avalon
Avec sa cheville dans un bandage, la salle de sport était certain un endroit à bannir pendant un certain moment. Le temps que sa blessure se résorbe naturellement, certainement. Après un bref instant de réflexion, il finit par pousser la porte de la salle. Il trouverait bien une activité à faire, ici. Ou peut-être rien. Il s’assiéra sur l'un de ses tatamis, qu'il avait jadis côtoyé, et méditera. Méditer. C'est bien une activité d'intellectuels ça. Ce sont les seuls qui ressentent le besoin de réfléchir. De réfléchir à tout et à rien à la fois. Ils débattent sur des conneries et ne peuvent s'empêcher de faire l'inventaire de leur avenir. Son regard balaya un instant la pièce qui semblait vide, et calme en apparence. Alors qu'il s'approcha, boitant légèrement de sa jambe droite, il put apercevoir une silhouette de dos entrain de courir sur l'un de ses tapis. Pourquoi courir sur un tapis alors que l'on pouvait très bien faire cette activité à l'extérieur ? Elle aurait très bien pu courir dehors, dans le jardin botanique, par exemple. Pourquoi rester à l'intérieur ? Pourquoi vouloir resté prisonnier de quatre murs ? Étrange qu'était cette idée de vouloir courir sur un tapis. Lui, s'il avait eu envie de courir, par exemple, il aurait été ailleurs que là. On ne fait jamais de jogging dans sa maison, pourquoi ne pas réinventer ce concept, tiens ? Dans tous les cas, il lui serait impossible de courir, actuellement. « T'es prof de sport, toi, non ? » lâcha-t-il, à tout hasard. Il ne savait pas vraiment si elle était professeur de sport, ou si elle était tout naturellement très sportive. Mais une chose était certaine, lui, à sa place, il serait déjà entrain de hyperventiler et de chercher en vain sa ventoline dans la poche de son jean. Les gens qui aiment le sport sont des créatures surnaturels, ils aimaient souffrir. Ils étaient masochistes avec leur propre corps. Oui. Fut un temps, Valeri avait fait parti d'eux... jusqu'à ses quatorze ans. « Je te dérange peut-être, non ? » reprit-il alors. Oui. Il y avait des personnes pendant leur séance de sport qui n'aimaient pas qu'on leur parle, et qui devenaient très agressives. Il avait déjà vu ça quelque-part... il ne sait plus trop où. Mais ce n'était pas son imagination qui lui jouait des tours cette fois-ci. Il ne savait plus trop son prénom, pour changer. Il se rappelait qu'elle était la chef de fil de son équipe. Ils avaient d'ailleurs bravement gagné lors du prime. Valeri était fier de lui, très fier même. Ah. Ah. Avalon. C'était son prénom. Au bout de la quatrième semaine, c'était un problème de ne pas retenir tous les prénoms, vous ne trouvez pas ? Puis en plus, ils viennent lui rajouter plein de nouveaux... il ne réussira jamais à tous les retenir d'ici la fin de son aventure.

Mon circuit me manque. Techniquement ce n'est pas le mien, mais il me manque. Tous les dimanches je prends ma voiture et je vais y faire un tour, je la pousse jusqu'à ses limites. Ici je n'ai pas cette sensation d'adrénaline, rien ne me fait ressentir le même sentiment, la même excitation. J'ai besoin de la retrouver quelque part. J'ai besoin de me défouler, d'évacuer ce trop plein d'énergie que j'ai en moi. Ici je bouge beaucoup moins, je suis moins en mouvements que je le suis dans mon travail. D'ordinaire, je n'ai jamais aucun répit. Je n'ai pas le temps de m'ennuyer, jamais. Ici je l'ai, presque un peu trop. Parfois cela me fait du bien, et parfois j'ai l'impression de tourner en rond comme un lion en cage. Je décide de faire du sport, je sais que ça finira par me calmer. Je finirai exténuée, c'est ce qu'il me faut. C'est ce dont j'ai besoin pour ne pas finir complètement folle. Je me change, j'enfile un pantalon de sport et un large pull à capuche que je traîne depuis des années. Rien n'est nouveau dans mes affaires, que du vieux. Comme moi, ou presque. Je ne le suis pas encore, je ne l'espère pas. Il me reste encore assez de jeunesse et de fraîcheur pour courir sur ce tapis. J'ai choisi le tapis dans la salle de sport plutôt que de courir simplement dans le jardin, je me sens moins épiée de cette manière. Je n'aime pas qu'on me regarde, je sais que si je fais mon jogging dans le jardin, certains vont me regarder, et je n'en ai pas envie. Je préfère être tranquille. Je ne sais plus réellement depuis combien de temps je suis là. Je sens peu à peu mon corps se vider de toute son énergie. Je continue jusqu'à l'épuisement total. J'entends une voix qui s'élève, je tourne la tête et mes yeux se figent sur un jeune homme. Je scrute ma mémoire, en vain, je ne saurais pas mettre un nom sur ce visage. Il me demande si je suis prof de sport. « Ah non je suis garagiste moi. » Il va croire que je me moque de lui en répondant de cette manière. Je suis pourtant très sérieuse, je ne pourrais pas l'être plus. Il me demande s'il me dérange. « Non pas du tout, j'allais m'arrêter. » Mon corps commence à me dire stop. Je ralentis le rythme de la machine petit à petit, jusqu'à l'éteindre et en descendre. C'est étrange de ne plus sentir ses pieds marteler le sol. « Et toi pourquoi t'es là ? Enfin je veux dire généralement les gens qui boitent ne traînent pas souvent dans les salles de sport. A moins que tu n'aimes souffrir. » J'ai bien remarqué qu'il avait du mal à marcher, et je me demande simplement pourquoi il a alors eu l'idée de mettre les pieds ici.

