Je suis en grand conflit intérieur. Les yeux rivés sur mon Iphone, je ne suis à quelques centimètres d’appuyer sur la touche verte et composer le numéro. Pour la centième fois en une journée. J’abuse, j’en ai conscience. Mais je suis inquiète. Comme à chaque fois que je me sépare de mon bébé depuis qu’elle est venue au monde, il y a maintenant onze mois. J’ai carrément l’impression de l’abandonner, alors qu’elle est entre bonnes mains. Connor et moi sommes peut-être séparés, reste qu’il est un excellent père et que je lui fais confiance lorsqu’il est question de notre fille. Je suis simplement une mère poule, abusivement protectrice qui ne veut qu’en aucun cas que sa fille vive l’enfer que j’ai vécu. Je crois que n’importe qu’elle mère, ayant le même bagage que moi, réagirait ainsi. Le pire, c’est que je serai absente qu’une semaine. Le temps d’un shooting photo, en Sicile, et c’est tout. Je soupire finalement, me résignant à ranger mon téléphone alors que je suis déjà à l’étape du maquillage, mes longs cheveux blonds tombant sur mes épaules. Je commence à m’habituer à ce genre de boulot. Je ne pourrai pas faire ça toute ma vie, mais faut dire que c’est bien payé. C’est la facilité. J’ai par contre l’intention de reprendre mes études en infirmerie là où je les ai laissé, il y a maintenant quelques années. En septembre, je retourne sur les bancs d’école. C’est pourquoi j’ai besoin de me faire un peu d’argent avant de ne plus avoir la possibilité de faire des shooting aux quatre coins de la planète. On m’indique que je suis attendue, alors qu’on me met la dernière touche maquillage. Je ne sais même pas qui est le mannequin avec qui je devrai poser. Je trouve étrange qu’on ne se soit pas encore croisé. Je repère l’équipe, puis un grand brun, plaçant la paume de ma main en l’air pour bloquer le soleil aveuglant. Puis, mes deux jambes se figent. Impossible d’avancer lorsque je le reconnais mais surtout, lorsque j’entends sa voix. « Esther ! Qu’est ce que… T’es là pour le shooting ? » À l’entendre, je comprends bien qu’il a la même surprise que moi. Je suis pétrifiée. Je n’étais pas préparée à le rencontrer, à être confronté à l’avoir devant moi, alors qu’une tonne de sentiments me frappe en plein visage. C’était préférable lorsqu’on s’ignorait. Lorsque je lui ai mis sur le dos mon divorce. Puisque c’est clairement de sa faute. Il est venu me jouer dans la tête avec cette histoire de sentiment. Je n’aurais jamais du l’embrasser ce soir là. Et juste y penser, ça m’énerve. Ça m’énerve d’avoir le cœur qui bat la chamade en le voyant. Mes lèvres de poupée forme un O parfait, alors qu’aucun son n’a encore sortie de ma bouche. « Dis moi que t’es juste venue voir une amie, et qu’on ne va pas devoir poser ensemble… » Ça lui ferait bien trop plaisir. Remarque, j’aimerais mieux me sauver en courant de cette situation. Je ne crois pas avoir assez de courage pour le côtoyer durant la semaine qui est devant nous. « Malheureusement… Je suis la blonde qui sera sur les photos avec toi… » je réponds finalement, d’une petite voix. C’est complètement irrespectueux de ne pas nous avoir avertie avant de nous faire signer le contrat, que nous allions être obligé de travailler ensemble. Je me tourne finalement brusquement, torturée par l’idée de fuir alors que tous les yeux sont rivés sur nous. Merde. Je ne peux pas faire ça. « Bon… » Je ne crois pas avoir le choix. Je laisse finalement tomber mon peignoir pour me retrouver en bikini ridiculement petit. Parce que oui, en plus il s’agit d’un shooting pour des maillots de bain. Je fais à nouveau face à Cooper, ayant légèrement retrouvé mon sang-froid. « On a juste à faire semblant qu’on ne se connaît pas. On reste professionnel et puis voilà. » venant de moi, ces mots sonnent faux du début à la fin. Je suis Miss Émotions. Miss je pleure lorsqu’un chaton se fait piler sur la queue. Et surtout, je suis la fille qui a énormément de mal à contrôler ce qu’elle ressent, surtout en compagnie d’une certaine personne. Soit, l’homme qui se trouve devant moi. Je me rapproche justement de lui alors qu’on nous donne de premières indications. « T’as gâché mon mariage, tu ne gâcheras pas mon boulot aussi. » que je lui souffle pour que lui seul ne puisse m’entendre. Je ne sais pas ce qui m’a prit. Faut croire que je retenais tout ça depuis trop longtemps. Je devais lui faire comprendre que je lui en voulais.