lundi 20.05, 4h55, la salle de détente, avec thelma

Il est tard, je sais pas quelle heure exactement, on a pas la notion du temps ici. J'arrive pas à dormir. Plutôt, j'ai pas envie de dormir. Parfois ça me prend comme ça, des crises d'insomnie je vous dis. Du coup, j'erre dans la villa, à chercher quelqu'un pour me tenir compagnie malgré l'heure tardive. J'ai envie de musique, en fait. Je ne suis pas du genre à être accro à mon portable ou à mon ordinateur. D'une, parce que je suis nul avec tout ce qui est high-tech, c'est un fait, puis de deux, parce que je sais pas, j'adhère pas à ce genre d'addiction. Par contre la musique, c'est une autre histoire. Je suis accro à ça, sans musique ça tourne pas rond chez moi. C'est ça que je vais aller faire, combler mon manque avec de la musique. Peu importe quel genre, quel chanteur, quel groupe c'est, tant que c'est de la musique et que c'est plein d'harmonie. Je me dirige vers la salle de détente où je suis sûr de trouver une chaine stéréo pour passer la nuit. J'ouvre la porte et me rends compte que la salle n'est pas déserte. Une fille est là. Thelma, si j'ai bien retenu son prénom parce que moi et les prénoms ça fait cinquante mille. Du coup, je suis heureux, limite soulagé, car j'ai de la compagnie puis j'ai pas vraiment eu le temps d'approfondir avec elle. Elle lève ses yeux de son iPad en m'entendant, probablement surprise de voir quelqu'un débarquer. « Oui, c'est moi qui vient perturber ta tranquillité. » dis-je en souriant. « Toi non plus t'arrives pas à dormir ? Je me sens moins seul. » Je me dirige vers la pile de CDs et commence à regarder ce que la production à laisser à notre disposition. Principalement du rock, ce qui n'est pas un problème pour moi, j'adore ça. Il y a surtout de grands classiques mais la sélection est bonne, allant de Led Zeppelin aux Rolling Stones. « Ça te dérange si je mets un peu de musique ? » Je tourne la tête vers elle, désignant la pile de CDs que j'ai entre les mains.

C’est vrai que je dors peu, ouah, mais quand même, il m’a l’air d’être drôlement tôt, maintenant. Tout le monde dort encore, et il ne fait pas jour. Mais je veux plus dormir. Je ne rêvais même pas de Kat ou de Jamie. Je veux pas dormir, si je ne rêve pas d’eux, ce n’est pas utile, voilà. Je boude le sommeil, pour la peine, et je me lève, en faisant attention de ne pas réveiller Oliver, quand même, ni les autres candidats du dortoir. Je suis arrivée dans cette salle, une salle de détente, c’est comme ça qu’ils appellent ça, il me semble. Et puis, j’ai pris mon I-quelque chose, parce qu’il était là, avec d’autres, et il y a mon nom, dessus, et je me souviens qu’ils ont dit que c’était quelque chose d’important, ça, au prime, mais je ne me rappelle plus pourquoi. Je n’écoutais pas, ça ne m’intéressait pas. Je l’ai entre les mains depuis tout à l’heure, et puis, je lève les yeux, rapidement, parce que quelqu’un arrive, c’est drôle, de ne pas être la seule debout, à cette heure-là. Il n’arrive pas à dormir. Ah. Moi, je ne veux plus dormir. Ce n’est pas la même chose, je suppose. « non, non, moi, j’ai fini de dormir. » que je réponds, en secouant la tête, parce que, ce n’est pas pareil, ah, vraiment pas, moi, c’est fini, comme une vilaine corvée, voilà. Il veut mettre de la musique, ah, non, il fait ce qu’il veut, je ne peux pas l’en empêcher, moi. « ah, non, ça ne me dérange pas. Mais essaye de ne pas mettre trop fort, pour ne pas réveiller les autres. Enfin, comme tu veux, tu fais comme tu veux. » c’est drôle, de donner un conseil, je suis sûre qu’il est bien plus réfléchi que moi, de toute façon. Je pose l’I-quelque chose à côté de moi. Ça ne m’intéresse pas, ce truc. « Dis, tu te souviens de ce qu’on doit faire toi, avec ça ? » je lui demande, en montrant l’i-chose du doigt.

