Après avoir passé tout le début de la journée à tourner en rond comme un lion en cage parce que je m'ennuyais, puis compté sur Danica et son imagination débordante pour me divertir en cette fin d'après-midi, mais maintenant il fallait à nouveau que je me débrouille tout seul et comme je n'avais pas la foi de trop me creuser les méninges je m'étais finalement échoué sur un des canapés de la salle de réception. En temps normal je serais sans doute descendu avec un bouquin mais je crois que j'avais trop abusé de la lecture la semaine passée ; A ma décharge, passé vingt-deux heures on ne croisait plus grand monde dehors et il avait bien fallu que je trouve comment occuper mes soirées dehors. Du coup j'avais simplement pris ma tablette, et voilà bien une bonne heure que je m'abrutissais sur Zombie Tsunami, Tixy roulée en boule à côté de moi. Je n'avais pas remarqué tout de suite que quelqu'un d'autre était entré dans la pièce, et c'est donc seulement lorsque Babou était venue s'asseoir de l'autre côté de ma boule de poils que j'avais levé les yeux vers elle. Game Over. Bon, de toute façon j'étais nul à ces jeux, même si ça passait le temps. « Dis Maxence, tu penses que la production te laissera repartir avec le chat après l'émission ? Ce serait chouette, non, tu aimerais toi pouvoir ramener Tixy dans ta maison ? » J'étais resté pensif une seconde ou deux, à vrai dire j'avais déjà réfléchi à la question, mais tant que j'étais ici je ne m'en préoccupais qu'à moitié ... Sans doute parce que j'avais déjà un avis bien tranché là-dessus, j'avais tout simplement décidé qu'il était hors de question que je reparte sans Tixy. Je ne savais pas encore comment j'allais me débrouiller avec l'avion, tout ça, mais elle rentrerait avec moi. « Tu t'en occupes si bien, je pense que ce serait cruel de vous séparer alors que vous semblez si bien vous entendre ! Je ne sais pas ce que stipule exactement le fait d'être entré avec dans le nid, si ça implique que ce chat est désormais le tien mais si t'en es pas sûr, peut-être que tu devrais en toucher un mot à Cupidon dès que tu en auras l'occasion. » J'avais esquissé un sourire, reposant ma tablette sur la table basse devant nous. Passant machinalement une main sur le pelage de l'animal j'avais relevé les yeux vers la jeune femme pour demander d'un ton amusé « Tu fais quoi dans la vie ? Parce que si tu hésites encore, je te conseille une carrière d'avocat, tu as toutes tes chances. » Parce que là c'était limite si elle ne s'exprimait pas comme une avocate de la défense, ayant déjà réfléchi aux arguments et à la stratégie qui me permettraient de garder Tixy et de la ramener avec moi en France « J'ai pas encore posé la question, mais je me dis que y'a peu de chances que ceux qui ont gagné de l'argent à la tombola soient obligés à leur rembourser à leur sortie, alors je suppose que c'est pareil avec Tixy ... » Du moins il y avait intérêt, je vais vous dire. Déjà que dans tous les cas ma cagnotte me passerait probablement sous le nez, laissez moi au moins profité du seul truc que j'allais pouvoir garder une fois sortit d'ici. « Mais donc oui, je pense la garder ... Peut-être pas chez moi, parce que j'en ai déjà deux et que c'est déjà beaucoup à s'occuper pour mon père quand je suis absent, mais probablement que ma fille se fera une joie de la récupérer et de la chouchouter. » Et puis elle n'avait pas eu de nouvel animal de compagnie depuis que son chien était mort l'an dernier, cela lui ferait sans doute plaisir de récupérer Tixy. Et là au moins je n'aurais pas à m'inquiéter de ce que deviendrait cette boule de poils durant mes absences, tout comme mes deux matous elle serait entre de bonnes mains.

