L'alcool et Sully n'étaient plus franchement potes depuis déjà quelques années, en soit depuis qu'il avait compris qu’enchaîner les conneries dans l'unique but d'impressionner son frère aîné ne menait à rien si ce n'est à suivre la même voie que lui, ce qui l'avait donc amené à se promettre de ne plus jamais boire à outrance. Même quand Ingrid était partie, il avait tâché de faire la part des choses et s'était interdit de sombrer dans l'alcool pour l'oublier, tout simplement parce qu'il savait que ça ne l'aurait pas aidé, que ça lui aurait fait beaucoup plus de mal que de bien, et qu'ainsi ça n'aurait absolument pas été la solution à un problème qui n'en avait tout simplement pas. Alors oui, si Sully pouvait effectivement boire un verre de vin de temps en temps, ou un peu plus quand l'occasion se présentait - ce qui restait très rare - il va de soi qu'il n'avait absolument plus pour habitude de s’asseoir à un comptoir et d'enchaîner les verres de rhum. Pourtant, c'est exactement ce qu'il faisait depuis déjà une petite heure, ne sachant plus tellement comment il était arrivé ici, si ce n'est qu'il avait eu besoin d'un petit verre, pour oublier ce qui avait tendance à le tracasser légèrement, et qu'il n'avait finalement plus eu envie de se remettre en route, qu'il avait en soit préféré rester ici, à boire, mais aussi à grignoter des gâteaux salés, comme si c'était son genre d'agir comme un habitué qu'il n'était absolument plus à ce jour, si tant est qu'il l'ait véritablement été un jour. Une chose était en tout cas certaine, cela faisait bien longtemps qu'il ne s'était plus mis dans un tel état. En soit, il n'était pas totalement bourré, car sa résistance à l'alcool était beaucoup plus élevée qu'il y a quelques années, mais il ne faisait clairement pas le fier, avec sa migraine et sa somnolence. Clairement, lorsque Sully était saoul, il n'était absolument pas du genre à monter sur le comptoir pour y danser la polka. Non, lui il avait plutôt l'alcool morose, celui qui déprime et met parfois sur la défensive. Et justement, lorsque Sully - qui était avachi sur le comptoir - crut entendre quelqu'un entrer, il n'eut peut être pas la force de se redresser, mais il parvint tout de même à saisir une arme des plus redoutables et qui, il en était certain, lui permettrait de se défendre si quelqu'un comptait profiter de son état pour l'agresser. « Je suis armé d'un bretzel ... et je n'hésiterai pas à m'en servir » qu'il lança alors, d'une voix naturellement tout à fait menaçante, ça va sans dire. Parce qu'après tout, dans un moment comme celui-ci, il était au top de sa dignité, hein. Plus sérieusement, il va de soi qu'il ne regrettait pas d'avoir officiellement arrêté la picole, hm.

Tiens, si j'allais dans le saloon. Comme ça, ça me paraît être une bonne idée vu que cet endroit, je n'ai gardé qu'un souvenir assez confus et nuageux. Je me souviens que Monroe était là, et aussi de bouteilles vides. Beaucoup de bouteilles vides. Un moment, il y a eu de la musique, je ne sais pas quoi et j'avais chaud. Puis j'ai dormi sur le canapé, Monroe était là aussi, je sais pas pourquoi. Certainement parce qu'elle se sentait coupable, un truc de ce genre je pense. Bref. Tant mieux, comme ça je ne me suis pas étouffée dans mon vomi. Enfin, il faut dire que même bourrée, jsuis du genre bien élevée comme fille, je vomis dans les toilettes. Ou dans les éviers. Ça aussi, je ne m'en souviens pas vraiment. Alors du coup, comme je ne visualise pas tellement le saloon, j'ai décidé d'y aller, comme ça, en touriste. Il faut bien que je le fasse avant de sortir vu que bon, vu mes scores au prime, j'ai échappé de peu à la poêle hein. Poussant les portes du lieu, c'est alors que je découvre Sully. Sully qui m'a l'air en bien mauvais état et étrangement je suis surprise. Quoi, Sully, bourré ? Vraiment ? Sully qui est toujours posé, calme, gentil, attentionné, responsable, romantique ? Lui, bourré ? Et bah, on me l'aurait dit, je n'y aurais pas cru mais force est de constater que c'est le cas. En plus, il menace de m'attaquer à coups de bretzels. Bah voyons. « Hum... Ça tombe bien, j'ai un petit creux. » J'avance, le mettant au défi de me mitrailler et finalement, je me pose à ses côtés, attrapant un petit verre, comme le sien et la bouteille de rhum. « Alors, c'est quoi que tu noies dans l'alcool ? Jpeux me noyer avec toi ou alors tu préfères t'amuser tout seul ? » Pas que j'ai des choses à noyer mais bon, voilà quoi, j'ai passé des semaines légèrement plus agréables. Je me verse alors un peu de rhum et je bois mon shot cul sec. Monroe serait fière je crois. Et puis un shot, c'est pas grand chose au final...