Mon choix se porte sur un disque de Radiohead. « ah, non, ça ne me dérange pas. Mais essaye de ne pas mettre trop fort, pour ne pas réveiller les autres. Enfin, comme tu veux, tu fais comme tu veux. » J'acquiesce, c'est pas le volume qui m'intéresse, mais juste le fait de pouvoir écouter un peu de musique. « Si ça te plait pas, je peux changer. T'inquiète, je vais pas m'imposer et envahir ton espace. » Je souris et m'avachis dans le canapé en face d'elle. Je sais pas pourquoi mais cette fille, je la sens mystérieuse. C'est la première impression que j'ai eu d'elle. Faut dire que je suis plutôt observateur comme garçon. Les gens s'en rendent pas compte mais j'ai tendance à faire attention à tout, même les détails les plus futiles me restent en tête. Comme ce qu'elle a dit là, quand je lui ai demandé si elle n'arrivait pas à dormir non plus et qu'elle a corrigé qu'elle ne voulait pas. J'ai pas relevé mais je retiens. Evidemment, ce qui m'intrigue attise toujours ma curiosité. Je m'enfonce dans mon canapé, fermant les yeux quelques secondes alors que les premières notes de Talk Show Host résonnent. « Dis, tu te souviens de ce qu’on doit faire toi, avec ça ? » Je grimace en regardant l'iPad. Je sais que Cupidon en a parlé lors du prime. Mais avec toutes les règles et les indications qu'on nous a donné ce soir là, il y avait tellement de choses à retenir que c'est rentré à gauche et ressorti à droite. Le genre de choses comme ça, c'est pas mon truc de les mémoriser. Je sais pas, j'y arrive pas. Ou alors à moitié. C'est pour ça que j'ai toujours été un peu fâché avec l'école. « Wow, tu viens de demander ça à la mauvaise personne. » Je lui avoue en ricanant, parce qu'en vrai c'est à peine si je sais déverrouiller un iPad. Je remarque qu'il y en a plusieurs, il y en a même un portant mon nom. Ca y est, je me souviens. Du moins, à moitié. « Je crois que ça a un lien avec les blogs. Je devais certainement pas être très concentré à ce moment là. Quand il y a trop de trucs à retenir, je divague toujours. » Je retourne m'asseoir, mon iPad entre les mains, avec l'envie de jouer avec. C'est risqué, connaissant ma relation avec la technologie, je risque de le casser. Je clique sur l'icône Appareil photo et m'amuse à me prendre en photo avec la caméra frontale. Des grimaces par ci, des grimaces par là. Je ricane en voyant le résultat et rejoins finalement Thelma sur son canapé. « C'est trop drôle, il faut que tu prennes une photo avec moi ! ».

Il a peur de s’imposer, et d’envahir mon espace, juré, ce sont ses mots à lui. Je secoue la tête, c’est pas vrai, il me dérange pas, et il peut s’imposer, moi, il me dérange pas, vraiment pas. « non, non, tu fais comme tu veux, vraiment. » je veux pas le déranger moi. Et s’il veut écouter cette musique, je ne veux pas l’en empêcher. Et je ne la connais pas, sa musique. Ce n’est pas ce que Jamie ou Kat écoutent. Je ne crois pas. Ça m’énerve, cet Ichose. Je ne sais pas quoi en faire, et même si j’ai réussi à l’allumer, c’est tout. Lui non plus, il ne sait pas quoi en faire. C’est vrai que ça me rassure. Je pensais vraiment être la seule à ne pas me concentrer pour écouter, quand il le fallait. Comme pour le prime quand tout était expliqué comme il le faut, et que je n’ai pas écouté. Il parle de blogs. Les blogs. Lui aussi, il divague beaucoup, et il ne se concentre pas comme il le faudrait. Ça me fait sourire. « moi aussi, je divague toujours. » vrai de vrai. Il a pris son Ichose. J’ai abandonné, moi. Je ne m’y connais pas, mais pas du tout, et ça m’énerve, voilà. Et puis, les blogs, c’est pareil. Et je trouve ça bête de communiquer derrière ça, alors qu’on peut se voir en vrai. Il fait des grimaces, ça me fait rire, c’est vrai, il est drôle, je trouve, et il vient s’asseoir à côté de moi. Il me parle de prendre des photos. J’aime pas ça, moi, être prise en photo, être filmée, tout ça, ce n’est pas pour les gens comme moi, il faudrait être quelqu’un de drôlement bien pour être pris en photo ou filmé, quelqu’un d’important, mais ce n’est pas moi, ça, ce n’est pas moi. Mais il a l’air de le vouloir, ce garçon, et il trouve ça drôle, et je ne veux pas le décevoir, moi, alors je m’approche un peu de lui, pour qu’on soit bien tous les deux sur la photo. « ça va là ? » je ne sais pas si c’est bon, si on est bien mis, ou s’il a déjà pris la photo.

