JORAH

Il y a des pièces qui m’intrigueront toujours. Pas parce qu’elles sont intéressantes, mais bien parce qu’elles ne servent à rien. Il faut qu’on m’explique le principe d’une salle de surveillance alors que c’est méga galère de changer d’écrans et donc d’écouter des conversations passionnantes, ou encore d’un musée à la gloire de Cupidon censé diffuser des indices alors même que je n’ai jamais eu vent du moindre indice affiché ici. L’idée de semer la pagaille dans cette pièce me revient en mémoire, dommage qu’Amy ne soit pas à mes côtés. Et puis même en fait, je suis sûre que si j’ose toucher à une seule des œuvres à l’effigie du petit angelot, je me fais virer sur le champ, et disons que j’ai pas spécialement envie de prendre le risque. Tant d’efforts qui seraient gâchés pour une connerie, c’est dommage quand même. En attendant, c’est ici que j’ai décidé de passer la prochaine demi-heure, ou peut-être plus, je ne sais pas, je doute que Cupidon puisse capter mon attention plus d’une demi-heure à vraie dire. Une fois au musée, je me questionne toujours autant à chercher l’intérêt de cette pièce, vraiment. Cupidon est parfois un véritable sadique, et faudrait, genre, qu’on le prie ? C’est pas très logique. Et puis, je crois qu’on sait tous à quoi ressemble l’angelot, on a pas besoin d’avoir des dizaines et des dizaines de statues, de dessins, de tableaux et j’en passe, pour le savoir, hein, à moins de vivre dans une grotte. Je traîne quand même dans la pièce, passant d’œuvres en œuvres, plutôt curieuse vu que j’ai jamais pris le temps de vraiment regarder ce qui se trouvait dans cette pièce. Mon regard est ensuite happé par la vitrine vide, censée dévoiler des indices, des images, tout ça. J’attends quelques minutes devant, dans l’espoir de voir quelque chose apparaître, quand mon attention est attirée par le nouvel arrivant. « On dirait que tu ne peux vraiment plus te passer de moi. » Que je demande à Jorah, en me tournant vers lui. Je crois que je l’ai jamais autant vu que ces trois dernières semaines. « Dis-moi… tu crois vraiment qu’il y a des indices qui sont dévoilés ici ? » Je me retourne vers la vitrine vide. C’est un vrai mystère quand même. « Parce que pour l’instant, ça tient plutôt de la légende, non ? » Il en sait plus que moi, peut-être. « Oh, et puis félicitations pour ta place en demi-finale. » Je crois que je vais dire ça à tous les demi-finalistes que je croise. Que voulez-vous, je suis gentille et polie, si c’est pas merveilleux.

Il est vrai que depuis quelques semaines j’ai l’habitude de croiser Jorah, et ce n’est pas pour me déplaire. J’ai appris à le connaître sur le tard, mais je ne le regrette pas, clairement. C’est donc avec le sourire que je l’accueille dans le musée, il ne pouvait pas mieux tomber. « Oh, mais fallait me le dire, j’aurais eu pitié et je me serais arrêtée. » Suffisait de crier mon nom à l’autre bout d’un couloir, et je l’aurais attendue, je suis comme ça moi, le cœur sur la main. Je lui demande ensuite s’il a déjà eu vent d’un indice diffusé dans cette fameuse vitrine, parce que ça m’intrigue quand même, hein, peut-être que Cupidon attend la dernière heure de jeu pour en dévoiler, hm. « T’as pas tort, les seules fois où je suis venue ici c’était dans l’espoir d’apercevoir un indice. » Et même si mon but en venant ici était de visiter le musée pour une fois, la seule raison pour laquelle j’y suis restée plus de dix minutes, c’est bien cette vitrine. « En tout cas, s’il est effectivement désespéré, c’est pas moi qui vais avoir pitié de lui. » Et le réconforter, tout ça. Parce que c’est un petit sadique le Cupidon quand il veut, et même si personnellement il ne m’a jamais rien fait, je l’aime pas, c’est physique je crois. Je le félicite ensuite pour sa place en demi-finale, je crois que je vais faire que ça cette semaine. Il fait de même. « Merci. » Que je dis avec un sourire. Je suis contente de ma place en demi-finale quand même, hein, je vais pas m’en cacher. Il me demande ensuite si je me pensais capable d’arriver à ce stade du jeu. « Honnêtement ? Non, je me voyais être dégagée après genre, un mois. » Parce que je suis pas spécialement douée pour sympathiser avec les autres, il y avait qu’à voir le temps que ça m’a pris de réellement découvrir Jorah. Et tout le monde sait que dans ce genre d’émissions, il faut se faire apprécier si on veut aller loin, c’est un peu une qualité de base, hm. Et j’ai beau être quelqu’un de déterminée, ça m’aide pas vraiment dans ce jeu. « Mais maintenant que j’en suis là, j’espère bien atteindre le dernier carré. » Que je lance avec un sourire. Et bien oui, hein, ce serait une petite fierté quand même d’arriver jusqu’en finale, et la cerise sur le gâteau serait la victoire. « Et toi ? Tu te voyais te retrouver si proche du but ? » Parce que j’imagine que c’est notre but à tous, non, en venant ici ? Décrocher la victoire. Et je retourne la question à Jorah, parce que je ne sais pas jusqu’où il s’imaginait aller. Peut-être qu’il se trouve dans le même cas que moi et qu’il est surpris de sa place en demi-finales, ou peut-être qu’il a toujours su qu’il atteindrait cette phase du jeu.

