w/pia

Il est venu ici qu’une seule fois, la semaine dernière. Mais assurément, cet endroit fait déjà partie de ceux qu’il préfère. Tout d’abord, parce qu’il est à l’extérieur. De ce côté-là, il est un peu lunatique Alistair, puisque dans la vie ‘’réelle’’ il peut s’enfermer pendant des jours sans pointer le bout de son nez dehors. Sauf qu’il a toujours la possibilité de s’échapper quand il le souhaite, ce qu’il n’a pas forcément l’occasion de faire ici. Alors, certes, ils ont un grand domaine extérieur à leur disposition, mais leurs déplacements sont tout de même limités, et c’est bien ça qu’il a de la peine à supporter. Il aime être libre de ses mouvements, c’est un fait. Ensuite, cet endroit est d’un calme absolu, argument non-négligeable pour lui. Même s’il essaie de faire des efforts, il a encore et toujours besoin de moment de répit, où il peut se retrouver seul avec ses pensées. Et cet endroit lui semble parfait puisque les quelques candidats peu à l’aise avec la hauteur éviteront certainement de venir ici. Ça ne fait peut-être que deux ou trois candidats, mais c’est toujours deux ou trois potentielles présences en moins. Et troisième point, le paysage n’est pas désagréable. Pas qu’il soit très calé dans la beauté qui l’entoure, mais disons que le paysage qui s’offre en haut de la falaise est plutôt impressionnant. C’est pour toutes ces raisons qu’il s’est décidé à venir ici en cette fin d’après-midi. Et un très léger rictus s’affiche sur ses lèvres quand il constate qu’il est, pour une fois, le seul à avoir eu cette idée. Il sort son paquet de cigarettes de sa poche, s’en allume une en s’appuyant contre la barrière qui les protège du vide. Ce n’est peut-être pas l’idée du siècle, mais il ose espérer que la production a prévu du matériel résistant. Sa tranquillité ne dure pas longtemps ceci dit, puisqu’à peine une petite dizaine de minutes après être arrivé ici, des bruits de pas se font entendre dans son dos. « Salut. » Il déclare simplement, sans prêter plus d’attention à la personne dans son dos, préférant continuer à fumer sa cigarette. Indirectement, s’adresser de cette façon à ladite personne, dont l’identité lui est encore inconnue, c’est lui offrir la possibilité de rester ou du moins, de lui faire comprendre qu’elle ne dérange pas forcément. C’est qu’il a compris le truc, Alistair, il sait que sa réputation n’est plus à faire ici et qu’il apparait comme un des candidats les moins agréables, alors il tente des parades pour ne pas toujours rester seul dans son coin, vu que c’est bien pour cesser cette manie qu’il s’est inscrit ici.

Dix-sept heure. L'envie de prendre l'air, un peu. Ce n'est pas que l'ambiance de la maison lui pèse, au contraire, elle adore la foule et les regroupements de personnalités explosives, c'est son truc, à Pia. Seulement l'omniprésence des caméras lui donne le sentiment d'être épiée en permanence par des milliers d'yeux, ce qui est le cas bien sûr, mais elle en a moins l'impression lorsqu'elle est dehors. Elle laisse donc ses pas la guider un peu partout à l'extérieur du domaine et ses pieds la mènent naturellement à la falaise. La dernière fois qu'elle est venue ici, c'était avec Adnan et Mallaury, lorsque ce dernier leur a fait croire qu'il savait pêcher alors qu'en réalité il était comme elle incapable d'aller plus loin que la phase " munissons nous d'un bob et d'une paire de bottes de pluie ". Mais nulle trace des deux bruns aujourd'hui. Elle ne voit que le dos de la personne qui se trouve face au vide, appuyée contre la barrière qui les sépare du grand saut, mais elle en déduit que c'est un homme et en vu de sa stature, ce n'est pas l'un des deux autres qu'elle a croisé la semaine passée. Elle s'approche, d'une démarche qui se veut discrète histoire de ne pas le faire sursauter, s'agirait pas qu'il tombe du haut des rochers, mais manifestement la discrétion n'est pas son fort puisqu'il la salue, sans se retourner. Du coup elle abandonne sa position pas-de-loups pour venir se placer aux côtés du type et éventuellement découvrir de qui il s'agit. Alistair. Elle s'en souvient parce qu'il s'est présente lors du prime, quelques jours en arrière. « Salut ! », elle répond, joviale, comme à son habitude. Elle observe la cigarette qu'il tient entre ses doigts et serait presque tentée de lui en demander une, mais non. Elle préfèrerait éviter d'avoir à se retrouver dans la situation pénible des castings quand Tilda lui a filé la dite clope et qu'elle n'a pas su quoi faire pour s'en débarrasser. Les phrases d'accroche cool sont donc réservées aux détenteurs de zippo. Elle jette un coup d’œil en bas des rochers, tout en bas. C'est drôlement haut tout de même. Heureusement qu'elle n'a pas le vertige. « T'imagines la barrière cède ? Tu tombe et alors ton corps se fracasse contre les rochers en bas. L'horreur. Ça doit en mettre partout. ». La délicatesse faite femme. « J'espère pour toi que c'est du solide.. ». Elle ne tient pas spécialement à passer derrière pour ramasser les morceaux, quoi.