Elle a pas l'air très compliquée cette Thelma. Je la dérange en rien, ni avec ma venue, ni avec mon envie de mettre de la musique. C'est cool. J'en connais des gens qui auraient râlé. A partir d'une certaine heure dans la nuit, faut plus vraiment faire chier les autres. Moi, je me rends pas compte qu'il est tard. C'est vrai, à Paris, il doit à peine être 2h de l'après midi. Foutu décalage horaire. Avec mon iPad, je prends toute sorte de photos. J'ai un blocage avec les photos, je peux pas m'empêcher de faire des grimaces. Je crois que je suis mal à l'aise quand on me prend en photo. Du coup, je me prends pas au sérieux et je fais le pitre. C'est pas mon truc d'être apprêté pour les photos et les caméras. Vous avez vu mon style ? J'ai rien de classe avec mes tenues négligées, comme maintenant avec mes Vans usées, mon jean déchiré, mon, t-shirt loose et mes cheveux en pétard. J'ai envie de prendre une photo avec Thelma. C'est vrai, elle est mignonne, ça va rehausser le niveau. C'est pourquoi je vais m'asseoir à ses côtés. Une grimace pour être fidèle à moi même et ça y est. « ça va là ? » elle me demande alors que j'appuie sur le bouton. Je regarde le résultat. Il y a moi qui fait le guignol et Thelma à côté, très jolie. Je vous avais dit qu'elle allait rehausser le niveau. « Ouais carrément. T'es très photogénique. » Je l'enregistre et j'essayerai de comprendre comment ça marche plus tard. Maintenant que je suis à côté d'elle, je la regarde un peu plus attentivement. Elle a l'air assez jeune, enfin l'air d'avoir mon âge quoi. Je sais pas pourquoi ça m'intéresse mais je peux pas m'empêcher de lui demander. « T'as quel âge ?… Quoique, t'es pas obligée de répondre. Parait que ça se fait pas de demander l'âge d'une femme. Je trouve pas ça très incorrect, je veux dire… Bref, c'est ma mère qui dit ça. Parfois, j'ai du mal avec les bonnes manières. » Bon je me tais, je divague encore là, mais dans un autre sens. Elle a dit qu'elle divaguait toujours elle aussi, elle devait comprendre alors. « Thelma. C'est bien ça ton prénom, non ? » je lui dis, en levant la tête vers elle, dans un murmure.

Il est satisfait de la photo, le garçon. Il me dit même que je suis photogénique. « tu penses ? » je sais pas trop, moi. Je n’ai pas vu la photo. Et je ne fais pas souvent ça, je n’ai pas l’habitude, moi, je ne sais pas. Mais s’il le dit, c’est que ça doit être vrai, je pense. Il me demande mon âge. Moi, j’allais répondre, mais il enchaîne, tout de suite, parce que ça ne se fait pas, il dit, de demander des choses comme ça. Je fronce un peu les sourcils. Je ne savais pas, moi, que ça ne se faisait pas. « non, non, je veux bien te répondre, enfin, ça ne me dérange pas, je le savais pas, moi, que c’était incorrect, mais c’est pas grave, si c’est incorrect. » moi, elle m’a pas dit ça, ma maman. Jamais. Ni Kat, ni Jamie, ni rien, personne, donc bon. Mais il a peut-être raison, c’est peut-être incorrect, si c’est sa maman qui le dit, je suis presque sûre que c’est vrai, maintenant, elle doit avoir raison, et lui aussi. « j’ai dix-neuf ans. » je lâche. C’est vrai que c’est jeune. Mais pas suffisamment jeune, je crois. J’aimerai être plus jeune. J’aimerai revenir en arrière. C’était plus facile avant. Y’a trop de problèmes maintenant, et je suis presque sûre qu’ils n’existeraient pas, ces problèmes, si j’étais un peu plus jeune. Ce serait mieux, ah, vraiment. « et toi, t’as comme moi ? » je lui demande. Il n’a pas l’air très âgé, lui non plus, c’est vrai ça. Et il me dit mon prénom, il le sait. Je ne sais pas le sien. Je ne l’ai pas bien repéré, au prime, alors, je ne sais pas. « c’est ça, c’est vrai, mais moi, je ne le sais pas, le tien. » j’aurais peut-être dû le savoir. Je ne sais pas trop. Et puis, j’entends la musique. La même qu’avec Sandro. Je crois que je vais finir par la détester, moi, cette chanson. Elle est jolie, mais elle est agaçante. Je préfère celle du garçon. Je le regarde. Je ne sais pas quoi faire. Je ne veux pas le fâcher comme Sandro, ah, ça non. Mais moi, je n’ai pas changé d’avis non plus, je le sais bien, que ça ira pas, si on s’embrasse comme ça. C’est vraiment stupide, cette chanson, j’aime pas ça, pas du tout. Je me mordille la lèvre, je ne sais pas comment lui dire que je veux pas, je veux pas qu’il s’énerve, ou qu’il m’en veuille, ah ça non. « je suis désolée. » je souffle. Vrai, que je suis désolée, peut-être même un peu honteuse, je ne sais pas trop.