A vrai dire, il avait demandé ça comme ça, à tout à hasard. Elle était peut-être... médecin. A vrai dire, il était très rare d'imaginer son médecin dandiner son arrière-train sur un tapis roulant et à suer à grosses gouttes. Pourtant, c'était bien les premiers à nous faire des remontrances à ce sujet. Qu'il faut manger, bouger. Ainsi, elle disait ne pas être professeur de sports, mais garagiste. Ah ? « Donc ton truc à toi, c'est les grosses cylindrées, les ch'vaux, les vidanges, et compagnie ? ». Demandé comme ça, les quelques mots utilisés par le jeune homme pouvait être quelque peu.. mal interprétés, ou ambiguës. Il aurait quand même préféré qu'elle lui dise qu'elle était professeur de sport, ou médecin. Ils s'y connaissent en anatomie du corps humain, eux. Valeri avait l'espoir de trouver quelqu'un du domaine au sein du nid, mais il fallait croire que sa quête était vaine dés le départ. Le biélorusse finit par lui demander s'il la dérangeait. Peut-être. Il y en avait qui n'aimait pas être dérangé, il n'avait pas spécialement envie de déranger, de passer pour le mec casse-couille qui vient à chaque fois vous parler quand ce n'est pas le moment. Selon la jeune femme, il ne la dérangeait, elle allait arrêter. Ah. Tant mieux, certainement. Elle lui demanda alors ce qu'il faisait là, lui. Ah ? Il cligna des yeux un moment, fronçant les sourcils. Oui, c'est vrai... que faisait-il là lui ? Elle souligna le fait que les « gens qui boitent » ne traînent pas souvent dans les salles de sport. Non, ceux-là restent avachis sur leur canapé, à gémir de douleur et à prier la prochain moment de la journée où ils devront prendre leurs antidouleurs. A moins aimer souffrir... Il secoua la tête de gauche à droite. Il souffrait déjà bien assez comme ça. « Non... je crois que j'ai réussi à me perdre encore... » lança-t-il alors. Oui, voilà. Il s'était perdu. Après quatre semaines à vivre ici, il avait réussi à se perdre encore. « Ou alors mon inconscient voulait m'amener ici pour que je fasse un peu d'exercices. C'est l'une ou l'autre de ces hypothèses en fait. ».