Il aime beaucoup cet endroit, même s’il n’est pas un amateur de paysages et qu’il n’y connait pas grand-chose. Peut-être que certains considèrent la vue qui s’offre à lui comme des plus banales, mais lui ne la voit pas comme telle. Certes, c’est vite lassant passé une petite dizaine de minutes vu que rien ne change, mais c’est reposant. Et il ne peut pas faire la fine bouche concernant les images susceptibles d’apaiser son esprit, même pour une durée de quelques minutes. Il savoure cette courte sensation d’apaisement, clope au bec, quand il entend des pas non loin de lui. Sa tranquillité est de courte durée. Il ne sait même pas pourquoi cela continue de le surprendre, il a la poisse, où qu’il soit, quoi qu’il fasse, il finit toujours par se retrouver nez-à-nez avec un autre de ses camarades. Il faut croire qu’il porte la poisse, qu’il les attire quand il n’a pas besoin d’eux. Le commun des mortels se serait probablement retourné pour découvrir l’identité du nouveau visiteur, mais pas lui. Il se contente d’un simple salut, car qui ce soit, il acceptera sa présence. Ce n’est l’amour fou avec personne ici, mais ce n’est pas pour autant qu’il déteste chaque candidat qui croise son chemin. Elle le salue à son tour – il constate que c’est une femme au son de sa voix –, d’un salut beaucoup trop jovial à son goût, même s’il ne se permettra pas de lui faire la remarque. Il ne prête plus attention à la candidate par la suite, se contentant de sa cigarette qu’il continue et de la vue qui s’offre à lui, à eux en fait. C’est alors qu’elle fait une réflexion tout ce qu’il y a de plus encourageante par rapport à la possibilité que la barrière cède. Et qu’il se retrouve éparpillé sur les rochers, une dizaine de mètres plus bas. « C’est du solide. » Il confirme en resserrant sa main libre autour de la barrière pour bouger celle-ci, sans grand succès. Et puis, si ça n’en était pas, il ne serait même plus là pour répondre à l’interrogation de sa camarade. Il finit par porter son attention sur celle-ci en tournant légèrement la tête en sa direction. Il reconnait Pia, brièvement rencontrée lors du prime. « T’es du genre optimiste, Pia, non ? » Il déclare, avec une légère ironie. Elle sait rassurer les gens, en tout cas. Elle aurait simplement pu sous-entendre qu’il allait s’écraser plus bas, pas forcément commencer à parler des morceaux de son corps qui s’éparpilleraient partout.

