Rares étaient généralement les fois où le sommeil de Mado était perturbé par une insomnie, pourtant, cela lui était déjà arrivé par deux fois depuis son entrée dans le nid. La jeune femme, qui prenait présentement le temps de s'interroger à ce sujet, en avait simplement conclu que ce brutal changement d'environnement avait occasionné quelques perturbations au sein de son organisme, celles-ci s'exprimant alors à travers de petits dérèglements hormonaux, d'irrégularités au niveau de son appétit, et donc de troubles de son sommeil. Autant dire qu'elle en venait doucement à se dire que cette aventure lui aura causé plus de soucis qu'autre chose, et qu'elle avait peut être un tantinet surestimé sa force mentale et ses capacités d'intégration avant de se laisser embarquer dans une telle galère. Quoi qu'il en soit, n'étant pas décidée à se laisser faire par son incapacité certaine à trouver le sommeil, la jeune femme décida de prendre le taureau par les cornes et de ne surtout pas attendre bêtement dans son lit que le marchand de sable daigne se souvenir de son existence. Enfilant sa robe de chambre sur sa chemise de nuit, Mado prit la direction de la cuisine et se prépara une tisane à la verveine, prenant ensuite la direction du balcon, où elle était certaine de pouvoir rester seule à une heure comme celle-i. Accoudée à la rembarre, la brune accrocha son regard à l'horizon, à ce qu'elle peinait à percevoir mais qui revêtait ici un certain symbolisme. Mais, distraite, elle ne remarqua pas que quelqu'un venait d'arriver sur le balcon, et ne put que sursauter lorsqu'une respiration se fit entendre dans son dos. Spontanément, elle ne put faire autrement que d'en lâcher sa tasse, qui s'écrasa alors plusieurs mètres plus bas. Se penchant pour observer les dégâts, mais ne parvenant pas à voir quoi que ce soit, Mado poussa un doux soupire. « Elle ne tombera pas plus bas » commenta-t-elle instinctivement, avant de se redresser pour dévisager la personne qui venait de la priver du reste de sa tisane, dont elle n'avait en soi pu boire qu'une ou deux gorgées. Trop peu, en somme. Elle avait donc à faire à une grande blonde, dont le minois lui était familier. Et lorsqu'elle fit le lien entre cette jeune femme et les nominations de la semaine passée, elle comprit. Alecia. « On a peut être tué quelqu'un » s'extasia-t-elle soudainement, en un large sourire. En soi, il était peu probable que quiconque soit passé en dessous du balcon à une heure comme celle-ci, mais ça n'était pas parce qu'elle ne dormait pas qu'elle ne pouvait pas rêver, hein.

La nuit de dimanche à lundi je n’avais déjà pas énormément dormi et voilà que je me retrouvais une nouvelle fois privée de sommeil cette nuit. Tout avait pourtant bien commencé, aux alentours des une heure du matin je m’étais couchée auprès de mon camarade qui n’avait plus fait un seul essai pour me toucher depuis que je lui avais mis le vent de sa vie le premier soir. Quoi ? Je ne suis pas cruelle, juste compliquée et pas attirée par le pseudo de fille facile que l’on pouvait pourtant accorder aux trois quarts des candidats de télé-réalité. Il y aurait des exceptions à la règle cette année, je le sentais surtout que nous étions tous à un âge relativement plus avancé. Terminé les minots de dix-huit piges, la moyenne était plutôt aux alentours des vingt-quatre, vingt-cinq ans et ça n’avait rien pour me déplaire. C’est vrai, être la doyenne de l’émission me donnait juste l’impression d’être une vieille qui n’avait rien à faire dans le concept, ainsi je me retrouvais beaucoup plus dans mon élément, je nageais comme un poisson dans l’eau et je n’étais pas prête de me lasser du concept. Cette nuit je m’étais donc réveillée une petite heure plus tard avec l’ennuyeuse impression d’avoir déjà fait une nuit complète. Plutôt que de broyer du noir en ne parvenant pas à retrouver le sommeil, surtout avec un partenaire qui ronflait comme s’il était chanteur d’opéra je m’étais décidée à aller m’aérer l’esprit sur le balcon. Ce fut avec surprise que je découvrais une autre candidate en aussi petite tenue que moi, de peur elle lâchait sa tasse qui s’écrasait à quelques mètres plus bas. « Désolée… Je ne voulais pas te faire peur ! » Non, je ne voulais pas qu’elle commence à faire une crise cardiaque ou quelque chose dans le genre, ce n’était clairement pas ce que je souhaitais faire. « On a peut être tué quelqu'un » Je souriais me penchant comme pour regarder, bien-sûr qu’il n’y avait personne en dessous sinon on l’aurait déjà entendu nous hurler dessus mais bon… « Cool, un concurrent en moins… On recommence ? »

