+ Rowan

Une nouvelle semaine vient tout juste de commencer. La quatrième, je crois, mais honnêtement, j'ai arrêté de compte, je n'en vois tout simplement pas l'intérêt. Je me suis encore levé bien plus tard que les autres, j'ai englouti quelques trucs que j'ai trouvé par hasard dans le frigo et j'ai glandé, pour changer. Enfin, il ne faut pas non plus croire que je ne fais rien quand j'ai l'air de ne rien faire, non. Je réfléchis à pleins de choses, les secrets, les autres, un peu, et puis je pense à moi, je me remettrais presque en question. Non, il ne faut pas pousser non plus, je suis à peu près parfait, il n'y a presque rien à changer chez moi, à part justement ce trop plein de confiance en moi dont je sais faire preuve. Et pourtant, ce n'est pas la facette que j'ai montré à tous au sein du nid jusqu'à maintenant. J'ai par exemple été un parfait gentleman avec Rowan la fois où je lui avais écrasé le pied. En même temps, elle m'aurait pris pour un sacré con si j'avais fait comme si de rien n'était ou si j'avais dis qu'elle n'avait qu'à ne pas laisser traîner son pied là où je m'apprête à poser le mien. D'ailleurs, je crois que c'est elle que j'aperçois sur la plage. J'avais justement mis mon short de bain pour aller faire un petit tour dans l'eau. Je souris à la blonde en arrivant vers elle. « Ma fleur a dû faner, depuis le temps. » Oui, il me semble que ça fait déjà quelques semaines qu'on ne s'était pas reparlé pour de vrai, et j'imagine qu'à présent ma fleur ne doit plus être très fraîche, et c'est de ma faute puisque c'est moi qui l'est cueillie, ou plutôt sauvagement arrachée à son plant, coupant son apport quotidien et total en nutriments. Pauvre petite chose.

On ne peut pas dire que la plage soit l’un des endroits que je fréquente beaucoup depuis que je suis entrée dans le nid. J’y peux rien, Hawaii c’est joli, mais je suis définitivement pas fan du climat ensoleillé. Je suis bien plus habituée au froid. Et puis, j’ai la peau bien trop sensible pour venir griller au soleil dès que j’en ai l’occasion, alors je vais éviter de me choper un cancer de la peau ici, je suis venue pour m’amuser, pas pour y passer. Du coup, quand je viens à la plage, c’est lorsque je ressens une envie soudaine de m’y rendre, une envie que rien ne pourra faire passer. Et c’est ce qui arrive aujourd’hui, depuis que le début d’après-midi, je ne pense qu’à une chose : filer à la plage et profiter de l’eau. Clairement, je profiterais jamais du soleil, mais l’eau, oui. Et puis, je suis dans ma semaine ‘’j’ai une grosse fascination pour l’eau’’ alors ce serait stupide de ne pas en profiter. Du coup, j’enfile mon maillot, je prends un linge, et je file à la plage. Je pose mon linge sur un des rochers – je déteste le sable – et je m’approche doucement de la mer, mais je suis stoppée dans mon élan par un candidat qui arrive à ma hauteur. « Non, elle se porte toujours comme un charme, que crois-tu. » Question stupide, réponse stupide. Je lui dis tandis que j’approche à reculons de l’eau. « Et puis, tu t’occupes plus de l’état de ta fleur que de mon pied ? Je te signale que j’ai souffert, ce jour-là. » Atrocement, même. Je croyais que c’était un gentleman, je suis bien déçue. Sur ces paroles, je lui tourne le dos et plonge dans la mer, m’éloignant de la plage. Libre à lui de me suivre ou non.

