Je me balade tranquillement sur la plage. Histoire d’aérer mon esprit. De prendre un bol d’air frai. Et profiter davantage de cette vue paradisiaque. Mains dans les poches, j’explore les derniers recoins où je n’ai jamais mis les pieds. Je m’aventure même sur les rochers. D’ailleurs, j’entrevois une silhouette un peu plus loin. Je l’observe gambader à travers les roches. Quand d’un coup, elle disparaît. Tiens. Je m’interroge, arque un sourcil, mais ne me remue pas pour autant. Au bout de quelques secondes, je commence tout de même à me poser des questions et me décide finalement d’enfiler –virtuellement- une cape et des collants, et de jouer au super héros. Je m’avance jusqu’à l’endroit où j’ai vu la demoiselle pour la dernière fois. C’était Jasmine. Par terre. Quelques gouttes de sang sur le genou. J’peux pas m’empêcher de me marrer. C’est con. Mais c’est marrant. Mais rapidement, mon self-control prend le dessus, et je m’approche davantage. Elle me demande de la porter. Ca me fait encore plus marrer. Ouais, et puis quoi encore ? Mon calme reprend vite fait le dessus alors que je l’inspecte brièvement quand elle affirme être blessée. « Bien joué, princesse. » j’enfonce sarcastiquement le clou. Pour une fois que je peux me permettre de me foutre gentiment d’elle, faut bien que j’en profite. Je glisse une nouvelle fois mes yeux sur elle, sur son genou, jusqu’à ses pieds, histoire de regarder si sa cheville n’avait pas pris 10cm ou si un de ses os ne se faisaient pas la malle. J’en viens à voir ses chaussures. Belles chaussures. Dommage que l’une d’entre elle se soit déchirée. « J’crois que t’as niqué tes chaussures, aussi. » Je désigne cette dernière du bout de l’index, sérieux, cette fois ci. Ouais, j’trouve ça con. Vraiment. Finalement, je me mets accroupi à côté d’elle, et lui demande. « Bon alors, c’est quoi le diagnostic ? T’as mal où ? » J’me renseigne, histoire de voir ce que j’peux faire pour l’aider tout de même. J’ai beau être con, par moment, j’vais tout de même pas l’abandonner ici, la pauvre.

J’pensais pas que de réaliser qu’elle venait de casser l’une de ses chaussures l’affecteraient autant. Elle pose ses yeux pétillants sur moi alors que je viens de lui apprendre que l’une d’elle était déchirée. C’est dingue à croire, à penser, à ressentir, mais elle est… émouvante, ainsi. Clairement, elle est au bord des larmes. La voir, elle, Jasmine, dans cet état… C’est une première, mais honnêtement, je crois que ça me touche. Alors certes, être attaché à des objets, des fringues, des chaussures, c’est carrément superficiel, mais être attaché à un raton laveur, c’est mieux peut-être ?! Je ne pense pas. Je ne dis rien. Qu’est-ce que j’pourrais dire. Faut lui laisser le temps de faire son deuil. C’est comme ça. Toutes les bonnes choses prennent fin un jour. Ce jour marque donc la fin de sa belle paire de chaussures plates. Voilà. Paix à elles. Néanmoins, j’essaye tout de même de lui proposer une solution. Instinctivement, je dépose avec parcimonie une de mes mains sur son épaule. « Envoies une photo de tes fesses à leur créateur. Il t’enverra une nouvelle paire, c’est sûr. » dis-je, calmement, rassurant, alors qu’un délicat sourire bordait mes lèvres. En effet, je ne doute pas une seconde que ce sont des chaussures de créateur. Tout ce qu’elle porte vient d’un créateur. Elle s’en vante assez. D’ailleurs, je trouve ma solution tout à fait pertinente, à condition que le couturier en question soit hétérosexuel –chose bien rare de nos temps. Ouais, elle aurait toutes ses chances en lui envoyant une partie de son anatomie. Je serais lui, en tout cas, je ne me ferais pas prié. Je m’approche légèrement de la jeune femme, et sans plus la prévenir, je passe une main sous ses genoux, l’autre dans son dos. « Aller, accroche toi, on bouge » Elle n’a plus qu’à passer ses bras autour de ma nuque, puis on peut y aller. Superman est en moi. Bon, soit, j’compte pas non plus l’emmener jusqu’à dans la baraque, mais au moins sur la plage, ou près de la forêt, histoire d’être à l’ombre et au sec.

