Je suis restée un peu idiote quand Donia m'a parlé de son frère, peut être parce que c'était trop tôt pour moi, peut être que parler de la mort, de la perte d'un être cher, c'était trop, oui c'est ça c'est trop. Et je n'ai pas pu rester pourtant elle s'est ouverte et moi je l'ai un peu ignorée, enfin non ce n'est même pas c'est simplement que c'était trop pour moi. Je n'ai perçu sa douleur, j'ai senti sa peine et je me suis retrouvée submergée par tout ça. Je ne suis pas certaine d'être plus apte à appréhender tout ça mais je me vois mal l'ignorer encore alors que je vais passer juste à côté d'elle. Je ralentis la cadence, je ne sais pas si elle m'a vu, je pourrais faire marche arrière mais je crois que j'en ai un peu assez de constamment fuir parce que la fuite n'amène à rien, au même titre que la violence. Au même titre que tout ce que je fais dernièrement. Alors je prends mon courage à deux mains et j'avance vers Donia.  « Je peux m'asseoir là ?  » Je demande dans un sourire alors que je ne sais pas trop comment me comporter, je suis gênée. Elle va finir par croire que je manque d'éducation à agir de la sorte avec elle.  « Est-ce que... Est-ce que parles souvent de ton frère ?   » J'entre dans le tas sans la moindre délicatesse, j'hésite un moment mais si on me posait la question de cette façon je me braquerais certainement, je me mors l'intérieur de la joue totalement gênée, pas vraiment à l'aise mais j'en sais rien, peut être que son expérience pourra m'aider, enfin si elle le veut bien.

Je n'arrive pas à savoir si j'abuse ou si je n'abuse pas, je ne sais pas ce qui est correct de dire ou non. C'est toujours difficile de savoir ce qu'une personne peut tolérer. Je crois que je tolère pas mal de choses. Je crois que j'arrive à tolérer plus de choses maintenant que le temps passe. Oh bien sûr ce n'est pas facile, c'est même horrible mais du coup je ne sais pas ce que je peux lui dire. Mais depuis qu'elle m'a dit ça je n'ai pas arrêté d'y penser. Je ne sais pas si elle me l'a dit juste pour me le dire, pour m'expliquer qu'elle comprenait ou si ça m'autorisait à lui en parler. J'en sais rien en tout cas je m'assieds puisqu'elle m'y autorise et je m'autorise moi même à lui poser une question. Elle peut très bien ne pas y répondre et vu sa tête, je crois que j'ai fait une erreur, elle ne grimacerait pas sinon. « On m’a forcée, à l’époque, à parler de lui. Constamment. Les policiers, les psychologues, mes parents. Ça me tuait à petit feu. Je me sens mal, pour elle, de réveiller ces souvenirs mais je comprends. Et puis elle parle de policiers et j'ai des tas de questions qui me viennent à l'esprit et c'est mal. Un jour, j’ai fini par me taire. Je m’entêtais, alors ils ont arrêté de me poser des questions. Et je n’ai plus jamais abordé le sujet. » Je déglutis. Je n'aurais jamais dû aborder le sujet, vraiment. Je suis incroyablement gênée. « Je suis vraiment désolée, je ... j'aurais dû me taire excuse moi.    » Oui franchement, je suis désolée mais je n'ai jamais pu rencontrer quelqu'un qui avait perdu un proche comme ça, elle son frère, moi mon mari, ce n'était pas ma chair mais je crois que c'était tout de même assez comparable. Et du coup je me tais parce que je lui demanderai bien si ça fonctionne, si elle arrive à mieux vivre depuis qu'elle n'en parle plus. Je n'arrive pas à savoir pour moi, je n'arrive pas et ça me tue.

Je me sens tellement idiote et ridicule. Je me sens tellement bête d'avoir ne serait-ce que pu penser à aborder ce sujet avec Donia. Je ne vois pas pourquoi elle vivrait les choses mieux que moi. Non mais c'est n'importe quoi. J'ai fait preuve de tellement d'égoïste que je me sens mal. C'est évidement que ça n'allait pas lui faire du bien, ni même simplement la laisser indifférente. Un deuil ce n'est pas une chose simple à gérer. Je ne suis pas sûre d'être capable de gérer mes pertes. Oh bah certes j'ai perdu les deux personnes qui comptaient le plus pour moi le même soir mais ça ne fait pas de moi quelqu'un de plus malheureuse qu'elle. Je ne sais pas si je pourrai survivre si on m'enlevait ma sœur. J'ai des nausées rien qu'à imaginer ne plus jamais voir le sourire de Savannah. C'est impensable. Pourtant je lui pose la question. Et je sais bien que rien ne l'obligeait à répondre, qu'elle aurait très bien pu continuer à garder le silence j'ai dit la même chose à Pavel mais je ne sais pas c'est tellement horrible pourtant. « Tu n’as rien à te reprocher. » C'est gentil de sa part de me dire ça, mais je n'y crois pas une seule seconde. Je sais ce que quand on dit que ça va, ce n'est pas forcément la vérité, mais dans ces cas là on a tendance à moins insister. « Certains se sont bien plus acharnés que toi… » Je déglutis. Acharnés, oui je comprends et ça soulève tellement plus de questionnements encore, mais des questionnements qui resteront sans réponses. « Peut être, mais je n'étais pas non plus obligé de raviver tout ça, je devrais être la mieux placée pour savoir ce que ça fait de nous le rappeler.   » Non franchement je me sens stupide. Je ne dois plus l'aborder, jamais. « J'ai cru... enfin j'ai cru que comme tu avais traversé ça toi aussi je pourrai peut être prendre exemple sur toi, mais.... je ne sais pas à quoi je pensais, excuse-moi, vraiment. Ce n'était pas du tout dans mon attention de te faire revivre ça, je suis stupide. Vraiment stupide.  » Et je comprendrai totalement qu'elle me demande de partir ou quelque chose comme ça. Je me triture les doigts tellement je suis nerveuse, je suis bête, trop bête.