Spoiler:

A cet instant précis, Sully espérait que sa sœur ainée ne tomberait jamais sur une telle séquence, car il aurait droit à quelques reproches si celle-ci le voyait avachi sur un comptoir avec quelques verres dans le nez. Elle aurait vite fait de le comparer à Dean, de le défendre d'essayer de suivre à nouveau la même voie que lui, et tout deviendrait beaucoup trop prise de tête pour lui. Toujours est-il que l'idéal aurait en fait été que personne n'ait connaissance de cet infime incident, qu'il finisse par trouver la force de s'extraire de ce bar et par aller se reposer dans un coin, sans alarmer personne. Mais non, il avait fallu que quelqu'un trouve le moyen d'entrer, et il est certain que ça ne l'arrangea pas du tout. Parce que oui, il se doutait qu'on pourrait le questionner sur son état, étant donné que ça n'était a priori pas son genre de picoler. A noter qu'il crut en tout cas nécessaire de menacer l'intrus avec son bretzel, pensant peut être - un peu naïvement sans doute - pouvoir rester seul après ça. Sauf qu'une voix s'éleva bientôt et que même dans son état, il lui sembla reconnaitre Odessa. Il ne rebondit pas sur ses paroles, se contentant de plisser les yeux, et de hocher la tête, sans trop savoir pourquoi, plus machinalement qu'autre chose sans doute. Il sentit alors qu'elle prit place à ses cotés, qu'elle se servit à boire à son tour et une question lui parvint bientôt. « Rien » qu'il souffla alors, en se redressant légèrement, pour finalement reprendre. « Tout. » Là, il s'avachit de nouveau et eut quelques peu l'impression de développer des tendances schizophrènes, hm. « Je me fais du souci pour ... pour tout le monde, alors que personne ne s'en fait jamais pour moi ... Je dois être un peu con sur les bords en fait, et ... et je me sens très seul. J'ai toujours été très entouré, mais très seul. » Il arqua alors un sourcil, l'air pensif, prenant même la peine de poser une main au niveau de son menton. « C'est possible ça ? » Il va de soit qu'Odessa n'était aucunement forcée de lui répondre, et que dans l'état dans lequel il se trouvait, il ne risquait pas de lui en tenir rigueur si elle préférait partir. Sauf que non, elle demanda même à noyer son propre chagrin. « Reste » qu'il lui intima alors, peut être pas aussi chaleureusement qu'il aurait pu le faire s'il avait été sombre. Il tâcha alors de poser son regard sur elle, orienta une main vers ses cheveux, dont il toucha une mèche, à la pointe de celle-ci, pour s'en désintéresser presque aussitôt et s'avachir de nouveau sur le comptoir. « T'as de la chance, tu sais » qu'il souffla, tout bas, le regard dans le vide. « Mieux vaut deux admirateurs qu'aucun ... je crois, hm » Oui parce qu'étant saoul, son esprit avait malencontreusement tendance à puiser certaines informations - comme les propos d'Odessa lors de son interview - pour les tourner d'une façon très maladroite. Autrement dit, l'alcool ne lui réussissait définitivement pas.

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Alors ça, c’était une chose que je ne pensais jamais voir : Sully, bourré. Il y a des tas de gens ici qui ne me surprendraient pas le moins du monde, dans cet état mais lui n’en faisait pas partie, clairement pas même si au fond, avec son secret révélé, je me rendais compte qu’il avait certainement pas mal de poids sur les épaules. Il était pour surveiller Lena, pour son frère. Mon avis là-dessus, il le connaissait déjà alors je n’avais pas tellement envie de le lui rabâcher étant donné qu’il devait le vivre tout aussi mal mais j’imaginais assez aisément que son frère en prison, la mission qui lui incombait devaient être une pression assez conséquente et que la noyer dans l’alcool n’était certainement pas une idée si saugrenue que ça. Bon, ça ne marche qu’un temps, certes mais qu’est-ce que c’est bon, parfois, d’oublier les choses pendant ne serait-ce que quelques instants… Pourtant, quand je le questionne, à présent à côté de lui, il me dit qu’il ne s’agit de rien. Rien ? Vraiment ? Je fronce les sourcils. Et puis ce rien se transforme en tout et je fronce toujours les sourcils, jusqu’à ce qu’il me donne plus d’infos. Je ne dis alors pas que j’arrête de froncer les sourcils mais tout ceci me parait déjà bien plus précis bien que toujours assez énigmatique. « Hum… Tu parles de ta famille ou d’ici ? Tu me parlais de ta nièce l’autre jour et de ta sœur, elles sont bien là non ? » Ou alors, peut-être que je ne comprends pas ce qu’il veut dire. Peut-être qu’il est entouré, oui mais qu’au fond, les liens sont rompus et la solitude bien présente. Je peux le comprendre oui, c’était un peu le cas, avec mes parents. « Oui c’est possible mais c’est triste… Il doit bien y avoir quelqu’un, je suis sûre que quelqu’un s’intéresse à toi ! » Comme moi, là, en ce moment ou Ismène aussi qui s’intéresse bien beaucoup à lui, hein. Mais il doit parler de sa famille, oui certainement. Il me demande de rester et je lui souris, légèrement surprise par ses gestes. Oh il peut toucher mes cheveux, ça va, ça reste dans un cadre assez décent mais venant de Sully, c’est assez étrange. Vraiment. Puis il reprend la parole. De la chance ? Moi ? Ah hum, oui, pourquoi pas. Je suis étonnée, ça doit se voir sur ma tête mais lorsqu’il se met à parler de mes deux admirateurs, je suis déjà moins à l’aise. Carrément moins à l’aise. Du coup, je préfère m’engouffrer dans la brèche et parler de lui, au lieu de moi. « Ne dis pas ça, tu as Ismène, ce n’est pas ‘aucun’. Ca ne va pas avec Ismène ? Je suis sûre que ça s’arrangera. En plus vous allez très très bien ensemble et vous êtes mignons, tout ça, je suis sûre que ce n’est que le début. » Et je devrais arrêter de parler aussi. Allez hop, un nouveau shot de rhum.

