S'il y avait bien une chose que Mado avait redouté lorsque son secret avait été découvert, c'était que les gens changent leur façon de la regarder. Clairement, elle n'était pas venue avec un tel secret pour que l'on s'apitoie sur son désolant passé ou qu'on la prenne en pitié. Ah non, s'il y a bien une chose qu'elle ne supportait justement pas, c'était ça, la pitié. Elle laissait ça à ceux qui estimaient avoir absolument besoin d'être plaints, dans la mesure où rien de ce qu'elle avait pu vivre durant son adolescence - et les premières années de sa vie de femme adulte - ne l'avait plus tard empêché de faire sa vie, peut être d'une façon peu épanouissante, mais avec une autonomie certaine et incontestable. Elle n'avait jamais cherché à utiliser son passé comme une excuse pour mal tourner, par exemple. Au contraire, elle avait développé de fermes valeurs, s'était mise en tête de ne surtout pas se rapprocher du comportement de ses ignobles parents, quoi qu'elle fasse, quoi qu'elle devienne. Alors aujourd'hui qu'elle avait un job, un appartement, des responsabilités, elle préférait qu'on se souvienne d'elle pour autre chose que ce qu'elle avait vécu antérieurement. Ce n'était pas représentatif de ce qu'elle était aujourd'hui, après tout. Oui, elle était une femme meurtrie, mais elle ne comptait pas laisser son passé influer sur son présent. Elle ne se renfermerait pas sur elle-même comme elle avait pu le faire à l'époque, ne tomberait pas en dépression, ne ferait pas une croix sur tous ses efforts pour se détacher d'un passé lourd à porter. Ainsi, elle espérait que ceux qui avaient assisté à la révélation de son secret, qu'ils soient ses camarades de jeu ou de simples téléspectateurs, ne la prendraient pas en pitié. Elle n'était plus la jeune femme qu'elle était à l'époque, et elle comptait bien mettre la potentielle notoriété que l'émission pourrait lui apporter pour dénoncer plus concrètement ce genre de cas de figures. Pas pour être plainte, décidément pas, mais pour que son histoire serve à d'autres, à des filles qui pourraient ne pas vouloir en parler. Mado avait attendu bien trop longtemps pour s'exprimer elle-même. Toujours est-il que le retour d'anciens candidats lui avait fait peur autant qu'il lui avait fait plaisir. Toujours parce qu'elle craignait qu'ils soient tentés d'agir différemment à son égard, ce qu'elle ne voulait surtout pas. Ainsi, lorsque la voix de Nadan résonna alors que Mado était occupée à faire tranquillement la vaisselle, la jeune femme se réjouit qu'il opte pour un peu de taquinerie, à l'image de leurs anciens échanges. « Plutôt, seulement ? J'en serais presque déçue » souffla-t-elle, en riant légèrement. « N'empêche, j'étais certaine que tu passerais ton temps à m'observer, que dis-je, à m'admirer. Je te comprends, hein, ça me fait la même chose dès qu'un miroir croise ma route. Parce qu'autant le dire, je suis hyper intéressante comme fille. Je veux dire, je n'ai pas vu mieux jusqu'à présent. C'est bien normal, du coup, que j'attire tous les regards. » Que tout le monde se rassure, non, elle n'était pas sérieuse. Elle avait simplement besoin de relâcher la pression des derniers jours, et quelle meilleure idée aurait-elle pu avoir que de débiter toutes ces conneries, hm ? « Je suis franchement ravie que tu sois revenu, parce que je crois que tu me manquais un peu, en fait. » C'est qu'elle l'aimait bien, le Nadan. C'était un chic type et quelqu'un qu'elle estimait beaucoup.