Il y aurait bien la libido exacerbée peut-être mais là encore, problème, avec un ventre comme le sien, c'est compliqué sans parler de cette horrible impression d'obsédée sexuelle qui lui vient avec le reste. Alors elle endure, et compte les jours. Après les nausées et les bouffées de chaleurs sont arrivés les douleurs dorsales et les pressions sur la vessie, les fringales nocturnes, les coups de pieds bien placés qui réveillent en pleine nuit ou donnent envie de vomir, l'inconfort permanent, les difficultés à se déplacer, à s'allonger, à se pencher, les problèmes de peau, les vergetures, les examens constants, les échographies stressantes et les cauchemars qui parait-il sont liés à l'instinct maternel. Alors non, Adie ne dort pas beaucoup, luttant contre la fatigue et les hormones sans cesse au top niveau ce qui ne la montre franchement pas toujours sous son meilleur jour mais heureusement pour elle, Evan est habitué. Et puis, il aura vu le pire, ne peut venir que le meilleur. Même si au fond, Adie se canalise et fait beaucoup d'efforts pour ne pas trop lui mener la vie dure. Il a pris Evadne en photo alors qu'elle est grosse comme une vache ? Pas une seule jérémiade (il a d'ailleurs du être surpris). Elle est fatiguée et il l’énerve pour une raison lambda ? Rien du tout, encore une fois. Un comportement pas si surprenant que ça car au fil de sa grossesse, Adie aura compris que seule, elle aurait certainement eu beaucoup de mal à supporter sa situation et il faut bien dire qu'Evan, déjà rôdé, aura été plus parfait qu'il n'aurait jamais pu l'être. Alors oui, Adie essaie de se calmer, de se canaliser afin de ne pas se montrer si rude avec lui. Elle ne lui a pas encore dit mais elle lui est infiniment reconnaissante pour tout ça. Il l'aime, certes, mais elle attend l'enfant d'un autre et elle sait que si certains sont capables de se barrer à l'annonce d'une grossesse, d'autres peuvent tout aussi bien le faire quand il en s'agit pas de leur enfant. Lui est là et c'est bien tout ce qui compte. Seule dans le lit depuis près de deux heures, Adie finit par se rendre à l'évidence : elle ne dormira plus à présent. Elle se lève donc, le ventre très arrondi, si arrondi que depuis quelques temps, elle ne distingue plus ses pieds. Une douleur sourde lui attaque le dos depuis peu mais il s'agit bien certainement d'une courbature du à sa position dans le lit qui était loin d'être confortable. Elle descend les escaliers, prudemment et finalement, retrouve Evan en bas, ayant déjà bien commencé sa journée. Après tout, il est près de onze heures. Toujours en tenue de nuit, tee shirt ample et pantalon extensible, Adie s'assoit devant le plan de table, posant ses coudes sur ce dernier et calant sa tête dans ses mains. « Bonjour ! » Oui, sale gueule du matin, bonjour. « J'ai mal au dos, c'est chiant. » Comme d'habitude quoi. Ou peut-être pas justement.

La routine s'est en quelque sorte instaurée, une routine qui devrait être sur le point d'être chamboulée d'un moment à l'autre. Les jours étaient comptés avant que Adie ne mette au monde son bébé et autant dire que j'avais hâte. Très hâte qu'il retrouve son apparence normale, que son corps de la fasse souffrir et que dormir redevienne un bonheur total. Bien sûre avec l'arrivée d'un enfant vient son lot de perturbation mais rien n'est égal au déroulement d'une grossesse. De l'extérieur du moins parce que de l'intérieur ça doit être encore pire. Je peux dire que je n'envie pas du tout sa place qui n'a rien d'agréable en ce moment. Moi j'ai pu reprendre mon travail même si le rythme n'est pas aussi soutenu qu'il pouvait l'être avant, de une parce que cette vie là à disparue à tout jamais et de deux parce que je ne peux pas la laisser seule trop longtemps. Elle ne peut même plus dessiner. Elle subit et prend son mal en patience, beaucoup mieux que j'aurais pu l'imaginer. D'ailleurs même si j'ai, on a passé noël avec eux, les enfants ne vivent plus avec nous pour le moment, histoire de laisser un peu de répit à la futur maman. C'est plus simple pour tout le monde, pas forcément pour moi mais je peux gérer cette situation durant quelques temps. La nuit a été courte, j'ai comme tous les matins depuis plusieurs semaines quitté le lit avant Adie. Je fais ma vie en silence même si je suis persuadé qu'elle ne dort plus depuis longtemps. De toute façon j'ai des choses à faire. Un peu de travail. J'ai ouvert mon ordinateur je me suis posé dans la cuisine, sur l'îlot central, j'aurais pu me mettre dans le salon mais non, la cuisine c'est bien, y'a la machine à café pas loin, ma nouvelle meilleure amie. J'ai une clope au bec lorsque j'entends la porte de la chambre s'ouvrir. Je tire une dernière latte et l'écrase dans le cendrier. De toute façon cette manie va rapidement devenir indésirable dans cette maison, surtout avec le bébé dans les parages. Des pas particulièrement lourds se font entendre dans l'escalier. Je pioche un bonbon dans la coupelle sur la table, ce sera particulièrement nécessaire pour l'haleine. Elle s'installe face à moi, je relève les yeux vers elle, un sourire doux vient fendre mon visage lorsqu'elle me salue. « Bonjour beauté. » Je ne lui demande pas si elle a bien dormi, je sais que non. Son sommeil agité en est la preuve indéniable tout comme les traits tirés de son visage. Je me lève contourne la table pour venir l'embrasser avec douceur. Elle a mal au dos, je grimace. Je passe mes mains dans son dos tout en étant conscient que ça n'arrangera pas sa douleur comme par enchantement. « Tu permets que je m'entretienne avec l'autre mâle de la maison ? » Si j'ai l'air si sérieux c'est parce que je le suis totalement. Je pose une main sur son ventre avec toutes les précautions possible et me penche en sa direction. « Dis-moi mon petit bonhomme, tu serais vraiment un ange si tu pouvais libérer ta maman en pointant le bout de ton nez. Tu nous rendrais un très gros service... » Je peux vraiment être con parfois, je ne suis pas sûr que ça le fera sourire mais bon, qui sait. Et avec un peu de chance il va m'écouter. L'espoir fait vivre. Bref. Je me redresse et dépose un nouveau baiser sur ses lèvres. « Tu devrais aller t'asseoir là-bas. Je t'apporte un cousin si tu veux et un petit dej aussi. » Je lui désigne le canapé qui sera beaucoup plus confortable que ce tabouret de bar sur lequel elle est installée. Je suis au petits soins mais le fait avec naturel, parce que son bien-être est important.

