Depuis que j'étais ici fallait bien dire que je rivalisais un peu d'ingéniosité pour ce qui était de trouver de nouveaux moyens de m'occuper ... Parce que bon, explorer les lieux c'était bon les deux premières semaines, mais au bout d'un moment on finissait par connaître l'endroit comme sa poche, et par s'installer dans une sorte de routine aussi rassurante qu'elle était barbante. Et quand bien même quand j'étais chez moi j'étais attaché à ma petite routine, à me lever à la même heure pour aller bosser, à terminer à treize heures, à alterner mes après-midi entre le bar, le surf et éventuellement le baby-sitting quand j'acceptais de garder mes neveux et nièces, à me coller dans la cuisine en attendant que Ben rentre de l'agence ... Ouais, j'appréciais la routine rassurante de ma vie à l'extérieur. Mais pas ici. Non, ici je cherchais désespérément n'importe quel moyen de faire en sorte que ma semaine ne ressemble pas trop à la précédente, sans quoi j'avais l'impression que j'allais virer dingo ... je crois que c'était un peu ça, ce qu'on appelait le syndrome de l'enfermement, non ? Peut-être qu'un des candidats finirait par en dévorer un autre un de ces jours, allez savoir. Aujourd'hui en tout cas, je m'étais trouvé une occupation tout à fait à la hauteur de mes capacités, celle de préparer des cocktails avec, au bas mot, tout ce qui me tombait sous la main. C'est ainsi que sur le plan de travail de la cuisine s'alignaient déjà neuf verres aux couleurs diverses et variées, mélanges hasardeux mais néanmoins réfléchis de divers alcools, fruits et autres choses sympathiques du genre ... Mais fallait pas croire, je savais ce que je faisais, j'aidais pas au bar du vieux Keahi sans raison non plus, surtout que c'était pas vraiment pour ça qu'il m'employait à la base. Mais bon j'avais pas l'intention de boire tout ça en tout cas, au cas où vous vous poseriez la question, surtout qu'avec les doses que j'avais mis dans certain, je garantissais pas le résultat de tant de mélanges et de quantités sur l'organisme de qui que ce soit. Mais soit, je devrais y penser un soir où j'arriverais absolument pas à dormir, y'avait de quoi assommer un éléphant, là. Et j'étais justement en train de balancer une dose conséquente de rhum blanc dans l'ananas que je venais de mixer, lorsque j'avais remarqué Lewis entrant dans la cuisine. Coup d’œil machinal vers les verres déjà remplis sur le comptoir, et je n'avais pas pu m'empêcher de dire « Je comptais pas boire tout ça ... hein. » pour tenter de me justifier. J'avais pas envie de passer pour l'alcoolique de service non plus, quoi. Surtout que je buvais pas tant que ça. Enfin si, un verre ou deux de temps en temps ça n'avait jamais tué personne et c'était agréable, mais bon disons que j'avais appris à rester raisonnable, j'avais des habitudes assez saines à vrai dire ... Et puis, je savais que j'avais l'alcool mauvais, aussi, alors j'essayais d'éviter d'en faire profiter autrui dans la mesure du possible. « Mais sers-toi, si tu veux. » avais-je en tout cas fini par lui proposer ; Faudrait bien que quelqu'un se dévoue, de toute façon. Pour ma part je me gardais seulement celui que j'étais en train de faire, j'avais pas passé du temps à mixer cet ananas pour qu'il profite à quelqu'un d'autre qu'à moi.

