sully
Valeri s'affairait dans la salle de bain, tentant d'enlever vainement les derniers surplus de maquillage qui semblaient bien décidé de ne pas disparaître. La veille, il avait donné un spectacle improvisé à Sun-Hi. Il faut dire qu'il lui avait promis depuis la première semaine. Alors qu'il tentait d'enlever une dernière trace, à l'aide de l'un de ces produits féminins, une personne semblait faire son entrée dans la pièce. Bien trop concentré parce qu'il se faisait, il ne prêta pas attention à ce nouveau venu. Il se mit alors à râler contre le démaquillant qu'il avait utilisé. « C'est vraiment naze son truc-là ! » ronchonna-t-il alors. Il reposa le flacon sur le rebord du lavabo, et fit couler un peu d'eau. Il s'aspergea quelque peu le visage. Il attrapa, par la suite, une serviette et s'épongea le visage avec. Il se redressa et se tourna alors vers le quidam. C'est alors qu'il reconnut Sully. Ah. Ses lèvres s'étirèrent légèrement, avant de pointer du menton le sol mouillé. « Tu feras attention de ne pas glisser... ce serait dommage quand même. » lui fit-il remarquer ponctuellement. Au fond, il s'en fichait un peu. Mais au moins, il ne pourrait pas reprocher au jeune biélorusse de ne pas lui avoir fait remarquer que le carrelage était humide, dans le cas où il se casserait la figure. Il est certain que Valeri ne lui viendrait sûrement pas en aide. Oui, non, il veut bien être gentil, mais quand même... Bon, d'accord, il ferait peut-être un peu d'effort. Juste pour essayer d'atténuer la hache de guerre. Sur ces quelques mots, le jeune biélorusse finit sa toilette. Se brossant alors énergiquement les dents. Il était important d'avoir une bonne hygiène bucco-dentaire, on ne le rappelait pas assez. Si certains candidats préféraient avoir une mauvaise haleine, ce n'était pas le cas du jeune biélorusse. Sous ses petits airs, il n'avait pas l'air comme ça, mais il prenait assez bien soin de lui. Alors qu'il eut terminé, il s'essuya la bouche. Se tournant vers son interlocuteur qui semblait vouloir prendre sa douche. Oh bah, qu'il la prenne. Il n'allait pas jouer les petits gênés face à Valeri quand même. « Alors comme ça, je me voile la face ? » lança-t-il, arborant un léger rictus amer. Il avait cru entendre ça, lors du prime, dans l'interview de Sully. Il se voilait la face, et il se serait épris de Lena, ou des trucs comme ça. Oui, même Connor avait dit un truc comme ça – mais pas avec ces mêmes mots. Enfin.

N'allez pas croire que le jeune biélorusse était devenu avenant à l'attention de Sully. Oh non. Ce n'était pas le cas. Certes, il fut un temps – certainement révolu, à présent – où il avait eu l'ambition d'enterrer la hache de guerre, de 'sympathiser' avec lui, ou tout du moins d'améliorer ses rapports avec l'homme en question. Pourtant, il fallait croire qu'il avait oublié cette promesse – volontairement ou non. Il l'avait faite à Lena. Oui. Un léger sourire mesquin étira les lèvres de Valeri. S'il en serait personnellement affecté dans le cas où il se casserait la figure ? Et bien, disons que... « Non. » reprit-il très brièvement. Avant se retourner vers le lavabo. Ce n'était pas tout, mais il avait une toilette à finir et il n'avait pas envie de perdre son temps. Perdre son temps à discuter. A discuter avec Sully, notamment. Il n'était certainement pas la personne qu'il appréciait le plus, au sein de ce nid. Il faut dire qu'il était difficile d'attirer la sympathie du jeune biélorusse. Il y avait bien quelques personnes. Oui. Il faut dire que les quelques mots qu'il avait pu entendre à son sujet, lors de l'interview de l'américain, ne lui avait guère plu. Il ne manqua pas d'ailleurs à rebondir à ce sujet. Alors comme ça, il se voilait la face. Non, ce n'était pas vrai. Il mentait. Il modifiait la vérité. Il dessinait une réalité qui était fausse. Il disait qu'il se fourvoyait, ou quelque-chose comme ça. « Tu te trompes ! » lança-t-il alors, laissant de côté