FT EIBHLIN

C'est dans le salon que je mis enfin la main sur ma partenaire. Nous n'avions pas vraiment croisées cette semaine, les seules fois avaient été dans le lit conjugal mais à chaque fois, l'une de nous dormait. Autrement dit, nous n'avions pas encore eu le temps de parler de la semaine dernière. De sa nomination et de mon absence lors de ce prime. J'aurais aimé la soutenir, mais je n'en avais pas eu la force au moment venue. Je m'étais sentie mal, nauséeuse et avais préféré mon lit au plateau du prime. Aujourd'hui, j'étais bien décidée à m'excuser pour avoir été une partenaire excécrable alors qu'elle aurait peut-être eu besoin de soutien. Enfin, heureusement, elle était restée et je n'avais pas à trop culpabiliser non plus. L'attrapant par le bras, je la menais directement en direction de la cuisine en arborant un large sourire. « Comme je n'ai pas pu être présente au prime, je vais me faire pardonner en te faisant des crêpes. » Articulais-je alors en la poussant à prendre place sur un siège tandis que je préparais les ingrédients nécessaires à ma recette. Puis y avait aussi un autre événement sur lequel je voulais revenir «Et puis si tu veux savoir pourquoi je t'ai embrassé la semaine dernière, je te l'ai dit. Je cherchais simplement à tester de nouvelles choses. Même si ça fait un peu cougar comme tu as pu me le dire. » Un large sourire s'étale sur mon visage tandis que je sors désormais les plats nécessaires. « Oh, et tu aimes les crêpes au moins ? »

Eibhlin n’a pas l’habitude de ces excès de franche amitié. Elle n’en est pas très friande non plus, mais elle se laisse pourtant faire parce qu’il s’agit de sa partenaire. Non pas qu’elle l’aime plus qu’une autre, mais on dira qu’elle prend une place plus importante ; qu’elle a cette place privilégié qui fait qu’elle ne gueule pas sur Zoey, mais elle souffle plutôt, tout en se laissant portée vers la cuisine. « Chouette… » Qu’elle lâche en souriant faussement, ne cherchant pas à imiter la joie à la perfection. Non, mais elle est ouf Zoey quand même : faire des crêpes à Eibhlin, c’est le plus beau truc qu’elle n’aurait jamais pu lui proposer… Non parce qu’en vrai, elle ne s’est pas vraiment pas soucié du pourquoi du comment elle n’était pas présente. Elle s’en est un peu moquée, mais admettons… Bon elle aime les crêpes, mais se faire pardonner avec ça, c’est un peu la déch quand même. « T’as pas intérêt à oublier le Nutella et le sirop d’érable ! » Qu’elle, en se résignant à s’asseoir sur la chaise qui lui est apparemment destinée. Elle croise les bras sur la table. Elle me parle d’un truc qui s’est passé y’a une semaine et dont elle ne se souvenait même plus… « Pourquoi tu m’reparles de ça ? J’le sais déjà… » Qu’elle dit, avec une grimace. Si elle veut s’en expliquer, c’est bien, mais elle ne voit pas à quoi sa sert de revenir sur ça. Eibhlin n’est pas meurtri dans son petit cœur parce que Zoey est la énième fille ici hétéro et donc pas enclin à faire quoique ce soit avec elle. L’irlandaise dira que c’est tant pis pour elle et puis c’est tout. « N’empêche que t’es une putain de cougar sexy… » Qu’elle lâche comme ça, jouant avec la cigarette qu’elle s’était en fait sortie. Parce qu’à la base, elle voulait fumer et non bouffer des crêpes. « Ouai, j’adore ça… Ca fait longtemps que j’en ai pas mangé… » Elle marque une pause… « Ca me rappelle même quand j’étais gamine, avec ma sœur et mes frères, à regarder ma mère en train de faire sauter une crêpe dans la poêle… » Qu’elle dit un peu songeuse, avant de sourire, moqueuse. « Nan, j’rigole. Elle n’sait pas cuisiner ma rèm. Et puis même si elle savait, elle était trop occupée à sucer des queues pour nous en faire… » Qu’elle dit, avec un sourire amusé. Oui elle a bien une sœur et deux frères, mais absolument pas une maman aimante, qui passe du temps à leur faire gâteaux et crêpes… « Bref. Ta nouvelle expérience t’as satisfaite ou non ? » Genre, elle recommencerait bien ou non ?... Faut bien qu’elle sache !

