J'étais certain que c'était faisable, si je me concentrais assez. Tout ça c'était juste une question de volonté, fallait seulement que j'y mette un peu du mien et que je fasse preuve d'assez de concentration pour que cela fonctionne ... Fallait que je ferme les yeux, que je me concentre sur ma respiration et que je fasse abstraction de tout le reste, c'était ce que n'arrêtait pas de me répéter le prof de yoga. Celui que je m'étais si vite empressé d'envoyer bouler une fois que je n'avais plus été obligé de le supporter ... Faut dire que ça n'avait pas duré bien longtemps cette histoire, il avait vite compris que la relaxation c'était pas vraiment un truc fait pour moi, et il avait - ô si généreusement - fait passer le message à ma kiné pour qu'elle arrête de perdre son temps et de me faire perdre le mien avec ses idées farfelues et totalement ridicules. Le fait que j'en sois maintenant réduit à tenter d'appliquer ses conseils montrait à quel point la situation était des plus désespérées. Enfin, y'avait pas non plus mort d'homme, hein, c'était juste moi, essayant de retrouver cet état de calme et de béatitude dont j'avais pu profiter dans mon rêve de cette nuit, et pour lequel j'aurai donné n'importe quoi ou presque, juste pour en profiter quelques instants de plus. C'était tout con, mais cette nuit j'avais rêvé que j'étais chez moi ; Que je sirotais tranquillement une bière en me balançant doucement sur le hamac de notre lana'i, et que je regardais Ben surfer. Ce qui n'avait déjà pas grand sens étant donné que Ben ne savait pas surfer, ou presque pas, et que l'inversion des rôles aurait été plus logique ... Mais bon, on parlait d'un rêve, y'avait jamais énormément de logique dedans au fond. Toujours est-il que j'essayais de me concentrer là-dessus, sur la plage, le bruit du vent, l'odeur de l'iode ... mais c'était peine perdue à chaque fois que je reprenais ma respiration et que je sentais cette affreuse odeur de chlore. J'enchainais les longueur à une vitesse presque déraisonnable, je crois que quelque part j'essayais de m'épuiser, assez pour ne plus avoir les idées entièrement claires, assez pour espérer dormir profondément cette nuit ; Et puis malgré tout le simple fait de nager me détendait, tant l'eau était mon élément naturel, peut-être même plus que la terre ferme, hm. J'avais plus ou moins réussi à me concentrer en tous les cas, étant donné que ce n'était qu'une fois de retour vers le bord du bassin, à bout de souffle, que j'avais remarqué la présence d'India, que je n'avais absolument pas vu arriver « Hey. » lui avais-je alors lancé tout en relevant les yeux vers elle, m'appuyant les bras croisés contre le rebord de la piscine, sans pour autant sortir de l'eau. Non, j'étais décidément bien dans l'eau. « Je t'ai pas vu arriver, ça fait longtemps que t'es là ? » Pas que la réponse soit capitale mais bon, je devais vraiment avoir eu un bon moment d'absence pour ne même pas me rendre compte qu'elle était entrée. L'observant un instant, j'avais en tout cas fini par lui demander prudemment « Ça va ? » Sous-entendu, si ça allait mieux, surtout. Mieux que la dernière fois en tout cas, j'étais peut-être arrivé avant qu'elle ne décide de se saouler toute seule dans la salle de billard, mais c'était pas parce qu'elle n'avait pas bu qu'elle péter la forme ce soir-là. Et comme je n'avais fait que l'entrevoir depuis, je ne savais pas trop si ça allait mieux ou non, en fin de compte.