Je suis concentrée sur ce que je fais, concentrée sur ma respiration. Tellement que je n'entends personne rentrer dans la salle. Ce n'est que lorsque j'entends une voix que je réalise finalement que je ne suis plus seule. Je le regarde, je ne parviens pas à mettre un nom sur son visage. Je scrute le jeune homme devant moi, sans pour autant parvenir à mettre un nom sur son visage. Tant pis. Sa question me surprend, je ne suis pas prof de sports non, j'aurais sans doute fait une piètre prof. Je lui dis simplement que je suis garagiste, et ce qu'il me répond me fait sourire légèrement. « Exactement. T'aurais préféré que je sois prof de sports peut-être ? » Sans que je ne sache pourquoi il avait l'air déçu que je ne le sois pas. Il ne me dérange en tout cas pas. Rapidement je descends du tapis, je suis épuisée. J'attrape la bouteille d'eau que j'ai apporté en venant ici. J'aurais dû m'hydrater un peu plus. Je me permets ensuite de lui demander ce qu'il fait. J'ai cru remarquer qu'il avait du mal à marcher et venir faire du sport dans sa condition, ce n'est sans doute pas la chose la plus intelligente à faire. A moins qu'il aime souffrir, et dans ce cas là, ça me paraîtrait parfaitement légitime, et encore que. Il s'est perdu apparemment. Ou son inconscient voulait qu'il fasse de l'exercice. Ah ... « Je ne crois pas que ce soit raisonnable de faire du sport maintenant. Alors disons que tu t'es perdu. » Je choisis même à sa place, vu qu'il semble avoir du mal à choisir. Oui il serait idiot qu'avec sa jambe, son genou, sa cheville je ne savais pas trop ce qui le faisait souffrir, il aille se faire encore plus mal. « Et je peux te demander ce qui t'est arrivé ? Laisse-moi deviner, t'as voulu sauter trop haut de la balançoire. » J'essaie de plaisanter, je ne suis pas certaine que ça le fasse particulièrement rire, je ne suis pas particulièrement drôle en même temps.

Donc, elle n'est pas professeur de sport, ni de rien d'autres, mais garagiste. Il faut des métiers pour tous... lui, il est bien artiste de rue, imitant Charlie Chaplin. Donc son truc à elle devait clairement se résumer à : grosses cylindrées, les chevaux et les vidanges. Elle confirma ses dires. S'il avait préféré qu'elle soit professeure de sport ? Bonne question. Il se contenta alors d'agiter doucement la tête dans tous les sens. A vrai dire, il ne savait pas vraiment s'il préférait qu'elle soit garagiste plutôt que professeure de sport. Non. C'est certain qu'elle aurait très bien pu lui diagnostiquer sa blessure par hasard, il avait bien tenter mais il en avait aucune idée. Aucune idée de ce qu'il avait pu se faire, et avoir à cette fameuse cheville. La douleur s'estomperait avec le temps, bien que celle-ci le relançait de temps en temps. Ce serait juste le temps de quelques jours, de quelques petites semaines certainement. Il n'en était pas mort de cette blessure, alors elle ne devait pas être très grave. Elle lui demandait ce qu'il faisait ici. Sa curiosité était certainement légitime. Après tout, qu'est-ce qu'un boiteux viendrait faire, ici ? Il émit alors une hypothèse : qu'il s'était perdu. Pourtant ce n'était pas la première fois qu'il mettait les pieds ici. Il y était venu, samedi, lorsque Cupidon avait décidé qu'ils devraient tous faire du sport. Evidemment, Valeri n'avait pas fait quelque-chose de trop épuisant pour sa cheville, et s'était contenté de soulever quelques haltères. De petites haltères avec des poids légers. Au moins, il avait joué le jeu. Il soumit alors une autre hypothèse : son inconscient l'aurait guidé jusqu'ici, pour faire du sport. Quel inconscient fourbe. Ce n'était pas raisonnable de faire du sport maintenant. Maintenant, dans l'état physique dans lequel il se trouvait. Il hocha la tête bêtement, comme pour approuver ses dires. Oui, ce n'était pas franchement raisonnable, il ne ferait qu'aggraver sa blessure, et ce n'était pas vraiment ce dont il avait envie. Elle lui demanda alors ce qu'il lui était arrivé. Ah, si elle savait ! Ah, elle voulait qu'il la laisse deviner... bon d'accord. Sauter trop haut de la balançoire ? Un petit rire étouffé tenta de s'échapper entre ses lèvres. « J'espère que tu ne comptes pas te lancer dans une carrière de voyante parce que tu as encore beaucoup à apprendre là... » lui fit-il remarquer, un peu moqueur, un peu taquin, mais pas méchamment. « Je me suis fais ça dans l'hôpital abandonné, j'ai trébuché dans un petit trou qu'il y avait au sol... En tout cas, je te déconseille d'y aller, c'est semé d'embûches cet endroit et beaucoup trop dangereux... Enfin, on y est ressorti vivant avec Lena, quand même. ». Oui, parce qu'il était avec Lena lorsque ça lui était arrivé. Ils avaient été courageux tous les deux, il avait de quoi en être fier. Fier de leur bravoure. .

