Lundi matin, journée somme toute particulièrement banale au premier abord, j'étais encore à moitié assoupie lorsque je me rendus compte que la place à mes côtés était étrangement vide. J'avais toujours eu l'habitude de me réveiller avant Franz même si je n'avais aucune idée de l'heure qu'il était. Comme à l'accoutumée, je m'étais dirigée vers la salle de bain afin de prendre une bonne douche, toujours étonnée de ne pas avoir croisé mon petit ami. Puis soudain par je ne sais quel miracle, la date du jour, ou plutôt l'événement de la journée. La Saint Valentin, fête qui m'avait toujours exaspérée jusque là, mais qui avait une toute autre saveur aujourd'hui. Seulement, nous étions enfermé dans une maison et c'était loin de faire mes affaires. Je sortais de ma douche en quatrième vitesse, cherchant désespérément ce que j'allais bien pouvoir trouver. La cuisine était loin d'être une possibilité pour moi, véritable calamité dans ce domaine. D'ailleurs une odeur alléchante m'attira vers la cuisine, occultant mes préoccupations soudaines, le rez de chaussé embaumait le chocolat. J'entrais dans la pièce où Franz se trouvait, il semblait assez tendu. Un sourire se dessinait sur mes lèvres alors que je m'approchais doucement de lui. « Qu'est ce que tu prépares mon ange ? Ça sent divinement bon ... » Murmurais-je malicieusement, alors que je déposais mes lèvres sur les siennes doucement.

Toujours plongé dans ma tâche, je n'en gardais pas moins l'oreille tendue, guettant le moindre bruit suspect. Et pour cause car, à peine avais-je fini la préparation de ma pâte que déjà j'entendais les escaliers craquer de l'autre côté de la cloison. Mon cœur bondit littéralement dans ma poitrine, un long frisson d'effroi vint se déchainer le long de ma colonne vertébrale alors que je saisissais à la volée le moule face à moi, attrapant plus ou moins habilement le saladier de mon autre main. Je ne l'avais pas beurré, tant pis étant donné que je versais déjà le contenu dans le récipient, me mordant la lèvre, penchant dangereusement le saladier qui déborda sur mes doigts. C'était une véritable catastrophe. La poignet s'actionna alors, heureusement que l'habitant s'avérait être plutôt lent. Mon four déjà ouvert, je me baissai avec mon plat dans les mains aussitôt, renversant du chocolat sur mon pauvre t-shirt au passage, avant de ramper à genoux vers la gazinière dans laquelle j'enfournai aussitôt celui-ci, le fermant en soupirant de soulagement alors que la porte se refermait. Je me redressai, énervé comme un poux, et fit face à une Sydney plus qu'enjouée. Je ne parvenais pas à lui rendre son sourire, j'étais juste tétanisé.

Une bricole pour midi, je me suis dis qu'il était tant que je fasse un peu de cuisine dans cette maison... De la purée ça te v...

Cassandre fit irruption dans la pièce, mes yeux vinrent aussitôt balayer le plafond, j'étais exaspéré. Je profitai de cette intrusion qui dissipa l'attention de ma petite amie pour régler derrière mon dos le four, tentant en vain de ne pas complètement me tromper sur le temps de cuisson malgré ma position peu pratique.

Vous savez je déteste cuisiner avec du monde autour de moi, si vous voulez vos haricots... enfin votre purée ET vos haricots pour ce midi il va falloir déguerpir d'ici.

Je me mordis la lèvre, espérant que personne ne se rendrait compte du chocolat imbibant mes mains et des plaquettes de celui-ci trônant sur le comptoir.

Je n'étais visiblement pas la bienvenue à en juger par la mine qu'affichait Franz, il semblait étrangement énervé. J'arquais un sourcil d'incompréhension, mon sourire s'affadit en moins de deux secondes. Puis il m'avouait qu'il avait décidé de cuisiner ... de la purée, septique j'étais sûr le point de répliquer lorsque Cassandre fit son apparition dans la pièce. Il semblait d'être cogné contre un tabouret vu le boucan qu'il venait de faire. Ce pourquoi je me retournais dans sa direction, constatant avec un certain amusement que je pouvais dissimuler malgré sa souffrance apparente. « Mais qu'est ce que tu as fait ? Ca va ? » Demandais-je alors qu'il avait beaucoup de mal à se redresser, ne remarquant pas les agissements de Franz derrière mon dos. « Des haricots et de la purée ? Humm, je suis loin d'être douée en cuisine mais j'ai l'impression que ça sent le chocolat ... » Lançais-je amusé, persuadée qu'il allait enrager d'avantage, pourtant je n'étais pas dupe, il cherchait à cacher quelque chose j'en aurais mis ma main à couper. Baissant quelque peu les yeux machinalement, j'aperçus une trace suspecte et marron encore fraîche sur son t-shirt. « De la purée incontestablement. » Susurrais-je malicieusement alors que je passais mon doigt sur la tache légèrement humide.