« Chouette… » Bon, à première vue et malgré le mot qu'elle vient de prononcer, j'ai l'impression qu'elle n'est clairement pas emballée par mon idée. Pourtant, faire des crêpes et les présenter joliment sur une table, ça fait partie de mon métier. Les gens qui visitent les maisons la trouve tout de suite plus accueillante si une délicieuse odeur traîne dans la cuisine.  L'apparence, c'est mon truc. Savoir me faire aimer, faire aimer le lieux que je présente c'est également mon truc alors Eibhlin ne va certainement pas rouspéter parce que je lui fais des crêpes. Ça ne serait pas correcte et carrément très mal élevé si vous voulez mon avis. « T’as pas intérêt à oublier le Nutella et le sirop d’érable ! » Ha oui. Moi je l'ai mange simplement avec un peu de cassonade mais j'suis pas certaine que tout le monde connaisse ce sucre-là. C'est ma mère qui me l'a fait goûter un jour et j'sais pas trop d'où elle le sort mais c'est excellent. D'ailleurs, par chance, j'en ai trouvé dans le placard. J'en profite pour sortir également les deux pots qu'Eibhlin m'a demandé et je lui présente devant elle. Lorsque ses crêpes seront prêtes, elle sera libre de mettre ce qu'elle veut dessus et de la façon dont elle le désire. J'lui parle du baiser que nous avons échangé la semaine dernière. Vous faites pas de film, il n'a pas eu d'importance pour moi, ça n'était qu'un baiser. Parce que j'en vois déjà certains s'enflammer et s'apprêter à lancer des rumeurs. « Pourquoi tu m’reparles de ça ? J’le sais déjà… » Ha oui. Sans doute l'avais-je déjà mentionné lorsque nous nous étions retrouvées à la cuisine mais pour moi, il fallait que les choses soient vraiment claires. Qu'elle n'espère rien de plus de ma personne parce que ça n'irait pas plus loin, ni d'un point de vue physique, ni d'un point de vue émotionnel. « Je m'assurais juste que tout était clair entre-nous. Même si je me doute que tu avais compris. » Que je dis tandis que je mesure la quantité de farine nécessaire pour ensuite la versée dans mon plat. Comme on me l'a apprit, je fais un puits avec cette farine et y met les oeufs. Me reste plus qu'à y mettre le sucre et mélanger sans faire de grumeaux. « N’empêche que t’es une putain de cougar sexy… » Merci, c'est ce que je suis censée lui répondre non ? « Et j'ai même pas eu l'awards de la nana la plus sexy, déçue quoi. » J'affiche un léger sourire tandis que je mélange à l'aide du fouet ma préparation. Je le fais avec autant de soin que possible, je tiens à ce que ma pâte soit bien lisse. « Ouai, j’adore ça… Ca fait longtemps que j’en ai pas mangé… » Qu'elle me répond alors que je cherche à vérifier si ma partenaire apprécie les crêpes ou non. Ce serait con de lui en faire alors qu'elle n'aime pas ça. Mais heureusement, c'est dans la poche. Toute façon, c'est rare de croiser quelqu'un qui n'aime pas ça. « Ca me rappelle même quand j’étais gamine, avec ma sœur et mes frères, à regarder ma mère en train de faire sauter une crêpe dans la poêle… » Je n'ai pas eu la chance de vivre des moments de complicité intense avec un frère ou une soeur, il n'y avait que moi. Moi et maman. Nous avons été deux toute notre vie et lorsqu'elle partira à cause de ce foutue cancer, je serai seule. Mais je ne tiens pas à faire pleurer dans les chaumières, je ne vais pas en parler aux gens de ce nid. De toute façon, aucun ne le mérite à mes yeux. Je ne suis pas prête à déballer ma vie personnelle. Je partage bien plus mon cul que mon histoire. « Nan, j’rigole. Elle n’sait pas cuisiner ma rèm. Et puis même si elle savait, elle était trop occupée à sucer des queues pour nous en faire… » Eibhlin ne semblait pas non plus avoir eu une enfance de tout repos et sa dernière phrase avait même réussit à me choquer. Me choquer moi en parlant de cul ... Faut le faire. C'est juste que j'imagine mal un gosse savoir ce genre de détail sur l'identité de sa mère. Comment la mère d'Eibhlin avait bien pu l'élever pour qu'elle parle d'elle de cette façon. « et ton père ? » que je lui demande. Parce que l'irlandaise a parlé de sa mère qui suce des queues mais pas de sa mère qui suce la queue de son père alors ... Peut-être avons-nous un autre point commun, un père peu courageux qui a préféré déserter les lieux. « Bref. Ta nouvelle expérience t’as satisfaite ou non ? » Je lui souris une fois de plus tandis que je termine la préparation de ma pâte. Je vais pouvoir commencer la cuisson maintenant. « Cela n'était pas déplaisant. Plus doux qu'un baiser partagé avec un homme, différent quoi. Mais mon expérience homosexuelle va s'arrêter là. »

