Je n'ai pas dormi. J'étais trop préoccupée. Beaucoup trop préoccupée pour pouvoir fermer l'oeil. Je suis un peu fatiguée mais pas tant que ça finalement. C'est pour cette raison que je suis entrain de fumer à cette heure-ci. Dehors. Habituellement je dors à cette heure-ci. J'ai eu l'agréable surprise de profiter de la douche le matin, les joies de la collocation, tout ça. C'est horrible, horrible. Plus jamais, jamais. Oui j'ai tendance à répéter deux fois les mots quand je ne veux pas qu'une chose se reproduise. Tout ça pour dire que je suis assise sur la balançoire sans vraiment me balancer lorsque j'aperçois une silhouette se dessiner au loin. Je fixe cette personne. Je reconnais finalement Sully. Oh et bien ça tombe bien, il fallait que je lui parle. Je jette ma cigarette et me lève alors que je crois qu'il s'approche. J'hésite à aller l'ennuyer. J'avais prévu d'arriver à ses côtés avec des brownies fait maison. Un truc quoi. Mais l'occasion se présente alors d'un côté je me dis que ce serait stupide de ne pas la saisir. « Sully ! » Je l'appelle doucement. Je suis moins expansive et moins excitée que je pourrais l'être habituellement. Peut être que c'est ça le signe apparent de ma fatigue. C'est sans doute moins fatiguant pour lui. J'espère qu'il ne va pas tourner les talons lorsqu'il aura reconnu ma voix, ce serait un peu idiot. Quoi qu'il en soit, je lui souris, c'est toujours plus agréable d'accueillir quelqu'un avec le sourire. Je crois qu'au fond, c'est mieux si je ne lui tombe pas dessus. Oui, c'est mieux. C'est plus, enfin moins. Enfin c'est mieux je crois. « Je voulais juste te parler un moment si tu le veux bien. » Que je trouve bon d'ajouter au cas où. Qui sait, peut être qu'au moins s'il était prévenu, il serait adapte à prendre la bonne décision. J'en sais trop rien. Sans doute. Je ne sais pas. J'attends, en tout cas s'il n'a pas envie, si ce n'est pas le moment opportun moi ça ne me dérange pas outre mesure. On a tout notre temps après tout, on ne peut pas dire qu'on soit vraiment occupé de toute façon.

Je crois que je n'ai jamais vraiment eu d'enfance, non c'est même une certitude. Ma vie d'adulte elle a débuté lorsque j'avais douze ans. Avant j'étais juste une mimi personne entourée d'adulte. Les fêtes foraines, les parc, le jardin d'enfant j'y allais évidemment, avec mon père, ma mère, leurs amis rockeurs, groupies, sans enfants. Etre entouré d'adulte ça vous fait mûrir plus vite, normalement. Parce que lorsque les adultes en questions sont plus enfantins que l'enfant qui traîne dans les parages c'est délicat. Si bien que cet endroit à une saveur bizarre. Je me souviens qu'ils aient une fois loué un jardin de ce style là, à échelle humaine pour célébrer mon anniversaire, mon cinquième anniversaire. Des petits camarades de classe étaient venus, peu, mes parents n'étaient pas ce qu'on pouvait qualifier de bonnes fréquentations, mais de toute façon je crois que je me suis plus amusée entourée d'adultes qu'avec les enfants présents ce jour là. Les gens sont trop cruels entre eux, c'est bien connu. Quoi qu'il en soit, cette balançoire, ce toboggan, et même le tourniquet me replongent presque quinze ans en arrière et c'est assez perturbant. La silhouette de Sully se dessine devant moi et ce serait mieux que je choisisse de discuter avec lui pour rétablir la paix, bien qu'il ne devrait pas avoir de guerre entre nous. Mais j'ai bien vu sa réaction au prime, réaction que je comprends néanmoins mais tout de même. Je préfère battre le fer lorsqu'il est encore chaud du coup. Il a le sourire aux lèvres lorsqu'il se retourne, tant mieux c'est déjà ça. Je lui souris aussi. « Bien sûr » Bon toujours tant mieux. « Je ne suis pas fâché, tu sais, alors je n'ai aucune raison de me fermer au dialogue. » J'ouvre la bouche, puis la referme. Et puis l'ouvre à nouveau. « Il m'avait pourtant semblé que tu étais assez ... ennuyé et je comprends mais je ne voulais pas qu'il y a de malaise. J'imagine que tu sais que ce n'est pas contre toi mais que ça ne doit pas suffire à apaiser la chose... » Je lance en faisant légèrement la grimace, s'il y a bien une personne à qui je n'aurais rien à reproche et de qui je pourrais vanter les mérites à tout le monde c'est bien Sully alors ça m'ennuierait un peu que ça entrave un peu notre relation naissante. Mais bon s'il n'est pas fâché. « Ça te dit de venir te balancer avec moi ? » Je tapote légèrement le siège pour désigné la place vide à mes côtés dans un sourire. Y'a un truc apaisant qui se dégage du candidat, de la bienveillance aussi, surtout. « J'imagine que tu dois être soulagé pour ton secret... » C'est sans doute moins contraignant, et puis bon c'est vrai que le but c'est de le garder le plus longtemps mais bon il faut voir le bon côté des choses.

