krisjana

Hier elle avait appris la merveilleuse existence de la salle de vidéosurveillance. Ce qui pour elle était l’idée la plus fabuleuse que les créateurs du jeu aient pu avoir. Dans sa tête cette pièce était un peu son laboratoire. Elle avait d’ailleurs amené un carnet, des stylos, de quoi se nourrir et se désaltérer pour une durée d’environ une journée. Il ne s’agissait pas pour elle de trouver les secrets des autres, elle s’y attarderait si elle en avait le temps, mais plutôt de noter les comportements des candidats. Bien entendu, elle ne savait pas comment ils se comportaient en temps réel, et cela faussait l’expérience, puisqu’elle ne pouvait pas être complète mais c’était tout de même un très bon début pour elle. Cela faisait bien deux heures qu’elle s’était maintenant enfermée dans cette pièce, sans adresser la parole à qui que ce soit. Le spectacle qu’elle avait devant ses yeux la captivait bien trop pour qu’elle songe à faire quoi que ce soit d’autre. Elle ne voyait même pas le temps passer à vrai dire, il lui semblait être là depuis à peine dix minutes, sans doute un peu plus. Il allait sans doute falloir qu’elle décroche ses yeux de l’écran à un moment donné. C’est le bruit de la porte qui la fit finalement se retourner et poser ses yeux sur une brune. « Bonjour. » Ou bonsoir, à vrai dire elle ne savait plus très bien quelle heure il pouvait être. Peu importe, elle en restait bien élevée. Elle se souciait bien du bazar environnant qu’elle avait pu causer durant les heures où elle avait été ici. Durant quelques secondes ses yeux firent la navette entre la brune qui venait d’entrer et les écrans qu’elle avait devant les yeux. « J’aimerais te poser une question. Quelles ont été tes motivations pour venir dans ce jeu ? » Elle lui demandait ça comme elle aurait pu le demander à n’importe qui d’autre, mais depuis qu’elle avait commencé à regarder ces écrans, c’était la question qui lui revenait à l’esprit constamment et elle avait besoin d’une réponse, n’importe laquelle. « Je suis Nolene au fait. » ajouta-t-elle, surprise elle-même d’avoir omis de se présenter. Il était important pour elle de le faire, c’était la moindre des politesses.

J’actionne rapidement la poignée, n’ayant pas envie qu’un autre me suive dans mon antre, je veux être seule. J’entre dans la pièce, et oh malheur, je croise la newbie, je lui adresse un léger sourire. Parfois, je sais vraiment être polie, je m’étonne moi-même. Elle demande mes motivations, j’ai l’impression d’être à un entretien d’embauche, il faut que je sois apparemment ultra convaincante pour avoir le job, je joue gros, là. Je joue ma vie. « Qu’est-ce que cela peut faire ? Je suis ici, c’est le principal non ? » Je lui demande de ma voix habituellement rauque. Mais je me plie tout de même à l’exercice. « Je suis venue ici pour observer et être distraite, amusée » je balance simplement persuadée qu’elle ne peut pas comprendre. Je suis morne à l’intérieur, j’ai besoin de divertissement parce que j’ai déjà l’impression d’avoir tout vécu, je m’ennuis constamment. C’est assez triste à dire, je l’avoue. J’ai besoin de passion, d’être passionnée, de réagir, c’est pour cela que je viens, pour apprendre à vivre comme tout le monde, les engueulades, amitiés et autre. Donc non, elle ne peut pas saisir le principe de la chose, le potentiel que mon esprit déviant décèle dans cette émission de qualité douteuse pour la plupart des gens, à moins qu’elle soit dans ma tête, dans ce cas, je lui souhaite bonne chance car c’est le bordel. Je finis par me poser sur une chaise, à côté de la demoiselle, avant de croiser les jambes, je pose mon regard acéré sur la blonde fraîchement débarquée. « Et toi ? » Je renvoie par simple politesse, et non pas par intérêt, clairement je m’en fous. Elle se présente, alors. « Je sais » Je lui dis avec un sourire, son prénom a tellement été médiatisé lors du dernier prime que je l’ai retenu. « Krisjana » Je me présente à mon tour, sans réelle conviction. Je vrille mon regard presque assassin sur les autres candidats à travers l’écran, oui, une passion peut-être négative aussi.