de sa brosse à dent. Il vint prendre appui contre le rebord du lavabo, et reporta son attention sur son interlocuteur. « Puis, tu n'avais pas à le dire. » souffla-t-il. Non. Il n'avait qu'à se taire, mais apparemment, ça ne faisait pas parti des cordes du cinéaste. Valeri sourcilla doucement à la suite des paroles de l'américain. Il parlait de persécution, de délire, de son délire de persécution. Il ne voyait pas vraiment où il avait été s'imaginer, ça. Ah, peut-être la conséquence de sa conversation avec Ismène. Il poussa un léger soupir, remuant doucement la tête alors qu'il continuait de parler. Sully continuait de parler. Il mentionna le prénom d'Ismène justement. Il disait ne pas apprécier ce qu'il avait pu dire à la jeune femme en question. Il haussa négligemment les épaules, alors que son interlocuteur disait en avoir sa claque. Il ne savait pas vraiment pourquoi il lui parlait de claque, s'il avait envie que Valeri le baffe il n'avait qu'à lui dire directement. Ah ? Il ne voulait pas lui dire ça ? Ah, d'accord. « Poor Кацяня... » laissa entendre le jeune biélorusse. Un léger petit rire fusa entre ses lèvres. Oh, il ne lui avait rien dit de bien méchant. Rien d'insultant, si c'était de ça dont vous aviez peur. Non. Valeri n'était pas du genre à insulter aussi facilement une personne. Il était calme, et pacifiste – un peu. La remarque du biélorusse – en biélorusse, qui plus est – ne semblait pas faire très plaisir à Sully. « J'ai été... hum un peu... hum idiot de lui dire ça, mais sur le coup, j'ai dû penser que tu n'accepterais pas mon non-refus face à ce baiser quémandé. » avoua-t-il. Il attrapa son tee-shirt qui créchait dans un coin, au sec, dans la salle d'eau et l'enfila. « Enfin, c'est bon, c'est passé ça. Ca ne sert à rien de revenir dessus. » conclut-il alors.

Il était sans surprise que le jeune biélorusse revienne sur les dires que Sully avait tenu au cours de son interview. Il était sûrement légitime qu'il pointe du doigt ce passage de l'entrevue entre les deux hommes. Après tout, il était question de lui. Et des semblants de sentiments qu'il pourrait éprouver à l'égard de la danoise, Lena. Valeri disait qu'il se trompait à ce sujet. Oui, il se trompait. Il ne savait même qu'est-ce qui avait bien pu lui mettre cette idée-là en tête. Il se trompait, point à la ligne. Parait-il que même si c'était vrai, qu'il en aurait conscience, il le contredirait. Valeri remua doucement la tête. « Tu te trompes une nouvelle fois. » lança-t-il alors. Et c'était quoi cette façon plus ou moins maladroite – ou indirecte – de lui faire comprendre qu'il était contrariant comme garçon. A cette pensée, un frêle soupir s'échappa entre les lèvres, alors que Sully reprenait la parole. Certes, il n'avait pas tort, mais il n'était pas obligé de le dire à haute-voix, sachant que ce serait diffusé devant... un bon nombre de téléspectateurs. Il croisa dés lors les bras, alors que l'américain prenait encore la parole. Il disait aller dans le sens de l'interview, ou quelque-chose comme ça, il parlait d'hypocrisie, puis de susceptibilité. Il remua doucement la tête, avant de laisser s'échapper un énième soupir – ou un second. Quant à la suite, il ne put s'empêcher d'articuler quelques mots, dont un dans la langue qu'il maîtrisait si bien, en biélorusse. Il ne lui avait rien de bien méchant en soi, vous savez. Si je vous disais la signification de ce mot, vous en rigolerez plus qu'autre chose. En tout cas, ça ne semblait pas plaire à l'américain. Oh. Un petit rire muet tenta de se frayer un chemin entre les lèvres mi-closes de Valeri. Il n'aimait pas qu'il lui parle dans une langue qu'il ne connaissait. Oh. Évidemment, cette remarque ne manqua pas de le faire sourire d'autant plus, alors qu'il tenta de lui expliquer plus ou moins les raisons de ces quelques propos lors de ce matin, en compagnie d'Ismène. Il haussa légèrement les épaules lors que l'américain prit les paroles. Un