Le vent lui balaye les cheveux et s'infiltre sous sa peau, lui arrachant un frisson. La falaise a un aura différent de tous les autres lieux du nid. Moins artificiel, peut-être. Un peu plus ancrée dans la vraie vie, comme si elle représentait le gouffre qu'il y a entre la réalité et l'aventure qu'ils sont en train de vivre. La chute c'est l'élimination. Game Over, retour à la case départ. Second frisson et pas à cause du froid cette fois. Elle réalise trop mal que tout ce qu'ils sont en train de vivre est médiatisé, déformé et vouer à disparaître une fois que le spectateur aura consommé. Pour elle, c'est plus que ça. Ses pensées serpentes et finissent par imaginer la fin d'un candidat qui aurait la bonne idée de passer par dessus la balustrade. Elle espère que ça ne se produira pas et elle aimerait bien éviter que ce soit Alistair. Elle ne le connait pas spécialement bien mais elle en ressortirait quand même légèrement traumatisée. Pour lui prouver qu'il ne craint rien il tente de secouer la barrière sans que rien ne bouge. Elle est presque rassurée maintenant. Pas moyen qu'elle s'effondre sous son poids en l'emportant dans sa chute. Du coup elle se risque à s'y accouder aussi. Elle sourit face à son ironie. Elle sourit tout le temps, de toute façon. C'est son étiquette, un peu comme une marque de fabrique. L'industrie de la bonne humeur permanente. « Je préfère juste m'assurer que tu ne risque rien, c'est plutôt aimable de ma part non ? ». Surtout que j'ai entendu dire que t'avais quelques tendances dépressives alors je préfère prévenir. Mais ça, elle le garde pour elle. Elle en a la délicatesse pour une fois. Elle fait courir ses doigts sur le métal froid, pensive. « Qu'est-ce qui t'a poussé à participer à l'émission ? ». Elle demande, pour faire la conversation mais surtout parce que ça l'intéresse. Elle aimerait savoir pourquoi un type comme lui qui ne semble pas réellement être fan des bains de foules et des émissions télévisées édulcorées a décidé de poser sa candidature pour entrer dans le nid.

Pour rassurer sa camarade quant à la possibilité de tomber dans le vide, il bouge légèrement la barrière. Ce n’est pas l’idée du siècle, si elle n’avait pas été aussi bien fixée et qu’elle se serait décrochée, il aurait eu l’air bien con. Peut-être même qu’il ne serait plus là pour en témoigner, tout simplement. Mais inutile de penser à des scénarios catastrophes, la barrière est très bien fixée et Pia semble se satisfaire de cette réponse puisqu’elle prend l’initiative de s’accouder à son tour à cette fameuse barrière. Au moins, si elle lâche, ils seront accompagnés dans la mort, hm. Il lui fait ensuite une réflexion sur son optimisme et elle rétorque qu’elle voulait simplement s’assurer qu’il ne risquait rien. C’est même aimable de sa part. « Je n’ai pas dit le contraire. » Il précise. Penser qu’elle n’est pas optimiste ne veut pas dire qu’elle n’est pas aimable, la nuance est importante. Pour ce qu’il a pu apercevoir durant le prime, elle l’est, aimable. Enfin, c’est difficile de juger sur une impression de quelques secondes, mais puisque la plupart ne se gêne pas, il ne voit pas pourquoi il ne pourrait pas faire de même. Il se montre silencieux un court instant suite à la question de Pia. Non pas qu’il ne sait pas quoi lui répondre ni comment formuler sa réponse, simplement il n’est pas particulièrement à l’aise à l’idée de lui dévoiler le pourquoi de sa participation ici. S’il lui répond ‘’le contact avec les autres’’ comme il a pu répondre à Paloma lorsqu’elle lui a posé la même question, il est presque certain d’avoir le droit à un léger rictus ou à une grimace d’étonnement. C’est que cette raison ne colle pas particulièrement à son caractère. « Il faut que je m’ouvre aux autres. » Il se décide à répondre, changeant légèrement les termes de sa réponse pour qu’ils paraissent plus adaptés, même s’ils ont la même signification. Libre à elle d’être surprise ou non. Il s’en fiche un peu, elle ne sera simplement pas dans ses bonnes grâces si elle réagit de la sorte. « Et j’ai besoin d’argent. » Il ajoute, ensuite, comme un cheveu sur la soupe, pour donner une raison qui parait un peu plus adaptée à sa façon de se comporter. « Et toi ? » C’est une question dont la réponse l’intéresse beaucoup plus que de savoir sa profession ou son âge. S’il se fie à son impression, il dirait qu’elle est ici simplement pour tenter une nouvelle expérience. Reste à savoir s’il a vu juste ou si, au contraire, il est totalement à côté de la plaque.