Ce n'était qu'une entorse, d'après les dires de la jeune femme. Une entorse. Pour la première fois de sa vie, il venait de faire sa rencontre avec dame Entorse. Il se serait bien passé de cette rencontre, c'est évident. Il lui demanda alors si dans quelques jours, tout ceci sera parti. Comme une sorte de rupture sentimentale avec dame Entorse. Il ne l'aimait pas trop, cette entorse. Il aimerait bien s'en débarrasser au plus vite et pouvoir faire n'importe quel pas qu'il voulait avec. D'ici quelques jours, l’œdème sera résorbé. Bien. Quelques jours ? Ca voulait dire combien de jours à peu prés ? Un ? Deux ? Trois ? Quatre ? Peut-être bien plus. Il allait donc devoir prendre son mal en patience. Il ne devait pas forcer et il faudra qu'il fasse attention. Ce fut les quelques conseils d'Avalon. Il hocha la tête vivement. Il s'était bien douté qu'il devait y faire attention à cette blessure nommée entorse. Elle lui demanda alors son prénom, certainement parce qu'elle ne devait pas le savoir. Ou bien elle l'avait su, mais elle avait oublié. Il ne lui en tiendrait pas en rigueur de cela, il était le premier à oublier les prénoms de n'importe quel quidam. Elle s'appelait donc Avalon. Il disait que c'était son petit doigt qu'il lui avait dit ça. Il s'en amusait à vrai dire de cela. Son petit doigt ne lui avait jamais parlé. D'ailleurs, pourquoi disait-on cela ? Pourquoi disait-on que notre petit doigt nous parlait ? Après tout, ça aurait pu être notre nez, nos oreilles, notre sourcil. On n'entend jamais quelqu'un dire « mon sourcil droit me parle ». Jamais. Valeri laissa s'échappa un petit ricanement, alors qu'Avalon laissa entendre que son problème était bien plus grave que cela. Ah ? Tant pis. Il savait déjà qu'il était un cas à part... un cas... particulier... un cas jugé de désespéré ou de bien trop intriguant. Son petit doigt pouvait dormir sur ses deux oreilles. Oh ? Bien, tant mieux. « Je lui dirai alors... » souffla-t-il, un brin rieur. Valeri était bien conscient qu'un petit doigt ne pouvait pas parler. Il n'était pas idiot, il n'était pas aussi idiot qu'il ne pouvait le laisser paraître. « Et à part être garagiste, et t'improviser médecin, tu fais quoi dans la vie, Avalon ? » lui demanda-t-il alors. C'était une façon comme une autre d'apprendre à en connaître un peu plus sur cette femme. Elle était garagiste, s'improvisait parfois médecin et... s'appelait Avalon. Pour le peu d'information qu'il savait pour le moment, il tâcherait de s'en souvenir. Oui. Avec un peu d'effort, il s'en souviendrait bien.

Je n'étais pas médecin c'était certain, mais c'était simplement du bon sens que de lui dire de ne pas trop forcer sur sa cheville pendant un temps. Peut-être devrait-il même avoir des béquilles je n'en sais rien. Je ne suis même pas certaine qu'il s'agisse d'une entorse, même si ça y ressemble fortement. Enfin je n'ai pas fait médecine, pour tout vous dire je ne sais même pas ce qu'est exactement une entorse, j'en connais simplement les symptômes. C'est tout. Il ne va pas en mourir de toute manière. Concernant son prénom, je dois avouer que je l'ai oublié. Il y a plein de prénoms que je connais sans pour autant pouvoir mettre un visage sur celui-ci. Tout se mélange un peu trop dans ma tête, je suis rapidement perdue. Mais je n'y peux rien, c'est tout le temps pareil. Il ne faut pas m'en vouloir, je ne le fais pas exprès. Valeri, c'est Valeri son prénom. Très bien, je le sais pour le moment, la prochaine fois il me sera sans doute plus difficile de le reconnaître. Quant à lui son petit doigt lui a dit que je m'appelais Avalon. Il est fort son petit doigt mine de rien. Il sait tout sur tout, il faut croire qu'il a des yeux partout. Il me questionne, il me demande ce que je fais dans la vie, à part être garagiste. Je me sens un peu bête sur le coup, je me mets à réfléchir. Je réfléchis quelques secondes, je me trouve bête de ne rien savoir lui dire. « Je ... Je vais dans des bars, je regarde des courses automobiles et ... Voilà. » Waouh, quelle vie extraordinaire. Je travaille, je bois, je dors, et je regarde des voitures faire la course. Il va se moquer de moi, je le sens. « Et toi alors, parce qu'à part savoir que tu t'appelles Valeri et que t'es un trouillard, je ne sais pas grand chose de toi. » Oui rien du tout, il a une longueur d'avance même.