Ma question est un peu stupide mais j'avais envie de croire que peut-être Rowan en avait pris particulièrement soin et qu'elle tenait toujours debout dans un joli vase quelques part dans le nid. Mais non, j'imagine qu'elle à simplement fini dans une poubelle, tout ça par ma faute, pas que je m'en soucis vraiment, mais c'est dommage quand même, elle était jolie. Aussi belle que la femme à laquelle je l'avais offerte, en fait. Et puis la blonde me fait remarquer que je m'occupe plus d'une simple plante que d'elle et de son pauvre pied que j'avais écrasé. Oui, enfin, elle m'avait assuré qu'il n'y avait pas mort d'homme donc j'en avais conclu qu'elle n'avait pas autant souffert qu'elle le prétend à présent. Je n'eux pas vraiment le temps de répondre puisqu'elle s'élançait déjà vers l'eau. Je retirais rapidement mon haut et mes tongues pour ne m retrouver qu'en maillot de bain, puisque je l'avais presque toujours sur moi en vue d'éventuelles baignades au cours de la journée. J'allais à mon tour faire trempette, plongeant tête la première dans la mer. Je rejoignais finalement Rowan, un fin sourire aux lèvres. « Tu arrives à nager, je présume donc que ça va mieux. Mais tu as raison, je devrais penser à revoir mes priorités. » Que je conclue finalement. C'est vrai que ce n'était pas très gentleman de s'inquiéter d'abord pour la fleur et même pas pour elle, mais elle ne m'avait pas semblé mal en point, et puis elle parvenait à nager correctement donc ça ne devait pas aller si mal que ça.

Je me moque gentiment de lui, parce qu’après tout sa question est plutôt stupide dans son genre. Il m’a offert cette fleur il y a quoi… deux semaines, voire plus ? J’ai plus la notion du temps, mais je sais que ça date. Elle a tenu deux, trois jours et a finalement fané. Fin de l’histoire. Mais je l’ai gardée jusqu’au bout, parce que mine de rien, j’ai apprécié son geste, même si je me doute bien qu’il doit faire le coup à chaque fille qu’il croise. Quoi qu’il en soit, il peut dormir sur ses deux oreilles, sa fleur n’a pas fini à la poubelle tout de suite. Je suis ravie de constater qu’il s’inquiète plus pour sa fleur que pour mon pied qu’il a massacré. Oui, bon, j’exagère légèrement, mais tout de même, il aurait pu me faire un massage ou je ne sais quoi, pour s’assurer que je sois guérie. Je file dans l’eau une fois ma remarque faite, et il ne tarde pas à me rejoindre. « N’en sois pas si sûr, je suis une très bonne comédienne parait-il. » Et si ça se trouve, j’ai encore affreusement mal, mais en bonne comédienne, je ne veux pas montrer ma douleur, voilà tout. « Et si tu veux te faire pardonner pour cet affront, j’accepte les cartes de crédits comme les espèces. Ou à la rigueur, un repas. » Je suis opportunisme et je le vis bien, merci. « Et sinon, dis-moi, après un mois, quel est ton bilan concernant le jeu ? » Je demande, je suis curieuse, et puis comme ça il oublie le fait que je profite de la situation pour avoir un repas gratuit, ahem.

