Les craintes d’Emmeline étaient sûrement légitimes. On avait tous peur. Peur de décevoir. Décevoir celui ou celle que l’on aimait, ou tout simplement ses proches. La peur de la déception faisait partie de cette caractéristique propre à l’homme. On avait peur. On avait tous peur. Et peur de tout. Ou plus ou moins de tout, car certains se revendiqueront plus téméraires que d’autres. Lui, il avait eu peur. Il avait constamment peur. Peur de décevoir ses proches, ses frères, son père et son amour. Lui. Emilien. Il avait peur. Peur de tout. Certes. Emilien avait donc tenté de rassurer Emmeline, sa petite Emmeline. Après tout, elle n’avait pas à avoir peur de cela. Tout simplement parce l’on ne jugeait jamais celui que l’on aimait. Jamais. Emilien avait peut-être une vision un peu trop rose, trop belle de cette chose si troublante qui portait le si joli nom d’Amour. Après tout, aimer quelqu’un, ce n’était pas simplement des mots doux qu’on pouvait lui susurrer au réveil, avant de se coucher ou pendant sa rude journée. Non. Ce n’était pas que cela. Aimer, c’était aussi être sincère. Sincère avec l’autre. Avec cet autre que l’on aimait. Sincère et le respecter. Sincérité et Respect. Deux maîtres mots qui devaient gouverner une histoire. Une belle histoire. Puis il finit par lui poser une question, faisant écho à son passé. Il ne savait pas vraiment s’il avait bien fait. Après tout, certains tentaient d’oublier les événements d’antan, ces choses de la vie qui faisaient ce qu’ils étaient maintenant. Certains rejeter leur vécu, leur passé. Parce que ce dernier était douloureux, trop douloureux pour eux. Douloureux, inquiétant ou angoissant. Peu importe. Certains tentaient de l’oublier. D’oublier ce qu’ils avaient été, avant. Il ne savait donc pas s’il avait bien fait de lui poser cette question. Trop tard. Il était trop tard pour penser de choses pareilles. Il aurait dû y réfléchir avant de lui demander cela. Il posa un regard sur le doux visage de la jeune femme. Un regard qui se voulait rassurant. Elle disait qu’elle ne savait pas. Qu’elle ne savait pas si elle devait en être fière. En être fière ou non. « Pourquoi tu ne devrais pas être fière de toi ? » souffla-t-il alors, calmement. Il y avait certainement une raison à cela. Une raison qui la pousserait à penser qu’elle ne devait pas être fière. Fière d’elle, qui plus est. Mais quoi. Elle n’avait pourtant rien à regretter, tout du moins au cœur de cette aventure. Elle n’avait rien fait de mal, ni blessé personne, et encore moins tué quelqu’un. La jeune femme reprit alors la parole. Elle avait peur de le perdre, avait-elle laissé entendre dans un petit murmure. Un léger sourire étira les lèvres du suisse. « On a tous peur de perdre celui ou celle que l’on aime. » reprit-il à haute voix. Oui. On avait peur. Tous, sans exception. Emilien aurait très bien pu évoquer son vécu, son présent, sa situation avec Ezra. Lui aussi avait peur. Peur de le perdre. Et cette crainte était toujours présente. Mais, il n’avait pas envie de parler de lui. Non. Puis qu’y avait-il d’intéressant à raconter ? « Et maintenant, je veux t’entendre dire que la réponse est un « oui », mais un grand « oui », pas un timide « oui », ou un craintif « oui » » finit-il alors par lui dire.

Il devait bien il y avoir des raisons pour qu’Emmeline pense des choses pareilles. Pourquoi ne serait-elle pas fière d’elle ? Emilien avait beau tenter émettre des hypothèses, il ne trouvait pas. Peut-être avait-elle ses raisons bien à elle, des raisons personnelles, des choses dont Emilien ne connaissait pas. Il ne savait pas. Elle ne savait pas elle-même, d’ailleurs… Ce fut les mots précis qu’elle lui venait de prononcer : elle ne savait pas. Disait-elle cela tout simplement pour ne pas aborder le sujet, ou baignait-elle dans cet océan d’ignorance ? Emilien lui lança un petit regard, sans un mot. Après tout, si elle ne voulait pas en parler, il ne la forcerait pas. Il ne l’avait jamais obligé à parler. La preuve en était la semaine passée. Elle n’avait pas voulu lui répondre, il n’avait pas tenté, par moult tentatives, de la faire parler. Ca n’aurait servi à rien de toute façon. Ainsi la jeune femme s’exprima sur le fait qu’elle avait peur de le perdre. Perdre quelqu’un. Quelqu’un que l’on aimait. Emilien connaissait cela, il était passé par là lui aussi. Sa peur était tout à fait légitime. Ainsi, le suisse eut voulu qu’elle lui répète ce « oui », mais avec un peu plus d’entrain. Un « oui » qui ne serait pas teinté de crainte, ou de peur. Un grand « oui », un vrai « oui » affirmatif. Mais… elle ne pouvait pas. Elle disait ne pas savoir où ils en étaient, et qu’elle devait se faire de grosses illusions. « Tu dois lui en parler, Emmeline. » souffla-t-il. Oui. Elle devait lui en parler. Après tout, Emilien ne pouvait pas répondre à la place de cet autre. Tout simplement parce qu’il ne savait pas ce qu’il pensait de tout cela, ni ses sentiments. Il ne savait rien. Et il ne pouvait pas se mettre à la place d’un autre, imaginer ce qu’un autre pourrait ressentir à l’égard d’Emmeline. Emilien, dans cette histoire, n’était que cette oreille à laquelle la jeune femme se confier. Et ce fut le dernier conseil que le suisse pouvait lui prodiguer. D’aller lui parler et de devoir se prendre en pleine figure la réalité. La réalité des sentiments. Que celle-ci soit belle ou mauvaise. Elle devait affronter cette sentimentale réalité. Un fin sourire se dessina sur les lèvres d’Emilien lorsque la jeune femme prit la parole. Elle le remerciait. Le remercier d’être là pour elle. Elle avait toujours été là pour lui. Il avait toujours été là pour elle. Ce n’était que réciprocité. « Je serai toujours là, tu le sais bien… » souffla-t-il alors. Souvent, les gens disent que les amis étaient ceux qui répondent toujours présents quand on les appelle, même la nuit. Oui, Emilien faisait parti de ceux-là. De ceux qui répondaient toujours présents si Emmeline avait besoin de lui au beau milieu de la nuit. Que ce soit pour parler, pour avoir se confier, ou même enterrer un corps. Quoique cette dernière hypothèse était moins probable. « Même quand on sera sortis de là, je serai toujours là pour moi. Tu pourras m’appeler au beau milieu de la nuit, et moi je traverserai la Manche à la nage pour te rejoindre… » Ou peut-être pas en fait. Emilien émit un petit rire. Evidemment, il n’était pas sérieux en évoquant cette traversée à la nage de la Manche. Tout simplement parce qu’il en serait physiquement incapable. Mais l’idée était là, il serait toujours là pour elle. Ici, comme ailleurs.