Personne n'était supposé se trouver ici. Personne n'était supposé s'y trouver à une heure pareille, en tout cas. Car si Mado avait pris soin d'attendre une heure relativement avancée de la nuit, c'était bien pour se retrouver seule dans la salle de vidéo-surveillance. Elle savait évidemment qu'il n'y aurait pas grand chose d'autre à visionner que les images de candidats se mettant au lit ou se brossant les dents, mais qu'importe, ça n'était en soi pas tellement pour cette source de divertissement qu'elle se rendait ici en tenant à y rester seule. Cet endroit pouvait tout aussi bien lui servir de lieu de méditation. Nombreuses étaient les questions qu'elle se posait, au sujet d'énormément de choses, si bien qu'elle avait tendance à penser que se retrouver complètement seule, au moins pour une heure ou deux, ne serait pas un luxe. De toute manière, ayant toujours beaucoup de mal à s'endormir, elle partait du principe qu'elle serait tout aussi bien ici que de son lit, à se tourner dans tous les sens sans parvenir à trouver le sommeil. Alors oui, elle prit la direction de la salle de vidéo-surveillance, cependant, elle fut loin de s'attendre à y trouver quelqu'un, Everleigh qui plus est. Sans doute avait-elle eu la même idée qu'elle, hm. Un drôle de hasard, tout de même. Doucement, Mado pénétra malgré tout dans la pièce, pensant que peut être que sa camarade ne s'y éterniserait pas, puis fit quelques pas jusqu'à cette dernière, à qui elle adressa un sourire timide. Okay, c'était délicat. Parce qu'elle ne savait jamais tellement comment se comporter vis à vis d'Everleigh. Si elle avait apprécié qu'ils diffusent les images de leur improbable discussion lors du prime, la réaction de Fitz l'avait rendue perplexe. Etait-il bien normal de chercher à copiner avec la jeune femme ? Qu'étaient-elles supposées se dire ? Des vacheries ? Serait-il plus naturel qu'elles enchainent les coups bas et les saloperies ? Elle, elle n'en savait rien. Car tout ça, vraiment, ça ne lui était pas du tout familier. « Je ne sais pas ce que l'on est censées être l'une pour l'autre » confessa-t-elle alors, sans chercher à passer par y aller par quatre chemins. « Peut être que ça se passe un peu trop bien ... Je ne sais pas. Toi, tu en penses quoi ? Tu penses qu'on devrait se tirer les cheveux, se traiter de guenons et verser du ciment dans nos crèmes dépilatoires ? » Inévitablement, un rictus lui échappa. Parce que finalement, tout ça, ça n'était pas loin d'être atrocement ridicule. Mado n'était pas comme ça, non, pas du genre à vouloir plaire à un homme qui, peut être, en préférait déjà une autre. C'était ridicule, oui. Bien sûr que ça l'était.

Il est minuit et je suis toujours debout, je suis toujours entrain de lire dans le salon. Mais y'a des allers et venues et ça a tendance à m'énerver. Le nid n'est pas vraiment éteint à cette heure, il faut dire que quand nos journées ne sont pas remplie on a tendance à avoir du mal à trouver le sommeil. De toute façon, ce n'est pas comme si nous étions réellement obligé de nous imposer un rythme, rien ne nous interdisait de dormir la journée et vivre le jour. Les seuls obligations que nous avions c'était les primes et les convocations quand Cupidon le faisait. Et c'était rare. Mon livre, je ne le lis même pas alors je vais le ranger. Il est à moi alors je le dépose dans ma table de chevet. Je ne vais pas aller me coucher, en plus Myles semble dormir à point fermé, il faut dire qu'il n'a pas vraiment dormi ces derniers temps. Je lui laisse un peu de répit. J'ai envie d'un endroit tranquille, un endroit tranquille à l'intérieur du nid cependant, il fait trop froid pour sortir et puis j'ai décidé de réduire ma consommation de cigarette, tenter de la déduire en tout cas. La salle de vidéo-surveillance me semble être un bon endroit pour repérer les lieux tranquilles. J'y rentre, je regarde les écrans, la bibliothèque semble déserter, pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt ? Mais en même temps, ici aussi c'est vide, je n'y suis pas trop mal. Je reste. Mais je ne reste pas seule bien longtemps. La porte s'ouvre sur Mado. Elle me sourit, je lui souris en retour. Elle semble préoccupée. Pas moi, parce que je n'ai pas envie de réfléchir quand je suis avec elle. Tout ce que je sais c'est qu'on s'entend plutôt bien, notre conversation de la semaine passée l'a prouvée. Alors à quoi bon faire sembler de se détester ? les choses se passent bien pour l'instant et c'est bien le seul truc qui m'importe. J'imagine que ça ne va pas durer, j'imagine que les choses vont se compliquer à un moment donné. Elle y vient justement. L'avantage avec Mado c'est qu'elle ne tourne pas autour du pot. Je l'écoute, assez perplexe. Ce que j'en pense moi ? « Je pense que j'ai passé l'âge de détester quelqu'un à cause d'un mec. » Ça c'était dit. Quand j'emploi le mot mec c'est une généralité. Fitz n'est pas qu'un simple mec à mes yeux et je pense qu'on en serait pas là si c'était le cas, pour autant, non je n'ai pas envie de lui tirer les cheveux. « On a pas à culpabiliser de bien s'entendre non ? C'est déjà assez compliqué comme ça. Alors bien sûr, j'pense que ça ne va pas toujours être le cas. » Bah non, arrivé à un moment ça va coincer quelque part. « Quand il va choisir, parce que ça va finir par arriver, je pense que l'ambiance sera moins agréable. Je te propose qu'on avise à ce moment là. » Ouais je trouvais mon idée plutôt sympathique moi. Etant donné qu'il s'agissait de mon idée c'est plutôt pas mal.

