with FRANZ :98:

Il y a des fois où une envie est si présente que vous faîtes tout pour l'assouvir ? Et bien c'était bien mon cas ce soir. Pour une raison qui m'était encore inconnue, je mourrais d'envie de plonger mes lèvres dans une bonne Guiness bien fraîche, en bonne Irlandaise que j'étais. Il m'avait semblé en avoir vu quelque part dans la cuisine. Si bien que j'avais décidé de quitter le salon afin de rejoindre la cuisine, y retrouver l'objet de mon désir. Je n'avais aucune idée de l'heure qu'il pourrait être puisque j'étais plongée dans ma lecture depuis plusieurs heures à présent. Mais peut m'importait l'heure, cette bière je la boirais quoi qu'il arrive. Lorsque je franchis le seuil de la pièce, mon regard se posa immédiatement sur une silhouette qui ne m'était pas inconnu puisqu'il s'agissait de Franz, à moitié nu dans la cuisine. Il était de dos, la tête dans le réfrigérateur bien trop concentré sur sa recherche pour se rendre compte que quelqu'un venait d'entrer. J'avais donc tout le loisir de quitter la pièce sans même qu'il ne remarque ma présence. Seulement, j'en avais marre de fuir à chaque fois que je le croisais, la situation était devenue trop tendue. Posé dans l'embrasure de la porte, mon regard se posa quelques instant sur son fessier, qu'il mettait à vue. Un sourire naquit bien malgré moi au coins des lèvres, tandis que je l'observais avec envie, il avait beau me mettre dans une colère noire, il n'en restait pas moins toujours aussi attirant. Je soupirais, réalisant que c'était stupide. Je m'avançais à pas feutrés dans la cuisine, fermant la porte de celle-ci afin d'éviter de réveiller tout le monde en cas de hurlement. « Franz ... » murmurais-je, alors qu'il commençait déjà à sortir la tête de là. Il me fusillait du regard, c'était prévisible. « Je sais que tu n'as sûrement pas envie de me parler, que je dois être la dernière personne que tu as envie de voir, mais on ne peut pas continuer comme ça ... Je suis désolée, désolée de ce que tu as vu ... Désolée d'avoir été blessante ... Je ... Je suis sincèrement désolée. » J'avais ravalé ma fierté, mettant ma rancœur de côté, ce qui pour moi était un effort considérable. J'étais consciente que cela n'allait certainement pas arranger les choses, pire encore cela risquait même de les empirer mais, je ne pouvais pas rester là, les bras ballants sans tenter quelque chose. Je m'approchais légèrement, laissant néanmoins la table comme distance de sécurité, alors que j'essayais de capter ne serait-ce qu'un infime espoir dans ses iris.

Je venais de croiser Héléna, discutant avec elle quelques minutes de tout et de rien, comme on en avait l'habitude lorsque l'on croisait des noctambules dans la maison. Je m'étais ainsi réinstallé dans le salon après cela, mais ne parvins pas à me replonger dans ma lecture. Claquant de la langue, j'avais soudainement horriblement soif, et ressentais comme une irrépressible envie de manger quelque chose, pas par faim, juste par gourmandise. Abandonnant ainsi une nouvelle fois mon livre sur le sofa, je me dirigeais vers la cuisine en bayant sans le moindre gêne. Pénétrant dans celle-ci, j'y allumai la lumière, me plongeant directement dans le frigo généreusement garni de la maison, mes doigts venant frotter mon menton tant le choix s'avérait difficile. Je bus du jus d'orange à la bouteille, croqua dans une tomate que j'engloutis en quelques secondes à peine, avant d'entendre un bruit derrière moi. Le menton dégoulinant du jus du fruit, je me retournai, apercevant Sydney postée non loin de moi. Je gardais le silence alors qu'elle prononçait mon prénom, le regard froid.

Je sais que tu n'as sûrement pas envie de me parler, que je dois être la dernière personne que tu as envie de voir, mais on ne peut pas continuer comme ça ... Je suis désolée, désolée de ce que tu as vu ... Désolée d'avoir été blessante ... Je ... Je suis sincèrement désolée.

J'arquai un sourcil en me rendant compte que la porte était fermée, me condamnant à discuter avec l'Irlandaise ne serait-ce qu'un minimum. Passant mon avant-bras sous mes lèvres, je soupirai en baissant les yeux sur mes pieds, murmurant.

Ouais. Ouais, on a pas besoin de s'ignorer inutilement, surtout enfermés dans 200m² à peine... Je relevai la tête, la voix blanche, la regardant droit dans les yeux, sans vraiment de rancœur ou de dureté dans les iris, simplement las. Je ne fis aucun commentaire sur ses excuses. Haussant les épaules, je me retournai, déchirant un sopalin de son rouleau.

