Sur la petite terrasse, la clope au bec Ghika essaye de rester optimiste et positif au travers de tout le processus des castings. Il lui faut voir la vie et ses expériences du bon côté, même s'il n'est pas sélectionné pour cette saison de Fake Lover il aura vu de ses propres yeux les coulisses d'une des émissions de télé-réalités les plus populaires, il aura pu expérimenter des sensations que nombreux avant lui avaient ressenties. En cela il s'estime déjà content d'avoir passé les premières étapes de castings. Bien sûr, comme beaucoup d'entre eux, plus il approche du but, plus l'envie de réussir est forte. Sa mère lui aurait probablement dit d'écraser quelques personnes pour arriver à son but. Ce qu'il a envisagé un instant avant de devoir faire face à la réalité, ils sont tous sur un pied d'égalité et personne n'a réellement les moyens de faire pencher la balance en sa faveur ou sa défaveur que lui-même. On ne le répétera jamais assez, pour être retenu il faut avoir quelque chose de particulier, une personnalité, un charisme, un secret... quelque chose pour se détacher du lot.

C'est un Ghika quelque peu exténué qui ouvre la porte menant au balcon et qui pénètre dans le coin détente qui est bien plus vide que lorsqu'il l'a quitté cinq minutes plus tôt. Il n'y a plus qu'un garçon, la vingtaine, brun et plutôt mignon qui occupe les lieux. La façon dont il est affalé sur le canapé fait sourire Ghika, à en juger par les cernes qu'il a ce mec n'a pas dû dormir depuis une semaine. Le type s'excuse, Ghika ne cherche pas à savoir pourquoi, peut-être qu'il le prend pour quelqu'un à impressionner. Puis rapidement il se redresse, adopte une posture un peu moins nonchalante. « Boarf, te gêne pas pour moi, si tu as envie de faire la sieste j'vais pas t'en empêcher. Et puis franchement, vu la tête que tu te payes, t'en aurais bien besoin ! On dirait moi après trois jours de beuverie ! » Retirant sa veste en cuir et la roulant en boule Ghika se met à l'aise dans le fauteuil où il vient d'élire domicile pour les vingt prochaines minutes au moins. Son blouson lui servant de coussin soulage son cou, les cervicales ainsi maintenues ne le feront pas souffrir plus tard dans la journée.

La porte s'ouvre à nouveau, les yeux noisettes de Ghika se dirige vers la nouvelle arrivante, secrètement il espère que personne d'autre ne viendra les rejoindre. Entre la pression des castings et la foule de soixante candidats qui grouille dans l'immeuble, il n'est pas sûr de pouvoir supporter que trente personnes se réunissent dans la salle de détente en ce moment précis.

J'étais sorti prendre l'air devant l'immeuble du casting, je fumais tranquillement ma cigarette pensant directement à ces fichus casting j'avais du passer. Je ne savais pas quel impression j'avais donné au jury mais bon. J'étais quand même confiante. J'avais eu aussi l'occasion de croiser Alyssa avant de faire mon casting mais je ne l'ai pas revu après. Faudrait que je l'appelle tiens, savoir ce qu'il en est et ses impressions concernant son passage. Le mieux, ça serait que nous pouvions accéder toutes les deux au nid mais bon, j'espère qu'au moins une de nous y arrive, c'est déjà pas mal. Je finissais donc ma clope, la jetant par terre au passage. Oui, c'était mal, bla bla bla, la pollution etc. J'allais donc rentrer dans l'immeuble lorsque j’aperçus que je n'avais pas ma veste sur moi. Elle était sans doute rester en haut, au coin détente, comme ils s'amusent à l'appeler. Je monte donc par les ascenseurs, dévalant le couloir, poussant la porte qui donnait à la fameuse salle. J'espérais juste que personne ne me l'ai piqué. Après tout, imaginez si quelqu'un s'était présenté sous le secret "Je suis kleptomane", j'ai de quoi m'inquiéter. J'entrais donc dans la pièce, faisant claquer mes talons. J'en profitais pour remarquais deux hommes affalés sur le canapé, et sous l'un deux mon manteau. J'allais pas me gêner pour le sortir de sa rêverie. Je m'approchais donc. «Excuse moi mais tu es assis sur ma veste.» dis-je calmement à Ghika, en me tenant les hanches.