petit haussement d'épaules marquant son indifférence, certainement. La suite le fit un peu plus réagir toute fois. Le prétexte qu'il trouverait pour se plaindre de lui. Lui, Sully. « Je veux bien admettre que je peux avoir un esprit assez créatif, mais à ce point quand même... » siffla-t-il. Certes, il ne pouvait pas nier sa créativité. Après tout, sans ça, il ne serait pas mime, mais juste un piètre individus, un parisien lambda sans histoire. Un banal immigré qui ne saurait pas faire sa place. Un imposteur, un usurpateur. Non. Il n'était pas ça. Il était juste un joueur. Un artiste, voilà tout. Par la suite, Sully lui demanda où il en était tous les deux, Sully et Valeri. Il haussa légèrement les épaules, ne sachant que répondre à cette interrogation. Peut-être ils en étaient revenus au point zéro, ou alors ou point moins dix ou vingt. Oui, quelque-chose qui allait decrescendo. N'y mettrait-il plus du sien ? Il ne savait pas vraiment, ou plus. « Oui... enfin, je vais essayer de faire des efforts, vraiment. Même si... hum, ça ne semble pas si simple que ça au final... » souffla-t-il alors. Et quant au fait qu'il devait jeter l'éponge, ça ne regardait pas le jeune biélorusse. Ce n'était pas à lui de prendre une position à ce sujet. Non.  

Valeri ne comprenait pas. Il ne comprenait pas pourquoi il parlait de plainte, de prétexte et compagnie. Il était un peu... perdu, ou égaré. Ou peut-être était-ce un égarement volontaire de la part de son inconscient, il ne savait pas vraiment. Une chose était certaine, dans cette histoire, il n'était pas assez créatif pour ça. Pourtant, il était assez 'créatif' dans l'âme, son métier l'obligeait, il faut dire. Mais parait-il que ça n'avait rien à voir avec de sa créativité. Ca avait à voir avec quoi, dans ce cas ? Valeri fronça doucement les épaules lorsque son interlocuteur mentionna le mot d'acharnement, il ne voyait pas pourquoi il parlait de ça. Oh. Qu'il parle, ça n'avait pas d'importance. Après tout, Sully avait bien décidé de dépeindre Valeri de la façon dont il le voulait. Après tout, il voyait le jeune biélorusse éprit de Lena alors que c'était tout autre. Quant au sujet de « eux », enfin de ce qu'il en était entre les deux garçons, Valeri n'en savait strictement rien. Ce dernier disait alors essayer de faire des efforts. Vraiment des efforts. Comme il l'avait notamment pu promettre à Lena. Oui, voilà. Peut-être devait-il se dire qu'il le ferait pour la jeune femme, elle lui avait dit de vive voix qu'elle aimerait beaucoup les voir amis. Il lui avait promis, tout du moins d'essayer d'apaiser les tensions entre eux, en vain. Alors peut-être était-ce à présent sa dernière chance pour y parvenir. Parvenir à exhausser les volontés de la jeune femme. Ces quelques mots ne manque pas de faire réagir Sully, d'ailleurs. Il l'écouta alors silencieusement, sans rétorquer. C'était très simple, bien au contraire, selon lui. Ah ? Alors pourquoi Valeri ne trouvait pas ça « simple », lui ? Pourquoi, vous le savez? Il est certain qu'il ne lui avait pas demandé de jouer son meilleur ami, et encore heureux. Valeri était mime, pas comédien. Il devait alors y mettre du sien et d'arrêter de le prendre pour ce qu'il n'était pas ? Alors qu'était-il ? Il ne savait pas. Un léger soupir s'échappa de la bouche du jeune biélorusse à l'écoute de cette parole. Il paraît, aussi, que Valeri voyait ça comme une corvée. Peut-être. Ou non. Non. Parce que lorsque la danoise était encore là, ça n'avait rien d'une corvée. Non. Il baissa un instant le regard, avant de reporter finalement son attention sur son interlocuteur. Admettre qu'ils avaient passé un plaisant moment, l'autre jour, dans le palais du rire. Admettre. C'était donc ne pas se voiler la face et avouer ? Sûrement, oui. Il baissa une nouvelle fois la tête, se pinçant légèrement les lèvres. Finalement, il releva doucement la tête. «  Je dois avouer que... c'était sympa comme moment. ». Sympa, oui.