J’ai une petite soif. Et un petit creu aussi, je dois l’avouer. Pourtant j’ai mangé ce midi. Mais il faut croire pas assez. Faut dire que je suis un peu un estomac sur pattes moi. J’adore manger. Je ne rate jamais un repas de la journée. Surtout pas le petit déjeuner du matin. Le plus important. Beaucoup le sautent, je comprends pas pourquoi. Qui n’a pas envie de pancakes en se levant ? Avec du sirop d’érables, hm le meilleur. Ou des œufs brouillés, du bacon… Vraiment ces français ne savent pas à côté de quoi ils passent. Bref, là on s’approcherait plus de l’heure du gouter. Je compte juste me concocter un petit sandwich, malgré les pâtes bolognaises que j’ai ingurgitées ce midi. C’est ainsi que je me rends donc dans la cuisine. Et que vois-je ? Akela, avec une dizaine de verres remplis surement d’alcool, juste devant lui. Ah ouais quand même. « Je comptais pas boire tout ça ... hein. » Heureusement qu’il le précise, parce que bon sinon ça ferait alcoolo quand même. « Tu me rassures. Tu attends peut être du monde ? » Genre dix candidats ? Bon ça parait invraisemblable. Oh mais non attendez, je comprends ce qu’il est en train de faire. « Aaah mais attends, tu testes des cocktails ? Je fais ça aussi parfois. » Que je dis en souriant. « Mais je prends toujours un cobaye. J’ai créé l’India l’autre jour ! » D’après le nom du cobaye, vous voyez. Enfin du testeur quoi. Il me propose de me servir, ok. Je ne bois habituellement pas à cette heure ci, mais pourquoi pas. « Hm… » Je réfléchis, ayant l’embarras du choix. J’opte finalement pour une boisson bleue. Je bois une gorgée. « Ah la vache, tu y es allé fort sur le rhum. » Cela dépote. Je contourne ensuite le comptoir pour ouvrir le frigo, et en récupérer du beurre et du jambon de bayonne. J’attrape le pain, et entreprends de me faire mon sandwich. « T’es barman à tes heures perdues ? »

C'était quand même un peu un comble, de s'emmerder autant dans un endroit aussi grand ... C'était pas non plus comme si nous tournions en rond dans une cage à lapin, y'avait de la place et de quoi s'occuper, pour peu que l'on arrive à se concentrer sur quelque chose plus de cinq minutes d'affilée. C'était ça qui me manquait justement, je savais pas ce que j'avais cette semaine, j'étais tout le temps fatigué et pourtant je n'arrivais pas à me poser, j'étais incapable de tenir en place.  Faire mumuse avec les cocktails c'était tout ce qui m'inspirait à l'instant, mais pour être honnête je ne savais pas trop combien de temps ça allait m'occuper avant que j'ai de nouveau la bougeotte et que je sois pratiquement forcé de changer de pièce. A moins qu'on ne vienne me tenir compagnie ... et justement, voilà Lewis qui débarquait. Je ne savais pas pas pourquoi je l'étais senti obligé de préciser que je prévoyais pas de boire tout ce que j'avais préparé ; Sans doute parce que même si je m'en foutais bien de ce qu'on pouvait dire à mon sujet, autant que ce soit des trucs vrais, hein. « Tu me rassures. Tu attends peut être du monde ? » Il avait compté le nombre de verres ? Y'en aurait eu deux ou trois encore, je dis pas, mais là j'aurais carrément convié tout le monde ... « Si seulement. Heureusement que t'es là, une minute de plus de solitude et j'aurais probablement commencé à parler tout seul. » avais-je donc simplement répondu en soupirant légèrement, avec lassitude. Non mais c'est vrai, un peu de compagnie ça m'aurait occupé au moins, et puis la solitude ça m'allait bien à petite dose ... là je commençais un peu à saturer. C'était limite si Lewis ne me sauvait pas d'un dépérissement certain en étant là. « Aaah mais attends, tu testes des cocktails ? Je fais ça aussi parfois. Mais je prends toujours un cobaye. J’ai créé l’India l’autre jour ! » Ah bah voilà, au moins quelqu'un qui comprendrait mon envie soudaine de m'occuper à une telle activité, et qui n'allait pas le regarder d'un air dubitatif avant de me demander si je n'avais pas autre chose à foutre. Surtout que non, le souci était bien là, c'était tout ce que j'avais trouvé pour m'occuper. « Ah, et c'est quel genre de cocktail, le India ? » que je demande en souriant, tout en versant mon dernier mélange dans un verre, avant d'y rajouter une larme de curaçao pour rajouter un peu de couleur. Je comptais pas lui voler sa recette à Lewis hein, j'avais de quoi faire déjà là, c'était juste de la curiosité. « Hm ... » il hésita un instant avant de choisir un verre parmi ceux posés devant lui, je lui avais dit de se servir de toute façon alors il