Je ne sais pas tellement pourquoi il m'avait demandé si j'étais prof de sports. Je crois que je ne le saurais jamais. Enfin maintenant il savait que j'étais garagiste. Pour ce que ça devait l'avancer. Il devait bien s'en moquer d'ailleurs. S'il m'avait demandé si j'étais prof, il devait bien avoir une raison, que je connaîtrai jamais mais je pensais pouvoir vivre sans, ce n'était pas trop grave. Quant à moi je m'interrogeais sur les raisons de sa venue ici, après tout j'avais bien vu qu'il boitait. Et quand on boite la salle de sport c'est bien le dernier endroit que l'on a envie de fréquenter. Déjà que ce n'est généralement pas un endroit privilégié, ça l'est encore moins quand on est blessé. J'étais en tout cas rassurée, il n'aimait pas souffrir, c'était déjà un bon point. Cela ne me disait en revanche toujours pas pourquoi il était venu ici. Il s'était perdu, ou c'était la faute de son inconscient. Ah ... Bon je choisissais pour lui, c'était beaucoup mieux comme ça. Je me montrais curieuse une nouvelle fois, lui demandant ce qui lui était arrivé. J'émis l'hypothèse qu'il avait voulu sauter trop haut de la balançoire. Je n'étais pas sérieuse, j'espère qu'il le comprenait. J'essayais simplement d'être drôle, mais je me rendais bien compte que je ne l'étais pas. Je ne l'ai jamais réellement été. « Tu viens de briser tous mes rêves. » Oui j'ai toujours rêvé d'être voyante, c'est ce toute fille de bonne famille aspire à être, malheureusement il venait de le dire j'avais des progrès à faire. Je n'avais pas le talent nécessaire pour cela. Visiblement c'était lors d'une visite de l'hôpital abandonné en compagnie de Lena qu'il avait réussi à se blesser et il me déconseillait d'y aller. « Oh ça ne me fait pas peur tu sais, je ne suis pas une trouillarde. » Est-ce que j'insinuais qu'il l'était ? Oui, mais pour me moquer gentiment. « Et tu as mal où précisément ? Tu veux que je jette un coup d’œil ? » Trêve de plaisanterie, j'aimerais autant qu'il ne se soit pas fait une entorse, il vaut mieux vérifier.

Alors Avalon (il n'était pas certain qu'elle s'appelait comme cela, mais son esprit avait décidé de lui attribuer ce prénom. Avalon.) tenta de pronostiquer l'origine de cette blessure. Elle pensait qu'il avait sauté beaucoup trop haut de la balançoire et qu'il aurait donc fait une mauvaise réception au moment de l’atterrissage. Il est vrai que cette hypothèse aurait pu être crédible, mais ce n'était pas le genre du garçon à jouer aux balançoires et à tous ces jeux d'enfant qui ont été absents pendant son enfance. Il lui confia, sous le ton de la plaisanterie, qu'il n'espérait pas qu'elle veuille se convertir dans la voyance parce qu'elle avait encore beaucoup à apprendre, selon lui. Il n'avait bien entendu pas dit cela méchamment. Il plaisantait. Il lui raconta alors qu'il s'était fait cela, en s'aventurant dans l'hôpital abandonné, en compagnie de Lena. Quelques images de leur grande aventure dans l'endroit lugubre avait d'ailleurs était diffusé lors du prime, ce qui avait ravi les deux jeunes gens. Il lui déconseilla d'ailleurs cet endroit, qui était semé d'embûches selon lui. Autant s'y aventurer le moins possible, sa cheville pourrait parler bien plus que lui, à ce sujet. Enfin... une cheville ne parlait pas, fort heureusement. Elle disait alors qu'elle n'était pas une trouillarde, et que ceci ne lui faisait pas peur. C'est vrai, elle n'avait pas l'air d'être une grande timorée de la vie. Les sportifs avaient toujours eu cet esprit de dépassement de soi, de ce dépassement à toutes épreuves. Ils étaient forts les sportifs. Fort mentalement. Parce que physiquement parlant, ils se blessaient eux aussi. « Oh, mais moi non plus, je n'en suis pas un ! ». Non. Il n'était pas un trouillard, puisque pendant toute cette mésaventure, il avait tenté de rassurer Lena, que tout se passerait bien, qu'ils trouveront la sortie, et qu'il n'avait pas mal. Pas mal à la cheville. Avalon lui demanda alors où il avait mal, et s'il voulait bien qu'elle y jette un œil. Un léger sourire se dessina sur les lèvres du biélorusse. Elle était gentille, cette femme... Enfin, il n'avait jamais pensé qu'elle ne l'était pas. « A la cheville... souffla-t-il, avant de marquer une brève pause. Mais t'es plus calée anatomie automobile qu'anatomie humaine, non ? ». Les garagistes étaient en quelque sorte les médecins des voitures, et de tous ces véhicules à roues. Mais de là à s'improviser médecin... Le jeune garçon reprit alors la parole, tout en s'installant sur l'un des petits bancs qui se trouvait non loin d'eux. « Je veux bien quand même... ». Elle s'y connaissait peut-être mieux que lui. Il ôta sa basket et sa chaussette pour que la jeune femme puisse examiner sa cheville. Il commença alors à défaire le bandage. « Voilà... c'est un peu gonflé... et je crois que ma cheville me trouve tellement sinistre comme personnage qu'elle a voulu m'apporter un peu de gaieté avec cette couleur... ». Sa cheville devait le trouver tellement sinistre comme garçon, qu'elle avait voulu lui apporter un peu de gaieté, un peu de couleur... une couleur entre le violet et le vert vraiment pas vert. Il observa alors le visage de la jeune femme concentrée. « Ce n'est pas trop grave, hein ? ». Il n'espérait pas que ça le soit. Une légère inquiétude vint alors peindre le visage du biélorusse.