Sa relation avec Sully était quelque peu… complexe, difficile à cerner. Ou peut-être pas à vrai dire. Disons qu’elle était plutôt délicate, que l’un d’eux marchait sur des œufs en la présence de l’autre – je vous laisse deviner lequel – et qu’ils ne pouvaient pas se définir comme ‘amis’. Peut-être ne le seront-ils jamais. Il ne savait pas. Ils ne sauront peut-être jamais. Peut-être devraient-ils essayer… essayer à le devenir. Pourtant, ils l’avaient tenté. Au palais du rire, comme Sully lui rappela. Il voulait d’ailleurs qu’il admette qu’ils avaient passé du bon temps ensemble, là-bas. Valeri ne pouvait pas nier qu’il s’était fait chier, qu’il s’était ennuyé, ou quelque-chose de la sorte. Il s’était plutôt bien amusé, même si certaines des questions que l’américain avait pu lui poser l’avait mis mal à l’aise. Sans compter la légère tension lorsque le jeune biélorusse confia être désireux de se rendre dans la chambre secrète avec Lena. Ainsi, il avait trouvé l’instant passé tous les deux sympa. Oui. C’était sympa après tout. Sa réponse semblait satisfaire Sully, en tout cas. C’était une bonne chose qu’il le reconnaisse, selon lui. Valeri resta silencieux, baissant quelque peu la tête. Il frotta sa poitrine à l’aide de sa main, alors que son interlocuteur semblait reprendre la parole. S’il avait envie de recommencer ? Il haussa quelque peu les épaules. Il ne savait pas vraiment s’il en avait envie ou non. Peut-être. Peut-être pas. De recommencer ailleurs, et sans un jeu. Pourquoi pas. Il devait y réfléchir. Il disait alors partager des délires. Quelques délires. Valeri l’écouta religieusement, sans un mot. Avant finalement d’hocher vaguement la tête. « Oui, pourquoi pas…. souffla-t-il. C’est une façon comme une autre d’essayer d’arranger les choses entre nous… » conclut-il. Oui, voilà. Ce serait une façon comme une autre d’essayer d’arranger les choses entre eux, de faire en sorte que leurs rapports soient moins tendus. Moins tendus, comme il l’avait promis à Lena. Il ne fallait pas qu’il oublie la promesse qu’il avait faite à la jeune femme. Peut-être devait-elle être déçue de lui, à ce moment. Il n’espérait pas qu’elle le regarde, en fait. Elle devait être bien trop occupée pour avoir ses yeux rivés sur un écran à observer ses camarades. Elle faisait partie de ces millions de paires d’yeux curieux et indiscrets qui les épier au quotidien. Elle avait changé de camp, involontairement. Un léger soupir s’échappa de la bouche de Valeri, tentant alors de chasser ses idées. « … mais je doute que l’on partage les mêmes « délires » comme tu dis, hein. Enfin qui ne tente rien n’a rien, comme certains disent, hein. » finit-il par dire. Il était évident qu’ils ne devaient pas partager les mêmes loisirs, les mêmes divertissements, les mêmes amusements, les mêmes passions, les mêmes hobbies. Ils étaient différents qu’ils ne devaient pas partager les mêmes choses. Mais ça, il n’y avait même plus à le montrer.