aurait eu tort de se priver. Et puis, comme j'avais dit je comptais pas les boire, alors faudrait bien que quelqu'un se dévoue ... Je comptais les laisser dans la cuisine de toute façon, pour qui voudrait, j'allais pas jeter mes œuvres dans l'évier. « Ah la vache, tu y es allé fort sur le rhum. » Ah, ouais j'avouais le rhum j'avais tendance à ... avoir la main lourde disons, huhu. Quoi que réfléchissant un instant pour me souvenir de ce que j'avais mis dedans, j'avais esquissé un sourire amusé avant de lui avouer « Ah ouais, sans doute. Mais j'ai rajouté une pointe de piment dans celui-là, aussi. » Ce partait d'une blague ça, à la base. Un jour j'avais balancé un peu de piment dans le verre d'un pote pour me marrer un peu, et au final il s'était avéré que c'était pas si dégueulasse que je l'aurais pensé ... Bon à condition de doser quoi. « T’es barman à tes heures perdues ? » m'avait-il alors demandé tout en se dirigeant vers le frigo pour en sortir de quoi se faire ce qui me semblait être un sandwich. Je savais pas comment ils faisaient, tous, pour bouffer à toutes heures de la journée ... Ou alors c'était simplement moi qui devenais rabat-joie en vieillissant, mais j'espérais pas que c'était ça. « Vraiment à mes heures perdues. » que je réponds avec amusement avant de rajouter « Mon boss tient un bar en plus de ce qu'on fait, il m'avait engagé pour ça à la base quand j'ai du changer de boulot. Mais bon, j'aide un peu encore de temps en temps, ça m'occupe. » avais-je finalement répondu en esquissant un léger sourire. Ouais, c'était vraiment ce que c'était maintenant, une occupation, une bonne excuse pour ne pas avoir à rentrer chez moi dès la fin de mon "vrai" boulot et de traîner tout seul tout l'après-midi, en attendant que Ben rentre de l'agence. Et puis bon, dans un bar on croisait du monde, moi ça me plaisait forcément ... « Et toi, t'as déjà tenté cette branche-là ou bien ? » Parce que je croyais me souvenir qu'il était du genre à enchainer un peu les petits boulots, alors c'était possible après tout ... Surtout si c'était aussi un de ses passe-temps, de préparer des cocktails.

Je me doute bien qu’il ne doit pas attendre de monde, ou alors il organise une fête, et ça serait vexant dans la mesure où je n’ai pas été convié. Genre t’sais le seul pestiféré à qui on a pas donné d’invitation, espérant qu’il ne s’en rendra pas compte. « Si seulement. Heureusement que t'es là, une minute de plus de solitude et j'aurais probablement commencé à parler tout seul. » Ah oui à ce point ? « Toi aussi t’aimes pas la solitude ? » Personellement je déteste ça. J’aime être entouré de pleins de gens. Que ça bouge, qu’il y ait de la vie. Sinon c’est trop chiant. Trop déprimant. « Je suis un peu ton sauveur alors. » que j’ajoute fièrement. Une ligne à rajouter sur mon cv. Lewis, héros à ses heures perdues. Je parle ensuite de confection de coktails. Parce qu’au final, c’est plus logique que ça soit à ça qu’il passe son temps. Je peux parfaitement comprendre. Moi-même l’ayant déjà pratiqué. On fait ce qu’on peut pour s’occuper. J’évoque l’India. « C’est un coktail délicat. Tout en saveurs. » Qu’est ce que je raconte moi. Non mais en fait je suis même plus sur de ce que j’avais mis dans ce fameux cocktail. Il faudrait que je retrouve mes notes. « Y a du rhum blanc, de la liqueur de fraise, du jus d’ananas et…un ingrédient secret. » Et oui tout ceci est mystérieux. C’est juste qu’en fait je me souviens pas du dernier. Bref, je bois une de ses confections. Et wouah, il y est allé fort sur l’alcool. « Ah ouais, sans doute. Mais j'ai rajouté une pointe de piment dans celui-là, aussi. » Haaan. « Tout s’explique. Ceci dit c’est fort, mais c’est pas mauvais. » C’est juste qu’il faut le boire avec modération celui là, sinon t’es ko en peu de verres. « Vraiment à mes heures perdues. Mon boss tient un bar en plus de ce qu'on fait, il m'avait engagé pour ça à la base quand j'ai du changer de boulot. Mais bon, j'aide un peu encore de temps en temps, ça m'occupe. » D’accord, d’accord. « Haan je suis sur que c’est un bar sur la plage, non ? » Le cadre doit être super. « Tu fais quoi toi déjà ? Tu chasses des épaves ? Cela veut dire quoi ? Genre comme une chasse au trésor ? Mais sous l’eau ? Tu cherches des bateaux qui ont coulés tout ça ? » J’y suis peut être pas du tout. « Ouais j’ai fais barman un temps. J’aimais bien me prendre pour Brian Flanagan. Tu sais, Tom Cruise dans Cocktails. » Je précise, dès fois qu’il ne connaisse pas la référence.

