FRIDAY, 05:00PM
comforting sound
starring orson & camille

Je pense à elle encore. Je pense à Judith. Oui, Judith. Je l'imagine en train de siroter sa tisane près de la fenêtre. Je la vois sourire, je l'entends rire. Cela ne fait que quelques jours, mais je sens encore sa présence parmi nous. Elle me manque déjà. Il continue de pleuvoir dehors. Cela a débuté en fin de matinée et s'est poursuivi tout l'après-midi. Je me réfugie dans la bibliothèque, m'octroyant un moment de répit au calme. Je ne fais que bouquiner de la journée. Le seul moyen que j'ai trouvé pour me vider la tête. Des images d'elle envahissent mon esprit. Je les chasse et fait le vide à nouveau. J'éprouve un désintérêt total pour tout. Y compris de ce livre traitant de l'Art nouveau. Cette lassitude est de plus en plus pesante. J'ai besoin de m'aérer l'esprit. J'abandonne momentanément la lecture pour me préparer du thé dans la cuisine. Je vois Camille et le salue. Il est différent, aujourd'hui. Quelque chose cloche. L'eau finit de bouillir. Je sors une boîte de Earl Gray, puis le pot de chocolat en poudre. Je verse une ou deux cuillerées de celui-ci avant de m'occuper de mon thé. J'apporte les deux tasses jusqu'à la table près de laquelle le jeune homme s'est assis, pensif. Je dépose sa tasse en face lui. - Bois ça. Le chocolat a des vertus bénéfiques sur l'humeur. J'espère cela le réconforterait assez pour qu'il cesse de faire la tête. - Comment tu te sens ? J'ignore ce qui s'est passé entre Ivan et lui. Je ne me suis pas intéressé car cela ne me concerne nullement qui il fréquente d'habitude. Je vois qu'il a le moral dans les chaussettes sans doute à cause de cette même personne. Je ne suis pas doué pour réconforter les gens, il le sait. Mais si il a envie d'en parler, je l'écouterai. Comme toujours. Il peut tout me dire et sans crainte. Je ne le jugerai pas. Je ne le jugerai jamais.

Il était certain que toute cette histoire avec Ivan avait pris des proportions monstrueuses, si bien que je ne savais même plus où je devais me positionner exactement. Si bien que je ne savais même plus ce que je devais faire ou même penser. J'étais dans le flou total. Alors, j'avais finalement décidé qu'il était peut-être temps pour moi d'avancer, de penser au futur plutôt que de ressasser le passé. Ce qui était fait était fait, et même si ça ne pouvait que continuer à me faire souffrir, je ne voulais pas être de ceux qui cherchent constamment à se faire du mal. Et je ne voulais pas non plus être plus longtemps associé à ce genre d'histoire, alors que tout ceci ne me ressemblait simplement pas. Je n'étais pas un garçon qui attachait particulièrement d'importance aux relations humaines. Ou plutôt, je n'étais pas de ceux qui avaient l'occasion de beaucoup en vivre. Et si je voulais être avec quelqu'un, je désirais simplement que cette personne soit sûre de son choix, et qu'il n'y ait personne d'autre que moi à ses yeux. Je savais que cela pouvait paraitre incroyablement égoïste, mais c'était ainsi que je voyais une relation. Alors bien qu'attaché à Ivan, je m'étais dit que le mieux pour moi, c'était m'en détacher un peu plus. Oui, et j'avais même l'impression que ça commençait à marcher. Là, accoudé à la table de la cuisine, j'en venais peu à peu à reprendre ma vie en mains. D'ailleurs, Orson ne tarda pas à arriver. « Bois ça. » dit-il en me donnant une tasse, ce qui me fit légèrement sourire. « Comment tu te sens ? » « Mieux, maintenant... » lui confiais-je. Et ce n'était pas forcément parce que qu'il venait de me faire un thé, mais plus en général. Oui, j'avais l'impression d'aller un peu mieux, de commencer à oublier toutes ces histoires qui me semblait presque futiles. « C'est que je suis pas trop habitué à me retrouver au milieu de tout ça... »

Beaucoup de choses ont évolué depuis deux mois. Cette émission est une expérience à part entière. J'ignore si j'en sortirai changé de cette aventure. En tout cas, je ne regrette pas d'y avoir participé. Ne serait-ce que pour les rencontres et les affinités qui se sont créées au fil des semaines. Non, je ne regrette pas. Si ce n'était pas pour Camille, je n'aurai jamais osé le faire. Je l'aperçois dans la cuisine. Seul dans son coin, broyant dans le noir. Je nous prépare du thé avant de lui apporter une tasse. Je sens qu'il a besoin de tout extérioriser. J'espérais qu'il me parle de ses tracas, qu'il se livre un peu à moi. Histoire de lui remonter le moral, comme il se doit. J'attrape une chaise et je m'assois en face de lui. Je lui demande comment il va. Il répond qu'il se sent mieux maintenant. J'acquiesce, un fin sourire au bout des lèvres.  - Tant mieux. Je pousse un soupir de soulagement. Je sirote mon thé en ne le quittant pas du regard. Il paraît plus serein, ces derniers jours. Il s'est attaché à une certaine personne. J'ai appris que Camille s'est montré distant avec cette dernière. Maintenant qu'il n'est plus dans le nid, il se sent peut-être mieux. J'ignore ce qu'il se pense au final. J'aimerai bien le savoir. Je n'aime pas le voir dans cet état. Je le préfère quand il est joyeux et bruyant. - Si tu veux en parler, je t'écoute. Je ne suis pas quelqu'un de très démonstratif, je l'avoue. Il sait qu'il peut tout me dire sans craindre que je ne le juge. Il me connaît assez pour savoir que je serai le dernier à le juger. Je veux retrouver notre complicité d'antan. Notre amitié est précieuse à mes yeux. Elle l'a toujours été.