Je ne connaissais pas vraiment Babou. Je veux dire, je n'en étais plus au stade de la première semaine où je mélangeais un peu les prénoms et les candidats, j'en savais assez pour savoir que la demoiselle me faisait une bonne impression, mais je n'avais jamais vraiment eu l'occasion de lui parler. Le sel s'il te plait et Tu aurais l'heure ? ça ne comptait pas, on est d'accord. Du coup, même si ma suggestion sur une potentielle carrière d'avocate était à prendre sur le ton de la boutade, il n'en demeurait pas moins que je ne savais vraiment pas ce qu'elle faisait dans la vie. Si ça se trouve elle était vraiment avocate, ou étudiante en droite. « Ah ? c'est bien la première fois qu'on me dit une telle chose, mais je le prends comme un compliment ! » Ou peut-être pas, en fin de compte. Enfin, si elle le prenait comme un compliment c'était déjà ça, hm. Mais du coup je me demandais ce qu'elle faisait, puisque mon intuition était de toute évidence mauvaise, et je m'apprêtais à reformuler ma question mais elle y avait répondu d'elle-même « Ce que je fais moi, ça n'a rien à voir ... Pour le moment je suis des études, j'apprends à aménager des vitrines, à présenter et mettre en valeur des produits dans des zones de vente, tout ça ... » Effectivement, cela n'avait pour ainsi dire rien à voir, et même c'était le genre d'études que j'avais un peu de mal à imaginer de façon concrète ... Mais bon, je suppose que c'était comme pour chaque métier, on en connaissait pas les revers et les travers à moins d'avoir les mains dedans, hm. J'avais en tout cas hoché la tête à l'affirmative à défaut de répondre, histoire qu'elle ne pense pas que je ne l'avais pas écoutée. « Je vais être honnête, je n'ai absolument aucune idée de ce en quoi peut consister ton futur métier ... Mais le prend pas contre toi, j'ai pas trop compris non plus en quoi consistait celui de Rowan, par exemple. Je crois que je manque cruellement d'imagination. » Et justement cela ressemblait à des métiers et études où il en fallait une bonne dose, d'imagination. Il avait ensuite été question de mon chat, et de l'avenir qui l'attendait une fois l'aventure Fake Lover terminée ; Inutile de dire que j'y avais déjà un peu réfléchi. C'était le souci quand on me filait un animal, il ne fallait pas espérer le récupérer ensuite, je devenais vite possessif. Quoi que bon, il fallait tout de même bien que j'apprenne à partager, ne serait-ce que parce que fallait bien que quelqu'un s'en occupe quand j'étais absent, c'est à dire souvent. Pour cette simple raison Tixy serait sans doute bien mieux avec Alicia. « Oh oui les enfants adorent les petits chats, je suis sûre qu'elle sera très contente avec et puis Tixy a plein d'amour à donner, ça se voit. » Et de toute évidence on le lui rendait bien, rarement un chat aurait été aussi chouchouté que Tixy durant l'émission, avec toute une brochette de candidats à moitié gagas devant elle. A quelques exceptions près, Jasmine et sa siamoise maintenant éliminées pour ne citer qu'elle ... Ah et Esteban aussi, bien sûr. Mais pas Babou pour sûr, y'avait qu'à voir la tête qu'elle faisait en caressant la bestiole, un gosse devant un cadeau de Noël n'aurait pas eu l'air plus émerveillé. « Ta fille doit beaucoup te manquer ... d'ailleurs, ça me fait penser que Junior aussi a une fille, la sienne a six ans. Et la tienne, elle a quel âge ? On a deux jeunes papas dans le nid, c'est chouette je trouve ! » Je savais que Simon avait une fille, mais je ne savais pas quel âge elle avait ; Six ans, donc. C'était assez ironique de voir que lui et moi avions pratiquement le même âge et que pourtant il y avait pratiquement une génération d'écart entre sa fille et la mienne. « Elle a dix-huit ans, et oui évidemment elle me manque ... » Même si j'avais l'habitude. D'être loin d'elle j'entends, ça ne voulait pas dire qu'elle me manquait moins, mais disons que c'était un sentiment auquel j'avais fini par m'habituer. « Mais je mentirais si je disais que je ne souhaiterais pas parfois qu'elle ait toujours le même âge que celle de Junior. » Parce que bon dieu le temps passait foutrement vite, quand même. Et moi ça ne me rajeunissait pas non plus, de me rappeler que ma fille était désormais majeure, voyez-vous.