Je ne sais pas comment est Sully. Est-il rancunier ? Ou au contraire, est-il capable de passer à autre chose ? J'en sais trop rien, enfin j'imagine qu'il n'est pas réellement rancunier parce que sinon j'imagine qu'après le conseil, la tout première fois notre relation n'aurait sans doute pas évolué de cette manière. Et ça aurait été dommage parce que même si je ne sais pas trop décrire cette relation naissance, cette complicité qui s'instaure petit à petit entre nous et bien j'apprécie ces moments passés, apaisants, calme. C'est reposant, sa présence m'apaise oui voilà sans qu'il ne fasse rien d'ailleurs, c'est sa façon d'être je pense. Ouais voilà, j'suis une pile électrique, un aimant qui capte toutes les tensions, toutes les émotions, j'ai besoin d'être canalisé parfois. Et je le suis. Et comme j'ai peur de tout ça, de perdre ça c'est pour ça que je lui parle. « Oui, sur le coup, ça m'a embêté. Plus vis à vis de Zola, car je me suis effectivement douté que c'était elle que tu avais visée en nous nominant. Je me suis rappelé du premier conseil, des tensions qu'il y avait eu, et ça m'a un peu désolé de voir que tu étais restée sur ça, que tu continuais de la viser, d'une certaine façon. » Je baisse les yeux. Parce que tout ça m'ennuie. Mais je comprends. Je les relève et fais la moue. « C'est pas ça, la première semaine évidemment après c'est juste un problème d'affinité j'pense. On ne s'entend pas, on a vraisemblablement rien en commun alors voilà. Toi, t'es véritablement la seule chose qui nous lie et dans ma tête c'est clair, tu ne partirais jamais. » J'sais pas si c'est clair ou non. Enfin bon, après j'sais pas, j'comprends, je ne juge pas les gens, ils nominent qui ils veulent c'est le jeu, j'imagine qu'on a tous nos raisons propres mais d'un côté j'veux pas non plus qu'il pense que je suis acharnée et mauvaise par dessus le marché, j'suis pas rancunière. Surtout pas pour si peu. Bon du coup comme j'suis sur la balançoire je lui demande s'il veut pas m'accompagner, ce sera mieux, plus amuse. Il semble d'accord et j'accueille la nouvelle d'un sourire. Et il s'installe. J'en profite pour l'interroger sur Lena. « Oui, assez soulagé. Je n'ai plus à faire attention à ce que je dis, ni à retrouver Lena en cachette, avec qui je vais pouvoir être plus naturel, alors ça me facilite la vie. Et puis, je crois que ça m'a fait du bien de parler de tout ça. » Je comprends, enfin non parce que je n'ai pas vécu ce genre de choses mais je comprends le fait qu'il puisse être libre et qu'il ait ressenti des bienfaits en en parlant. « J'imagine que ton frère serait fier de voir la façon dont tu prends soin de Lena... Mais d'un côté j'vois pas qui pourrait avoir envie de lui faire mal, elle a l'air adorable. Et puis l'avantage c'est que l'argent que vous allez récupérer maintenant personne ne pourra vous le prendre.  »   C'est tout benef en sorte, enfin j'trouve que c'est mieux de se raccrocher au positif. Non mais c'est sûr, évidemment faut éviter de se faire avoir par la roulette russe mais ça, personne ne peut savoir ce qu'elle nous réserve. « Dis-moi, il te respecte Sandro ? » Je souris. Je suis assez surprise que ce soit soudain, mais d'un côté, il est bienveillant donc. Mais le problème c'est que je ne sais pas vraiment quoi répondre. « Ça dépend ta définition du respect. Plus sérieusement, j'imagine que dans le sens où on l'entend, non pas vraiment. Mais je ne me sens pas particulièrement offensée. Ça va sans doute te paraître étrange, il est chiant au possible, j'ai envie de lui arracher les yeux la majeur partie du temps mais d'un côté j'crois que j'aime assez sa façon d'être. » Enfin oui c'est évident, je ne passerais pas autant de temps avec lui. La preuve, j'viens de le quitter, enfin y'a pas longtemps. Du coup enfin, j'imagine que personne ne peut comprendre. J'comprends pas moi même.