Je la rejoins rapidement dans l'eau alors qu'elle se dit étonnée que je me préoccupe plus de la fleur que de son pied. En même temps, si elle avait réellement souffert elle aurait un plâtre ou au moins un bandage et ne pourrait pas se déplacer aussi facilement, ou encore moins se baigner. Or elle le fait, donc ça ne doit pas aller si mal que ça. Ah mais apparement, madame serait bonne actrice. J'affiche un sourire presque moqueur et dubitatif quand à cette information. « Mouais. » Que je dis d'un air pas très convaincu. Mais si ça se trouve c'est vraiment le cas, après tout, je n'en sais rien. Elle m'explique ensuite que si je veux me faire pardonner elle accepte différent mode de paiement, ou un repas. J'arque un sourcil. « Ah parce que la fleur s'était pas suffisant ? » Que je lâche d'abord d'un air étonné. Puis je m'approche un peu d'elle à la nage et la fixe du regard. « Et un paiement nature, ça te dit pas ? » Bah ouais, je veux bien lui faire don de mon corps pour un petit moment si ça la branche. Ou alors je parle de vraie nature, comme la fleur, genre lui en offrir tout un bouquet. Qui sait si ce que je viens de dire est une vraie proposition ou un jeu de mot pourri ? Surement les deux, vu l'esprit brillant, ou totalement débile, que je suis. J'arbore un sourire en coin pendant un instant jusqu'à ce qu'elle me demande de faire un bilan de mes premières semaines d'aventure. « Bah je sais pas trop. Je me fais un peu chier mais j'aime bien ça parce que je crois que ça serait pire chez moi et au moins ça me fait des vacances. Et puis bon, j'ai rencontré des gens sympas, d'autres moins, mais si j'avais que des amis ça serait chiant, donc je suis bien content que tous le monde ne m'aime pas. C'est plus divertissant de ne rien faire tout en ponctuant ses journées de prises de becs, je trouve. » Je n'entre pas dans les détails, je doute qu'elle en ait réellement quelque chose à faire. Au pire, elle a qu'à suivre mon évolution au sein du jeu grâce aux écrans de vidéos surveillance dans la salle prévue pour, si ça lui chante. « Et toi, ce début d'aventure, tu l'as trouvé comment ? » Je lui retourne quand même sa question, c'est la moindre des choses, même si je suis pas sûr de m'y intéresser vraiment. Au moins l'écouter fera peut-être un peu passer le temps.

Je crois que me moquer (gentiment) des autres devient une de mes passions ici. Je crois que c’est le seul truc qui se renouvelle en fait, alors autant en profiter. Et Esteban ne déroge pas la règle même si cela reste gentil, du moins j’ai l’impression. Et puis, même si je ne le connais pas beaucoup, je pense quand même qu’il m’aurait fait une remarque depuis le temps. Je lui explique que je suis une bonne comédienne, donc si ça se trouve je souffre sérieusement du pied, hein, il le sait pas. Enfin bon, il croit pas trop à mes explications, ça se voit sur son visage. Je fronce les sourcils avant de l’asperger gentiment d’eau. « Ça t’apprendra à douter de ma parole. » Oui, ça lui apprendra. Et encore plus en étant dans un lieu comme celui-ci où je pourrais facilement le noyer ou l’asperger jusqu’à ce qu’il me supplie d’arrêter. Je lui explique ensuite que j’accepte les paiements en chèques et en espèces, ou à la rigueur un repas, pour son affront. Faut dire que prendre des nouvelles de sa fleur avant mon pied, alors même qu’il joue un peu au gentleman avec toutes les filles d’après ce que j’ai pu comprendre, alors bon, il l’est pas spécialement pour le coup, il faut bien qu’il se fasse pardonner. « Je suis exigeante. » Et du coup, je veux un peu plus qu’une fleur. Il me propose un paiement en nature. Pourquoi ça m’étonne pas, venant de sa part ? Je hausse les épaules. « Ça dépend, faut que ça en vaille la peine. » Normalement je suis pas du genre à accepter ce genre de choses, je suis bien gentille quand même. Je lui pose une question sur son bilan jusqu’ici, je change de sujet du tout au tout mais ça m’arrive régulièrement, faut pas qu’il s’inquiète. Je l’écoute attentivement, visiblement il est le genre de gars qui apprécie les conflits, tant mieux pour lui. « Je fais partie de quelle catégorie ? » Je suis dans les chiants ou pas. J’ai ma petite idée, mais avec la question que je viens de lui poser, peut-être que son opinion a changé. Je lui en voudrais pas. Il me retourne la question. « Plutôt sympa. » Que je dis en haussant les épaules. Oui, ça me convient plutôt bien jusqu’ici. « J’ai encore le droit à une question ou j’ai épuisé mes réserves ?  » Je demande, je veux pas rendre son après-midi pénible non plus. Mais je crois que depuis que je suis ici, j’ai pas vraiment posé plus de trois questions sérieuses aux autres, et ça commence à me titiller, désolée pour Esteban.