Je ne vis pas dans ce genre de décors, moi. Je vis en ville. Dans un quartier pauvre. Les murs sont tagués, décorés par quelques jeunes qui n'avaient rien de mieux à faire, rien de mieux à acheter que des bombes de peinture. La verdure se fait presque rare. Du moins, elle est beaucoup moins présente qu'ici. Les lieux ne sont pas spécialement propres, là où je vis. Tout le monde se fout pas mal des clopes qui terminent de se consumer au sol. Ou des emballages de sandwichs achetés dans la boutique du coin. Tout est différent dans ce jeu. Tout. Vraiment. Autant les lieux que les gens. Les lieux souffrent tellement de cette touche de glamour à peine dissimulée. C'est grand, c'est immense, à croire que ça n'en finit jamais, que derrière le dernier bâtiment se trouvera toujours un autre bâtiment. Bien sûr, c'est beau. C'est vraiment beau, ça parvient à m'émerveiller. Les gens aussi sont différents ici. Pour tellement de raisons. Ils sont étranges. Tous. Je n'ai pas encore rencontré la moindre personne semblable aux gens que je côtoie chaque jour. C'est bizarre. Et perturbant. Différent, oui. Je me promène dans ce jardin botanique qui offre tant de belles choses à voir. Ce qui est perturbant aussi, c'est que tout ceci ressemble un peu à de l'artificiel. Ça a été fait pour les besoins de l'émission. Ce n'est pas la nature qui a repris ses droits et qui a décidé de vivre ici. C'est beau quand même. La beauté se trouve partout. Je suis toujours en train de me balader, à avancer au hasard lorsque j'entends une voix. Je lève les yeux vers la personne qui me parle. Une voix féminine. Une jeune femme. C'est Ismène. Oui, je crois. Elle me demande le nom d'un arbre. Comme si je le connaissais. Je regarde quand même l'arbre qu'elle me montre. Sans grande surprise, j'en sais rien. Pas le temps de lui répondre qu'elle ne tarde pas à reprendre. Pour me demander si elle dérange. Décidément. Mais merde à la fin, qu'ils fassent ce qu'ils veulent sans toujours vouloir savoir si ça me dérange, s'ils doivent être plus à ma gauche, s'ils ne me cachent pas la vue ou si leur odeur ne me déplaît pas. Je n'ai pas l'habitude de ça. On m'impose des choses, j'obéis. C'est comme ça que ça marche en vrai. Je ne dis rien, je me contente de secouer la tête de gauche à droite. Elle ne me dérange pas non, je ne crois pas. « Je sais pas comment il s'appelle, cet arbre. » je finis par lui dire. Pas que je pense qu'il a un prénom. Quoique, allez savoir, quelqu'un lui a peut-être confié un petit nom, on ne peut pas savoir. « Enfin, le nom de l'arbre, je sais pas. » j'ajoute. Au cas où. Pour que ça soit plus compréhensible. Moi, j'en sais rien. Je ne suis pas très branchée... bah, arbres. Alors je ne sais pas. Elle ferait mieux de demander à la production. Ça serait plus simple pour tout le monde. D'ailleurs, je vais lui dire, ça. « Tu devrais demander à la prod'. Tu auras ta réponse, au moins. » je propose en haussant les épaules. Et pas une réponse erronée ou choisie au hasard par son interlocuteur, non, non, une vraie réponse. Une réponse correcte. Ce que je ne peux pas lui fournir. Si elle veut en planter chez elle en sortant d'ici, autant qu'elle ait le bon nom d'arbre, je suppose.