« Toi aussi t’aimes pas la solitude ? » La moue qui s'était affichée sur mon visage simplement à sa question y répondait plus ou moins, en définitive. Non, décidément, la solitude ce n'était vraiment pas mon truc, et je serais bien le dernier à me plaindre d'être tombé dans une famille où les oncles, tantes, cousins, cousines, neveux et nièces se comptaient par dizaines ... c'était totalement le genre de famille qui me ressemblait, nombreuse, bruyante et positive. « C'est pas trop mon truc, non. » Mais c'était un des avantages d'être ici, si on se démerdait bien on pouvait faire en sorte de ne presque jamais être tout seul, sauf à en avoir envie. Y'avait peut-être un tas de trucs qui commençaient à me faire râler, l'éloignement et l'enfermement en tête de liste, mais y'avait au moins cet avantage là. « Je suis un peu ton sauveur alors. » qu'il m'avait alors taquiné gentiment, alors que oui, dans un sens c'était le cas, il venait de m'empêcher de me mettre à parler tout seul et donc de passer pour un dingue accompli devant des milliers de téléspectateurs. « Ouaip, même que dès que j'ai terminé ce cocktail là, je le baptise le Super-Lewis. » que j'avais alors répondu d'un ton amusé tout en désignant la mixture que j'étais en train de terminer. J'arrivais plus à me souvenir si j'avais mis du gingembre dedans ou pas ... ça se faisait pas de goûter un verre pour vérifier qu'on avait rien oublié dedans, si ? Non. Bon tant pis, on oubliait le gingembre, au pire j'avais déjà foutu plein de trucs dedans, et si je chargeais encore plus on risquait de ne plus sentir le goût de l'ananas ... sacrilège ultime. Et puis qu'il est question de cocktail, je lui avais demandé ce qu'il avait mis dans celui qu'il avait appelé selon la partenaire d'Ivan « C’est un cocktail délicat. Tout en saveurs. Y'a du rhum blanc, de la liqueur de fraise, du jus d’ananas et … un ingrédient secret. » Tant de mystère, et avec ça que des ingrédients qui me plaisaient. Bon, si un jour mon métier ne devenait plus assez rentable je pourrais toujours m'associer à Lewis et devenir créateur de cocktails, huhu. « Tout s’explique. Ceci dit c’est fort, mais c’est pas mauvais. » m'avouait-il en tout cas concernant mon propre mélange expérimental. Bien sûr que c'était pas mauvais, je me lançais jamais à l'aveugle non plus je savais toujours plus ou moins ce que je faisais. Ou alors je faisais sciemment n'importe quoi et j'offrais ça à un habitué, juste histoire de rire et donc de me distraire un peu ... « Haan je suis sur que c’est un bar sur la plage, non ? » s'exclame-t-il en tout cas, quand j'avais parlé de ma - très - courte expérience derrière un bar. J'étais donc si tristement prévisible ? J'avais souri néanmoins avec amusement et hoché la tête en signe affirmatif ; De toute façon entre mon ancien métier, mon nouveau, mon prénom et ma tronche, j'avais bien conscience d'être le cliché parfait de l'hawaiien. Pas que ça me dérange, de toute façon. « Tu fais quoi toi déjà ? Tu chasses des épaves ? Cela veut dire quoi ? Genre comme une chasse au trésor ? Mais sous l’eau ? Tu cherches des bateaux qui ont coulés tout ça ? » Ça faisait beaucoup de questions en une seule fois ça hein, heureusement qu'il avait pratiquement tout bon et que je pouvais me contenter d'un oui global pour lui répondre. Bon ceci dit j'ai bien peur que comme la plupart des gens il ne s'imagine ça qu'à travers ce qu'il avait pu voir un jour à la télévision. Mais bon, c'était pareil pour d'autres métiers non ? Genre cosmonaute, pour moi c'était Buzz Aldrin et ça s'arrêtait là quoi. « C'est plus ou moins ça, oui. Et après