Si je comptais bien, cela faisait minimum deux ans et demi que je ne n'avais pas plus partagé mon lit avec quelqu'un de l'autre sexe… Depuis qu'elle était partie… Mais, cela c'était une autre histoire. En attendant, j'étais véritablement surpris par le luxe du nid d'amour, je m'attendais à quelque chose de grandiose, mais sincèrement pas à ce point-là. Un peu mal à l'aise dans ces draps de soies, je ne me sentais comme pas à ma place, même si sur le fond ma présence ici était tout à fait légitime. Je tournais à droite, à gauche, fermais un œil, puis l'autre avant de rouvrir les deux. Ranja était à mes côtés, j'espérais ne pas la déranger, avec mes mouvements intempestifs… Ce n'était que la première nuit. Tout irait mieux par la suite, enfin ça c'est ce que j'espérais. En attendant, vu que ce foutu sommeil, perturbé par la multitude de questions qui me venaient en tête, ne voulait pas venir. Je me contentais de rester allongé, les yeux grands ouverts. Mon dieu, sincèrement qu'étais-je venu faire dans cette galère.

Diego s'avère être un couche-tôt, en tout cas ce soir. C'est un peu un bummer vu qu'il y a une ambiance de folie dans le nid d'amour après l'arrivée de tout le monde. Personne n'est encore dans la suite et Ranja trouve ça dommage de se coucher comme un gosse fatigué ou boudeur. « Qu'est-ce que tu fais déjà couché ? » elle demande ça en le jugeant un peu du regard. Il est couché, elle est debout, au bout du lit et elle attend une réponse. Non en fait vous savez quoi ? Elle s'en moque de la réponse. « J'espère pour toi que tu dors pas à poil... » menace-t-elle en attrapant les draps et en tirant de toutes ses forces pour exposer Diego à la chaleur ambiante de la pièce. Pas question qu'il joue à l'ermite. Ranja éclate de rire parce qu'elle n'aurait jamais fait ça en temps normal, mais elle ne sait pas si ce sont les hormones du bonheur présentes dans son système parce qu'elle est enfin dans le nid ou simplement l'envie de le secouer qui parlent, mais elle rit à pleins poumons. « Lève-toi et danse avec moi ! » C'est la suite Michael Jackson quoi ! Le sol clignote sous ses pas ! Si c'est pas génial ça ! Elle se dandine en rythme avec la chanson Billie Jean dans la tête qu'elle fredonne entre deux rires. Diego a intérêt à se détendre un peu, parce que s'il est cul-serré ça va pas l'faire. Et il veut pas être du mauvais côté de Ranja.

Faire la fête, me lier aux autres… Ce n'était pas quelque chose dont j'avais l'habitude, bien au contraire. Je m'étais donc couché tôt, mais ma partenaire n'était pas du même avis. Sa question, me tira définitivement des brumes du sommeil. Je n'avais pas de réponses précises à lui donner, juste un simple :

Une simple envie de…

Je n'eu pas le temps de finir ma phrase que la couette s'envolait. Je me retrouvais en caleçon devant la demoiselle. Nouveau sourire, quand je l'entendais rire. Puis écoutais sa proposition des plus surprenantes. Danser, là ? Tout de suite ? Pourquoi pas ? Maintenant que j'étais réveillé, je n'allais pas me rendormir tout de suite donc…

Si tu veux…

Je disais ça la voix encore un peu pâteuse. Je me levais, saisissais les mains de la jeune femme et tentais de mettre en pratique quelque pas de rock'nroll appris au fil des ans. Le résultat certe très loin d'être exceptionnel, m'avais au moins permis de me réveiller complètement. Au fond, elle avait raison, ce n'était pas en restant dans mon lit à me morfondre que j'allais profiter de mon aventure. Je devais laisser mon passé au placard et me concentrer que sur le présent et l'énorme chance que j'avais d'être ici.

