Elle s’y croyait presque. Sur les plages de Malaga, les galets, le soleil et la mer en moins. Tout comme les serveurs, les maitres nageurs et la foule attirée par le beau temps. Qui plus est, elle s’était donné du mal pour que cela ressemble à une petite oasis de paix alors qu’elle n’avait qu’à arriver pour que tout soit parfait à l’extérieur. Mais ça valait le coup. Peut-être était-elle en train d’apprendre la valeur du travail, ce ne serait pas une mauvaise chose par ailleurs. Attrapant son verre, elle joua quelques secondes avec la paille avant de boire son jus de fruit. Multi-vitaminé servi dans un grand verre surmonté de sucre coloré. Oh oui, elle n’avait pas lésiné sur les moyens. Après tout, elle était supposée être en vacances et voila ce qu’elle faisait en vacances, hormis du tourisme. Son bikini faisait plus figuration qu’autre chose étant donné que la pièce était fermée mais elle avait tout de même tenu à l’enfiler, tout comme elle était parée de sa paire de lunettes de soleil favorite. Presque, on s’y croirait presque. Les contours floues d’une silhouette attira son attention et en ôtant partiellement ses lunettes, elle aperçu Celse qui s’avançait vers elle. Il était probablement intrigué par la foret de plante qui avait soudainement décidé de migrer vers le coin nord de la piscine. Une fois à portée de voix, un sourire se dessina sur ses lèvres tandis qu’elle levait son verre à son intention. « Bienvenido a Málaga. » Reposant son verre, elle indiqua d’une main le second transat. Celse devait être la seule personne avec qui elle partageait son oasis sans contrainte. « Des vagues, du soleil, des jolies filles en maillot de bain, que demande le peuple ? » L’ironie était palpable mais rien ne pourrait venir troubler le plaisir de cet instant, tête à tête au confins du monde. « Je t’en pris, prends place, sers toi un maïkiki et profite. » Elle avait renommé son jus de fruit qui ne faisait pas vraiment très exotique. En plus du pichet et de son propre verre, elle en avait prévu un second. C’était au cas où il arriverait malheur au premier mais il n’y avait pas de raisons d’en parler. Replaçant ses lunettes, Inès s’allongea de nouveau sur son transat, une jambe pliée et le regard tourné vers Celse, curieuse de savoir à quoi ressemblait ces vacances pour lui.

La piscine est devenue une sorte de jungle improbable, style Apocalypse Now, notamment à cause de la chaleur étouffante qui y règne depuis que les chauffages ont été allumés à fond et qu’un candidat inconnu y a placé des dizaines de plantes. J’ai limite envie de m’emparer d’une pirogue et de jouer comme un môme dans la piscine, mais je n’oublie pas que je suis filmé et qu’une bonne partie de la France me mate. On va peut-être éviter. J’ai mon maillot sous mes vêtements, j’étais parti pour faire quelques longueurs habituelles, ne serait-ce que pour entretenir ma forme, mais j’ai l’impression de débarquer sur un plateau de tournage. Je contourne une plante quand une voix me parvient. Je la reconnaitrais entre mille, c’est la première que j’ai entendue dans ce nid, comment l’oublier ? Je souris en apercevant une Inès très à l’aise, un verre de jus de fruit en main, qui me présente les nouveaux lieux comme une hôtesse d’hôtel de luxe à Punta Cana. Je note qu’elle n’a pas besoin de se forcer pour obtenir un parfait accent du sud. « Tu prononces ça comme si tu l’avais toujours dit », je réponds dans un nouveau sourire, avant de me rapprocher de l’un des sièges-longs et de m’allonger dessus, toujours habillé, parcourant d’un regard distrait et amusé la décoration improvisée par Inès. « Tu es une trompeuse d’ennui redoutable », je constate à mi-voix tandis que mes yeux se posent sur l’éclairage, qu’elle a également remasterisé pour le rendre plus doux, plus « soleil couchant ». Définitivement du beau travail, la piscine n’a jamais autant ressemblé à un havre de paix. Mon regard se pose alors enfin sur Inès, que j’observe avec discrétion, poliment intéressé. Ça fait un bail que je n’ai pas eu l’occasion de la croiser, que ce soit dans le château ou lors des primes. Aucune idée de quelles sont ses fréquentations, de si tout se passe bien pour elle, de ses coups de cœur et ses coups de gueule. « Qu’est-ce que tu deviens ? » Je demande alors, curieux de rattraper le temps perdu.

L’enfermement constant, le château, l’absence de ses proches, de sa routine, tout ça lui faisait comprendre à quel point elle appréciait sa vie. Elle n’était peut-être pas parfaite et pour beaucoup, vide de sens mais elle aimait voyager, découvrir le monde, lézarder sur la plage si telle était son désir. Profiter. C’est ce qu’elle faisait et tout ça lui manquait plus que ce qu’elle pensait, et bien plus qu’elle ne l’aurait souhaité. Et si elle appréciait sa pause détente à l’écart du monde, elle était aussi heureuse d’avoir quelqu’un pour la distraire de ses néfastes pensées. Comme si elle l’avait toujours dit. Pourtant, elle pense bien que c’est la première fois. « A force de l’entendre. » Un sourire ourle ses lèvres et son regard s’égare sur Celse, visiblement impressionné par son changement de décor. La satisfaction du travail bien fait, ou du moins ce qu’elle s’imagine l’être la laisse particulièrement fière d’elle. Ce n’est pas nouveau mais son besoin d’excellence se fait douloureusement ressentir, ici où elle enchaine les déceptions. « Tu sais ce qu’on dit, si la montagne ne vient pas à Mahomet. » La modestie lui sied si mal et pourtant. Pas de grands discours sur les efforts fournis, aucun mot sur le poids de ces plantes ou le bleu qui se formait sur son avant bras. Elle ne s’en sentait pas le besoin, sans bien savoir pourquoi. Peut-être qu’elle grandissait, bien que cela restait plus probable que tout le mérite de cette décision en revienne à Celse. Il transportait cette aura de calme et de sérénitude contagieuse. Quittant son visage des yeux pour observer le plafond, elle hausse les épaules. « Tu sais, je fais mes valises, je défais mes valises. J’essaie de ne pas mourir de faim et de ne pas assassiner Betty parce qu’elle est de mon côté du lit. » La routine. Sa nouvelle routine. Elle s’avérait beaucoup plus épuisante que celle qu’elle entretenait à l’extérieur alors même qu’elle était deux fois moins active. Sourire lui coutait parfois tellement que c’en était douloureux. Ce n’était pas tous les jours terribles, certains plus que d’autres. Elle n’en menait pas large, loin de sa zone de confort. « C’est juste tellement loin de ce que je connais. » Princesse en crise d’identité. La cruelle sincérité dans sa voix la rappelle à l’ordre, pas d’apitoiement en public, c’était la règle. Tête haute. « Et toi alors, étranger ? » Elle lui retourne la question, la voix bien plus légère, un sourire aux lèvres. « Tu sauves ton lot quotidien de demoiselles avant de le tenir prisonnières de ton charme ravageur ? »