J'émergeais encore de ma courte nuit passée avec Nolan dans la chambre Aine. Nous avions parlé des heures sans voir le temps passée ce pourquoi j'avais eu du mal à quitter les bras de Morphée qui me faisaient encore de l'œil en ce début d'après-midi. Ne sachant pas une fois de plus comment me distraire aujourd'hui, je décidai de quitter mon lit sur lequel j'étais vautrée depuis un petit moment pour aller respirer l'air glacial de l'hiver. N'étant pas extrêmement sensibles aux températures que l'on aurait pu qualifier de polaires, je m'encombrai seulement d'une chaude étole en laine. J'empruntai alors les escaliers, faisant glisser ma main blafarde sur la rambarde. Perdue dans mes songes je fus vite rappelée à la réalité, et qu'elle était dure, de la colocation. Je dérivai mon regard sur le candidat visiblement très enjoué qui se tenait devant moi et souris à sa remarque.

Un mec qui passe le balai. Tu m'épouses ? Demandai-je.

Effectivement, je vivais avec un mec si oisif qu'il aurait été hors-concours si on avait dû le comparer à d'autres hommes plus fainéants les uns que les autres. Soit. J'avais fini par m'habituer à la doctrine de Franz quelque peu semblable à "les femmes aux fourneaux, les hommes au bistro." Et j'étais presque devenue partisane de celle-ci.

Je fis mine de prendre une moue faussement déçue lorsque Matthew m'avoua être déjà casé. D'ailleurs, il devait être l'un des seuls en couple à l'extérieur et son union devait être bien solide pour s'avancer dans une telle aventure qu'était Fake-Lover. Je ne manquerais pas de lui faire savoir après avoir répondu à son interrogation.

Ça a ses avantages comme ses désavantages. Je sais que si un jour ça ne va pas je pourrai me tourner vers lui... mais pour l'instant c'est plutôt négatif. On verra avec le temps. Le pire c'est que chez nous, je me plains de sa possessivité et ici de son délaissement. Quelle chieuse je dois faire...

Un sourire forcé prit place sur mes lèvres. Il était vrai que la situation dans le Nid était clairement différente de notre petite vie à Dublin. Ici c'était plutôt sexe et exaspération qu'amour et rigolade. Il en était ainsi et je m'efforçais de faire avec depuis le début de l'émission. J'avais à plusieurs reprises tenté d'ouvrir le dialogue avec Franz qui préférait faire la sourde oreille face à moi, ce qui était quelque peu vexant. J'attrapai à nouveau de regard de mon interlocuteur pour revenir au fait précédent.

C'est admirable d'être venu ici avec une petite amie à l'extérieur. Mes respects.

Je fis comprendre à Matthew que j'avais assimilé sa remarque d'un hochement de tête puis empoignai son balai des mains avant de le poser contre la rambarde et de m'asseoir sur une marche. Du haut de mon mètre quatre-vingt un et surélevée par une marche, je dominais largement le gabarit du jeune homme ce qui avait le don de me mettre mal à la chaise. Chez moi, l'homme était dominant autant au sens physique que moral. Je relevai tout de même le regard pour me reconcentrer sur le candidat, émettant un léger rire face à sa question. Moi-même je voyais Franz et moi comme un couple privé de tous échanges érotiques. En dehors de cela nous formions une union en parfaite harmonie mais si ambigüe qu'elle aurait pu en tromper plus d'un qui ne nous connaissait pas.

Personne. Franz et moi c'est un amour inébranlable tu sais !

Je l'incitai alors d'un geste de la main à s'accroupir à ma hauteur puis lui chuchotai à l'oreille.

Il veut pas me laisser partir dans les bras d'un autre, ce jaloux.

Bien sûr, je n'ajoutai pas qu'il en était de même de mon côté, quelle utilité ?