Les lumières sous leurs pieds font écho à des feux d'artifices et autres jeux de lumières. Il a un peu grommelé mais il se laisse aller et c'est comme ça que Ranja veut voir son partenaire. Quelqu'un de vivant, de motivé, d'enthousiaste. Pas un dépressif qui dort le premier lors de la toute première soirée dans le nid. « Voilààà ! Tu vois quand tu veux ! » lance-t-elle tout sourire. Elle sait jouer de ses charmes, de son caractère ambivalent qui peut autant irriter que fasciner. Ranja n'est pas prête de lâcher Diego, elle va le coatcher pour qu'il devienne le meilleur partenaire possible. S'il s'avère incapable de progresser elle devra trouver un moyen de se débarrasser de lui. C'est froid comme réflexion, mais pragmatique. Elle ne fait pas toujours des choix politiquement corrects, mais elle veut qu'il s'investisse au moins autant qu'elle dans la réussite de leur aventure commune et de leurs aventures personnelles. Sinon... tant pis, il devra faire face aux conséquences. « C'est comme ça que tu dois être en permanence, pumped-up, engageant et drôle ! L'artiste torturé tu le gardes pour les candidats que ça intéressent vraiment. » l'encourage-t-elle, commençant déjà à lui donner quelques directives mais qui sont, à ses yeux, dans son bien à lui avant d'être dans le sien à elle. Ranja ne veut pas croire qu'il a décidé de participer à Fake Lover pour dormir pendant que tout le monde s'éclate. Ou alors il est à l'ouest complet s'il pense avoir une chance de gagner en jouant les loups solitaires au début de l'aventure. Et une chose est sûre Ranja ne se laissera pas entraîner dans sa chute. « T'as intérêt à scorer auprès des filles, des mecs, de qui tu veux, je veux pas finir sur le banc des nominés la première semaine compris ? » lui dit-elle sans un sourire. Ils n'ont pas eu des supers scores du côté du plébiscite. Elle préfèrerait éviter que ça se répercute sur leur aventure dès la première semaine. Il lui faut plus de temps pour que les gens se fassent une idée sur qui elle est vraiment.

Au fond, plus j'y pensais plus je me rendais compte qu'on était assez éloigné l'un de l'autre Ranja et moi. Pourtant Cupidon nous avait mis ensemble et en cette première soirée d'aventure le courant semblait bien penser. Dansant avec la jeune femme sur les dalles multicolores, je riais à ses conseils, ne trouvant à dire que de simples banalités :

Je vais faire de mon mieux, mais je ne te promets rien. J'ai pas forcément l'habitude d'être pumped-up comme tu dis… Mais s'il s'agit d'être juste drôle et engageant, je pense pouvoir me débrouiller.

Je continuais de danser, continuant d'écouter ses conseils et autre remontrance. Point positif, on avait le même objectif… Même si cela, elle ne le savait pas encore… Je comptais garder mon masque encore un peu, histoire de vraiment savoir à qui j'avais à faire :

Je ne compte pas partir tout de suite non plus, ne t'inquiète pas. J'espère même aller loin dans le jeu, ensemble côte à côte. Qui sait ? On sera peut-être le nouveau binôme à atteindre la finale ensemble ?

Je sais, cela sonnait un peu bizarre venant de moi, mais que voulez-vous. Je suis bizarre… En attendant, ici, comme ailleurs, mon let-motiv restait le même. Aller jusqu'au bout, ne rien relâcher et si possible, remporter la partie. J'étais certes venu ici pour me redonner gout à l'aventure, mais si je pouvais emporter un peu d'argent et de prestige en plus. J'étais loin d'être contre…

Ranja ne sait pas encore si Diego est le genre de garçon qui a toujours la bonne réponse, le bon mot. Ce type de bons élèves qui disent toujours ce qu'il faut quand il faut mais dont les actions ne sont pas en adéquation avec leurs actions. Mais pour l'instant elle n'a d'autre choix que de lui faire confiance, ou du moins de lui accorder le crédit qu'il mérite pour l'effort. « Tant que tu fais de ton mieux je ne peux pas en demander plus. » tranche-t-elle. S'il fait de son mieux, ce sera la base avec laquelle elle pourra travailler, mais avant l'intervention, Ranja doit procéder à l'observation. Danser commence à devenir un peu répétitif, à deux, sans musique et entre deux lits... Alors une fois que Diego a répondu à sa dernière suggestion, Ranja s'assoit en tailleur au bord de leur lit. « Il faut survivre à la première semaine avant de penser à la finale. Mais c'est bien, t'es positif. » précise-t-elle parce que les premières semaines sont les plus dures. Les gens ne se connaissent pas vraiment et votent par a priori ou première mauvaise impression. Pour être honnête, Ranja est prête à prostituer Diego si ça peut lui éviter à elle de finir sur le banc des nominés.« Bon, parle-moi de ton art. Ses thématiques, ses formes. » relance-t-elle histoire d'apprendre à le connaître un peu mieux, de cerner le personnage.