Non, pour le coup, on peut dire qu’elle n’était pas super emballée que ça à l’idée de manger des crêpes. Ou plutôt à l’idée qu’elle le lui en fasse pour se faire pardonner. Elle pardonne rien, normalement Eibhlin, si tant est qu’il y ait quelque chose à pardonner. Ce qui ne semble pas être le cas de son côté, mais apparemment pas de celui de la jeune femme qui lui sert de partenaire. Dans tout les cas, elle a son sirop et son chocolat à tartiner, autrement dit, les bons ingrédients pour apprécier de bonnes crêpes, parce qu’elle les espère bonnes évidemment… Comme elle voit leur entente à peu près bonne, comme il faut et qu’elle ne veut pas voir se dégrader. Alors oui, que tout soit clair entre elle, c’est cool : « Ouai… T’inquiète pas… Ce n’était pas mon intention de te violer dans la nuit, tout ça… » Qu’elle dit avec un léger sourire aux lèvres. Ou de la toucher subtilement. N’empêche qu’elle ne peut pas s’empêcher de lui faire un compliment, parce que oui, oui, elle est sacrément sexy. « Moi aussi. Clairement… C’est qui déjà la première ? India non ? Elle a rien de sexy cette nana… » Même si elle est très belle ; mais belle ne s’accorde pas toujours avec sexy et c’est exactement le cas pour India… Elle parle finalement d’un pseudo souvenir qui n’aurait jamais pu arriver dans la vraie vie. Oh que non. Elle est plus proche de la vérité en disant que sa mère suce des queues qu’en affirmant qu’elle leur faisait à manger. En vrai, sa mère n’a été réellement présente dans sa vie et dans la vie de sa sœur et de ses frères qu’à une seule reprise : leur naissance. Bah ouai, il fallait bien qu’elle soit présente, c’est obligatoire… Sinon, la plus part du temps, elle a toujours trouvé le moyen de se faire remplacer… Elle n’est même pas venue au mariage de son plus vieux fils. Cela dit, son père non plus. Trop occupés les deux, à faire grossir leur compte en banque, à le dépenser ensuite et à se taper des jeunes. L’un comme l’autre, bien que sa mère soit plus cougar pour quelques soirs alors que son père à sa pupute à plein temps. Une fille pas beaucoup plus vieille qu’Eibhlin d’ailleurs. Alors si elle a pu faire une crêpe partie avec ses frères et sœur, ça aurait pu être grâce à cette nounou, maman de substitution, qu’elle a eut… Zoey lui demande ce qu’il en était de son père. Elle fronce les sourcils. Elle a l’impression qu’elle se méprend un peu. « Je t’arrête tout de suite ! J’ai pas eu une vie de cas soc’ ! Genre ma mère se prostitue pour avoir du fric et mon père nous a abandonné… » Non, jamais elle ne laissera croire qu’elle a été « élevée » dans une famille pareille. « Non, mes parents sont pétés de tunes. J’ai toujours vécu dans le luxe. Ils se sont séparés bien comme il faut et l’un comme l’autre. Alors mon père ne nous a pas abandonné ou rayé de sa vie : lui comme elle, se sont toujours foutue de nous comme de l’an quarante. Une semaine sur deux, dans la villa de l’un, et l’autre semaine, dans le manoir de l’autre. Abandonné dans les bras d’inconnues que des gamins normaux appellent nounou et que j’ai toujours appelé maman. Et quand mon frère a eut l’âge de pouvoir s’occuper de nous, ils ont viré leur nounou... Genre... Je devais avoir cinq ans à peine... » Declan, son plus grand frère, a dix ans de plus qu’elle. Fillin, sont deuxième frère, a sept ans de plus et sa sœur, Ennis, a quatre ans de plus qu’elle. Plus tordu encore, ses parents étaient officiellement divorcé depuis un bon et long moment quand ils ont eut Eibhlin. Ils ont remis le couvert et apparemment, ils n’avaient pas de capote à ce moment là… En tout cas, elle l’explique tout à fait naturellement, même si ça la saoule un peu de s’ouvrir comme ça… Mais Zoey n’a pas vraiment demandé ça. Elle se livre d’elle-même. Et c’est la première fois qu’elle en parle vraiment, de cette vie qu’elle a eut. Parce que oui, ça craint un peu, parfois, d’être bourge. Elle souffle et puis sa gorge se noue. Elle ne se plaint jamais de ça, parce qu’elle estime qu’il y a pire dans le monde, mais ça la touche quand même. Pour le coup, maintenant, elle a vraiment envie de crêpes. Pour passer ce goût amer qu’elle a dans sa bouche, ce gout de tristesse. Alors elle dévie sur son expérience homo, mais elle garde la tête baissée Eibhlin. Même quand elle sort un : « Ravie d’avoir été ton expérience homosexuelle alors… »