+ Je me réveille en plein milieu de la nuit avec une sacrée envie de boire, ce qui ne m'arrive pas souvent d'habitude parce que je prends toujours mes précautions, je bois une verre d'eau avant d'aller me coucher, ou je prévois au moins une bouteille que je laisse sur la table de chevet ou au pied de mon lit. Sauf que j'ai beau chercher à ces deux endroits, je ne trouve rien. Je vais donc être obligée de sortir de ma couette si je veux me désaltérer et ne pas mourir déshydrater. Ce serait moche quand même de mourir aussi connement, tout ça parce que je n'ai pas pensé à remplir ma bouteille, ou à en monter une nouvelle, et surtout parce que je n'aurais en fait pas fait l'effort de bouger mon petit derrière. J'essaye de faire le moins de bruits possible en sortant de la chambre. Je ne veux réveiller personne, le sommeil c'est vital, c'est sacré, on y touche pas, enfin on devrait pas y toucher, même si certains ne se gênent clairement pas, parfois. Je prends les escaliers, que je trouve vraiment plus sûrs que notre cher ascenseur, et je continue à pas de loup jusqu'à la buanderie où je trouve ce que je cherche : une petite bouteille, toute pleine, toute mignonne que je vais emmener en haut avec moi, que je vais ouvrir, et dont je vais avaler quelques gorgées avant de retourner me blottir dans les bras de la douce Morphée. Enfin ça c'est ce que j'imagine. En réalité, je me cogne le pied en remontant les escaliers, mais ça va, j'ai pas mal, enfin pas trop. Puis j'arrive au niveau du couloir et une lumière m'arrive pile dans l'oeil, ça me fait trop mal aussi, mais ça va, c'est bon, je suis plus très loin, je peux continuer. Mais j'ai vraiment soif, alors j'ouvre ma bouteille maintenant, et en grosse maladroite que je peux être par moment, je renverse de l'eau sur le sol, et pas qu'un peu. « Merde. » Je grogne. Ça fait une belle flaque, en plus avec la jolie lumière jaune qui vient de se stabiliser, ça donne pas du tout l'impression que je me suis fait dessus. « J'en ai marre. » Je soupire en regardant mes pieds mouillés et meurtris. C'est que ça doit pas être mon jour, voilà tout. En plus, quand je relève la tête, je me rends compte qu'Alistair me regarde, évidement. Et moi j'affiche mon air de petit chien battu, ou genre fille qui en peut plus, qui est à bout et qui a juste envie d'aller se recoucher. Si ça pouvait au moins le faire s’apitoyer un peu, vu que clairement cette nuit, ou ce matin très tôt, je suis pitoyable.

Pour une fois, s’il se balade dans les couloirs à une heure aussi avancée de la nuit, ce n’est pas parce qu’il ne parvient pas à dormir. En réalité, c’est parce qu’il a fini sa nuit. Déjà. Il faut dire que quand le sommeil le rattrape, il tente de lutter, mais finit toujours par s’avouer vaincu, la veille n’a pas fait exception à la règle. Ainsi, il a pris ses quartiers dans la loveroom bien plus tôt que d’habitude, aux alentours de vingt-deux heures. Malgré tout, il a mis une bonne demi-heure à s’endormir avec que Morphée veuille bien penser à l’emporter avec lui, avant de se relever quelques heures plus tard, en sursaut, comme à son habitude. Ceci dit, son cauchemar était bien plus agréable – même si ça ne l’est jamais, en réalité – que celui qui l’a coupé de son sommeil de la même manière, deux ou trois jours auparavant. Il jette un coup d’œil à l’heure et constate qu’il n’est pas loin des trois heures du matin. Il ne va pas tenter de se rendormir, il sait pertinemment que c’est peine perdue, et puis il est parvenu à dormir quelques heures, ce n’est pas négligeable pour lui. Il se lève, déserte la loveroom pour la salle de bain où il se passe un peu d’eau sur le visage avant de prendre le chemin de la cuisine pour se servir un verre d’eau. Sauf qu’il est interrompu dans ses plans par une silhouette à l’autre bout du couloir, bouteille en bouche, avant que la maladresse de la personne prenne le dessus. Il s’arrête, constate les dégâts d’où il est. Il y a de l’eau à peu près partout et aux paroles de Jessica – qu’il est parvenu à reconnaître au bout de quelques secondes – il réprime un léger sourire. Il faut dire que la scène est cocasse. Il ne manquerait plus qu’elle glisse sur la flaque d’eau et il pourrait même émettre un bref rire. La jeune femme ne tarde pas à l’apercevoir dès qu’elle a relevé la tête et il reprend son chemin pour arriver à son niveau. Oh, il voit bien le regard qu’elle lui lance, mais il est loin d’être sensible à cela. « Ça ne marche pas avec moi. » Il lance, aucune expression sur le visage et la voix neutre, avec un léger haussement d’épaules. Il n’est pas du genre à s’apitoyer et même s’il l’était, on ne peut pas dire que le spectacle que la candidate lui offre donne vraiment envie de craquer face à son air de chien battu. Non, ça donne plutôt envie de rire. Ceci dit, même si ça ne marche pas sur lui, il doit reconnaître qu’elle mérite un bon huit sur dix au niveau regard de chien battu, on dirait qu’elle a fait cela toute sa vie. « Mais il y a de l’idée, je suis certain que cela fonctionnera avec Adnan. » Il ajoute, croisant les bras. Oui, clairement, Adnan ne sera pas insensible à un tel spectacle. Pas qu’Alistair le soit, mais il ne voit pas vraiment ce qu’il pourrait faire pour la candidate. Oh, il pourrait aller lui chercher une serviette ou une nouvelle bouteille d’eau, mais ce n’est pas le genre de réflexes qu’il a naturellement. « Saccager les lits ne te suffit pas, il faut que tu t’attaques au sol à présent ? » Il continue, légèrement moqueur. Parce que malgré tout, c’est légèrement tentant. « Ou tu cherches à t’électrocuter ? » Il termine. Solution bien moins réjouissante que la première, mais ce couloir, recouvert de néons de toute part, n’est pas l’endroit à inonder.