Ce qui aurait probablement été pas mal, en fait, c'est qu'Alecia ait fait en sorte d'annoncer sa venue, ce qui aurait assurément évité à Mado de sursauter comme une malade lorsqu'elle s'était rendue compte de son arrivée. De même, cela aurait sauvé la vie de cette pauvre tasse, qui s'était alors lamentablement écrasée plusieurs mètres plus bas. Car maintenant que Mado n'avait plus de tisane à la verveine pour tâcher de s'apaiser et de retrouver petit à petit l'envie de dormir - aller s'en faire une autre n'étant évidemment pas envisageable, tout le monde l'aura compris - disons qu'elle en voulait quelques peu à cette blonde dont l'intrusion avait fait plus d'un dégât. Mais étrangement, elle n'avait ni envie d'être désagréable, ni envie de lui faire payer ce malheureux incident en la faisant basculer du haut du balcon. Rien ne servait sans doute d'allonger la liste des victimes, hm. Et puis, cette jeune femme avait été nominée puis repêchée par le public, alors étrangement, Mado avait tendance à vouloir la connaitre. Qui était-elle vraiment ? Elle ne savait après tout d'Alecia que son nom. Et que foutait-elle ici à une heure pareille ? Clairement, sympathiser avec cette jeune femme lui semblait plus que tentant. Parce qu'on avait beau dépeindre Mado comme une garce incapable de se montrer avenante à l'égard de qui que ce soit d'autre que son frère, elle pouvait très bien donner tort à tous ceux qui n'avaient pas tardé à devenir ses détracteurs. Le début de la gloire, pour elle, sans doute. Sa camarade s'excusa et Mado se contenta de hocher doucement la tête, lui pardonnant alors sa malheureuse intrusion. Peut être que si Alecia s'avérait être particulièrement chiante à écouter, Mado n'aurait même pas besoin d'une tisane à la verveine pour trouver le sommeil. Mais là, un détail lui était revenu : la tasse s'était échouée au sol et aurait tout à fait pu avoir assommé, voire tué, quelqu'un. Okay, vu l'heure, c'était peu probable, mais une partie d'elle avait tout de même vachement envie d'y croire. « Non, car si l'on refaisait exactement la même chose, on ne pourrait pas invoquer la thèse de l'accident. » A elle, ça lui semblait en tout cas logique. « Mais je t'avoue que je songe à étranger le premier candidat venu avec la ceinture de ma robe de chambre. » Finalement, Alecia avait bien fait de se pointer avant que cette idée ait germé dans l'esprit de Mado, parce qu'elle aurait pu en faire l'expérience, justement.

A la base je ne comptais pas me faufiler sur le balcon aussi discrètement, bien au contraire il n’était pas dans mes habitudes de ne pas signaler ma présence, imaginez si elle avait un couteau pour couper une pomme ou quelque chose dans le genre et qu’elle s’était rapidement retournée ? Un fait-divers était très vite arrivé, je peux l’affirmer en vue du nombre d’accidents stupides dans le genre qui pouvaient m’obliger à faire le déplacement dans ma magnifique ambulance, je ne conduisais certes pas mais c’était ma deuxième maison. Ma partenaire était une très bonne conductrice et parfois nous échangions nos places mais j’étais beaucoup plus à l’aise pour agir en vitesse sur des patients entre la vie et la mort que ne l’était ma camarade. Passons, une fois sur le balcon je plaisantais du fait que sa tasse de thé se soit écrasée plusieurs mètres plus bas, si un candidat avait été en dessous il aurait été ébouillanté en plus de se prendre un coup sur la tête, une chance que personne ne se soit trouvé en dessous. Si Nadan avait pu l’être ça n’aurait cependant pas été une mauvaise chose mais je dis ça… Je ne dis rien ! « Non, car si l'on refaisait exactement la même chose, on ne pourrait pas invoquer la thèse de l'accident. » Elle n’avait pas tort, je répondais du tac au tac sur un ton un poil sarcastique. « Ouais… Après on pourrait éventuellement faire accidentellement glisser un candidat sur le thé renversé ici et sauter par-dessus le balcon en l’aidant à mieux sauter… » Je paressais songeuse de savoir si ça marchait mais au fond je n’imaginais même pas ça possible, tuer certains de mes camarades pouvait être tentant mais j’étais loin d’avoir les pathologies qui conduisaient au meurtre à fréquence régulière. « Mais je t'avoue que je songe à étranger le premier candidat venu avec la ceinture de ma robe de chambre. » Je laissais son affirmation quelques secondes en suspend avant d’y répondre un air faussement inquiété. « Et si personne ne ramène sa fraise ? »

