ENOCH & JAILEEN
28.06 à 14h55


Une sixième semaine d’aventure avait commencé en début de semaine. Une nouvelle semaine d’aventure un petit peu étrange. Le départ de certaines personnes laissait un goût amer dans le nid d’amour, mais le jeu devait continuer. Personne ne devait se laisser abattre par  ce que la production préparait à chaque fois. S’il avait décidé de mettre trois personnes dehors, alors on ne pouvait rien y faire. C’était tout de même dommage. Surtout lorsqu’il s’agissait de personnes que la grande blonde appréciait sincèrement, même si elle ne le montrait pas vraiment. Tous les candidats semblaient à présent sur la défensive comme si Cupidon faisait peur à tout le monde. C’était ça, il faisait peur à tout le monde avec ces appels et tout son tralala. Chacun essayait de s’occuper l’esprit pour ne pas penser au prochain prime qui arrivait à grands pas et qui risquait, lui aussi, de réserver des bonnes, comme des mauvaises surprises aux candidats encore en compétition. Jaileen en profitait pour découvrir des endroits dans lesquels elle n’avait encore jamais eu l’occasion de mettre les pieds. Le décor penché. Pas mal de monde en parlait, mais elle ne savait même pas à quoi cela pouvait bien ressembler. Elle était curieuse. Elle voulait le voir au moins une fois avant de quitter les lieux. En short, un débardeur sur le dos – façon de parler hein, parce qu’elle le portait pour de vrai -, des baskets aux pieds, l’anglaise partait en direction de cet endroit digne d’un studio hollywoodien. Normal, c’était Los Angeles. En arrivant, elle poussait timidement la porte, jetant un coup d’œil à l’intérieur. Personne. Elle en trait, fermant la porte derrière elle avant de s’approcher d’une gigantesque paroi. Un mur d’escalade à première vue. Elle détaillait la chose de bas en haut avant de venir poser attraper son menton entre ses mains comme impressionnée par le monstre. C’était bien trop haut pour elle. Hors de question qu’elle reste ici. Elle avait eu l’occasion de voir, elle pouvait donc partir. Marchant en arrière pour garder un œil sur le mur, elle venait heurter quelque chose, ou quelqu’un plutôt. Elle s’empressait de se tourner pour poser son regard sur … Enoch. Elle baissait les yeux comme gênée avant de joindre ses mains dans son dos.  « Désolé, je … j’suis un petit peu maladroite en fait. »

J'ai l'impression que c'est plus silencieux qu'à l'accoutumée. Les candidats sont éliminés de semaine en semaine. Je m'y suis toujours fié aux choix du public. Maintenant, je prends conscience que personne n'est pas l'abri d'une élimination. Même le meilleurs d'entre nous risque de partir tôt ou tard. Cette semaine a été plus calme que d'habitude. J'en profite pour me détendre, pour faire le vide dans ma tête. Mais d'un côté, je suis content d'être encore ici et d'être avec Avalon surtout. Je ne me voyais pas partir cette semaine, la quitter brutalement alors qu'on venait à peine de construire quelque chose entre nous. J'ai une semaine de répit jusqu'au prochain prime. Je me dis que c'est le jeu et qu'il faut digérer tout ça. Les départs vont être de plus en plus difficiles dans les semaines qui viennent. Autant se préparer au pire pour éviter toute déception. On verra Dimanche prochain. En attendant, j'en profite. C'est peut-être mes derniers instants ici. Je décide de faire un peu d'exercice. L'escalade, par exemple. Je me mets en tenue de sport. Un short et un t-shirt puis c'est parti. J'arrive mon sac de sport à l'épaule. Je pénètre dans la salle. Celle du décor penché. Il ne semble y avoir personne jusqu'à ce que je tombe sur Jaileen. En reculant, elle s'est cogné contre moi. Elle se retourne, me voit et baisse la tête, gênée par sa maladresse. Je lui souris et lui ébouriffe les cheveux. Je lui réponds : - Ce n'est pas grave. J'observe l'immense paroi qui se dresse devant nous. Je n'en ai pas fait depuis  longtemps. Enfin, depuis trois semaines environ pour être plus précis. Je tourne mon regard vers Jaileen. - Tu ne veux pas escalader ? Elle n'en a sûrement pas envie. Si elle a le vertige, elle ne devrait pas monter.  