J'étais toujours assez admiratif de ceux qui savaient ce qu'ils voulaient faire de leur vie professionnelle depuis longtemps, et qui se lançaient dans les études avec un but très précis en tête. Devait y avoir une certaine satisfaction au final, au fait d'être parvenu à atteindre le but que l'on s'était fixé à la base. Bon, ça ne voulait pas dire que sans ça on ne réussissait pas à trouver une voie qui nous plaise mais le cheminement n'était pas le même, et les sueurs froides quand les professeurs au lycée te demandait ce que tu voulais faire l'an prochain et que tu ne savais répondre que par "heu ..." n'étaient pas les mêmes non plus. Bon, personnellement je m'en étais plutôt bien sorti, à entamer par défaut des études de langues pourtant compliquées et peu communes, et qui au final s'étaient révélées passionnantes à mes yeux. « Mon futur métier, si tout se passe bien, ce sera celui de décoratrice-étalagiste, mais tu sais mes parents non plus n'y comprennent pas grand chose, à vrai dire j'ai jamais réussi à faire en sorte qu'ils parviennent à assimiler ce que je fais, et ce que j'aspire à faire plus tard. Ça les empêche pas d'approuver et de me soutenir, tant que ça me passionne, qu'ils disent ... » J'avais esquissé un sourire à sa dernière réflexion ; Au fond c'était tout ce qui intéressait les parents, que les études plaisaient à leur marmaille ... Bon, et c'était un gros plus si elles leur garantissaient potentiellement de bien gagner leur vie ensuite, parce que c'était toujours ça de moins à s'inquiéter pour sa progéniture, voyez. « Et ils ont bien raison, c'est le principal. » Et justement puisqu'il était question de parents ma propre fille avait fini par s'immiscer dans la conversation, puisqu'il était également question du sort de Tixy et que c'était à elle que j'avais prévu de confier la petite bête après l'émission. C'était mieux, de toute façon, elle avait du s'habituer à avoir toute l'attention pour elle et ne parviendrait sans doute pas à cohabiter avec Fred et George. Oui c'est comme ça que j'avais appelé mes chats, paye ta référence littéraire ultime, hein. Ma fille, donc. Majeure, oui. « Mais ... t'as été papa très très jeune alors, ça veut dire ! À peu près à l'âge qu'a ta fille aujourd'hui, non ? » Je crois que plus que l'âge en lui-même c'était cette constatation là qui me faisait vraiment très bizarre. De me dire que si Alicia avait suivi le même chemin que moi je serais grand-père à l'heure qu'il était, je ne sais pas si vous réalisiez, grand-père à trente-cinq ans. Non, juste non. « Un peu plus jeune, j'avais dix-sept ans. Et je regrette pas, mais très clairement je lui conseille de profiter d'abord du début de sa vie d'adulte avant de penser à avoir elle-même des enfants. » Pas que je regrette encore une fois, si on me donnait la possibilité de changer quoi que ce soit maintenant avec le recul probablement que je ne changerais absolument rien, mais bon ... Je ne pouvais pas nier que j'avais grandi un peu trop vite. Que j'aurais pu vouloir m'inquiéter d'autre chose que de la difficulté à trouver une baby-sitter qui tienne la route pendant une semaine de partiels, ou choisir mes études par envie et non pas parce que c'était plus pratique de prendre les mêmes que la mère, pour pouvoir se partager la présence en cours. Tixy avait fini par se lever, s'étirant avant de tourner plusieurs fois sur la place où elle était installée, et de se rallonger exactement à la même place ... Normal, quoi. Quant à Babou elle avait éclaté de rire, sans que je comprenne pourquoi, ou que je sache ce que j'avais dit de drôle « Pardon ! J'étais entrain de vous imaginer, ta fille et toi ... ça doit vous arriver parfois d'être pris pour tout, sauf pour un père et sa fille, non ? » Ah, je vois. Non mais oui, c'est sûr que la situation avait déjà amené à quelques quiproquos qui maintenant m'amusaient mais qui sur le coup ne m'avaient pas forcément toujours fait rire, parce qu'émanant souvent de personnes qui émettaient des jugements sur une situation qui ne les regardait et ne les concernait pas. « Tu veux dire est-ce qu'on m'a déjà pris pour son grand frère, ou bien regardé de travers en me demandant si ça ne me gênait pas de les prendre au berceau ? Oui, c'est déjà arrivé. » La première hypothèse surtout quand elle était petite, et la seconde surtout depuis ces deux dernières années ... Bon, faut dire que comme je n'étais malheureusement pas un père hyper présent, on ne s'attendait peut-être pas non plus à la voir avec son père, quand j'étais là. « T'as des frères et sœurs, toi ? » Je passais un peu du coq à l'âne, je me disais qu'il valait mieux changer de sujet avant que je sois forcé d'avouer que j'étais un père par intermittence ... C'était pas quelque chose dont j'étais très fier. Et je trouvais à Babou un calme et une sérénité comme on en retrouvait parfois chez les aînés d'une fratrie ... Ou peut-être que c'était juste une coïncidence.