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Lundi, 14h18. À défaut d’être à son bureau à cette heure-ci, Mylah tente de s’occuper comme elle le peut. Bien que l’hôtel soit particulièrement luxueux et comporte un nombre impressionnant de pièces toutes plus agréables les unes que les autres, elle doit reconnaître que son bureau lui manque atrocement. Elle n’a pas l’habitude de rester éloignée de son travail aussi longtemps, elle ne peut s’empêcher de se demander comment se porte son entreprise. Enfin, techniquement celle-ci est en stand-by car il lui était impossible de s’imaginer confier les rênes de son bébé à n’importe qui, mais elle se questionne quant à ses employés qui ont été délocalisés le temps qu’elle participe à Fake Lover. Ils ne sont pas au chômage, elle s’est assurée que ça ne soit pas le cas, mais ils ne sont pas non plus engagés auprès d’une autre entreprise. Mais à vrai dire, elle sait que ses employés lui sont fidèles. Le plus dur, c’est bien de ne pas avoir le nez plongé dans les multiples dossiers qu’elle traite. Et surtout, de ne pas diriger des équipes en leur confiant les tâches qu’elle a sagement élaborées pour eux. L’on peut dire ce que l’on veut de Mylah, mais elle est réellement impliquée dans son travail, elle ne se contente pas de toucher un gros chèque à chaque contrat, puisqu’elle aime diriger et s’assurer que les choses soient bien faites. Et pour que les choses soient bien faites, il faut absolument que ce soit elle qui s’occupe du travail administratif. Ce qui lui manque également, c’est son smartphone, qu’elle se surprend à chercher plusieurs fois par jour en fouillant ses poches. Elle n’est pas habituée à ne pas l’avoir sous la main. Elle l’a constamment avec elle, que ce soit pour lire ses mails ou pour passer de nombreux coups de fil. Autant le dire, Mylah a un léger coup de blues à l’idée d’être loin de son travail. Alors elle tente de s’occuper comme elle le peut et sa seconde occupation après le travail consiste au nettoyage. Elle ne va pas nettoyer pour les autres – bien que cela la démange atrocement – parce qu’elle estime qu’elle n’est pas la femme de ménage du nid, bien qu’elle cédera tôt ou tard, même si elle n’en a pas conscience. Pour l’instant, donc, elle s’occupe uniquement de ses affaires à elle. Du moins, pour ce qui est du linge. Elle emporte la combinaison noire qu’elle a revêtue lors du prime – pour peu de temps, l’élégante tenue ayant été remplacé par une combinaison informe de paintball – afin de laver celle-ci, puisqu’il est impensable que ses vêtements ne soient pas lavés dans les quarante-huit heures qui ont suivi leur utilisation. Elle la pose délicatement dans le tambour de l’une des machines à laver, s’assurer de mettre les bons produits ainsi que le bon programme pour ne pas l’abimer – c’est quand même un grand créateur – et elle s’appuie contre un placard pour observer la machine qui fait son travail. Impensable que de la laisser sans surveillance, s’il vient à y avoir un problème et que sa tenue se retrouve gâchée. Au bout d’une dizaine de minutes, la porte s’ouvre et Mylah adresse un regard furtif à la candidate qui vient de pénétrer dans la pièce, avant de rapidement reporter son attention sur la vitre pour s’assurer qu’aucun malheur n’a eu lieu durant les trois secondes où elle a détourné le regard. « Bien remise de dimanche ? Pas trop de bleus ? » Elle questionne Ranja, accompagné d’un léger sourire. Parce que des bleus, Mylah en a quelques-uns, bien qu’elle soit plutôt épargnée par rapport à d’autres candidats. Et même si elle a l’impression que son corps tout entier est meurtri, elle ne le fera pas savoir et ne le montrera pas sur son visage, la maîtrise absolue de son être avant tout. Hors de question de montrer ses faiblesses. « C’est quoi, exactement, ton lien avec Istvan ? » Elle finit par demander, curieuse, parce qu’il lui a légué sa rose et qu’elle a sûrement raté un épisode. Elle a cru comprendre qu’ils étaient frère et sœur, mais aussi qu’ils étaient originaires du même pays, alors quant à savoir ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas, elle ne demande qu’à être renseignée.