Je n'avais jamais eu l'occasion d'explorer plus en détail l'hôpital abandonné, mais ça ne devait pas être si terrible que cela. C'était sombre, en piteux état d'accord, mais rien de bien effrayant là-dedans. Il y avait bien des bruits, mais il ne fallait pas être un génie pour se rendre compte qu'ils étaient enregistrés. Moi la conclusion que j'en faisais c'était qu'il était simplement un trouillard. Pas Lena bien entendu, elle c'était différent, elle était plus fragile que lui. Enfin bon je disais ça sur le ton de la plaisanterie, chacun a ses propres peurs. S'il ne voulait plus jamais y mettre les pieds, c'était son choix, je n'allais pas le forcer. Il m'affirmait en tout cas le contraire, qu'il n'en était pas un. « Oh et bien ça j'attends que tu me le prouves. » Je n'attends rien de lui, je disais simplement ça sur le ton de la plaisanterie. Il fallait pourtant passer à des choses plus sérieuses. Il ne pouvait plus marcher correctement, j'imaginais qu'il avait tout de même sacrément mal, et il faudrait peut-être soigner sa blessure avant qu'elle n'empire. Je lui propose de regarder. Il n'a pas tort sur le coup, je m'y connais plus en automobiles, qu'en anatomie mais enfin. « Disons que j'ai plusieurs cordes à mon arc. » Je ne vais jamais chez le médecin, mes collègues non plus. On les fuit comme la peste, on se soigne nous-même, entre nous, on demande conseil à certaines personnes. Alors je connais certaines choses oui, mais je ne pourrais dire avec certitude ce qu'il a. Il accepte tout de même, il me montre sa cheville qui a un légère œdème et qui a une couleur un peu particulière. Il me demande si ce n'est pas trop grave. « On va devoir amputer je le crains. » Au moins oui, je reprends mon sérieux deux secondes. « On dirait que t'as une entorse, mais je suis pas médecin comme tu l'as dit, je ne fais que te donner mon avis. » Oui de ce que je connais, ça ressemble fort à une entorse. « Ça ne m'a pas l'air plus grave en tout cas, tu peux encore poser le pied par terre alors. » Je ne pensais pas qu'il devait s'inquiéter outre mesure, enfin je n'en savais rien. « C'est quoi ton prénom au fait ? »

Alors qu'il lui avait conté ses mésaventures à l'hôpital, Avalon avait laissé sous-entendre que le jeune homme était un peu trouillard. Oh non. S'il lui avait déconseillé l'endroit, c'était tout simplement parce qu'il ne voulait pas savoir qu'une autre personne se serait blesser là-bas. Il lui dit alors qu'il n'était pas trouillard. Oh ça non. Il ne l'était pas. La jeune femme semblait vouloir qu'il lui prouve. Elle disait attendre qu'il lui prouve. « Oh, mais je trouverai bien l'occasion de te le prouver, ne t'en fais pas pour ça ! » lança-t-il, presque enjoué par cet engagement. Evidemment, ce n'était pas dans son état actuel qu'il pourrait lui prouver quoi que ce soit. Il ne serait même pas capable de prouver qu'il pouvait courir plus de dix mètres sans s’essouffler et sentir son cœur rater de multitudes de battements. Elle lui proposa alors gentiment d'examiner sa cheville. Valeri eut un certain doute au début... Après tout, n'était-elle pas garagiste et non médecin ? Une automobile et un humain n'étaient pas constitués de la même façon. Malgré cela, il la laissa regarder sa blessure. Elle saurait peut-être lui dire ce qu'il avait. D'ailleurs, elle avait plusieurs cordes à son arc, selon elle. Ah donc la médecine devait faire parti de cet arc imaginaire. Il n'hésita pas à commenter sa blessure. Commençant par le gonflement, puis par l’œdème qui « apporté