La salle de projection était devenue l’endroit préféré d’Emilien. Un peu une sorte de « place to be » pour les désireux de calme, de tranquillité et peut-être d’isolement aussi. Il semblerait qu’il affectionnait cet endroit pour cela. Avant de décidé de passer son entame de soirée là-bas, il avait prit un malin plaisir de kidnapper quelques denrées rares et surtout bien grasses dans le cellier. Ne pas manger entre les repas, ne pas grignoter. Il le savait tout cela. Heureusement que ses parents n’étaient pas là pour lui faire une remontrance. Ils ne le verraient pas de toute façon… quoique cela, c’était moins sûr cela. Ainsi, les bras un peu chargés, il poussa la grande porte de salle de projection. A sa grande surprise, une personne s’y trouvait déjà. A vrai dire, cela ne devrait plus vraiment le surprendre. Des gens, il y en avait partout ici. Partout, vraiment partout. Même dans les endroits les plus insolites. Un jour, Emilien était certain qu’il trouverait quelqu’un dans les mêmes toilettes que lui… Espérons pour lui que ce dur moment n’arrive point. Emilien se mit alors à l’arrêt. Observant de loin l’homme qui était entrain de s’installer. Il semblait même avoir déjà décidé du film. Cette fois, il n’aura pas à choisir le film. Parfait. Alors qu’Emilien fit quelques pas discrets afin de s’installer au plus près de l’écran, l’homme prit alors la parole. Il évoqua quelques noms. Un dénommé Stephen Daldry, ou encore Jamie Bell. Emilien se contenta d’hausser les épaules à l’évocation de ces noms là. Pour lui, ce n’était que des inconnus, des noms parmi tant d’autres. Ca lui était égal que ce soit un film de Daldry, de Tarantino ou d’Audiard. Il s’en fichait un peu à vrai dire. Puis Emilien n’avait jamais été du genre très contradicteur. Bien au contraire. Si ce garçon avait décidé de regarder ce film, ils allaient alors regarder ce film. Emilien finit alors par s’asseoir, à quelques sièges de ce candidat. Pour être précis, quatre sièges les séparés. Il avait posé son ravitaillement sur l’un des sièges qui l’entourait. A vrai dire, on ne trouva là qu’une bouteille de soda, du pop-corn et quelques bonbons. Emilien porta dés lors toute son attention sur l’écran. Quelques secondes, pas plus. « Tu veux du pop-corn ? » demanda-t-il alors, en s’adressant à son compagnon de fortune. Après tout, ils allaient partager un moment ensemble, un film, alors pourquoi ne pas partager quelques pop-corns ?

Ce garçon ne semblait pas décider de répondre à Emilien. Il était peut-être allergique aux pop-corn, et c’était sa façon de lui faire comprendre qu’il n’en voulait pas. Tant pis, Emilien aura au moins eu le mérite de lui avoir proposé. Il plongea la main dans le saladier où se nageait plein de pop-corn. Il se les mit en bouche, tout en posant un regard sur l’écran. Aux premières images qui défilaient sous ses yeux, il semblerait que ce soit Billy Elliott. Cela devait faire longtemps qu’Emilien n’avait pas vu ce film, il était encore enfant la première fois qu’il l’avait vu. C’était peut-être bien la seule et unique fois, d’ailleurs. Et finalement, le jeune homme sembla avoir changé d’avis. Retournement de situation. Il avait commencé par demander si ce « genre de choses restaient entre les dents ». Haussement des épaules de la part d’Emilien. Sûrement, s’il le disait. Puis dans tous les cas, s’il en avait qui restait entre les dents, un fil dentaire et le tour était joué. Ce n’était pas si compliqué que cela. L’inconnu continua en disant qu’il allait faire une folie, ce soir. Sûrement fallait-il sous-entendre qu’il accepté les pop-corn partagés par Emilien. Faire une folie. Il avait une drôle de notion de « folie » quand même. Il le regarda brièvement s’approcher de lui, avec un gant en caoutchouc à l’une de ses mains. Avait-il peur de trouver quelques choses d’étranges dans le saladier ? C’était marrant, ce garçon lui rappelait l’un de ce personnage de série. Monk. Emilien en était fan, de cette série. Il fallait croire qu’il y avait un ‘Monk’ au chalet. C’était plutôt rigolo. Il fallait donc comprendre que ce garçon devait être très à cheval sur les consignes d’hygiènes et tout le tralala, des choses dont la plupart des candidats devaient s’en fichaient totalement. Mais Emilien finit par ne plus prêter attention à cette main vêtue d’un gant. Le garçon avait goûté l’un des pop-corn, affirmant que ce n’était pas mauvais. Evidemment que cela ne l’était pas. « C’est très bon même, puis je n’allais pas te proposer à manger si ce n’était pas bon. » lâcha le jeune Suisse. Puis son compagnon de fortune continua de prendre la parole. Mentionnant qu’il existait deux formes de pop-corn. En fait, il demandait à Emilien s’il le savait. Ce dernier fit un grand signe de la tête pour dire qu’il ne savait pas. A vrai dire qu’ils aient une forme, deux, dix, milles, ça restait du pop-corn aux yeux d’Emilien. Malgré cela, il continua de lancer un regard à son interlocuteur, un peu curieux d’en savoir un peu plus en matière de pop-corn. Puis qui sait, un jour où, il arrivera peut-être à caser cela dans une conversation.

