goodbye yellow brick road
ft. Sido & Maxence

Je pense qu'après avoir testé la chose à diverses heures de la journée, je pouvais maintenant dire que le plus agréable pour décider d'aller se balader sur le reste de l'îlot c'était d'attendre que la nuit soit tombée, mais sans être encore totalement noire ... Ouais, juste ce petit quart d'heure entre la fin de la journée et le commencement véritable de la nuit. J'avais mangé tôt exprès pour pouvoir aller prendre l'air ensuite, et j'avais englouti mon assiette de spaghettis bolognaise tellement vite que j'avais l'impression que je ne pourrais plus rien avaler de plus. Autant dire qu'une promenade digestive ne pouvait donc pas me faire de mal. Et puis, quand j'étais arrivé devant la devanture du restaurant je m'étais dit que j'avais bien fait, j'avais seulement eu l'occasion de jeter un coup d'oeil vite fait à l'endroit la semaine passée, mais pas vraiment de le visiter en profondeur. Pourtant ce n'était pas comme s'il passait inaperçu, il ne se mariait pas vraiment avec le reste du paysage en lisière de forêt comme ça. Pas un bruit et personne à l'intérieur, forcément, ça m'aurait quand même étonné que Cupidon soit là à m'attendre avec un martini dry. Du coup je trainais un peu, j'étais admiratif du détail apporté à l'endroit ; Y'avait même un jukebox. Que je n'avais pas pu m'empêcher de lancer en y trouvant la version des Blues Brothers de Jaillhouse rock, parce que forcément. Et puis bon, j'avais peut-être trop mangé pour avaler quoi que ce soit d'autre de consistant mais j'avais bien envie d'un verre, là ... Pour faire glisser, ça ne pouvait pas faire de mal. Passant derrière le comptoir j'avais donc commencé à farfouiller dans les placards, regardant un peu ce que j'avais à ma disposition, lorsqu'entendant la porte grincer je m'étais relevé, passant la tête au dessus du comptoir juste au moment où Sido refermait la porte derrière elle. « Alors comme ça, il parait que c'est à toi qu'on doit cet endroit. Le moins que l'on puisse dire c'est que tu étais inspirée. » que je lui lance alors d'un ton amusé, tandis qu'elle se dirigeait vers le comptoir à son tour. Attrapant un menu qui trainait, je lui avais tendu et lui avait demandé en vrai professionnel « Qu'est-ce que je vous sert ? » Je voulais bien faire la cuisine, si ce n'était pas pour moi. Mais bon, c'était bien parce que c'était elle, parce que j'avais déjà donné dans les jobs étudiants pourris à l'époque où j'allais encore à la fac', et je crois que travailler dans un resto restait de loin la pire de mes expériences professionnelles. Et puis je ne parlais même pas de la vie de famille, dans le genre horaires à la con on faisait difficilement mieux.

Je me demandais ce que j'aurais bien pu inventer, ou ce qui aurait pu me passer par la tête si j'avais eu la possibilité d'ajouter un lieu, comme Sido en avait eu le droit avec ce diner. Probablement un truc ridicule, le premier truc qui me serait passé par la tête certainement, et comme au moment des castings le truc qui occupait le plus mon esprit c'était ma voiture en panne sur le parking de la gare de Lyon à Paris, je ne sais pas trop ce que cela aurait pu donner ... Pas quelque chose d'aussi cool, en tout cas. Et d'ailleurs en parlant de Sido la voilà qui venait d'arriver, visiblement sous le charme des lieux « Enfin, Pas vraiment. C'est à Tarantino que l'on doit. » Certes, mais si elle n'avait pas émis l'idée je doute que la production y aurait pensé toute seule, alors après tout. Puisque j'étais de l'autre côté du comptoir en tout cas, je m'étais dit qu'autant me rendre utile, en jouant au barman comme on jouerait à la marchande, c'est à dire à très petite dose, hm. « Un milk-shake, please. » Signe de tête affirmatif à l'appui j'avais inspecté un instant ce que j'avais à disposition, repérant le lait dans le frigo et la glace dans le freezer, la corbeille de fruits et le reste, et après quelques instants de réflexion j'avais demandé « Vanille-framboise ? Spécialité maison. » Autant jouer le jeu à fond, bah oui. Faut dire que les bananes étaient sans doute ce qui passait le plus facilement au mixer, tandis que le sirop de framboise était le premier truc qui m'avait sauté aux yeux quand j'avais inspecté les bouteilles alignées sous le comptoir. Et puis ça ne devait pas être si mauvais comme mélange ... Probablement que si je n'avais pas déjà trop mangé je me serais laissé tenter aussi. Tandis que je m'affairais la jeune femme avait en tout cas semble-t-il décidé de faire la conversation, me gratifiant d'un « Donc, t'es reporter hmm. » auquel elle ne tarda pas à ajouter « T'étais où avant d'atterrir ici ? » Atterrir, c'était bien le mot, outre le fait que couplé au métier de la jeune femme il m'avait fait sourire. J'avais "atterri" ici dans le sens où je me demandais encore à certains moments comment je m'étais laissé embarquer là-dedans. Tandis que j'ouvrais la bouteille de lait j'avais demandé « Juste avant ? J'étais en congés, alors France et Belgique, profiter un peu de ma famille. » Mais j'avais bien conscience que ce n'était pas le sens de sa question, aussi après avoir remis le lait au frais j'avais repris avec un peu plus de sérieux « En Somalie. Mogadiscio, depuis octobre. » C'était pas ce que je préférais, principalement parce que de par mes études je me sentais forcément plus tourné vers l'Orient et le Moyen-Orient, mais enfin ce n'était pas moins utile pour autant. Même si après quatre mois à crapahuter je n'avais pas été mécontent de rentrer chez moi, un peu. « Et toi alors, vers quelle destination paradisiaque tu faisais voyager, avant qu'on ne t'échoue sur cette île presque au milieu de nul part ? » demandais-je à mon tour, tout en lâchant un sourire. Paradisiaque parce que ... Je ne sais pas, y'avait cette notion de voyage de toute façon, qui rendait tout paradisiaque au moins le temps du trajet. Mais j'avais toujours eu un truc avec les avions et les aéroports je crois, avec les gares et les trains aussi, je pense que c'était juste la notion de départ "à l'aventure" qui me fascinait.