Cette nuit, c'est définitivement pas ma nuit. Déjà j'ai soif mais je n'ai pas de quoi me désaltérer sous la main alors je suis obligée de sortir de mon lit pour descendre à la cuisine, ensuite je me blesse sur le chemin du retour, puis je me fais agresser par la lumière d'un néon, sans oublier le moment où je répands la moitié du contenu de ma bouteille sur le sol et moi-même, parce que je suis fatiguer, soir deux fois plus maladroite qu'en journée quand je suis à peu près bien réveillée et reposée. Je laisse échapper un juron et je me plains même un peu jusqu'à ce que je remarque la présence d'Alistair pas loin. Super, génial, il doit bien se moquer de moi maintenant. Mais je peux pas lui en vouloir, si les rôles étaient inversés je ferais pareil et peut-être même pire, parce que lui il a au moins la délicatesse de rire de moi dans sa tête, mais c'est sans doute surtout dû au fait qu'il ait jamais été très expressif comme gars. J'essaye tout de même de l'attendrir un peu avec mon air de pauvre petite chose, des fois que ça lui donne envie de m'aider à essuyer la flaque sous mes pieds mais il m'annonce bien vite que ce genre de trucs, ça ne marche pas avec lui. Je gonfle les joues pour souffler. « Pff. » J'affiche à présent une petite moue boudeuse, à la manière d'une enfant qu'on aurait privée de ce dont elle avait terriblement envie. Le candidat pense tout de même qu'il y a de l'idée et que ça fonctionnerai bien avec Adnan. Je hoche légèrement la tête. « Eh, tu voudrais pas aller le chercher pour voir ? » Je demande, mais pour plaisanter évidement, parce qu'on ne va pas réveiller quelqu'un au milieu de la nuit comme juste pour lui montrer mon petit numéro en espérant qu'il finisse par me prendre en pitié et à nettoyer à ma place. Je pense pas qu'il apprécierait. Qui apprécierait de toute façon ? Pas moi, c'est certain. Mais bref. Alistair me demande si je me suis attaquée au sol parce que les lits, ça ne me suffisait plus. Mes lèvres s'étirent automatiquement en un léger sourire coupable alors que je hoche la tête de façon négative. « Non mais c'est pas moi, c'est la bouteille qui s'est renversée toute seule, j'ai rien pu faire. » L'excuse bidon de chez bidon que je sors juste pour essayer de rester sur le même ton moqueur que lui en me permettant l'auto-dérision. Un peu moins drôle d'un coup, il me demande si je n'essayais pas plutôt de m'électrocuter. « Oh, non, je veux pas mourir ! » Je m'exclame l'air presque outragé.  « Han, mais il faut se dépêcher d'essuyer tout ça alors, vite ! » Je viens quand même de me rendre compte que j'ai toujours les pieds dans l'eau et qu'elle pourrait continuer à se répandre doucement, gentiment, calmement jusqu'aux lumières. Et puis après, bah on connaît tous la suite : au revoir Jessica, à dieu dans le pire des cas.