Comme quoi, deux jeunes femmes vraisemblablement attirées par un même garçon n'étaient pas nécessairement forcées de se lancer dans un crêpage de chignon généralement digne des séries de type One Tree Hill et où les nanas n'y allaient globalement pas de main morte. Les choses étaient effectivement restées cordiales entre Everleigh et Mado. Elles ne s'étaient ni faites de crasses, ni adressées la moindre vacherie, si bien que Mado en était venue à se demander si tout ne se passait finalement pas un peu trop bien. Mais ce qui lui avait mis le doute à l'esprit, surtout, c'était l'air qu'avait pris Fitz dimanche soir, en les découvrant plutôt complices lors de la rubrique de Sydney. Est-ce que lui, il aurait aimé qu'elles se battent comme des chiffonnières ? Elle ne savait pas, à vrai dire. Elle n'avait pas tout compris et avait d'ailleurs bien vite cessé d'essayer de comprendre. Ce qui était certain, c'est qu'elle n'avait jamais tellement voulu considérer Everleigh comme une rivale. Elles s'entendaient relativement bien toutes les deux, et c'était chose agréable pour Mado, qui avait toujours eu beaucoup de mal à se rapprocher de représentantes de la gente féminine. Elle était restée persuadée que ce serait chose tout à fait impossible depuis l'abandon de Neila, pourtant sa conversation avec Everleigh de la semaine dernière semblait prouver le contraire. Mais était-il normal que les choses se passent ainsi ? Elle se foutait des autres et de ceux qui voudraient plus de spectacle, mais il est vrai qu'elle se posait quelques questions. Qu'en pensait donc Everleigh ? Visiblement, sa camarade partait du principe que se chamailler pour un garçon n'était tout simplement plus de leur âge, ce qui n'était pas faux, effectivement. L'une avait vingt-six ans, l'autre la trentaine passée, alors oui, elles étaient peut être un peu trop mûres à ce jour pour s'adonner à ce genre de conflits. « Et moi je ne risque pas de commencer aujourd'hui » confessa-t-elle, en un fin sourire. Parce que non, elle n'avait techniquement jamais connu ce genre de situations, quoi que cela englobe. Du béguin, aux chamailleries entre admiratrices, non, jamais. Et dans un sens, ça n'était sans doute pas plus mal. Effectivement, ne pas culpabiliser serait une bonne idée. Tout comme le fait d'aviser au moment où ... un choix serait fait. Okay. Bien. C'était juste ce qui la dépassait complètement dans cette histoire. Le choix. Elle entendait parler de choix à tout va, mais ne comprenait pas tout. Il fallait qu'il choisisse, c'est ça ? Il ne pouvait pas, disons, les apprécier toutes les deux ? Non ? Ce ne serait pas correct ? Elle n'en savait rien. Elle n'y connaissait rien, rappelez-vous. « Okay, hm. Mais, il se passera quoi pour celle qui ... qui ne sera pas choisie ? » Oui, la malheureuse de l'histoire, elle était censée devenir quoi ? « Je veux dire ... Est-ce qu'elle n'existera plus, ni pour Fitz, ni pour l'une de nous ? » Et cette question, finalement, elle lui fit beaucoup de mal qu'elle le pensa en y songeant. Parce que n'étant pas du genre à se faire d'illusions et ayant déjà fait sa petite interprétation des propos de Fitz la semaine passée, il va de soi qu'elle partait du principe que cette malheureuse serait elle, et qu'elle perdrait peut être non pas une, mais deux connaissances appréciées. Bon, d'accord, elle était surtout peu optimiste de nature, c'est vrai. « Il est comment avec toi ? » finit-elle par demander, sans tellement le vouloir et sans doute plus inconsciemment qu'autre chose. Elle était indiscrète, et c'était malvenu. Oui, clairement. « Désolée ... Ce ne sont pas mes oignons » se ravisa-t-elle alors, en se pinçant la lèvre et en se concentrant sur l'un des écrans, où rien n'était d'ailleurs à observer. A cette heure-ci, ça n'avait rien de bien étonnant en soi.

