Il y a des journées comme celle-là où j’ai envie d’un peu de fantaisie. Rien de farfelu, non, il ne faut pas toujours aller dans l’extravagant  pour savoir combler ses désirs : une simple manucure peut parfois suffire. Et c’est précisément ce que j’ai décidé de venir faire, aujourd’hui, dans ce refuge typiquement féminin qu’est la grange, aménagé pour nos petits soins par la production en véritable lieu de détente. Mais ni les jacuzzis, spas et bains en tout genre ne m’attirent. Les tables installées là pour soigner nos ongles ont plus d’attrait à mes yeux que le reste, et j’y dépose ma trousse que je traine toujours avec moi. Pas question de me servir de ces vernis que la production a posés là : je doute sérieusement de leur qualité. Je m’installe sur l’un des sièges, relève les manches de ma veste, puis entreprends de nettoyer le bout de mes doigts de toutes ses impuretés. Tâche ingrate qu’il faut bien accomplir, malgré tout. J’en suis à me limer les ongles lorsqu’une voix stridente se fait entendre dans mon dos, et je me crispe légèrement avant de me retourner vers la nouvelle venue. Sans l’ombre d’un doute, il s’agit d’Henley. Jamais nous n’avons eu l’occasion de discuter, mais puisque les blondes sont en minorité dans le château, et que je connais vaguement Danaé, facile d’en venir à cette déduction. « Tu es tombée sur la mauvaise personne pour te venir en aide, ma belle. » lui fis-je savoir en haussant les épaules. Sa petite mascarade ne me trompe pas : elle pue le mensonge à plein nez. Et puis, de toute évidence, j’en ai déjà plein les mains avec mes propres doigts. J’aurais fait esthéticienne si m’occuper de ceux des autres m’avait moindrement plu. Mais visiblement, ce n’est pas le cas. « Aurais-tu changé d’avis ? » lui demandais-je sans grand intérêt, tout en continuant avec application la tâche que j’avais débutée un peu plus tôt. Je me demande ce qui l’a attirée ici, à vrai dire. Elle qui n’a eu de cesse de critiquer Danaé et ses magnifiques ongles rouges sur nos pages. Nous avions tous compris qu’elle n’appréciait pas la chose, mais à quoi bon pousser l’audace jusqu’à venir en ce lieu, alors si ce n'est pas pour profiter des commodités mis à notre disposition.