J'ai mieux dormi que la veille, oui évidemment puisque j'ai pris ma place attitré dans le lit, dans les bras d'Ivan qui n'a pas eu la force de me repousser, peut être que ce n'était pas l'envie qui lui manquait mais je ne suis pas mécontente qu'il ne l'ait pas fait. Au moins j'ai pu dormir un peu mieux. J'ai ouvert les yeux dans les alentours de huit heures et j'ai pris directement la direction de la forêt, j'ai arrêté d'aller chercher Amery puisqu'il n'est malheureusement plus là, on a pas couru longtemps ensemble mais je me suis habituée à sa présence et puis c'était bien de courir à deux, même si ce matin c'est mieux que je cours seule, je ne suis pas d'humeur, pas d'humeur a être avec qui que ce soit. J'ai besoin de faire du sport pour essayer d'oublier, je cours trop vite. Je m’essouffle trop rapidement alors je rentre, je prends une nouvelle douche, je mange quelque chose parce que je suis en hypoglycémie et que le but n'est pas non plus de me tuer. Je ne suis pas à ce point stupide. Lorsque je sors de la douche et que je n'ai pas la moindre considération pour l'eau chaud qu'il pourrait rester ou non je prends la direction de la piscine, et je me rends compte que je ne l'aurais pas pour moi seule. Et je suis prête à repousser chemin lorsque je vois à l'allure où la personne fait ses longueur. C'est un peu ce que j'avais prévu, continuer de m'épuiser pour ne plus penser alors j'avance et je m'approche du bord lorsque je vois Akela sortir la tête de l'eau, je lui adresse un signe de la main et lui souris. Oui parce que même si techniquement j'suis plus au bord du gouffre qu'autre chose je n'en deviens pas non plus désagréable et je ne suis pas obligée de faire la tête en permanence. Je n'ai pas envie de montrer à qui que ce soit que je vis mal la situation. « Je t'ai pas vu arriver, ça fait longtemps que t'es là ? »Je secoue la tête, non pas vraiment. « Non, je viens juste d'arriver, je me demandais simplement qui pouvait nager aussi vite mais j'aurais dû le deviner.  » Je crois que je le vois sortir tous les jours de la piscine, même si on ne fait que se croiser il doit être l'un de ceux qui y passent le plus de temps. « Ça va ? » Question délicate, piège peut être. Enfin pour moi. Comme je ne sais pas encore ce que je vais répondre je m'assieds sur le sol en tailleur parce que je vais lui provoquer un torticolis à force. « Hum, ça allait mieux après notre rencontre dans la salle de billard, maintenant on ne peut pas dire que ce soit toujours le cas.  » C'est plutôt l'inverse, et ça a commencé quand Camille m'a confondu avec mon partenaire au prime, et après ça n'a fait qu'aller en empirant, mais bon, je garde le sourire, devant lui du moins. « Et toi ?Tu as eu d'autres insomnies depuis ?  » Non parce que au pire on peut toujours se donner rendez-vous pour un billard dans ces moments là. C'est plus drôle de ne rien fait à deux, ça évite de trop penser.

J'étais bien content que cette brouille débile avec Camille n'ait pas duré, en définitive, parce que fallait bien avouer que je ne savais pas trop quoi faire de moi-même ici, quand il n'était pas dans les parages. Pour être parfaitement honnête la question de savoir si je devais abandonner ou non cette aventure s'était déjà posée à une ou deux reprises dans un coin de ma tête, pour des raisons qui m'étaient propres ma foi ... Mais à chaque fois c'était Camille qui avait fait pencher la balance. J'étais certain qu'il m'en voudrait si j'abandonnais, et il aurait sans doute raison. Alors tant que la chance en déciderait ainsi j'allais donc rester ici, avec lui ... mais du coup il fallait que je fasse avec les moyens du bords pour ce qui était de m'occuper et de me canaliser. Grâce à dieu nous avions une piscine à notre disposition, autrement dit ma planche de salut ultime. J'avais bien conscience de la squatter un peu trop, d'ailleurs, aussi étais-je prêt à la laisser à India lorsque je l'avais remarquée. Sans l'avoir vu arriver d'ailleurs, ce qui sur le coup m'avait quelque peu surpris, je ne pensais pas être à ce point là dans la lune. « Non, je viens juste d'arriver, je me demandais simplement qui pouvait nager aussi vite mais j'aurais dû le deviner. » J'avais laissé échapper un léger rire tout en passant machinalement une main dans mes cheveux pour les débarrasser du surplus d'eau qui me dégoulinait dans la nuque. C'est vrai qu'à la vitesse à laquelle je m'étais mis à nager, on aurait presque pu être tenté de croire que j'essayais de fuir quelque chose. Et d'ailleurs « Bah oui ça c'est à force de nager pour éviter les requins, ça m'a appris à nager vite. » Connerie du jour, bonjour. Le pire c'est qu'avec cette manie des requins de prendre les surfeurs pour leur quatre heures, c'était devenu une blague récurrente quand je surfais encore pour de vrai ; Et c'était assurément parce que j'étais doté d'un humour douteux que j'avais fini par me faire tatouer une mâchoire de ces jolies petites bêtes, hm. Mais enfin bon là, ce que je voulais c'était surtout trouver une connerie qui dériderait un peu India, parce qu'elle n'avait pas l'air beaucoup plus