Elle était tout de même super maladroite la petite Jaileen. Enfin, c’était surtout qu’il lui arrivait toujours des choses étranges lorsqu’elle se trouvait en compagnie d’Enoch. Elle se déguisait en Hermione Granger, lui faisait des avances ou se retrouver sous la douche alors qu’il était juste à côté. Il n’avait pas l’air de lui en vouloir à chaque fois. Même là, lorsqu’elle venait le bousculer, lui marcher sur le pied, il lui disait que ce n’était rien. Ce n'est pas grave. Il lui souriait tout en venant lui ébouriffer les cheveux. Cela la faisait sourire. Elle était comme une petite fille devant son papa lorsqu’elle se trouvait en compagnie du candidat. Un sourire béat d’admiration sur les lèvres, elle laissait s’échapper un rictus amusé dans les airs lorsqu’il venait mettre du désordre dans ses cheveux. Il y avait chez lui quelque chose qui plaisait beaucoup à Jaileen. Enfin, qui lui plaisait dans le sens où elle aimait bien sa compagnie. Rien de plus. Elle trouvait admirable la façon dont il arrivait à pardonner aussi vite et sans aucune prise de tête. Tu ne veux pas escalader ? Lorsqu’il prononçait ses mots, elle tournait sa tête vers le mur d’escalade, posant ses pupilles sur le monstre avant de secouer négativement sa tête.  « J’ai le vertige » venait-elle se justifier tout en croisant ses bras sous sa poitrine comme pour se protéger de quelque chose.

 

Je ne pensais pas tomber sur Jaileen à cet endroit-ci de la propriété. Elle s'excuse de la maladresse. Je lui assure que c'est rien. Elle m'a un peu marché sur les pieds. Je n'en lui tiens pas rigueur. Ce n'est pas grave. Je ne vais me fâcher pour si peu. Surtout avec elle. Je m'énerve rarement. Je suis serein en toute circonstance. Et puis, c'est Jaileen. Je viens ébouriffer ses cheveux avec ma main. Ce genre de geste, je ne l'aurais jamais fait à quiconque auparavant. Je crois que je suis différent maintenant. Moins coincé, moins réservé. C'est sûrement les gens d'ici qui m'ont changé, qui m'ont aidé m'ouvrir un peu plus. Je lui demande si elle ne va pas escalader. Elle me répond qu'elle a le vertige. Ah, c'est vrai que c'est embêtant. Dommage, elle rate quelque chose. Je ne vais la forcer à grimper là-haut. Je dépose mon sac sur le sol. Je lui demande d'un ton doux : - Ta famille ne te manque pas ? Même si on se côtoie de temps en temps, je suis loin de la connaître. On n'a jamais pris le temps de discuter de tout et de rien. L'escalade peut bien attendre. Je m'assois parterre et je l'invite à faire de même.

Si Jaileen était là dans l’espoir de pouvoir grimper tout en haut de ce mur d’escalade géant, elle abandonnait vite cette idée. C’était bien trop haut. Elle avait peur d’avoir le vertige. Enfin, elle l’avait déjà. Elle se sentait toute petite lorsqu’elle regardait le haut de ce monstre. Elle reculait pour venir marcher sur les pieds de quelqu’un. Enoch. C’était d’ailleurs à lui qu’elle disait avoir le vertige. Non ce n’était pas une excuse pour se défiler. C’était juste la vérité. Elle risquait de se paralyser et de ne plus pouvoir bouger. Elle ne voulait pas que des milliers de téléspectateurs puissent voir qu’elle était vulnérable sur ce point-là. Jaileen était bien mieux avec ses deux pieds sur la terre ferme.  Après plusieurs excuses, voilà qu’il venait s’asseoir par terre et poser son sac à côté de lui. Il lui faisait signe de s’approcher. Elle s’exécutait et venait s’installer juste à côté de lui. Ta famille ne te manque pas ? La demoiselle baissait la tête, se mettant à jouer avec ses doigts, comme une enfant. Elle secouait la tête pour dire que non. Elle était très bien ici.  « Un tout petit peu. » Sa tante ne lui manquait pas tellement, mais elle n’avait pas son mot à dire dans toute cette histoire. Son oncle lui manquait énormément en revanche.  Son oncle c’était un petit peu l’homme de sa vie, mais elle ne souhaitait pas entrer dans les détails.  « Et toi ? Ta famille te manque ? » Elle posait la question comme si cela était normal de lui rendre la chose.