Il n’avait qu’à me dire qu’il me suivait, je suis sympa, j’aurais ralenti la cadence juste pour lui. Je veux pas non plus qu’il se fatigue trop, le pauvre. Mais il s’avère qu’il n’a pas osé me demander de ralentir. « Voilà, et pour être sûr de capter mon attention, oublie pas de m’appeler ‘’son altesse royale Rowan’’, merci. » Comme ça, je suis sûr de pas le laisser derrière sans m’en rendre compte. Quoi qu’il en soit, mon attention est de nouveau happée par la vitrine, qui ne sert véritablement à rien. Sauf peut-être à attirer les candidats ici, mais désespéré ou non, Cupidon n’aura jamais ma pitié. Et je ne suis pas la seule à être de cet avis. « Professeur Jorah. Ça te va bien, hm. Quand tu donneras ces fameux cours à Cupidon, appelle-moi, je voudrais pas rater ça. » Juste pour voir la réaction de Cupidon chéri, je suis sûre que ça vaut son pesant d’or. Il me félicite également pour ma place en demi-finale et me demande par la même occasion si je me voyais arriver aussi loin. Il est clair que je ne me voyais pas arriver jusqu’en demi-finale. J’estime avoir une forte personnalité, mais certainement pas aussi forte que certaines de celles que j’ai rencontré au cours du jeu, et qui m’ont faite doutée quant à ma durée dans un tel programme. Et me voilà, finalement, presque en finale. C’est l’objectif, après tout. « Ça coute une certaine désillusion si tu t’écrases aux portes de la finale. » Je suis pas pessimiste, du tout. Mais il est évident que même avec un l’espoir le plus minime, la chute est douloureuse. Je retourne la question à Jorah, et il s’avère qu’il est aussi surpris que moi d’être arrivé aussi loin. « Pour quelle raison tu te demandais ça ? » Je suis curieuse, maintenant. Était-ce parce que l’enfermement était dur à supporter, ou à cause des candidats trop différents les uns des autres ? Il a attisé ma curiosité. Il me demande ensuite si j’ai quelqu’un a rendre fier à l’extérieur. Euh… Pas vraiment, non. « Non, pas que je sache. » Ma famille a peut-être apprise ma participation via leur poste de télévision, et cela m’étonnerait que mes collègues me suivent vraiment, vu que j’en ai touché deux mots avant de partir en congé, il est probable qu’ils aient oubliés. Quant à mes amis, leur nombre étant plus que restreints, je peux peut-être compter sur un ou deux d’entre eux. Quoi que, on ne peut pas vraiment parler de réelle amitié dans notre cas, peut-être qu’ils seront tout de suite plus intéressé si je viens à recevoir un gros chèque, mais me regarder via un poste de télévision, j’en doute. Alors ouais, cette aventure je la vis pour moi et personne d’autres, et ça me va très bien. « Et toi ? » Je sais pas grand-chose au final de lui, hm. « D’ailleurs, tu appréhendes la révélation des secrets ? » Que je demande ensuite. Le sien étant encore intact, comme la plupart, il y a de fortes chances qu’il soit dévoilé lors d’un prime. Et vu comme les deux seuls secrets dévoilés ont été un sujet sensible pour les principaux concernés, peut-être que d’autres candidats sont dans le même cas quant à la future révélation de leur secret.