ce qu'on remonte va soit dans des musées ou au Memorial de Pearl Harbor, et sinon aux collectionneurs les plus offrants. » Bah oui fallait quand même bien qu'on gagne notre vie quand même, hein. Même si moi ce que je préférais, c'était les pièces du Memorial ; J'avais retrouvé une Legion of Merit datant de l'attaque de Pearl Harbor un jour, j'avais rarement été aussi fier d'une trouvaille et du fait de pouvoir la rendre à la famille du défunt propriétaire. Enfin bref, du coup j'en étais venu à demander à Lewis s'il avait déjà été barman lui, puisque j'avais l'impression qu'il avait été tout un tas de choses je me disais que pourquoi pas après tout « Ouais j’ai fais barman un temps. J’aimais bien me prendre pour Brian Flanagan. Tu sais, Tom Cruise dans Cocktails. » Bon, c'était peut-être pas le moment d'avouer mon aversion pour la personne qu'était Tom Cruise, hein ... Mais oui, je voyais à quoi il faisait référence néanmoins. « Et je parie que c'était le bon piège à nana, ça ? » avais-je alors demandé d'un ton amusé tout en passant quelques instants le récipient du mixeur sous l'eau pour le rincer. « Et en parlant de nana. Elle te plait, Aliénor, non ? » Bon d'accord, peut-être que je mettais volontairement les pieds dans le plat juste pour l'embarrasser un petit peu, mais c'était pas non plus méchant. Et puis, je sais pas si il réalisait vraiment qu'avec la façon dont il regardait la jeune femme, ça se voyait un peu comme le nez au milieu de la figure, qu'elle le laissait tout sauf insensible.

Ainsi donc la solitude ce n’est pas trop son truc. Et bien comme ça on est deux. Au moins ici c’est cool, t’es tout le temps entouré. Y a quand même souvent beaucoup de chance que quelqu’un finisse par te tenir compagnie, vu qu’on est nombreux. Evidemment au fil des semaines, vu que l’effectif se réduit, ça va être de plus en plus dur, mais bon. On verra. Et puis peut être que je ne serais pas là pour déplorer le manque d’habitants, c’est tout à fait possible aussi. « Ouaip, même que dès que j'ai terminé ce cocktail là, je le baptise le Super-Lewis. » Je souris. « En voilà une bonne idée. Ça sonne très bien en plus. » Evidemment, je ne vais pas dire le contraire. J’ai toujours rêvé d’être un super héros, alors là, vous voyez, c’est un peu mon moment de gloire. Bon. On évoque ses occupations dans son pays là bas, dans les îles. Je m’imagine un bar sur la plage. A siroter des coktails, les pieds dans le sable. Il se contente d’hocher la tête, j’ai donc raison. Puis il m’explique son réel travail. J’ai donc raison. Je me base seulement sur ce que j’ai pu voir dans divers films, parce que bon, sinon c’est un job plutôt méconnu. C’est que ça court pas les rues les chasseurs d’épaves. Surtout pas à Seattle, forcément. « T’as un peu la vie de rêve toi quand même. » Moi je trouve en tout cas. Il vit sur une île paradisiaque, il a un job cool, l’est marié. Franchement, que demander de plus ? C’est que je l’envierais. En comparaison moi à côté, c’est tout pourri. Je lui fais part de ma courte expérience en tant que barman. Deux mois, ça n’a pas duré bien longtemps. La jouer en mode Brian dans Cocktails, un piège à nanas ? « Hm, si j’étais doué, ça aurait pu oui. » Oui parce que bon, je faisais plus tomber les trucs qu’autre chose m’enfin. C’est alors que sortant de nulle part là, on parle tranquillement, et voilà qu’il évoque Aliénor. Si elle me plait ? « Quoi ? Je ne…Qu’est ce qui te fait dire ça ? » Notez que je ne réponds pas à la question. « Et sinon, il s’appelle comment ton mari ? » Ou comment tenter de changer de sujet de manière pas subtile du tout.