Il lui plaît bien ce type, il a l'air plutôt marrant, et puis au moins il ne se prend pas trop la tête avec des détails du genre « suis-je présentable ? ». Après tout, autant qu'ils prennent tous l'habitude tout de suite s'ils doivent continuer l'aventure, il y a des maquilleuses, des coiffeurs, des stylistes. Rien n'est laissé au hasard, et c'est un Ghika qui se veut rassurant qui lance à l'intention de son camarade de rêverie sur canapé : « Ouais j'avoue que t'as plutôt une sale gueule pour l'instant, mais je suis sûr que les gens de la loge maquillage te rendront ta beauté d'antan et te feront une peau de bébé avant que tu ne passes devant le jury. » Il ne sait pas si c'est vrai, il n'est pas encore allé dans la loge maquillage, peut-être qu'ils doivent se pomponner par leurs propres moyens, ce serait un bon test après tout. Non, pas possible, ils veulent pouvoir garder des enregistrements de ces interviews. « Moi c'est Ghika. » Alors que sa phrase reste en suspension dans les airs, un cliquetis régulier fait son apparition dans l'atmosphère.

Le bruit des talons sur l'asphalte des carreaux suffit à faire grincer Ghika des dents. Mais ce n'est rien comparée à la réaction épidermique que lui cause la vision de la jeune fille, qu'il qualifiera bientôt de potiche, dont émane les sons. Mains sur les hanches, perchée sur des talons hauts, un air limite hautain sur le visage. Ghika lui sourit, parce que sourire est parfois suffisant, mais son éducation l'emporte et il ressent le besoin de répondre. « Je dirais plutôt que je tiens chaud à une veste que tu prétends être la tienne mais qui était surtout laissée à l'abandon sur ce canapé et à laquelle j'ai gentiment offert de tenir compagnie... » laisse échapper un Ghika amusé quoiqu'un peu irrité. Après moult contorsions, -et en ayant probablement froissé le tissus sur lequel il s'est, au départ, assis par mégarde- Ghika réussit à extirper la veste de sous son postérieur. « Voilà tes haillons Cendrillon ! » lance-t-il avec un grand sourire enfantin en direction de la jeune femme.

Ce type est marrant, il a des références culturelles plutôt synchrones avec celles de Ghika. L'idée de voir le héros de films d'horreur débarquer dans la salle des castings est plutôt amusante il faut le reconnaître. Une pensée concernant Icare, le type ultra-tatoué qu'il a rencontré un peu plus tôt dans la journée et qui provoquerait à coup sûr une réaction Kruegerienne sur les juges, traverse l'esprit du jeune américain. Mais il préfère, pour une fois, ne pas partager ce qu'il a en tête avec son nouveau camarade de fortune. Ghika juge en effet que se moquer, même gentiment, d'Icare alors que celui-ci a été plutôt cool avec lui serait un traitement injuste et largement démérité. Et puis qu'en sait-il ? Peut-être qu'Auguste n'a pas eu l'occasion de parler avec l'homme tatoué et que par conséquent il ne comprendrait même pas la blague, ce qui lui assurerait un flop et serait dans le même temps totalement contre-productif.

Sur ces pensées la blonde se décide à répondre. Un flot continu de paroles s'échappe de ses lèvres, un spectacle que Ghika hésite à trouver charmant ou désolant. Plus elle tente de se justifier, plus elle paraît coupable des pêchers dont elle cherche à s'absoudre. Ghika sourit, de plus en plus taquin et amusé de voir la jeune femme se défendre avec autant de véhémence face à une accusation qu'elle dit avoir lue dans son regard. Puis elle se présente, ça lui fait une belle jambe, mais il n'en dira rien. « Et je suppose que c'est parce que tu préfères sentir tes affaires au chaud sur tes épaules que ta veste a passé la dernière demie-heure sur le canapé... Enfin c'est cool de te rencontrer Daniela. » Même son prénom l'agace. La jeune femme n'est certainement pas partie du bon pied avec lui, et à entendre le ton blasé de celui qui se présente comme étant Auguste, Ghika sait qu'il n'est pas le seul à être passablement irrité par l'attitude conquérante et dramatique de leur potentielle concurrente. En réponse à la réflexion d'Auguste, il se sent obligé de préciser. « C'est roumain, ma mère était encore sous anesthésie quand elle a choisi et c'est moi qui en paye les conséquences... » Puis il referme les yeux, rejette sa tête en arrière et continue d'écouter la conversation, se privant de l'image pour se concentrer sur le son, avant de se mettre à rire. « Freddy Krueger, le bruit des ongles de Daniela... bien trouvé Auguste ! » Il n'y avait probablement pas de rapport conscient pour celui qui avait fait les réflexions originelles, mais Ghika le voyait et c'était le genre de truc qui l'amusait beaucoup.