Dans l'immédiat, Sully n'était heureusement pas susceptible de se foutre à poil ou de chanter du Stevie Wonder à tue-tête, lui qui n'était pas tellement plus folichon lorsqu'il était bourré que lorsqu'il était sobre, ce qui n'était pas une mauvaise chose pour le coup. Surtout qu'il ne tarda pas à être rejoint, et qu'il valait effectivement mieux qu'il évite de se donner en spectacle devant Odessa, qui serait sans doute suffisamment traumatisée par le fait qu'il se soit saoulé, elle qui devait quand même se douter que ça n'était pas franchement le genre de la maison, supposait-il. A noter en tout cas qu'à l'image de tous les bourrés du monde, Sully ne manquait tout de même pas de raconter quelques âneries, car ça c'était pour le moins inévitable. Ainsi donc, il eut suffi que sa camarade l'interroge sur les raisons de cette suspecte alcoolisation pour qu'il se laisse aller à un pathétique discours où il avait tendance à se victimiser un peu, ce qui n'était pas non tellement son genre d'habitude. C'était heureusement principalement l'alcool qui parlait, même s'il est certain qu'il n'allait pas chercher ça n'importe où. « Ma famille ? Je ne suis même plus sûr de ... d'en avoir une. On ne me trouve que quand on a besoin de moi et ... tiens, oui, ma sœur. Parlons-en de ma sœur ... Elle est bien gentille, mais elle sait me trouver que quand elle a besoin qu'on lui garde sa gosse ... Moi, je le fais avec plaisir, toujours, alors que je sais qu'elle n'a juste pas les moyens de ... de se payer une baby-sitter ... » Dit comme ça, ça n'était peut être pas extrêmement clair, car le rhum avait altéré sa capacité à se faire comprendre, mais il est vrai qu'il avait le sentiment d'être un peu "utilisé" par sa sœur. Quant aux autres propos d'Odessa, il répondit de par un simple mouvement de tête, négatif, lui qui partait présentement du principe que non, personne ne s'intéressait à ce qu'il pouvait ressentir au quotidien. Et puis, après avoir ressenti l'étrange besoin de toucher les cheveux de sa camarade, il en vint à lui parler assez maladroitement de ce qu'il avait cru comprendre de son interview. En soit, pas grand chose, si ce n'est qu'elle plaisait à deux types, et que cela faisait d'elle, d'après le Sully bourré du moins, une sacrée petite chanceuse. Mais la jeune femme lui parla d'Ismène, soit ni de Cosmas, ni de Charles-Emmanuel et ... il fut d'autant plus largué, en fait. « Ismène ? Si, si ça va ... Je l'adore, elle est ... elle est parfaite, hein, tu sais. Elle dit que non, mais moi je sais que si ... Sauf que moi, je ne suis pas parfait. Loin de là ... Et j'ai peur de m'en prendre plein la gueule ...  parce que les filles trop bien pour moi, tu vois, j'ai déjà donné ... » Et sur ces mots, il fourra sa tête entre ses bras, se redressant pourtant rapidement, histoire de ne pas s'endormir, mais aussi de reprendre subitement la parole. « Au fait, tu ... tu ne lui diras pas que tu m'as vu comme ça, hein ? » Il ne voudrait pas la perdre pour un peu de rhum. Ce serait cher payé, disons, d'après lui.