Où serait-elle normalement ? Cette question la perturbe toujours un peu tant son quotidien est inhabituel dans le nid d'amour de Cupidon. Elle ne se rend pas compte d'à quel point le temps passe vite, mais surtout d'à quel point la vie qu'elle mène à l'extérieur peut lui manquer lorsqu'elle est prise dans la folie de la vie dans le nid. Mais là... là qu'elle se prépare à passer du temps à la laverie, un lieu qu'elle ne fréquente jamais dans son immense appartement au cœur de Soho. La laverie c'est le domaine de Svetlana, pas le sien, elle, elle fournit les vêtements. Ça lui déclenche un rictus narquois, quand elle pense à la gueule que fera son employée de maison quand elle la verre faire une machine. Ce genre de situation devait être aussi impensable pour Svetlana que pour Ranja avant d'entrer. Celle qui changeait ses couches, qui l'a toujours considérée comme la princesse qu'elle est, doit se marrer de voir son incapacité à lancer un programme à trente degrés, ou au contraire grincer des dents en se disant qu'elle ne l'a pas préparée assez. Pour le coup, c'est bien vrai, Ranja manquait cruellement de préparation en matière de tâches ménagères. C'est les bras chargés d'une robe en soie fine et d'un chemisier en lin qu'elle pénètre dans la laverie et tombe nez à nez avec Mylah. Ranja est partagée entre la joie de ne pas être seule dans cette épreuve, mais aussi -et surtout- gênée que quelqu'un soit témoin de son humiliante inaptitude. « Juste un bleu sur la cuisse et un sous le sein... les mecs se rendent pas compte de ce que ça fait une balle dans les nibards... et toi ? » répond-elle légèrement offensée par l'audace des hommes qui se plaignent dès qu'ils ont un bobo mais qui n'ont jamais connu la douleur que déclenche un coup dans la poitrine. Depuis la fin du prime -et l'élimination d'István- Ranja s'est un peu effacée, elle porte le deuil du candidat, ou elle fait semblant, parce qu'au fond à ses yeux l'élimination d'un candidat (et l'abandon d'une autre) c'est toujours ça de pris. Aussi proche qu'elle soit de l'éliminé. Elle est sans pitié mais c'est pour ça qu'elle est un symbole de réussite dans le monde des affaires, elle n'a pas de sentiment, tout est une question de réflexion, de manipulation des gens pour leur faire accepter des opérations financières, immobilières et autres qui leurs sont favorables même si elles ne le paraissent pas. Mais parler d'István ça l'emmerde. Parce qu'elle sent le danger rôder dans cette course à l'information que mènent les autres candidats. Alors elle a décidé de fournir des informations différentes à chacun. Histoire qu'ils partent tous sur des pistes variées sans savoir laquelle est la bonne. « On n'a aucun lien. On s'est rencontré au début de l'aventure comme vous, c'est juste nos racines nordiques communes qui nous ont rapprochés. » lâche-t-elle en enfournant ses fringues dans la machine avec une dose de lessive pour tissus extra-sensibles. Ranja fait un pas en arrière et regarde la machine avec cet air d'incompréhension classique des gens qui découvrent une invention venue du futur. « Je... tu saurais me montrer comment on lance un programme de lavage à froid pour tissus fragiles ? » C'est embarrassant, un peu humiliant mais elle essaye de ne pas perdre la face. Il n'y a aucun mal à demander de l'aide, c'est même le premier pas vers l'apprentissage...

Elle pourrait laisser sa combinaison là où elle est, dans le tambour de la machine à laver, et revenir dans une petite heure pour mettre délicatement sécher le vêtement. Or, il est hors de question que Mylah s’absente ne serait-ce que cinq minutes. Et si la machine vient à avoir un problème ? Si le tambour déborde et inonde la salle de bains ? Si l’eau s’avère trop chaude et abime le tissu ? Et si le tissu se coince dans le tambour et se déchire ? Elle étudie tous les cas possibles. Et ceux-ci lui disent qu’elle ne doit pas s’éloigner, ne serait-ce que par sécurité. Et puis, elle n’a rien de mieux à faire, autant s’assurer que sa précieuse combinaison résiste au choc. C’est qu’il s’agit d’un vêtement de valeur, et même si le tissu peut passer à la machine et qu’elle a pris toutes les précautions d’usage pour ne pas que le lavage l’abime, elle n’est pas à l’aise à l’idée de s’en occuper elle-même alors qu’elle est une fidèle cliente du pressing. Tout de même, il aurait pu mettre une femme de ménage à leur service, ça crée de l’emploi, en plus. Quoi qu’il en soit, Ranja tombe mal autant qu’elle tombe bien. Le premier contact – bien que furtif – lors du prime a laissé un bon souvenir à la blonde, mais elle est trop concentrée sur ses vêtements pour réellement prêter attention à la jeune femme. Elle tente malgré tout de lancer une conversation et peu importe si elle a l’air malpolie en fuyant son regard, mais sa tenue de la veille l’emporte. Ranja a eu de la chance suite au paintball, n’ayant écopé que de deux bleus. Mylah est envieuse. « Les hommes ont tendance à penser que rien n’égale les douleurs qu’eux peuvent ressentir. » C’est la stricte vérité. Combien d’hommes sont à l’article de la mort pour un simple rhume ? Sans parler de l’apocalypse que représente un coup dans les parties intimes. À