un peu de couleur » comme il le faisait si bien remarquer. Il s'inquiéta alors légèrement, lui demandant si ce n'était pas grave. Il ne l'espérait pas, en tout cas. Il écarquilla légèrement les yeux lorsqu'elle lui parla d'amputation. Euh... Elle devait plaisanter ? Hein ? Hein, elle rigolait, n'est-ce pas ? Oh oui, oui, elle devait plaisanter. Un léger soulagement pouvait se lire sur le visage du biélorusse. Elle parlait d'une entorse. Il avait déjà entendu parlé de ce mot, mais n'avait jamais bien trop su ce qu'était une entorse. Pour la première fois de sa vie, il venait de faire la rencontre avec le mot « entorse ». Enchanté. Non, enchanté, il ne l'était pas vraiment. Selon la jeune femme, ou la médecin en herbe, ça n'avait pas l'air grave. De quoi rassurer un peu plus le biélorusse. Il hocha alors la tête. « Merci en tout cas... du coup, d'ici quelques jours, ce sera disparu, n'est-ce pas ? ». Parce qu'il n'avait envie de trainer cette cheville comme un fardeau durant de longues semaines. Oh ça non. Non, non. C'est alors qu'elle lui demanda comment il s'appelait. C'était quoi son prénom. « Moi, c'est Valeri... et toi, c'est... Avalon ? ». Il voulait juste être certain de ne pas se tromper de personne. « Et si ce n'est pas ça, tu devras t'en prendre à mon petit doigt, c'est lui qui m'a dit que tu t'appelais comme ça ! ». Il plaisantait, évidemment. Cela se voyait sur son visage juvénile, d'ailleurs.  

Je ne pensais pas une seule seconde que le jeune homme était un trouillard comme je me plaisais à lui dire, ça me plaisait simplement de lui faire croire. Et puis il fallait bien qu'il me le prouve n'est-ce pas ? Ce qu'il semblait décidé à faire. Bien j'attendrai d'assister à un acte de bravoure de sa part un jour ou l'autre. Enfin quelque chose qui n'allait pas abîmer sa cheville plus qu'elle ne l'était déjà. Je lui proposais mon aide. Je pouvais y jeter un coup d’œil. Je ne suis pas médecin effectivement mais je peux peut-être l'aider, disons que j'ai appris certaines choses avec le temps. Sa cheville a pris une vilaine couleur, et elle est enflée. Je me plais à lui dire que l'on va devoir l'amputer. Tout ça à cause d'un faux hôpital abandonné, si ce n'est pas malheureux. Enfin, pour moi il ne s'agit que d'une simple entorse. Il peut encore poser le pied par terre, alors j'imagine que ce n'est pas plus grave que cela. Et l’œdème présent sur sa cheville laisse effectivement à penser qu'il s'agit bien d'une entorse. Je ne fais que donner mon opinion, comme je lui ai déjà dit je ne suis pas médecin, il aurait probablement besoin de l'avis d'un professionnel. « D'ici quelques jours l’œdème devrait avoir disparu je pense, si tu ne forces pas trop. Mais ce ne sera probablement pas complètement guéri, il faudra que tu fasses attention. » Oui qu'il ne prévoit pas de courir un cent mètres la semaine prochaine. Je m'improvisais même médecin, enfin pour le coup qu'il s'agisse d'une entorse ou pas, je pense qu'il peut suivre mes conseils ça ne lui fera pas trop de mal. Puis je lui demande son prénom, incapable de m'en rappeler. Valeri, d'accord, je ne suis pas certaine de pouvoir tout remettre en ordre la prochaine fois. « Oh parce que ton petit doigt te parle aussi ? Mon pauvre ton problème est bien plus grave que ce que je pensais. » Oui c'est aussi sa tête qui est touchée, enfin bon je sais bien qu'il n'est pas sérieux. « Enfin bon c'est bien ça, ton petit doigt peut dormir sur ses deux oreilles. » Oui je n'allais pas m'en prendre à lui dans l'immédiat.