Peut être que ni Alecia ni Mado ne l'avait entendu, mais que quelqu'un avait bel et bien été tué par cette tasse tombée du balcon. Parce qu'il était certain que toute personne qui se serait trouvée en dessous aurait été salement amochée par un tel coup. Mais bon, il fallait assurément rester réaliste et garder en tête qu'à une heure comme celle-ci, il était tout de même relativement improbable que quiconque se soit trouvé en dessous du balcon. En fait, il était presque certain que les deux jeunes femmes étaient présentement les deux seules à n'être pas profondément endormies. C'était alors bien dommage, étant donné que c'était dans ce genre de situations qu'il venait à la française quelques envies de meurtres, d'autant plus si cet accident n'avait finalement fait aucune victime. Pas cool, hm. Alecia avait alors soumis l'idée de recommencer, sait-on jamais que quelqu'un soit cette fois-ci assommé, sauf que bon, outre le fait que Mado n'avait pas franchement l'intention de repasser pour la cuisine pour se repréparer une tisane qu'elle ne pourrait même pas boire, il fallait tout de même rester logique : si un pareil accident venait à se répéter, ce ne serait justement plus à considérer comme tel, et là, ça pourrait devenir franchement problématique. Donc non, de l'avis de la française, il était assurément préférable de ne pas récidiver, histoire d'éviter les ennuis. Non pas qu'elle ait peur de se faire remonter les bretelles, hein, clairement pas. Simplement, elle préférait qu'on évite de lui chercher des noises, parce que ça n'avait généralement rien de bon. A la réponse d'Alecia, qu'elle eut au début un peu de mal à projeter dans son imaginaire, Mado lâcha un petit rire. Ouais bah si de telles images étaient diffusées et qu'il arrivait malheur à l'un de leurs camarades, elles seraient un tout petit peu dans la merde hein. « Dit comme ça, ça n'aurait pas grand chose d'accidentel » commenta-t-elle, partiellement amusée, ne pouvant décidément s'empêcher d'imaginer une pareille scène. Quant au fait d'étrangler un candidat avec la ceinture de sa robe de chambre, il est vrai que ça n'était pas encore fait, étant donné qu'il était relativement peu probable, pour le moment, que quiconque se pointe. Ah ouais, effectivement, ça pourrait vite poser problème, et Alecia ne manqua pas de le faire remarquer. « Et bien, dans ces cas là ... je suppose que je serai forcée d'assouvir mes pulsions meurtrières sur la seule personne, autre que moi, à être présente sur ce balcon. » Parce que oui, finalement, elle n'aurait peut être d'autre choix que de se débarrasser de sa comparse. Genre, par mesure de précaution aussi.

Je ne pensais pas qu’un pauvre candidat s’était trouvé sous le balcon, si c’était le cas il était vraiment maudit le pauvre, il avait choisi le seul moment pendant lequel, sous l’étonnement Mado avait lâché sa tasse pour qu’elle finisse son chemin un peu plus bas. Non, ça me paraissait improbable surtout que tout le monde pionçait à cette heure-là, je pensais même être la seule personne qui ne dormait pas, faute à cette putain d’insomnie, à un compagnon qui ronflait pire qu’une fanfare et à l’impression d’avoir déjà fait une nuit de dix heures. Nous étions toutes les deux, tranquillement installées sur le balcon profitant de la fraicheur de la brise qui emportait nos cheveux de temps en temps. Je risquais de choper la grippe mais tant pis, j’aimais le changement de température que tout ça nous imposait, je me sentais déjà mieux, il faisait définitivement trop chaud pour moi dans le chalet, je n’étais pas une habituée aux radiateurs à fond, au contraire, je vivais à une température globalement peu élevée pour certains. J’étais plus à l’aise lorsqu’il faisait un peu frais plutôt que lorsqu’il faisait cinquante degrés. Je proposais un plan diabolique mais que personne ne pourrait croire un seul instant, logique quand on y pense bien tellement il était stupide, encore