vaillante que la dernière fois ... enfin, peut-être un tout petit peu, mais voilà. Et du coup je n'avais pas pu m'empêcher de lui demander si ça allait. « Hum, ça allait mieux après notre rencontre dans la salle de billard, maintenant on ne peut pas dire que ce soit toujours le cas. » J'avais penché la tête sur le côté ; C'était bien ce que je craignais. J'aurais pourtant imaginé que puisqu'Ivan n'avait pas fait les frais de sa nomination dimanche dernier, l'humeur de la jeune femme n'en aurait pu être que meilleure, mais de toute évidence non ... Ceci dit c'était bien les femmes, ça, horriblement difficiles à suivre. « T'as envie de parler ? » avais-je alors simplement demandé d'une voix prudente. Je n'allais pas la forcer, et je comprendrais aussi très bien qu'elle me réponde simplement non, mais si par hasard elle avait besoin d'une oreille attentive j'étais tout aussi disposé à l'être. Je n'aurais pas proposé si ce n'était pas le cas de toute façon, j'étais pas vraiment le genre à faire les choses parce que je m'y sentais obligé. « Et toi ? Tu as eu d'autres insomnies depuis ? » Si j'avais eu d'autres insomnies ? Un oui n'aurait même plus été suffisant, à vrai dire je ne savais pas trop ce que j'avais cette semaine mais j'étais tellement survolté que c'était déjà un exploit que je parvienne à me poser quelques heures dans un lit pour y dormir ... Mais bon, je dormais quand même, alors c'était pas totalement de l'insomnie. « Je crois que le souci c'est que je ne suis juste pas assez fatigué. Autrement dit si il te prend de nouveau l'envie de faire un billard à une heure déraisonnable, tu pourras toujours me sonner. » Un billard ou autre chose, et pas forcément à une heure déraisonnable en fait ... Non, moi quand on me proposait de quoi m'occuper ici j'étais toujours partant de toute façon.

Je me dis que nager ça ne peut que me faire du bien, c'est apaisant l'eau. Faire quelques brasses dans la piscine, ça détends les muscles en plus. Et j'ai vraiment besoin d'être d'être détendue, de me calmer et la piscine me semble être une bonne idée, sauf qu'elle n'est pas libre cette piscine. Quelqu'un y nage a une allure assez soutenue, ça ne peut donc pas être n'importe qui. Et finalement Akela s'approche du bord, oui évidemment, qui d'autre finalement ? En tout cas il ne m'a pas remarqué, j'ai toujours été discrète comme fille, je ne suis pas forcément celles qu'on remarque immédiatement parce que déjà je marche doucement, calmement et que je ne calque pas les portes, je prends le temps de les refermer, enfin bref, là je suis sur le rebord de la piscine lorsqu'il m'interroge. « Bah oui ça c'est à force de nager pour éviter les requins, ça m'a appris à nager vite. » Et malgré mon humeur assez... Oui, ma mauvaise humeur autant dire les choses telles qu'elles sont, et bien malgré cela, je souris j'imagine que c'était le but, et bien ça a fonctionné, ça me fait sourire et je hoche la tête comme si je comprenais vraiment de quoi il parle. « Tu as dû en croiser un bon nombre alors vu à l'allure où tu nages...  » Oui bon, je sais bien que ce n'est pas forcément la vérité mais bon, ce n'est pas si grave, puisqu'il en plaisante, je ne devrais pas m'en priver moi aussi. Quoi qu'il en soit, il me demande si ça va, et je prends le temps de m'asseoir avant de répondre parce que je ne sais pas quoi répondre. Je n'aime pas mentir, mais je n'aime pas plus parler de moi. Mais je lui dis la vérité, ça va allait mieux et maintenant tout va mal. « T'as envie de parler ? » Euh, je ne m'y attendais pas trop par contre, et je ne sais toujours pas quoi répondre. Enfin pas plus que tout à l'heure du moins. « Je ne sais pas trop... Je ne sais pas s'il y a quelque chose à dire à ce sujet non plus.  » J'en sais rien, j'sais plus rien finalement. J'ai arrêté de penser finalement, j'ai arrêté de me dire que tout allait mal parce que c'est une certitude mais je ne sais pas s'il y a quelque chose à dire à ce sujet, c'est fini et ce n'est pas moi qui l'a décidé alors moi je ne sais pas ce que je peux dire. En tout cas je lui demande s'il arrive à mieux dormir puisque c'était son soucis majeur. Et on est le matin donc je ne sais pas trop. « Je crois que le souci c'est que je ne suis juste pas assez fatigué. Autrement dit si il te prend de nouveau l'envie de faire un billard à une heure déraisonnable, tu pourras toujours me sonner. » Oui évidemment je comprends. C'est souvent mon problème, j'ai beau me lever tôt, ce n'est pas pour autant que j'arrive à dormir très tôt. On ne peut pas faire grand chose donc forcément notre corps ne s'épuise pas et on est fatigué. C'est un cercle vicieux je crois. « C'est pour cette raison que tu essayes de t'épuiser donc ? Enfin bon je comprends, c'est le soucis quand on a rien d'exceptionnel à faire. Et je donc je garde ta proposition dans un coin de ma tête.  » Je n'ai pas particulièrement envie d'aller rejoindre mon lit trop tôt de toute façon, plus je m'en tiens éloigné et mieux c'est, même si j'ai quand même envie de m'y rendre, c'est bizarre, oui je sais, mais je n'ai jamais prétendu ne pas l'être... Bizarre.