Sa réaction me déstabilisa légèrement, je m'étais attendu à pas mal de choses, des cris, de la colère, mais clairement pas à ce genre de choses. J'étais presque soulagée qu'il ne soit pas fermé à la discussion même si pour le coup, j'en perdais les mots. M'appuyant contre le table qui trônait au centre de la pièce, je le regardais toujours, seulement mon regard était beaucoup plus doux, tendre, comme si ma colère avait été balayé par cette phrase au combien banale. « Oui, tu ... Tu as raison. C'est stupide. » Balbutiais-je lorsqu'il se retournait déjà. M'avançant à mon tour vers le réfrigérateur à la recherche du liquide que je convoitais, une fois la bouteille entre les mains, je la décapsulais, puis m'approchais de Franz peut être un peu trop près d'ailleurs, puisque nous nous effleurions presque. « Qu'est ce que tu proposes dans ce cas ? » murmurais-je d'une voix calme et neutre, j'approchais ma bouteille de mes lèvres afin de me délecter de cette substance que je raffolais tant. Finalement j'ignorais ce qu'il entendait par ne plus s'ignorer, pourtant j'étais certaine que ça n'indiquait en aucun cas recommencer ou tout simplement reprendre là où nous nous étions arrêtés, c'était même inimaginable. Et finalement est-ce que je le souhaitais ? Non pas réellement. J'en serais parfaitement incapable pour être honnête. Faire comme si de rien était, faire semblant de ne rien éprouver ou devoir contrôler mes gestes parce que ça pourrait risquer de clasher à un moment donné ? Non.

Oui, tu ... Tu as raison. C'est stupide.

Bien.

Pliant le papier entre mes mains distraitement, de façon à m'occuper pour ne pas reporter mon attention sur la jeune femme, je m'essuyai ainsi mon menton, sentant derrière moi du mouvement me signifiant que mon interlocutrice se servait dans le réfrigérateur. Je ne pris pas la peine de faire quoi que ce soit pour me montrer enclin à la conversation, lui tournant toujours le dos, les yeux rivés sur la fenêtre qui ne laissait entrevoir rien d'autre que le large voile opaque de la nuit.

Qu'est ce que tu proposes dans ce cas ?

Mon cœur fit un bond en la sentant si près de moi, si bien que je me reculais aussitôt, me tournant vers Sydney les lèvres pincées. Que voulait-elle que je lui réponde? Je n'avais pas la solution à notre problème, pas plus qu'elle, ou du moins je ne souhaitais pas envisager cette solution. Néanmoins il fallait se rendre à l'évidence, ça ne marcherait surement jamais entre nous, ce pourquoi il était préférable de poser les limites maintenant. Pourtant, j'y étais réticent, surtout si cela devait faire souffrir Sydney. Ma peine à moi, je m'en fichais pas mal en fin de compte. Face à elle, je pris appui sur le comptoir à l'aide de mes mains, tendant mes bras en fermant les yeux un court instant, un long soupir au bord des lèvres. Je reportai finalement mon attention vers l'irlandaise, ma main venant tapoter son épaule "amicalement".

Restons amis, c'est le mieux à faire.

Visiblement ma présence le mettait plutôt mal à l'aise puisque dès lors qu'il s'était rendu compte de ma présence, il s'éloignait immédiatement. Je baissais doucement les yeux, regardant quelques instants mes chaussures, presque résigné à ce genre d'échange jusqu'à la fin de notre aventure. Je plongeais à nouveau mes yeux dans les siens, attendant patiemment une réponse à ma question, même si de toute évidence, elle ne me plairait guère. Alors qu'il posait sa main sur mon épaule, un frisson me parcourut, frisson qui passait immédiatement lorsqu'il affirma vouloir rester ami. Un rire nerveux s'échappait d'entre mes lèvres. « C'est ce que tu veux vraiment ? Rester de simples amis alors que tu t'éloignes dès que je m'approche un peu trop près ? » soufflais-je difficilement puisque déjà ma voix se brisait net. Je posais ma bière sur le comptoir, sans lâcher Franz des yeux. « Je suis pas certaine de pouvoir, comme je suis pas certaine de pouvoir être loin de toi encore longtemps. Je sais ce que tu vas dire, seulement ça non plus je suis pas certaine de pouvoir l'entendre. » Et puis sans que je m'y attende, une larme coulait déjà le long de ma joue. Je me retournais instantanément, presque violemment, soufflant tandis que j'essayais de me reprendre.

Il disait que j'étais forte, oui je l'étais, du moins j'avais essayé, depuis plusieurs jours déjà, et j'avais beau avoir retourné la question dans tous les sens, je ne l'étais pas à ce sujet. « J'ai pas envie d'être forte, surtout pas quand je sais que tu n'en as pas envie toi non plus. » Je ne luttais plus, je n'en avais ni la force ni l'envie, pour une fois depuis quelques jours je savais exactement ce que je voulais. Lorsque je me retournais, j'observais le sol, sans pour autant réussir à contrôler mes larmes qui roulaient le long de mes joues sans vouloir s'arrêter. C'était bien trop fort pour que je puisse faire quoi que ce soit. Puis Franz se collait à moi, je me figeais un instant, surprise par sa proximité. Je soupirais. « Je te demande rien d'exceptionnel, juste que tu acceptes les choses, que tu arrêtes de nier, juste ... s'il te plaît. » soufflais-je en me calant plus profondément contre son torse, tandis que mes larmes ne semblaient plus vouloir s'arrêter. Je repris entre deux sanglots. « Je te demande pas de m'épouser Franz, j'ai juste envie d'être avec toi, comme on l'était avant toute cette histoire ... Enfin plus ou moins. » murmurais-je tandis que je me retournais vers lui passant mes bras autour de sa taille, alors que je cherchais ses iris.