La photo des fesses n’est finalement pas une bonne idée. Ou enfin, pas une idée concrète. Dommage. J’étais certain que ça aurait pu fonctionner. Elle n’y croit pas, elle. Elle n’y croit plus. Faut qu’elle se fasse à l’idée, du coup. Bye bye les godasses. Pour compenser, elle peut toujours s’acheter une dizaine de paire de Louboutin, c’est bien aussi. Enfin bon. Je m’apprête à la prendre dans mes bras. Elle me questionne d’abord mais se laisse faire. A la base, c’est tout de même elle qui m’a demandé de la porter. Alors bon, qu’elle ne bronche pas. Sinon… sinon… je la laisse par terre, et pars, sans le moindre soupçon de pitié. D’autant plus qu’un élan émotionnel de ce genre, venant de moi, est véritablement exceptionnel. Qu’elle ait au moins la justesse de le savourer et l’apprécier à sa juste valeur. Elle enroule ses bras autour de ma nuque et aussitôt, je me permets de la soulever. Elle n’est pas lourde, heureusement. J’me la joue réellement au chevalier servant ; mais honnêtement, j’ai toujours rêvé de pouvoir faire ça. J’avance, doucement, mais sûrement, en évitant de prendre le risque de trébucher à mon tour. Ce serait con. D’autant plus avec la demoiselle dans mes bras. Elle me demande si je trouve ça stupide ? Elle enchaîne : me demande si j’ai pitié d’elle, et m’avoue même que jusqu’à présent, elle me prenait pour un con alcoolique. Soit. Ca fait toujours plaisir. Mais pitié d’elle ? Sûrement pas. Elle m’a touché, mais ce n’est pas pour autant que j’ai éprouvé de la pitié envers elle. J’ai de pitié pour personne. « La vérité, c’est que t’es canon, j’en profite, c’est tout » lui dis-je tout en me concentrant sur le chemin que j’empruntais. Je ne sais pas si c’est la plus plate des vérités, mais certainement en partie. Puis je relève brièvement les yeux sur la jeune femme. « Et merci. » dis-je d’abord, ironique, bien qu’ayant un sourire figé sur les lèvres. « Petit con, je veux bien l’entendre, j’ai une tête de con, mais alcoolique… j’ai pas la gueule d’un clochard non plus, s’il te plait. » J’dis ça alors que je ne doute pas une seconde qu’elle prend pour un clochard. Je m’en tape. Je ne me fis jamais à l’avis des autres. Bref. Peu à peu, nous gagnions la plage. Je décide de la y déposer. « Bon, maintenant que je t’ai sauvé la vie, c’est quoi ma récompense ? » demandai-je, concerné. Sauvé le vie… peut-être pas. D’autan plus qu’elle n’est pas encore arrivé jusqu’à la maison, mais c’est un bon début.

Elle rit à ma réplique. Un certain sentiment de fierté m’envahit. Au moins j’aurais réussi à faire ça. D’autant plus qu’elle est bien plus ravissante ainsi. Une fille qui pleure, une fille qui est triste, franchement… c’est malheureux. Si elle est mignonne, concrètement, c’est tout bonnement inhumain. Ca serre le cœur. Ca peine. Ca attriste. Alors, bon, j’dis pas que je suis un type sensible et tout ça… Concrètement, j’en ai déjà fait pleurer pas mal des nanas –d’ailleurs, je ne l’ai jamais regretté. Mais là, dans cette situation, voir Jasmine, la bretonne intouchable, les larmes aux yeux. Non. Je refuse. Alors qu’on m’étripe pour cet élan affectueux, mais je reste un homme, merde. J’ai aussi des failles. Si bien sûr, on conçoit mon empathie et ma tolérance comme une faille. N’empêche, ma mère serait fier de moi. Moi, son Jojo préféré, avec une gonzesse pareille dans les bras. J’la vois déjà me lancer un ‘bien jouer, fils’. Enfin bref. J’la remercie, sarcastiquement pour sa réplique. J’le prends pas personnellement, même si il y aurait de quoi. Au fond, je m’en bas les couilles. Qu’on me traite de clochard, de déluré, de beau gosse… J’me fierais tout de même à ma propre opinion. Néanmoins, elle s’excuse et s’explique : elle relève que lors de notre dernier ‘tête-à-tête’ je reluquais sa poitrine et que je m’étais enfilé une bouteille à moi seul. OK. J’lui accorde celle la. « Alors, tout d’abord, je tiens à dire que c’est toi qui m’a foutu tes seins sous le nez, je n’avais pas d’autre choix, j’suis un mec » je me justifie tout de même, avec un sourire malicieux encré sur les lèvres. « Et puis, j’aime bien le champagne. » J’en rajoute une couche. Non, j’suis pas un alcoolique, merde. Déposée au sol, j’me permets de lui quémander une récompense. Elle retire ses chaussures avant d’affirmer, sourire aux lèvres que je suis comme les autres. « Je suis bien mieux que tous les autres » Je me la rectifie, bien que mon ton appuie l’humour que je porte à mes mots. Mais elle m’autorise tout de même à lui demander quelque chose. Ce que je veux. Généreuse, pour le coup. Bon, je vais me lâcher. « T’aurais pu m’embrasser, comme font les jeunes filles en périls pour remercier leur preux chevalier. » Mais ça aurait du être spontanée pour que ça fasse son effet. Trop tard. Elle j’enchaîne. « Sinon, raconte moi un truc perso, sur toi. » Lui dis-je, tout en posant mon regard sur elle. Je suis plus que sérieux. Bien évidemment, j’aurais pu lui demander une pipe, un strip,… pleins de trucs où j’y aurais trouvé mon bonheur, mais savoir quelque chose de personnelle sur elle, c’est bien plus intéressant, d’autant plus que j’imagine que l’occasion ne se représentera plus 50 fois. Jasmine a beau être exubérante, extravertie, faire parler d’elle, avant tout, je la trouve mystérieuse, et je ne pense pas que beaucoup de monde sache réellement qui elle est derrière la popstar. Je ne le sais pas. Et c’est exactement ça, qui m’intéresse, qui accroche ma curiosité.