Non effectivement tu es tout sauf douée en cuisine, crois-en mon expérience, alors chut.

Je lui fis les gros yeux, pourquoi ne partaient-ils pas? Ils discutaient face à moi comme si de rien était, mes jambes plaquées contre la vitre du four commençaient à doucement chauffer, c'était agréable mais je ne doutais pas qu'elles n'allaient pas tarder à brûler. Apparemment Sydney, loin d'être dupe, ne semblait pas croire un traitre mot de ce que je lui racontais. Moqueuse, elle vint ainsi glisser son doigt sur l'auréole chocolatée qui s'était formée sur mon t-shirt quelques secondes plus tôt, me clouant définitivement le bec.

C'est f...faux. Je...

J'étais rouge de honte, de colère, j'hésitais à leur hurler dessus de déguerpir pour que je puisse terminer ma surprise mais ça aurait été me vendre que de réagir ainsi. Pourtant j'étais plus qu'embarrassé, je ne voyais pas comment les faire sortir de la cuisine sans attiser leur curiosité. Me mordant la lèvre, perdant patience au fur et à mesure que les secondes s'écoulaient, je fronçai finalement les sourcils en m'insurgeant, balançant le gant de cuisine qui trainait par là avec rage sur le sol carrelé.

OUI J'AVOUE, J'AVOUE TOUT, JE TE FAISAIS UN GATEAU AU CHOCOLAT POUR LA SAINT-VALENTIN. T'ES FIÈRE DE TOI HEIN? Je me décalai, lui indiquant dans une révérence le moule en forme de coeur dont la pâte ne prenait curieusement pas de volume. Je me penchai ainsi vers la vitre, me retenant d'y coller mon nez. Pourquoi il gonfle pas? Han. Me relevant aussitôt, je fondis sur le comptoir où se dressait fièrement un paquet de levure encore fermé. Je dû pâlir à vue d'œil, mon front vint aussitôt s'écraser sur le meuble alors que je gémissais longuement dans une plainte à fendre le cœur à plus d'une personne. J'étais trop dégouté pour articuler. Partez s'il vous plait, laissez-moi mourir ici.

Je haussais les sourcils alors qu'il affirmait en gros que je n'y connaissais rien, j'étais certes une calamité dans la confection de plats mais je n'étais pas si désespérée pour confondre purée et chocolat c'était incontestable. Son visage changeait d'expression, de couleur et de consistance à mesure que les secondes s'écoulaient que s'en était déroutant. Il finit même par lâcher le morceau, une surprise pour la Saint-Valentin, avais-je bien entendu ? Un gâteau au chocolat pour moi ? Pour la Saint-Valentin ? J'étais touchée, admirative, et particulièrement heureuse par une telle attention. Seulement je restais interdite devant un tel excès de colère, que je pouvais comprendre finalement, je commençais à le connaître et a analyser ses réactions si bien que je l'imitais jetant un œil vers la vitre du four où trônait le moule, le gâteau, affichant une mine niaise à souhait prête à fondre littéralement, mais pourtant honteuse de ne rien avoir à lui offrir en retour. Lorsqu'il s'exclama qu'il avait oublié la levure, il semblait tellement triste et dégoûté que je culpabilisais de l'avoir interrompu, j'en avais mal pour lui. Mais m'approchais d'avantage passant ma main autour de sa taille. « Mon amour, c'est parfait ne t'en fais pas pour ça. C'est la plus belle attention qu'on ai jamais eu pour moi, tu ne peux pas savoir à quel point ça me touche. J'ai bien l'intention d'y goûter si tu me le permet, ça sent tellement bon que c'est pas un peu de levure chimique qui va m'arrêter ... C'est parfait, tu es parfait Franz et j'ai tout gâché ... » Murmurais-je suavement, glissant ma main sur son visage délicatement, essayant de capter ses iris qu'il dissimulait toujours.

Contrairement à la plupart du temps, la tendresse de Sydney n'eut pas le mérite de m'apaiser dans mon accès de colère. Plus qu'énervé à vrai dire, j'étais profondément dépité et déçu, j'avais dans mon esprit envisagé tel ou tel scenario où la jeune femme aurait été agréablement surprise de ce modeste gâteau que j'aurais pu lui apporter. J'attendais énormément de cette journée, peut-être aussi était-ce un moyen pour moi de lui prouver à quel point je tenais à elle, et puérilement, je ne parvenais à cesser de m'en vouloir. Je voyais mes plans de la journée tomber à l'eau, c'était pénible et celle-ci semblait perdre de sa saveur désormais que je n'avais plus rien à lui offrir de bien romantique. Sa main vint ainsi doucement caresser mon visage, je soupirai longuement en tournant légèrement la tête vers la jeune femme, laissant mon nez venir se frotter contre son bras avant de finalement me redresser, le regard planté sur le carrelage.