Ranja semblait douter de moi, de mes intentions… En même temps c'est ce que je voulais, ne pas me dévoiler trop vite, rester dans l'ombre et au moment propice émerger dans la lumière. Après, je n'allais pas non plus faire mon asociale, je comptais juste rester moi-même et ne pas en faire des tonnes, cela pouvant vite agacer. J'écoutais ses dernières remarques, au fond j'étais d'accord avec chacune d'entre elle, même si celle concernant la première semaine de jeu me fit sourire :

Je suis persuadé qu'on va la passer haut la main cette première semaine. Certains candidats semblent bien plus détestables que nous… Ils seront surement assez vite poussés vers la sortie.

Enfin, cela n'était que des suppositions basées sur les maigres connaissances que je possédais en télé-réalité. En attendant j'étais content qu'elle change de sujet, basculant sur quelque chose que je maitrisais un tant soit peu mieux, mon art :

Mon art, c'est assez simple… Je pars d'un dessin, que je transforme en peinture, puis en sculpture. Je m'inspire de ce qui m'entoure… C'est un peu pour ça que je suis ici aussi, retrouver une source d'inspiration nouvelle. Plus innovante, plus créative, plus moi quoi…

Je n'avais ni l'envie, ni le besoin d'en dire plus pour le moment. Si elle voulait plus de précision ou une démonstration, elle n'avait qu'à demander, je lui répondrais avec plaisir.

Diego est un élément intéressant, peut-être pas celui qui aux yeux des téléspectateurs est le plus extravagant ou le plus attachant des personnages, mais Ranja peut travailler avec ce genre de caractère. Elle n'est pas méprisante, elle est simplement pragmatique, dans la vie de tous les jours elle travaille avec des gens qui n'ont pas énormément de charisme et les rend brillants et désirables. Son job va être de faire de même avec son partenaire. Même si celui-ci dit parfois des trucs un peu gênant. « Je ne veux pas qu'on soit détestable, tout court. C'est pour ça que je te dis que s'il faut que tu caresses des gens dans le sens du poil, même si c'est hypocrite, do it. » Ranja se fout qu'on la voit comme une manipulatrice, comme une fourbe. Elle veut gagner, elle veut qu'on les prenne au sérieux. Le prime d'il y a quelques heures les a placés quatorzième et vingt-huitième sur les quarante habitants des Abysses. Cependant parmi les sélectionnés la place de Ranja n'a pas changé, elle est toujours quatorzième sur trente-deux alors que la place de Diego s'est rapprochée de la zone de danger, étant donné qu'il est vingt-septième du classement. Alors s'il a besoin de faire un peu de lèche, qu'il ne s'en prive pas. « Donc tu es un artiste qui a perdu sa voie... on peut travailler autour de ça, faire en sorte que les gens soient compatissants et veuillent te voir retrouver ton inspiration. Donner une mission aux gens ça les pousse à s'investir. » réfléchit-elle à voix haute, estimant qu'il est capable d'entendre et de comprendre son processus de pensées et de monter dans le train déjà en marche. « Tu as retiré quoi de ton expérience aux abysses ? Qui sont nos plus gros adversaires selon toi ? Avec qui as-tu eu des frictions ? Avec qui tu t'es bien entendu ? » s'enquit Ranja décidée à apprendre le plus sur son ressenti et sur la liste des gens qu'il pense pouvoir leur nuire, ceux qu'ils peuvent peut-être compter dans leurs rangs.