Chez moi, l'escalade est un des sports que j'aime pratiquer. Sans ou avec le harnais, je n'ai pas peur de prendre de la hauteur à chacune de mes ascensions. J'aime  me mettre en danger de temps à autre. Surtout, niveau adrénaline ce genre de sport, c'est l'idéal. Ce que j'apprécie dans ce sport, c'est qu'il nous permet de dépasser nos limite et de maîtriser ses peurs. Mais tout le monde ne porte pas le même intérêt pour l'escalade que moi. Jaileen, par exemple. Elle a peur vide. Cela se voit. Rien qu'à voir la façon dont elle dévisage ce mur depuis quelques minutes déjà. Je monterai plus tard. D'abord, j'aimerai beaucoup discuter la blonde. Jusqu'ici, on n'a pas eu réellement l’occasion. Au final, je la connais peu. Je le sais énergique et amusante. Elle a du caractère et ne se laisse pas faire. Quand on a découvert qu'elle était un traître, elle a gardé la tête haute même si certains lui en voulaient. Ces derniers jours n'ont pas été faciles pour elle. Je pense que tout est rentré dans l'ordre. Je lui demande si sa famille lui manque. Un peu, dit-elle. Elle me retourne la question. Je soupire : - Il n'y a pas grand monde qui m'attend chez moi. Mon chien me manque. Cela fait longtemps que je n'ai pas été famille. La dernière fois, cela remonte à ... Je ne saurai m'en rappeler quand. Je suis en quelque sorte un orphelin qui a pour seul ami de compagnie, un chien des plus fidèles. - Tu es proche de ta famille ? J'ai oublié ce que c'était d'être en famille et de partager des moments forts avec des proches. Je n'ai plus de parents. Il ne me reste que ma tante et mon parrain. Sinon, le reste de ma fille ignore mon existence et c'est mieux ainsi.

Il n'y a pas grand monde qui m'attend chez moi. Mon chien me manque. Jaileen tournait aussitôt la tête vers son camarade lorsqu’il ouvrait la bouche pour parler. Personne ne l’attendait chez lui ? Comment ça ? C’était étrange. Elle se posait alors tout un tas de questions sur son interlocuteur, sur sa vie. Elle connaissait son secret, mais rien de bien précis sur lui. Continuant de jouer avec ses doigts telle une enfant, elle prenait la parole. « T’as pas de famille ? » demandait-elle d’une toute petite voix. C’était un peu cash comme question, mais elle ne pouvait pas rester dans l’ignorance alors qu’elle l’aimait bien et qu’il venait parler seulement d’un chien. C’était cool aussi les chiens, mais pas autant qu’une famille. Jaileen n’avait peut-être pas ses parents, mais elle avait son oncle et sa tante et puis tout un tas de cousins. Bon sa tante elle ne l’aimait pas trop à la blondinette, mais son oncle était toujours là pour rétablir l’ordre lorsque les deux femmes se crêpaient le chignon. Surtout depuis l’adolescence de Jaileen et le moment où elle avait gagnait en assurance, le moment où elle n’avait plus jamais eu peur de répondre à une femme aussi égoïste que sa tante. [i] Tu es proche de ta famille ? Elle était une nouvelle fois dans ses pensées et en venait à sursauter lorsqu’il prenait la parole. Si elle était proche de sa famille ? Une petite grimace venait s’installer sur ses lèvres. « Ca dépends des fois. » Elle marquait une courte pause et baissait la tête. « En fait, par moment ils sont supers gentils avec moi et la minute d’après ce sont les pires pourritures du monde entier. « Pas son oncle, juste sa tante et … sa cousine aussi. Un petit peu.

J'ai appris à vivre seul, depuis que je suis môme. Ma mère est partie trop tôt. Mon père a disparu de la surface de la Terre. Moi, il ne me reste que mon chien. Un chien que j'ai recueilli il y a cinq ans alors que j'étais au plus mal. Il est devenu mon compagnon qui a toujours su veiller sur moi à sa manière. Sinon, les autres membres de ma famille je ne les vois que trop rarement. Il n'y a que ma tante Abigail et sa nièce qui rendent visite. D'ailleurs, ce sont elles qui s'occupent de Mordechai pendant mon absence.  - J'ai perdu ma mère. Mon père est mort à mes yeux. Mon chien est devenue ma seule famille. J'ai des tantes et des oncles, mais ils m'ignorent. Je m'y suis fait. Je me caresse la nuque doucement en fixant le mur devant nous. Je n'ai pas eu une enfance très heureuse. Je vis avec. La solitude ne me dérange plus autant. C'est devenu une habitude, un mode de vide à part entière. J'ai souffert de cette situation auparavant, plus jeune mais en grandissant, j'ai appris à faire avec. Elle parle de son oncle et de sa tante. Je souris tendrement. Au fond, elle les aime. Cela s'entend dans la manière dont elle parle deux. - T'as la chance d'être bien entourée. Ils ont l'air proche. On dirait qu'elle a grandi sans parents, donc elle a du être élevée par son oncle et sa tante. Je la scrute longuement. Je lui demande : - Tu connais mon secret, n'est-ce pas ? Elle faisait partie des traîtres, donc elle doit sûrement le connaître. Étrangement. Cela me fait du bien de savoir qu'elle le sait. Je n'ai pas lui mentir. Donc, c'est assez reposant en fait.