« tu penses ? » Décidément, c'est pas la première que je croise ici qui a l'air de ne pas beaucoup avoir confiance en elle. Ca, ça me surprend. Je dis ça parce que pour quelqu'un qui participe à une télé-réalité, pour être filmé 24h sur 24h, 7j sur 7, et pas toujours dans ses meilleurs moments, il faut quand même avoir assez confiance en soi. Moi je m'en fiche, j'ai l'habitude d'être négligé et de faire le pitre à tout va, ça m'importe peu qu'on me filme en train de manger comme un ogre ou dans une situation plus embarrassante. Puis, je suis là en touriste donc je sais pas, c'est à peine si je les regarde ces caméras. Mais pour les autres, pour une fille surtout c'est important d'être toujours au top, ça donne confiance en soi. J'ai pas l'impression que ce soit le cas avec Thelma, d'avoir toujours envie d'être au top. Dans le fond, c'est mieux. Une personne sans artifices, naturelle, c'est forcément sincère. La sincérité et moi, une grande histoire d'amour. « Ouais, je suis même sûr. » Un sourire plutôt rassurant et je pose l'iPad à mes côtés. Puis la question sur l'âge. J'ai bizarrement entendu la voix de ma mère quand je lui ai demandé. Elle semble étonnée de ce que je lui dis. Après tout, c'est peut-être ma mère qui exagère les choses. C'est vrai, elle aime beaucoup exagérer les choses, je le lui dis tout le temps. « non, non, je veux bien te répondre, enfin, ça ne me dérange pas, je le savais pas, moi, que c’était incorrect, mais c’est pas grave, si c’est incorrect. » Ah bien ça me rassure. Je manquerai de lui dire, à ma mère, que c'est elle qui déraille. 19 ans. C'est bien ce que je pensais. Elle est juste un peu plus jeune que moi. Elle me demande à mon tour quel âge j'ai. « 20 ans. Je viens de les avoir, il y a un mois. » Et oui, on fait parti des plus jeunes ici. Quoique je sais pas l'âge de tout le monde, mais il y en a pas mal qui me semblent être de vrais adultes. Ce que je pense, ça veut rien dire. Mon dieu, je divague à nouveau. « c’est ça, c’est vrai, mais moi, je ne le sais pas, le tien. » J'ai raison sur son prénom. Au moins une personne dont je retiens le prénom. C'est une première. « Sigvard. Mais tu peux m'appeler Sig. Je préfère et c'est plus simple. » Je suis interrompu par une musique, qui se mêle à celle de Radiohead, ce qui donne quelque chose d'étrange. La fameuse musique de Cupidon. Sacré Cupidon. Thelma sait ce que ça veut dire, tout comme moi. Il y a un petit silence entre nous, une hésitation parce que c'est sûr, on embrasse pas quelqu'un comme ça. « je suis désolée. » dit-elle. Elle a l'air embarrassé, mais je vais pas la forcer. Au contraire, en bon romantique, je la comprends. C'est pas facile d'embrasser quelqu'un comme ça, surtout pour un jeu. N'est-il pas vrai que les prostituées n'embrassent jamais leurs clients ? Un baiser, c'est intime. Beaucoup trop intime. Je lève la tête vers Thelma. Je vois ses yeux. J'avais pas remarqué qu'ils étaient si… Bleus. Et grands. Bref. « T'excuses pas, si tu veux pas m'embrasser, tu m'embrasses pas, tu sais. T'as le droit de faire tout ce que tu veux. » C'est vrai au fond, depuis quand on s'excuse de ne pas embrasser un inconnu ? Puis si ça se trouve, elle a quelqu'un à l'extérieur. Ah, ce jeu s'annonce bien plus dur que prévu. Vu l'ironie de la situation quasiment semblable à celle avec Opaline, ma partenaire, je ne peux m'empêcher de rire. « Je crois que je me suis jamais pris autant de râteau qu'avec cette musique. »