Il ne connaissait rien de cette femme. Tout comme, il ne connaissait rien des autres personnes avec qui il participait à ce jeu. Il était faux de dire que l'on connaissait telle ou telle personne. Parce qu'au fond, nous ne connaissions rien d'eux. Rien du tout. Alors, on se voilait la face en se disant que l'on connaissait peut-être X ou Y, mais on le sait au fond : ils ne sont que des inconnus. On côtoie chaque jour des inconnus que l'on veut faire croire qu'on les connaissait. Qu'on les connaissait un peu. Non, c'est faux. Ici, on ne connaît personne... c'est le jeu. On est tous des illusionnistes en voulant s'intéresser aux autres, pensant alors qu'on les connaîtrait un peu plus. Mais non. Non. Elle s'appelait Avalon, était garagiste et s'improvisait médecin à ces heures perdues. A cela, on pouvait y ajouter un don de voyance très (très-très) médiocre. A cette liste non-exhaustive, elle disait aller dans les bars et regarder les courses automobiles. C'était... assez masculin comme hobbies, vous ne trouvez pas ? Si, un petit peu. Elle voulut alors se renseigner à son tour, sur le sujet Valeri. Elle savait peu de choses à son sujet. Qu'il s'appelait Valeri et qu'il était trouillard. La moitié des informations qu'elle avait sur lui étaient faux. Elle lui fit donc remarquer qu'elle ne savait pas grand-chose de lui. « Hum... déjà, je ne suis pas un trouillard, j'aime bien aller dans les bars moi aussi, enfin boire quoi. Je suis sûr que je tiens bien mieux l'alcool que toi... ». Il n'était pas prétentieux en disant ça. Non. Il s'en amusait presque. « … j'aime errer dans les rues et me donner en spectacle. Hum, je suis 'artiste de rue', c'est comme ça qu'on dit, je crois bien. Je suis mime. Hum, je vis à Paris pour le moment... ». Pour le moment, oui. Il ne savait pas de quoi son 'avenir' sera composé. Peut-être qu'il ne pourra pas rester à Paris, à la fin de cette aventure... Pourquoi pensait-il déjà à ça ? Pourquoi ? Oh non. Il ne voulait pas penser à des choses comme ça. « … Puis... le reste n'est guère intéressant. » souffla-t-il, avant de se taire.

Je ne sais jamais quoi dire quand l'on me demande de parler de moi. Parfois j'ai l'impression que mon métier résume toute ma vie, j'y ai presque dédié ma vie, c'est triste. Je me trouve triste, je n'ai rien de plus à lui dire. Je fais un effort, je lui dis que je traîner souvent dans des bars, que je vais souvent regarder des courses automobiles. A part ça, je travaille, je travaille beaucoup, encore et toujours. Ma vie n'est pas très intéressante, ce n'est pas grave, passons rapidement dessus, je préfère c'est mieux pour tout le monde. Je lui demande de me parler un peu de lui, au final mis à part son prénom je ne connais vraiment rien de lui. Je ne sais même pas quel âge il a, quel métier il exerce. J'ajoute aussi que je sais que c'est un trouillard, mais je ne fais que plaisanter pour le coup. Il me répète qu'il ne l'est pas, à force je vais l'avoir compris c'est certain. Il tient également mieux l'alcool que moi selon lui. « Je demande à voir. » je lui réponds dans un sourire. Oui s'il en est si certain qu'il me le prouve n'est-ce pas. Je ne vais pas me laisser avoir si simplement. J'attends une preuve, exactement. Il me dit être artiste de rue, mime plus précisément à Paris. « C'est ce que tu voulais faire ou tu n'as pas eu le choix ? Enfin je ne dis pas que c'est nul ou quoi que ce soit, je voulais juste savoir. » Je crois que je me suis mal exprimée, je ne dis pas que c'est un sous-métier, j'ai simplement l'impression que quand on travaille dans la rue c'est qu'on n'a pas eu le choix. Mais si c'est le cas pour lui, c'est tant mieux, le plus important c'est qu'il aime ce qu'il fait. « Enfin en tout cas je vois que tu as aussi peu de choses à dire sur ta vie que moi. » Oui on a tous les deux été plutôt brefs de ce côté là.