C'est plutôt bizarre ces dictâtes qui imposaient que deux femmes vraisemblablement attirées par le même homme se battent comme des chiffonnier. Sans doute est-ce l'invention d'un homme qui avait lancée l'idée et plus tard des générations de femmes ont cru bons qu'il était indispensable de se battre pour attirer les faveurs de l'être convoité ? Je n'en sais rien, tout ce que je sais c'est que ça ne m'est jamais arrivé auparavant, même comme j'avais l'âge finalement parce qu'à l'adolescence j'étais avec le père d'Harlow et rien de tout ceci n'est arrivé, de toute façon ce n'est pas dans mon tempérament. Je ne vais pas commencer maintenant. Et Mado semble de mon avis. D'autant que je ne suis pas le genre de femme à copiner avec d'autres femmes facilement, j'ai beau travailler dans un milieu très féminin, je me suis toujours entendu davantage avec le peu d'homme qu'avec la multitude de femmes. J'ai l'impression que Mado est un peu comme ça aussi alors peut être que ça nous rapproche finalement. J'en sais rien, je n'ai pas envie de tenter d'analyser notre relation, ce qui nous lie. Et je n'ai pas franchement envie de me demander si c'est bien ou mal qu'on ne se prenne pas la tête à cause de Fitz. J'ai dit que je ne voulais pas me prendre la tête avec lui, je ne vais pas le faire non plus à cause de lui. Du coup lorsqu'elle me demande mon avis à propos de tout ça, je lui dis en gros de ne pas se prendre la tête maintenant. Je parle de choix parce que ça me semble inévitable mais d'un côté, peut être qu'il ne choisira personne. Peut être qu'il n'en aura pas besoin, d'ailleurs, je n'ai pas envie d'y penser c'est sans doute pour cette raison que je lui dis qu'il serait préférable d'attendre. Sa question suivante elle me parait simple à moi. Je ne peux pas répondre pour elle, mais pour moi c'est tout à fait possible. « Ca dépend, si la fille pas choisi accepte la situation je pense. Enfin, j'en sais rien, je trouve ça un peu idiot d'interdire à Fitz de ne plus calculer l'autre, peut être qu'il ne le voudra pas. Je ne peux pas parler pour lui. » Bah ouais, mais bon Fitz c'est un type bien, il n'aurait pas de raisons de se comporter comme un salopard avec l'autre. A moins qu'il décide de la préserver. Mais c'est trop difficile de faire des pronostiques et ça aussi ça me fatigue. « Quand à notre relation à nous, j'en sais rien ne plus s'adresser la parole reviendrait à se tirer les cheveux ou à verser du ciment dans la crème dépilatoire de l'autre. » Ce n'est que mon avis, et puis après tout une attirance, ça ne se commande pas. On y peut rien si on s'est trouvée être attiré par le même homme à peu près en même temps. Par contre, je ne m'attendais pas du tout à sa question suivante. Si bien que j'ouvre la bouche puis la referme. Je n'ai pas envie de lui dire que ça a été tendu parce que je vais me sentir obligée de lui retourner la question et je sens que je vais me sentir mal si elle me dit qu'avec elle il n'était pas comme ça. Alors j'en sais rien. Elle se ravise. J'ai pas vraiment envie de répondre... « Je n'ai pas vraiment envie de savoir comment ça se passe entre vous alors, j'ai pas envie de savoir si c'est mieux, alors comme je ne veux pas te retourner la question, je ne te répondrais pas.. » Je fais preuve de la plus grande honnêteté. Non je n'ai pas envie de savoir et non je n'ai pas envie de lui mentir.