La scène à laquelle il assiste n’a rien de particulièrement incroyable, il s’agit juste de la vision d’une Jessica maladroite, mais ça lui arrache presque un rire, tant la jeune femme semble accumuler. Dès qu’elle l’a remarqué, une moue boudeuse et censé l’apitoyer s’affiche sur le visage de la jeune femme, mais rien à faire, ça ne marche pas sur lui, ce genre de technique. Un soupir s’échappe d’entre les lèvres de Jessica et il se contente de hausser les épaules en guise de réponse, signe que ça ne fonctionne toujours pas. Par contre, il y a de l’idée et peut-être que sur Adnan, il y aurait moyen que cela fonctionne. Parmi les candidats encore en lice, il lui semble être le plus apte à être touché par ce genre de moue. Il y aurait bien Paloma, aussi, mais vu les relations qu’elle entretient avec Jessica, il doute qu’elle se laisse apitoyer. Mais pour Adnan, donc, Jessica lui propose d’aller le chercher pour confirmer cette hypothèse. « Tu lui expliqueras pourquoi je l’ai réveillé au milieu de la nuit. » Quoi que, elle n’aura peut-être même pas besoin. Adnan ne lui semble pas être le genre à se fâcher, il doute sincèrement que celui-ci entre dans une colère nuit si le scénario s’était effectivement réalisé. Tout au plus aurait-il râlé avant de suivre Alistair dans les couloirs. Mais quoi qu’il en soit, l’anglais ne compte pas s’exécuter, Adnan peut dormir sur ses deux oreilles. Il demande ensuite si c’est nouveau plan, de saccager les sols, à défaut des lits. Et l’excuse qu’elle lui sort et digne des enfants de cinq ans, mais ça reste du Jessica, il esquisse un bref rictus. « Je vois. » Les bouteilles, ce n’est plus ce que c’était, on ne peut plus leur faire confiance, décidément. Il a ensuite une autre hypothèse, bien moins réjouissante que la première, à savoir l’électrocution. Non parce qu’il ne sait pas vraiment comment les néons ont été accrochés, mais il suppose qu’il y a des prises électriques derrière ceux-ci et qu’il ne faudrait pas que de l’eau s’y approche d’un peu trop près. Il reste stoïque tandis que la panique semble s’emparer de la jeune femme et il se décide à réagir que quand elle annonce qu’il faut se dépêcher de nettoyer tout ça. Les connexions se font dans son cerveau et sans prévenir, il prend le chemin de la salle de bain, d’où il emprunte deux serviettes avant de revenir en direction du couloir. « Tiens. » dit-il avant de balancer une serviette en direction de Jessica, tandis que l’autre vient volontairement s’échouer à terre. Il pose le pied dessus et commence à épongeant en bougeant simplement la jambe, il ne faut pas trop en lui demander, ce n’est pas lui qui va se mettre à quatre pattes, déjà qu’il propose ses services. « Je prends des risques pour toi, il me faudra une récompense. » Il dit ensuite, d’une voix neutre. Il parait que c’est ce qui se demande quand on rend un service, non, d'autant plus quand celui-ci peut mener à la mort par électrocution. En l’occurrence, il se contente d’imiter ce qu’il a pu entendre, mais il n’a absolument aucune idée de ladite récompense à demander à Jessica. Il faut dire qu’il n’a pas l’habitude de compter sur les autres pour quoi que ce soit, même s’il n’est pas contre l’idée d’avoir quelqu’un à sa merci.

C'est vraiment bête que je sois tombée sur Alistair cette nuit, parce qu'il n'est apparemment pas de ceux que je peux apitoyer facilement en faisant la moue. Adnan, en revanche, serait tout à fait du genre à y être sensible. Je demande donc au candidat d'aller le réveiller, sans le penser vraiment, évidement, et il réplique que ce sera en tout cas à moi de lui expliquer pourquoi on l'a sorti de son lit. J'esquisse un sourire avant qu'Alistair ne remarque qu'après avoir voulu m'en prendre à un certain lit, je cherche à nuire aux sols du nid. Sauf que non, c'est pas moi, j'y suis pour rien, c'est la bouteille l'unique responsable de tout ça, je suis tout ce qu'il y a de plus innocent. Et au son de sa voix, je n'ai aucun mal à deviner qu'Alistair me croit, hm. Il émet une seconde hypothèse, tout aussi fausse, mais qui ne manque pas de m'affoler. Je ne cherchais pas à m'électrocuter, non, mais c'est bien ce qu'il pourrait arriver si aucun de nous ne réagi. Sauf que moi, je ne bouge pas d'un pouce. Lui, il s'en va et un instant, n'ayant pas réalisé qu'il prenait la direction de la salle de bains, j'ai bien cru qu'il m'avait abandonnée à mon sort, l'affreux. Mais pas du tout. « Ouf. » Je fais, soulagée quand je le vois revenir avec des serviettes. Il m'en lance une, que je rattrape au vol et je m'agenouille pour éponger l'eau, le plus possible. Alistair en fait de même, mais debout et du bout du pied. Il me fait alors remarquer qu'il prend des risques pour moi et que par conséquent, il mérite une récompense. Je me tourne vers lui, un sourcil arqué. « On est toujours en vie, c'est déjà pas mal comme récompense. » Bah ouais. Non ? Je sais pas. Imaginons que l'eau se soit répandue jusqu'à lui et jusqu'aux néons sans qu'on ait rien fait pour l'éviter. Plus de Jessica, plus d'Alistair, plus de néons, plus de lumières sans doute non plus. Alors que là, tout va bien, tout est sous contrôle. Et il a un peu sauvé sa propre vie ce soir, en plus de sauver la mienne, ça devrait lui suffire, moi je trouve. Mais c'est vrai que ça fait déjà plusieurs fois qu'il m'aide dans une situation critique du genre. Comme la fois où j'avais perdu ma boucle d'oreille. « Mais si c'est pas suffisant, vas-y, dis-moi ce que tu veux, je verrais ce que peux faire. » Je préfère ne rien garantir, mais je ferais de mon mieux, oui, parce que c'est un peu mon sauveur quand même, c'est vrai.