« Tu as dû en croiser un bon nombre alors vu à l'allure où tu nages ... » On parlait toujours du même type de requin là,, ou bien on était passé à quelque chose de plus métaphorique ? Enfin de toute façon si oui c'était pas le genre de discussion que j'avais envie d'avoir, le truc auquel j'avais envie de penser. Histoire de continuer dans la plaisanterie j'avais du coup répondu d'un ton faussement résigné « Les surfeurs sont le repas préféré des requins, après tout. » Bon ceci dit c'était qu'à moitié faux si l'on regardait le nombre de surfeurs par rapport au nombre total d'attaques de requins, mais bon à mon avis les bestioles devaient faire une drôle de tête quand elles réalisaient que ce qu'elles avaient attrapé n'était ni un gros poisson, ni une grosse tortue. Enfin bon j'avais jamais croisé de requin d'aussi prêt ceci dit, fort heureusement, sinon ma carrière de surfeur aurait certainement été écourtée encore plus tôt. Quoi qu'il en soit, les bêtises que je racontais mises à part, je voyais bien que pour India c'était pas encore la grande forme ... Bon, ceci dit elle essayait quand même plus ou moins de donner le change, c'était un bon début parait-il, l’auto-persuasion. « Je ne sais pas trop ... Je ne sais pas s'il y a quelque chose à dire à ce sujet non plus. » Certes, les mots n'avaient pas pour vocation de changer quoi que ce soit à la situation, simplement cela pouvait parfois être bénéfique que de dire ce que l'on avait sur le cœur ... A condition d'en avoir envie. Et puis bon, moi je proposais simplement ça comme ça, mais j'avais bien conscience aussi que si India avait soudainement envie de parler elle avait sans doute doute d'autres personnes mieux placées que moi pour l'en persuader. Quoi qu'il en soit, j'avais enfin fini par m'extirper de l'eau, ayant assez barboté pour la matinée, et tandis que j'allais attraper ma serviette et que je laissais le bassin à la disposition de la jeune femme celle-ci avait commenté ma justification concernant l'insomnie « C'est pour cette raison que tu essayes de t'épuiser donc ? Enfin bon je comprends, c'est le soucis quand on a rien d'exceptionnel à faire. Et je donc je garde ta proposition dans un coin de ma tête. » Elle avait raison, le principal souci ici était que nous n'avions pas de quoi nous fatiguer, ce n'était pas de tourner en rond qui nous donnerait l'occasion d'aller se coucher le soir en ayant l'impression d'avoir eu une journée remplie, et fatigante pour la bonne cause. « J'ai l'impression de m'être plus souvent tourné les pouces ici en huit semaines, qu'à l'extérieur pendant toute mon existence. » Oui bon, peut-être que j'exagérais un tout petit peu, mais disons que c'était pour grossir le trait. En tout cas j'avais ajouté « Mais ouais, entre la nage le matin, la course en forêt l'après-midi et les parties de billard le soir, y'a juste de quoi me faire fermer l’œil, disons. » Donc accepter de faire un billard avec moi le soir, c'était pratiquement comme si elle acceptait d'aider mon sommeil, c'était en quelque sorte pour la bonne cause, huhu. Passant finalement ma serviette de bain autour de mes épaules, parce que je commençais à avoir froid, j'avais fait remarquer « D'ailleurs, tu vas plus courir ? » Parce que jusqu'à présent ça m'arrivait disons fréquemment de la voir de loin revenir du parc avec des affaires de sport sur le dos, parfois accompagnée d'Amery, parfois non ... Mais plus depuis le début de la semaine, maintenant que j'y réfléchissais.