plus lorsqu’on le prononçait à voix haute mais je ne cherchais pas à mettre plus bas que terre les autres participants alors pourquoi être trop créatrice et donner des idées à d’autres ? On ne sait jamais, parmi les candidats se cachait peut-être un sérial killer qui s’inspirerait de nos idées à Mado et moi pour organiser la tuerie du siècle avec, en prime les images sur une cinquante de caméras différentes. « Dit comme ça, ça n'aurait pas grand chose d'accidentel » Je souriais amusée n’ajoutant rien de plus, que voulait-elle que je réponde à son affirmation ? Elle avait tout à fait raison et j’étais moi-même d’accord avec ses propos. Je rebondissais plutôt sur le fait que personne ne viendrait nous embêter, qui étranglerait-elle avec sa ceinture de robe de chambre ? Je connaissais déjà la réponse. « Et bien, dans ces cas là ... je suppose que je serai forcée d'assouvir mes pulsions meurtrières sur la seule personne, autre que moi, à être présente sur ce balcon. » Je souriais amusée prenant un air effrayé, à la limite de sauter par-dessus le balcon pour avoir de meilleures chances de survie en bas plutôt qu’ici. « Oh je vois… Mais c’est sans compter sur son sens de l’accident n’est-ce pas ? »

Finalement, depuis les quelques minutes où elle discutait avec sa camarade, Mado n'avait plus franchement envie de trouver le sommeil. Sans doute parce qu'en soi, il était relativement plaisant de converser avec quelqu'un qui, même à deux heures du matin passées, était disposé à faire preuve de second degré, à se lancer dans un délire improbable mêlant meurtres et idées noires. Si l'on avait dit à Mado qu'elle débattrait de la crédibilité d'un pseudo-accident avec cette jeune femme, au moment où elle l'avait surprise dans son dos, il est certain qu'elle n'en aurait rien cru. Le truc, c'est qu'elles avaient présentement l'air un peu louches, toutes les deux. D'abord, il avait été question d'un possible décès par accident, sur la personne de l'un de leurs camarades, et par la faute de la tasse qui avait chuté du haut du balcon. Mais bientôt, les jeunes femmes en vinrent à discuter assassinats, si bien que Mado avait tendance à penser qu'il était plutôt plaisant qu'il soit si tard, dans la mesure où la Production ne penserait peut être pas à diffuser de telles images par la suite. Il ne faudrait évidemment pas que quiconque imagine que ces deux demoiselles avaient véritablement de funestes idées à l'esprit, hein. Bien sûr que non, elles n'avaient jamais sérieusement espéré qu'un candidat se soit fait tuer par la tasse tombée du balcon. Bien sûr que non, aucune d'elles n'avait sérieusement songer à étrangler la première personne qui les rejoindrait sur ledit balcon. Par contre, si un moindre mal arrivait prochainement à l'un de leurs camarades et dans de sordides conditions, et que quelqu'un tombait finalement sur de pareilles images, il n'était pas certain qu'elles ne seraient pas un peu dans la mouise. Rien qu'un tout petit peu, hm. En tout les cas, Mado était maintenant face à un dilemme : si vraiment personne ne débarquait sur le balcon et qu'elle gardait la folle idée d'étrangler quelqu'un, serait-il raisonnable de se débarrasser d'Alecia, sa comparse ? Non, parce qu'elle pourrait lui être encore utile. Mais oui, parce qu'elle éliminerait quelqu'un qui savait tout de ce qu'il s'était passé avec la tasse, chose dangereuse si quelqu'un était finalement mort sous ce balcon. Mado était donc partagée, et l'on ne peut pas vraiment dire que la réponse de sa camarade l'aida à se décider. « Il est possible que je décide d'étrangler cette personne jusqu'à l'évanouissement, puis que je la fasse basculer du haut du balcon. Arrivée en bas, il est peu probable qu'elle ait survécu, et elle sera techniquement morte de par la chute qu'elle aura fait, ce qui ne m'aura pourtant rien enlevé du plaisir de l'avoir étranglée. Et quand bien même quelqu'un prouverait que son cou a subi une strangulation, ils ne pourraient pas prétendre que c'est ce qui l'a tué, vu que ça ne serait pas le cas. » Et là, Mado se découvrait un sens de la réflexion un peu particulier. Un peu morbide surtout. D'autant plus qu'elle tripotait dangereusement la ceinture de sa garde robe, le regard rivé vers celui d'Alecia. Mais elle n'était pas sérieuse, hein, précisions-le. Il ne manquerait plus que ça.