Je sentais mon coeur se déchirer en sentant les épaules de Sydney se secouer contre moi. J'étais impuissant et coupable face à ce spectacle, elle se livrait à moi avec tant d'abandon, j'en étais touché mais profondément bouleversé. C'était cruel. Cruel de remettre ainsi en doute tous mes idéaux, tout ce à quoi j'avais bien du mal à résister. Une chose était sûre, je ne désirais pas prendre ce risque avec Sydney pour le moment, j'en étais navré pour elle, ou pour nous. Idiot, stupide, imbécile, accablez moi de toutes les insultes possibles, je ne m'en sentais pas la force.

Arrête de pleurer.

C'était un ordre, je l'avais prononcé d'une voix douce et rassurante alors que mes mains venaient essuyer ses joues humides. Me mordant la lèvre, je la forçais à caler sa tête sur mon épaule, une main dans ses cheveux que je caressais pour la calmer.

Je tiens à toi Sydney, tellement, si tu savais. Je soufflais tristement. Mais ça ne change rien, tu finiras par te rendre compte que c'était peut-être le mieux à faire...

Rester amis.

Arrête de pleurer, oui finalement c'était nécessaire. Je me ridiculisais plus qu'autre chose, pire encore je me détestais de me montrer aussi faible. Je m'en voulais d'être dans cet état, pour rien. Quoi que je dise, quoi que je fasse, je ne faisais que me heurter de plein fouet à un mur. Après de longues minutes de silence, je parvenais à me calmer. Ou du moins les larmes avaient cessés de couler, intérieurement j'étais dévastée comme jamais. Il avait tord, rien de ce qu'il pourrait dire ne m'enlèverait cette idée de la tête. Je pressais mes mains contre sa peau, pas assez fort pour le blesser néanmoins puisque ce n'était pas le but, mais pour m'empêcher de hurler surtout. « Tu tiens à moi ? C'est pas ce qui saute aux yeux excuses moi. Je ne sais pas ce que tu essayes de faire, je sais pas ce qui te pousses à agir comme ça. Mais permets-moi de te dire que c'est stupide. » Je soufflais, relevant légèrement la tête. « De quoi tu as peur merde ?! Franz ! De ne plus être libre, tu ne pas pouvoir aller voir ailleurs ? De me faire du mal ? Parce que même si c'est pas ton but, tu m'en fais déjà. Tu as peur de ne pas être là hauteur, d'être tenté et ne pas être fidèle, je m'en remettrais. Je te détesterais, j'aurais envie de te tuer, mais je vais m'en remettre, et ça facilitera les choses. Là c'est juste en contradiction avec ce que tu dis éprouver pour moi, avec ce que j'éprouve pour toi. C'est pas logique. » J'étais assez énervée, je ne hurlais pas, mais j'étais tellement remonté que je ne parvenais pas à contrôler mon flot de parole. J'étais énervée, pourtant je n'arrivais pas à le lâcher de peur qu'il se dérobe et qu'il ne revienne plus, que la conversation soit interrompue brusquement.

Des questions, toutes plus déstabilisantes les unes que les autres suivirent ma déclaration. Sydney parvenait à sécher ses larmes tant bien que mal, je la sentais s'accrocher à moi comme à une bouée de secours, j'avais l'impression de vivre une scène d'adieu déchirante, et c'était peut-être le cas. Je me fichais qu'elle me fasse mal, je le méritais après tout. Néanmoins, toutes ses questions ne firent que creuser mon désarroi déjà croissant. La vérité était indéniable, je ne savais plus ce pourquoi je m'étais engagé à la repousser, et mon regard hagard n'était qu'une énième preuve du fait que j'étais complètement perdu, tout comme elle. Je ne savais plus ce que je voulais, ce pourquoi je préférais esquisser à ses constatations, c'était plus facile que de chercher à me justifier. Je n'y parvenais pas, c'en était ridicule.

Tu as raison. J'hochai la tête, résigné. Oui, tu as raison, c'est illogique, j'ai peur pour ma liberté, je ne suis pas capable de m'engager ou d'aimer quelqu'un comme il m'aime en retour. Et ce que j'éprouve pour toi doit être surement moins fort que ce sentiment-la.

Je pris ses mains avec douceur entre mes doigts, y imposant néanmoins une certaine fermeté pour la faire lâcher prise. Il était temps pour moi de partir. Je déposai celles-ci l'espace d'un instant sur ma poitrine battante, ne la lâchant pas du regard, les pupilles humides, puis me reculais finalement.

Je suis désolé, tu t'es trompée sur mon compte.

J'étais odieux, c'était ma dernière carte pour la faire s'éloigner. Je repris ainsi une gestuelle neutre et insensible tant bien que mal, la précédente trahissant mon état d'esprit qui ne devait tromper personne, surement pas l'Irlandaise. Le regard inerte, je fis volte face.