Spoiler:

Ce qu'elle doit être affreuse, comme ça, dans son pyjama étiré par le temps, avec ses cheveux ébouriffés, son visage sans maquillage et son teint pâle. Sans parler des poches sous les yeux, des traits tirés et de ce gros ballon taille XXXXXL au niveau de la taille. Non vraiment, il est loin le temps où elle avait rencontré Evan, avec sa petite robe, son rouge à lèvres et son sourire amusé. Quand ils avaient échangés leurs prénoms dans la voiture et qu'elle lui avait raconté des conneries très pitoyables en le rejoignant sur le lit, leur lit. Heureusement, il savait tout depuis le début et Adie n'aurait pas pu tomber sur un meilleur partenaire qu'Evan. Il avait déjà été père, il savait tout ce que ça engendrait et n'avait pas fait la grimace quand elle avait été exécrable, quand elle avait été prise de vomissements en matinée ou quand elle avait fait des conneries juste parce qu'elle était possessive comme jamais, par exemple, quand elle avait dilapidé tout leur argent juste pour qu'il ne passe pas une semaine dans le lit d'Evadne. Non vraiment, il avait été parfait et depuis qu'elle était là, chez lui et qu'elle devenait aussi grosse qu'une baleine, Adie avait réalisé tout ça, souhaitant lui prouver sa reconnaissance en lui rendant la vie plus facile. Et puis de toute façon, elle était trop fatiguée pour ça à présent, les crises, les engueulades, les pleurs. Sans parler qu'elle n'avait pas non plus besoin de le faire... Pour autant, elle ne dormait pas mieux. Pas du tout bien d'ailleurs et encore ce matin, elle devait avoir une tête de déterrée, sans parler que son dos la faisait souffrir. Parfait comme il était, Evan ne dit rien cependant. Il devait voir des mannequins tous les jours, fines, belles, pimpantes mais non, il ne disait rien et il l'embrassait, moche comme elle était, lui caressant le dos pour faire partir la douleur. Ce qui n'arriva pas cependant. Il voulut ensuite s'entretenir avec son bébé, ce petit garçon qui fera bien d'arriver et Adie en rit légèrement. « Je ne suis pas sûre qu'il t'obéisse mais c'était bien tenté ! » dit-elle, amusée par la tentative certainement vaine d'Evan. L'embrassant à nouveau, il lui proposa d'aller s'asseoir sur le canapé, ce qu'Adie fit en le remerciant. Assise depuis peu, elle le regarda s'affairer en cuisine avant d'attraper un magazine sur la table et puis, tout à coup... un sensation étrange envahit ses jambes. « Ah ! » lâcha-t-elle, surprise, baissant son regard vers ses cuisses et... « Evan, je... Je crois que... Tu vas devoir changer ton canapé, j'ai... Merde ! Je suis désolée, je... » Oui, Adie venait de perdre les eaux, sur son canapé, blanc, le genre design, le genre hors de prix. Si bien qu'elle ne réalisa pas tout de suite ce qui se passait, une douleur envahissant son ventre, une douleur lui tirant un léger gémissement assez audible. Pour autant, Adie, elle, pensait au canapé, tellement elle était confuse d'avoir ruiné son canapé. Accoucher ? Ah oui ça elle allait y penser, genre... Maintenant. « Evan, j'ai perdu les eaux !! » dit-elle alors, légèrement paniquée, le regard dans le vide, comme à la recherche d'un point où l'ancrer.