La blondinette aimait bien discuter avec son camarade. Il était calme. Il l’apaisait. Elle ne savait pas comment il faisait, mais elle était bien moins sur les nerfs lorsqu'elle se trouvait en sa compagnie. Un petit sourire timide sur les lèvres, la demoiselle buvait chacune de ses paroles comme s'il était en train de lui raconter une histoire passionnante. Il lui racontait sa vie. C'était tout aussi passionnant. Elle venait se confier à lui. Il pouvait être fier. Jaileen n'accordait pas sa confiance à n'importe qui. J'ai perdu ma mère. Mon père est mort à mes yeux. Mon chien est devenue ma seule famille. J'ai des tantes et des oncles, mais ils m'ignorent. Je m'y suis fait. Instinctivement, la demoiselle attrapait la main de son colocataire, un petit peu comme si elle voulait le réconforter de toutes ces choses horribles qui lui étaient arrivées tout au long de sa vie. Elle ne savait que dire. Elle avait peur de faire une bourde. Restant silencieuse un instant, elle finissait par prendre la parole. - Tu ... Cela fait longtemps que ta maman est décédée ? C'était une question indiscrète, mais elle se sentait proche de lui sur ce point. Elle ne pouvait pas laisser passer cela. Peut-être que ceci allait encore un petit peu plus les rapprocher. T'as la chance d'être bien entourée. Elle souriait. Effectivement, elle n'avait pas à se plaindre. Elle n'avait jamais manqué de rien. Sauf peut-être d'un papa et d'une maman, mais elle ne comptait pas se plaindre et la difficile. Elle n'en avait aucun intérêt. Du coup, elle restait silencieuse. Tu connais mon secret, n'est-ce pas ? Son rôle de traître venait là aussi sur le tapis. Un petit sourire gêné sur les lèvres, elle hochait la tête de haut en bas. [i]- C'est arrivé comment ? Elle était curieuse. C'était plus fort qu'elle.

Aujourd'hui, j'ai voulu en savoir plus sur Jaileen. Elle est une personne plutôt méfiante d'habitude. Elle se livre un peu plus à moi. J'en suis ravi et me sens un peu privilégié dans un sens. Elle semble plus calme d'ailleurs. Elle déborde d'énergie et gesticule de partout. Elle m'écoute sagement. C'est agréable de discuter dans un atmosphère serein. Nous discutons de famille. De sa famille, au début. Puis, vient à mon tour de parler de ma famille. Je lui explique que je suis orphelin et que je ne suis pas aussi proche des autres membres de la famille qu'elle l'est avec sa tante et son oncle. J'ai vécu tout seul toutes ses années. Je m'y suis habitué. Je n'aime pas en parler. C'est un sujet parfois délicat à aborder. Je ne peux m'empêcher d'être ému quand Elle me prend délicatement la main. Je ne bronche pas. Ce geste  m'apaise mine de rien. Je lui souris tendrement. C'est gentil de sa part. Je serre sa main dans la mienne avec douceur. Elle me demande si cela fait longtemps que j'ai perdu ma mère. Je hoche la tête : - Oui. Elle est morte lorsque j'avais seize ans. Un souvenir rempli de haine et de souffrance. Avec le temps, la douleur s'est atténuée. Mais elle reste ancrée dans mes entrailles. Quand je repense à sa mort, une certaine amertume m'assaille. Je lui dis qu'elle a de la chance d'être bien entourée. J'aurai voulu avoir un parent à mes côtés pour traverser les épreuves les plus difficiles de l'existence. Je sais qu'elle connaît mon secret. D'ailleurs, elle n'hésite à pas me questionner dessus. Je soupire : - J'ai fauté. Cela résume en gros ce qui s'est passé. Je ne peux pas entrer dans les détails pour le moment. En repensant à cet épisode de ma vie, je regrette que les choses ont pris cette tournure.