« En voilà une bonne idée. Ça sonne très bien en plus. » Forcément, c'était pas lui qui allait me contredire là-dessus, on s'en doutait bien. Non mais de toute façon oui, c'était vrai en plus ça sonnait assez bien, et puis franchement si y'avait que ça pour lui faire plaisir j'allais pas lui refuser ce minuscule moment de gloire, hein. Voilà en tout cas qu'il me parlait de mon métier, tandis que je rangeais ce que j'avais dérangé et qu'il se préparait son sandwich « T’as un peu la vie de rêve toi quand même. » J'avais laissé échappé un léger soupir amusé, parce que c'est vrai, j'avais une vie de rêve. Une vie qui me convenait et que je n'étais prêt à échanger pour rien au monde, clairement. Et comme je savais aussi qu'il suffisait parfois d'un rien, d'un bête accident, pour que la roue tourne dans le mauvais sens, je réalisais d'autant plus la chance que j'avais actuellement. Alors je n'avais rien répondu, mais j'avais souri ; Peut-être que j'avais peur de me porter la poisse, sinon. J'avais préféré plaisanté concernant sa visiblement courte expérience en tant que barman « Hm, si j’étais doué, ça aurait pu oui. » C'est sûr que ça aidait, oui. Mais bon on pouvait pas être doué en tout après tout ... Et puis, c'était surtout ce genre de boulots qui étaient fait pour saisir les opportunités. Et en parlant d'opportunités, j'en avais vu une belle là de faire dévier la conversation sur la partenaire de Lewis, et comme j'étais parfois du genre à aimer mettre les pieds dans le plat, y'avait fallut que je le fasse bien entendu « Quoi ? Je ne … Qu’est ce qui te fait dire ça ? » Répondre à une question par une autre question, c'était un tel classique. Régulièrement utilisé par les hommes politiques et par ceux qui avaient de manière plus générale quelque chose à cacher. « Et sinon, il s’appelle comment ton mari ? » Tentative désespérée pour ramener la conversation vers moi et non vers lui maintenant, Lewis ferait donc un politicien talentueux, de toute évidence. Laissant échapper un léger rire devant sa tentative désastreuse pour noyer le poisson, j'avais attrapé celui parmi mes verres que j'avais chargé en mangue et en gin avant de répondre « Benjamin. Et maintenant que j'ai répondu à ta question, tu vas devoir répondre à la mienne ... non ? » Bah oui, fallait pas non plus me croire né de la dernière pluie, et puis je doutais un peu d'être le seul à lui avoir déjà fait une remarque à ce sujet, y'avait bien moins délicat et bien plus sans-gène que moi ici après tout « Mais pour répondre à ton autre question, j'irai pas jusqu'à dire que c'est flagrant mais ... enfin, c'est pas difficile à remarquer non plus, quoi. » Le pauvre, j'étais en train de me dire que si ça se trouve j'allais le faire flipper en disant ça, je m'y prenais peut-être pas de la meilleure des façon. Du coup, j'avais fini par ajouter « Mais c'est ... enfin, même si c'est le cas je comptais pas me ruer hors de la cuisine pour aller lui répéter, hein ... »