Tu n'as rien gâché, c'est moi qui n'ai pas su gérer mon temps comme il le fallait. Désolé.

Et ça me tuait qu'elle puisse rejeter la faute sur sa personne, je me doutais qu'elle le faisait pour me rassurer et me calmer, mais ça n'avait au contraire pour effet que d'accentuer ma mauvaise humeur. C'était idiot, pour un simple gâteau, mais il avait à mes yeux une valeur plus symbolique encore. J'ôtai ainsi mon t-shirt tâché, me dirigeant d'un pas las vers le cellier où se trouvait le nécessaire pour laver le linge.

J'avais tenté de l'apaiser en le rassurant, lui avouant que ça n'avait pas d'importance, et au bout du compte ça n'en avait pas réellement. J'étais réellement heureuse de cette attention, bien qu'évident le reste m'aurait assurément plu. Seulement cette attention signifiait déjà tellement beaucoup, j'imaginais qu'il devait être comme moi en temps normal, trouvant cette fête plus ridicule que romantique si bien que j'étais réellement impressionnée. Pourquoi que je dise il semblait toujours aussi dépité, ça me fendait le cœur de le voir ainsi. Il s'excusait à son tour, excuses qui n'avaient à mon sens pas lieu d'être. Je laissais glisser ma main le long de son visage, me dégageant légèrement de lui. Impuissante face à la situation, je me contentais de le regarder s'éloigner vers le cellier, le talonnant de près. « Tu n'as rien gâché, la journée ne fais que commencer, on a encore du temps pour rendre cette journée exceptionnelle. » Murmurais-je alors que je refermais la porte derrière nous, je m'approchais doucement de lui, le sourire accroché aux lèvres. Je me mordillais la lèvre inférieur alors que mes yeux glissaient dans les siens. Je passais délicatement le bout de mon index sur ses lèvres, puis le laissais glisser doucement sur son menton, arrêtant sa course sensuelle sur ses pectoraux dont je dessinais le contour tandis que je dévorais ses lèvres du regard avec envie, en espérant qu'il se détende légèrement.

Faisant le nécessaire pour sauver mon vêtement, j'avais pleinement conscience de la présence de Sydney dans la pièce, derrière moi. Elle m'avait suivi et après avoir fermé la porte, c'était aussitôt approchée de moi pour me parler. Au fond elle avait raison, autant relativiser, ce n'était qu'un vulgaire gâteau et peut-être était-il possible de rattraper le désastre de ce début de Saint-Valentin. Son doigt parcourant les muscles de mon torse, je me mordis la lèvre dans un agréable frisson alors que j'approchais mon visage du sien, embrassant doucement sa bouche dans un baiser relativement chaste avant de me reculer un peu. Une idée me traversa l'esprit, peut-être que tout n'était pas définitivement perdu et j'avais encore l'occasion d'offrir un présent à la demoiselle pour marquer la journée. Mon poignet était orné d'une petite chainette en argent d'une valeur quasi-nulle à mes yeux tant les circonstances de son achat (des vacances dans le sud de la France) en était banale. Je défis celle-ci avant de la faire glisser entre mes doigts, saisissant de mon autre main le bras fin de la jeune femme pour venir attacher avec le plus de délicatesse possible le bijou autour de son poignet.

Je sais que ce n'est pas grand chose, mais c'est notre dernière semaine dans la maison. Tu as sûrement dû me subtiliser quelques uns de mes sous-vêtements pour surmonter mon absence.. Je me stoppai un instant, embrassant son front en riant, taquin. Mais considères que ce bracelet est une promesse, et que je viendrais vérifier en personne si tu le portes toujours même après l'émission.

Je plongeai mon regard dans le sien, soupirant tristement avant de lui décocher un léger sourire. C'était une évidence, même si j'étais désormais certain de revoir Sydney après Fake Lover, ce ne serait sûrement pas avant quelques semaines, et autant l'avouer, cette trop longue pause risquait d'être particulièrement insupportable pour elle comme pour moi. Mes mains vinrent se nouer autour de sa taille, je me penchais à son oreille sans cesser de sourire avant de souffler venir souffler à celle-ci, malicieux mais pourtant plus que sérieux.

Je t'aime.