Il en mourrait d’envie. Tout du moins, c’était ce que ce garçon en avait déduit. Il ne savait pas trop s’il en mourrait d’envie ou non, mais une chose était certaine, il voulait savoir. Juste par curiosité, et non pas par envie. Nuance. Emilien observa attentivement chacun des gestes exécutés, il le regardait prendre quelques pop-corn dans sa main habillée d’un gant. C’est alors que le grand savant, appelons-le ainsi pour le moment, interpella Emilien. Il lui disait de regarder. A part un pauvre pop-corn, il ne voyait rien d’autre, lui. Un pop-corn parmi tant d’autres, qui finira comme les autres dans l’estomac d’un des garçons. Il lui parlait de papillon, de champignon… que tout cela dépendait de la façon dont le maïs éclatait. Intéressant, mais assez inutile quand même. Lui qui espérait pouvoir glisser cette information au cours d’une information. Belle désillusion. Malgré cela, il resta attentif et réceptif à chaque mot prononcé. Lorsqu’il eut fini toutes ces explications, Emilien fit un bref signe de la tête, marquant alors sa compréhension. Il n’était pas si bête que cela, même si pour lui du pop-corn ne restait qu’un truc qu’on se mettait sous la dent et qui remplissait notre estomac. D’ailleurs, en parlant de pop-corn, ça lui donnait envie d’en manger. Il en prit une grosse poignée de pop-corn. Tiens, d’ailleurs, il allait mettre en application ce que ce garçon lui avait appris. Champignon ou papillon ? Non, en fait, il n’en avait rien à faire. Il les mangea un à un, les yeux rivés sur l’écran finalement. Et alors qu’il était entrain de suivre la scène qui se déroulait à l’écran, silencieusement, la voix du grand savant retentit. « J'ai comme l'impression que le jeune Billy Elliot va opter pour une vocation qui déplait fortement à son père. ». Hochement de la tête d’Emilien. Après tout, c’était un peu l’intrigue principale du film. Pour cette fois, il ne lui avait rien appris. Puis il disait que ça avait été son cas à lui aussi. Lui aussi été danseur ? Comme Billy Elliott ? Il ajouta que les parents étaient là pour mettre des batons dans les roues. Haussement d’épaule de la part d’Emilien. Il ne pouvait pas vraiment affirmer cela. Ses parents l’avaient toujours poussé à faire ce qu’il aimait, ils l’avaient encouragé à faire ce qui l’épanouissait. Jamais, ils ne lui avaient mis des bâtons dans les roues. « J’suis au conservatoire de musique. Musicien, on peut dire ça comme ça. » dit-il d’une voix calme, en portant son regard en direction de son interlocuteur. Car oui, il lui avait posé une question, la moindre des choses étaient de lui répondre. « Et toi… laisse-moi deviner. Tu travailles pour un fabricant de pop-corn, c’est ça ? ». Un petit sourire en coin se dessina dés lors sur les lèvres d’Emilien. Si ça se trouve, il travaillait vraiment dans le pop-corn, ce qui expliquerait le fait qu’il soit caler en cette matière, n’est-ce pas ?

Emilien ignorait bien pourquoi ce garçon lui avait demandé cela. Sûrement par simple curiosité. Après tout, les gens étaient très curieux, ou est-ce que Emilien ne l’était pas assez ? Il lui avait répondu, de la façon la plus simple qu’il soit, et la plus brève. « Pour une fois que je n'ai pas à demander ensuite "et pourquoi avoir décidé de gâcher ta vie ?"... C'est bien mon bonhomme. ». Emilien ne savait pas réellement où il voulait en venir en lui disant cela. Peu importe, il le prenait comme un micro-compliment. Après tout, ne lui avait-il pas dit que c’était bien ? Puis, il continua à lui poser une question. Lui demandant alors de quel instrument il jouait. « J’joue du piano ! ». Et c’était tout. Juste du piano. Comme tout le monde, il avait essayé d’autres instruments. Guitare, basse acoustique. Petit aussi, il avait tenté de jouer à quelques instruments : triangle, maracas, et même casseroles et poêle. Enfin, comme tous les enfants, certainement. Emilien semblait quelque peu intéressé par ce garçon qui se tenait à ses côtés. Un peu curieux de savoir ce qu’il pouvait bien faire dans sa vie pour avoir des connaissances sur le pop-corn. Fabricant de pop-corn, c’était la perspective qu’Emilien avait pensé, et il l’a trouvé plutôt juste et rigolote. Presque, lui avait-il répondu. Devait-il conclure qu’il travaillait avec du pop-corn ? Peut-être bien. Il posa un regard intéressé sur le visage de son interlocuteur. « Je suis romancier et gagne ma vie comme tel. Et par ailleurs je n'aurais jamais pu travailler pour un fabricant de pop-corn... je suis du genre à être mon propre patron. ». Romancier. On était bien loin de l’idée initiale du petit Emilien, avouons-le. Entre travailler avec du maïs et travailler avec son imaginaire, il y avait quand même un assez grand écart. « Wow » lâcha-t-il sourdement échappé de sa bouche. Un romancier, ici. Emilien n’y aurait pas vraiment cru. « Et… tu as un thème de prédilection pour tes romans ? Tu es plutôt romance ou science-fiction ? » demanda-t-il. « D’ailleurs, je me suis toujours demandé, comment vous, écrivains, vous faites pour choisir un prénom pour vos personnages. Je veux dire ça ne m’étonnerait que ce soit choisi par hasard quand même, il doit il y avoir toute une recherche pour trouver le prénom parfait au personnage, non ? … Elle est un peu bête ma question, en fait. ». Même si Emilien trouvait sa question stupide, il s’était toujours demandé comment les auteurs faisaient pour arriver à se décider à donner tel prénom. Après tout, inventer un personnage, c’était un peu comme donner naissance à un enfant, enfant fictif. Puis pourquoi le personnage s’appelait comme cela, et pas autrement.