Si Mado avait l'air paumée, c'est naturellement parce qu'elle l'était. Vous savez, à part en visionnant quelques séries américaines ne volant généralement pas bien haut, elle n'avait jamais tellement eu l'occasion de se documenter sur la façon de se comporter dans ce genre de situations. Comment agir à l'égard de quelqu'un qui pouvait lui plaire ? Et comment se comporter à l'égard d'une jeune femme assurément dans la même situation qu'elle ? Dans le premier cas, elle était profondément inexpérimentée. Beaucoup avaient du la cataloguer comme une jeune femme froide et coincée, ce qu'elle n'était effectivement pas loin d'être. Pourtant, dieu sait qu'elle préférerait être bien différente de ce qu'elle était. Quant au second cas, elle ne s'y connaissait guère plus, si bien qu'elle se posait des questions sur sa relation avec Everleigh. Etait-il naturel de ne pas vouloir faire d'elle une véritable rivale, une ennemie ? Devait-elle s'attendre à des sales coups ? Faisait-elle bien de ne pas vouloir laisser leur relation pâtir de cette histoire ? Tant de questions qui accaparaient son esprit depuis déjà quelques jours, si bien qu'elle était effectivement tout à fait paumée. Sa camarade, pour autant, parvint quelques peu à éclairer sa lanterne. Il est vrai qu'elles n'étaient pas tellement à un âge où se chamailler pour un garçon était franchement d'actualité. De plus, c'était très probablement ce que la Production attendait d'elles, qu'elles donnent lieu à un sacré spectacle, à des scènes cocasses de rivalité. Ouais non, autant rester telles qu'elles étaient, à savoir peu disposées à rentrer dans ce genre de jeux, car finalement, c'était tout à leur honneur de ne pas tomber dans ce genre de clichés, de ne pas donner aux personnes avides de clashs ce qu'elles attendaient probablement. Maintenant, Mado n'était pas plus avancée au sujet d'un autre point : ce qu'il adviendrait pour la demoiselle qui aura, disons, été laissée sur le coté. Clairement, Mado ne saisissait pas toutes les nuances de cette histoire, le fait de faire un choix ne lui parlait pas tellement, c'était franchement abstrait ... Mais oui, elle avait bien compris que si choix était fait, l'une d'entre elles serait mise quelques peu de coté, et clairement, à deux niveaux, cela n'était pas sans l'inquiéter. Sans doute Everleigh trouvait-elle son interrogation idiote, mais Mado, elle, était sérieusement larguée. A la réponse d'Everleigh, elle hocha doucement la tête. Oui, elle aussi elle préférait penser que personne n'interdirait à personne de parler à personne. Vous suivez ? Elle, oui. Sans doute était-elle mal placée pour penser à ce genre d'appartenances, mais bon, dans son cas c'était quand même sensiblement différent. « Oui, c'est certain. » Qu'elle ne pouvait pas parler pour lui et que ce serait au jeune homme d'aviser, après tout. Un fin sourire se dessina ensuite sur ses lèvres lorsqu'Everleigh reprit ses propos. Honnêtement, elle serait aussi déçue de devoir tirer un trait sur Everleigh, si les choses se passaient comme elle l'imaginait dans le pire des scénarios qu'elle avait en tête. Le pire, ça n'était pas qu'il choisisse sa camarade, mais qu'elle perde les deux à cause de ce choix. Non, qu'il la choisisse tout court, c'était l'avant dernier parmi les pires, mais soit. Bref. « Je n'ai pas envie de faire quoi que ce soit qui me ferait honte une fois sortie d'ici. » Sous entendu : les coups bas, très peu pour elle. Elle préférait se respecter encore quelques temps, si personne n'y voyait d'inconvénient. Au pire, Mado était une super boudeuse. Oh oui, elle excellait dans ce domaine, donc bon, ça pourrait être une alternative intéressante, aussi. A méditer. Quant à la question qu'elle posa à Everleigh, elle la regretta aussi tôt. Quelle mouche lui avait piqué de se risquer à cela, hein ? N'importe quoi. Donc oui, sa camarade avait bien raison de ne pas y répondre. D'ailleurs, Mado aurait un peu de mal à lui avouer qu'entre Fitz et elle, et bien, ça avait bien failli tourner au drame. Le diner de la Saint-Valentin, franchement, elle l'avait bousillé sur la fin. La honte. Donc à moins qu'Everleigh soit plus gaffeuse encore qu'elle l'était, ça n'était probablement pas mieux, non. « Tu fais bien, ça n'était pas une question à poser » admit-elle sans mal, dans une moue honteuse. Elle éviterait ce genre d'indiscrétions à la suite, elle s'en faisait la promesse. « Tu ... tu as d'autres enfants à part Harlow ? » finit-elle par demander, timidement, peut être maladroitement aussi, mais pas sans intérêt. Elle se doutait que l'on parlait beaucoup d'Harlow à sa mère, mais peut être pourrait-elle en apprendre davantage sur la mère qu'elle était sans en passer par les mêmes questions, si elle avait par exemple eu un ou plusieur(s) autre(s) enfant(s). Elle espérait simplement ne pas mettre les deux pieds dans le plat à nouveau.