Elle a l’habitude d’observer les gens à travers un écran, elle l’a fait un nombre de fois incalculable au cours de ses expériences. Elle ne considère pas cela comme étant du voyeurisme étant donné que c’est pour la science. Ici pas vraiment, pas pour les autres candidats, sans doute moins pour elle également. Elle ne sait pas trop ce qu’elle retirera de son expérience ici, peut-être rien du tout, peut-être que ça lui donnera des idées, peut-être qu’elle écrira un livre, qui sait. Elle ne sait pas encore, cela dépendra aussi de la durée de son aventure. Et puis avant d’être une expérience basée sur les autres elle en est surtout le sujet premier, ses collègues se penchent aussi sur la question, sur ce phénomène propre au vingt-et-unième siècle. Elle aimerait savoir quelles sont les motivations de ses camarades, elle est curieuse de savoir. Alors quand une candidate pénètre dans la salle c’est la première question qu’elle lui pose. Visiblement elle ne semble pas très encline à répondre et quand Nolene s’apprête à ouvrir la bouche elle ajoute qu’elle est ici pour observer et être distraite. « Etre distraite dans quel sens ? » Parce que sa réponse restait toujours vague pour elle, même si elle se doutait qu’elle n’allait sûrement pas obtenir de réponse ou qu’elle allait l’envoyer balader. Peu importe, cela ne lui coûtait rien d’essayer. Elle sent le regard pas franchement amical de la brune se poser sur elle avant qu’elle ne lui retourne la question. « Je ne suis pas certaine de vouloir répondre à une question dont on se moque de la réponse. » dit-elle en haussant les épaules. Ce n’était pas grave elle comprenait, elle voyait que ce n’était que de la politesse de la part de la jeune femme, et elle n’avait pas envie de parler si c’était pour l’ennuyer. Elle préféra continuer en se présentant, ce qui était la moindre des politesses. Elle, s’appelait Krisjana. « Et tu viens d’où ? » Elle ne savait pas de quel origine était ce prénom, et elle était curieuse de l’apprendre, si toutefois elle obtenait une réponse de sa camarade. « « Et que viens-tu faire dans cette salle ? Je suis désolée si je t’ennuie avec mes questions. » Oh elle en posait des questions, toujours. Et c’était parfois ennuyant, et elle sentait qu’elle allait se faire envoyer balader bientôt.

Elle veut des précisions. C'est que Nolene est exigeante en plus ! « Distraite dans le sens où j'observe le comportement des autres » Elle ne veut pas répondre sachant que je m'en fous de la réponse. « Même si tu n'es pas certaine, tu vas quand même y répondre » je lance d'une voix qui se veut douce et hypnotisante. Moi non plus je n'étais pas certaine de vouloir répondre à sa question, pourtant je l'ai fais. Comme quoi, des miracles peuvent arriver, elle n'est pas une exception. Et puis, on ne fait pas toujours ce que l'on veut dans la vie. C'est bien connu. De toute façon, ce n'est pas comme si elle avait réellement le choix, c'est donnant-donnant. Sinon, je ne répondrais plus à ses questions et je me refermerais, tout simplement. Je n'aime pas rien recevoir en retour, c'est assez agaçant, je dois dire, frustrant aussi Blondie m'interroge sur ma raison de ma vue, dans cette pièce, cette fois-ci. Que des questions ... C'est presque épuisant, à force. « Oh, l'envie de te voir, bien sûr » je balance, amusée, avec un clin d'oeil. Evidemment que non, je ne savais pas qu'elle était présente. « Sinon, ça consiste en quoi chercheuse dans le sociales et en science humaine ? » je l'interroge parce qu'elle m'a l'air avoir d'un QI légèrement plus haut que la moyenne des candidats ici présents. Vous me direz, ce n'est pas bien difficile non plus ... Oui, le social, ça m’intrigue, ouai, pour moi, qui a l'habitude des combinaisons de chiffres et de programmation d'algorithme, c'est un domaine qui m'est éloigné et très très vaste.

Elle aime aller dans le détail des choses, et ne se contente pas des réponses vagues qu’on lui donne. Donc Krisjana était venue ici dans le but d’être distraite ? Encore trop flou pour la blonde, qui ne comprenait pas entièrement, elle demandait donc des précisions. Pour elle visiblement se distraire signifiait observer le comportement des autres candidats. Oh ça elle pouvait le concevoir. « C’est vrai que c’est distrayant. » dit-elle en haussant les épaules. Quant à la venue de Nolene ici, elle voit bien que la réponse n’intéresse pas la brune, c’est pourquoi elle ne prend pas la peine de lui répondre. Elle n’a pas envie de l’ennuyer, elle peut comprendre qu’elle ait dit cela simplement par politesse. Sauf qu’elle exige une réponse. « Je prends cette aventure comme une grande expérience un peu. Pour ma culture personnelle aussi. » Elle hausse une nouvelle fois les épaules. Oui pour sa culture personnelle, parce que la télé-réalité est un phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur et en tant que psychologue et sociologue elle se devait de le comprendre, de voir comment c’était. Elle se dit qu’il n’y avait pas meilleur moyen de comprendre et d’expliquer le phénomène qu’en le vivant soi-même. C’est comme cela qu’elle avait atterri ici. Et c’était aussi pour cela qu’elle était dans cette pièce, c’était un vrai moyen d’observer les autres, même si elle pouvait le faire aussi derrière son écran. Mais ici elle avait également le moyen de s’impliquer, d’être un acteur dans cette aventure et pas une simple spectatrice. Nolene demanda alors à son interlocutrice ce qu’elle était venue faire dans cette pièce. Elle pose toujours beaucoup de questions, elle en a pris l’habitude dans son métier. Elle répond aux propos de Krisjana dans un grand sourire. D’accord, elle ne saurait pas pourquoi elle était ici, ce n’était pas bien grave. La brune changea alors de sujet, un sujet qui n’avait rien à voir. Elle voulait savoir en quoi consistait son métier. « Je suis chercheuse en sciences humaines et sociales plus exactement. » Oui ce n’était pas la même chose, et elle était toujours très pointilleuse quant à son domaine. « Tu sais comme le nom l’indique, c’est beaucoup de recherches. Beaucoup d’expériences, que l’on met longtemps à mettre en place car il nous faut des personnes pour les effectuer. Beaucoup de temps d’analyse. On écrit des livres qui sont le fruit de nos expériences. Je donne aussi des conférences à l’université. » En très très résumé. Elle pouvait en parler plus longuement, mais il lui faudrait probablement des heures, et elle doutait qu’elle ait ce temps-là devant elle. Et puis les sciences humaines et sociales c’était un domaine très vaste, elle n’était pas experte en toutes les sciences qui composaient la matière. « Pourquoi ? » Est-ce que ça l’intéressait ? Parce qu’elle serait ravie d’en parler avec elle, mais elle en doutait. « Que fais-tu dans la vie ? » Elle ne connaissait pas son métier, et elle était curieuse de savoir ce qu’elle exerçait comme profession.

J'écoute avec une grande attention sa réponse, je sourcille, surprise. Sa culture personnelle ? Pardon ? J'ai mal entendu. « Culture ? Dans le sens où tu pourras dire: je l'ai fais ? » je m'interroge, parce qu'elle aura fait une bonne vieille émission de télé-réalité très populaire ? Je ne sais pas. J'imagine que c'est cela, où alors qu'elle veut s'imprégner de la culture des autres. Bah oui, fake lover s'est un peu une campagne contre le racisme, ils prennent des quotas vu le nombre de nationalités qu'on couvre à trente, c'est impressionnant ! Je la questionne sur ce qu'elle fait. Apparemment, je me suis trompée. Je l'écoute et oui, effectivement, ce n'est pas la même chose, pas le même sens en tout cas.  « Oui, c'est ça, pardon » je me corrige d'un vague geste de la main, l'erreur est humaine et je n'ai pas eu le temps. Elle a beau m'expliquer, je trouve cela bien abstraits. « Et toi ? Tu te contentes de mettre en place ces "expériences" ou tu en fais partie ? D'ailleurs, quel genre d'expérience ? » je lui demande alors en posant sur elle mon regard acéré. Elle s'interroge sur le pourquoi du comment. Définitivement, cette petite blonde pose vraiment trop de questions. Je lui colle l’étiquette de grand curieuse, mais pas dans le mauvais sens du terme, évidemment. « Parce que ça m’intéresse » je lui dis, sans filtre, sinon je ne demanderais pas de précision, tout simplement.  Elle me retourne la question, elle va être déçue, je ne suis qu'une simple étudiante encore, mais bon, c'est un peu le parcours de croix pour arriver la où je suis. La plupart des gens ont tendance à me voir plus âgée, je fais au moins physiquement cinq fois de plus que mon âge, on me le dit souvent. Mais je le prends bien, je suis plus mature, c'est un compliment non ? « Je suis en deuxième année à Polytechnique » je lui dis alors. J'imagine qu'elle connait non ? Aucune idée, j'ai du mal à savoir si cette école s'étend un peu partout. Si je devais lui résumer ce que je fais, je vis avec les nombres et je les modifie, les exploite. Pour la plupart des autres, c'est barbant, j'en ai conscience.