côté de ça, les femmes ne souffrent jamais, c’est bien connu. Pondre un gosse, c’est rien, voyons. « Un à la cuisse, un au bras, un sur le ventre et … et c’est tout. » Pas question de parler de celui qui orne son visage, qu’elle a réussi à cacher après de multiples essais et la disparition de la moitié du tube de fond de teint. Il la rend vulnérable. Le seul à qui elle a accepté d’en parler, c’est Allen, parce qu’il est le responsable de son malheur et qu’il fallait bien qu’il assume son acte. Si Ranja a l’œil affuté, peut-être qu’elle le distinguera très légèrement, ou peut-être pas. Inutile de dire que Mylah préfère la seconde option. En parlant de dimanche, le paintball n’est pas le seul événement notable de la soirée, puisque le prime s’est terminé sur le départ d’István qui, aux dernières nouvelles, semblait plutôt proche de Ranja. Mylah ne se gêne pas pour l’interroger sur la véritable nature de la relation, par curiosité et pour enfin savoir où se cache la vérité. Sauf que la réponse de la jeune femme ne satisfait guère l’américaine. « D’accord. Je me contenterais de cette réponse. » Elle glisse, un léger sourire aux lèvres. Inutile d’insister, elle sait qu’elle n’obtiendra rien de plus de la part de la blonde. Cette historie cache quelque chose et Ranja a raison de cacher ce qui doit l’être. Mylah suit du regard sa camarade qui semble observer la machine comme si celle-ci venait d’une autre planète. Elle ne se moque pas, elle était encore ainsi quelques semaines auparavant. Alors quand Ranja lui demande de l’aide, elle ne compte pas l’envoyer balader. Du moment qu’elle ne lui demande pas de lui faire sa lessive, tout va bien. « Je saurais, oui. Reste à savoir si tu veux que je me contente de te le montrer ou si tu veux surtout que je t’empêche de détruire ta belle robe en soie. » Elle déclare, un bref regard désolé en direction de la machine qui contient ladite robe, comme pour préparer les adieux de celle-ci. « Certains estiment qu’une soie peut passer à la machine à eau froide, c’est le cas, mais ton tissu sera malgré tout abimé. » Elle pourra remettre sa robe sans aucun problème, mais la qualité ne sera pas la même. Et si c’est quelque chose qui ne dérangerait certainement pas la population lambda, Mylah pense que Ranja ne doit pas partager cette opinion. « Je me doute que tu n’en as pas l’habitude, mais je te conseille un lavage à la main dans de l’eau tiède, avec de la lessive liquide et quelques gouttes de shampoing, en pressant délicatement ta robe plutôt que de la laisser tremper. Ensuite, tu la rinces à l’eau froide pour éliminer les résidus de lessive, tu l’éponges entre deux serviettes et tu la fais sécher dans un endroit aéré, à l’abri de la chaleur et du soleil. » Elle balance tel un robot, avant d’enfin reprendre son souffle. À l’écouter, elle est une spécialiste du linge, or, il n’en est rien. À vrai dire, elle n’avait jamais fait de machine avant de s’inscrire à Fake Lover. Elle a appris juste avant de venir ici, en se documentant sur la meilleure façon de laver chaque tissu et sur les particularités de chacun. Elle a listé tout cela dans le carnet qui ne la quitte jamais, avant de s’entraîner chez elle pour être sûre de ne pas abimer le moindre vêtement une fois enfermée ici. Elle n’est pas une spécialiste, mais elle estime s’y connaitre un minimum désormais, raison pour laquelle elle se permet de prodiguer ses conseils à Ranja. Qui plus est, elle adore ça, donner des conseils aux autres, elle ne va pas se priver. « Je peux te noter tout ça sur une feuille, si tu le souhaites. » Elle se retient de sortir son carnet de sa poche, histoire de ne pas passer pour plus dérangée qu’elle semble déjà l’être aux yeux de certains.

Spoiler:

Mylah déclare se contenter de cette réponse, ça soulage Ranja elle n'est pas très chaude pour un interrogatoire et surtout pas au moment où elle va devoir mettre les mains à la pâte. Dieu ce qu'elle peut détester le travail de maison. C'est presque avilissant et le pire c'est que les femmes sont toujours obligées d'en faire plus que les hommes pour la simple et unique raison qu'elles n'ont pas de pénis. Révoltant. « Se satisfaire de la vérité c'est très honorable de ta part. Si tu veux je peux t'inventer un mensonge et tu choisiras la version qui te plaît le plus ? » mutine-t-elle en se disant qu'au moins elle lui a laissé la possibilité d'entendre une deuxième version des faits. Mylah est intelligente et Ranja ne veut pas non plus laisser les indices filer comme des bouts de pains dans une forêt. En avoir deux révélés sur le prime lui a suffi pour la semaine, sinon pour le mois. C'est trop injuste, elle a vraiment donné du cœur à l'ouvrage pendant le paintball, les gens de son équipe sont justes des incapables. D'ailleurs, elle a oublié la moitié des personnes qui la compose tellement ils sont invisibles. On va encore dire qu'elle fait la princesse. Lorsque le choix de nettoyer ou détruire, sa robe se présente elle hausse les épaules, l'air nonchalant. « Éviter de la ruiner serait plus productif. » décide-t-elle en hochant la tête avec détermination même si elle ne voit pas comment mettre une robe dans de l'eau avec un peu de savon pourrait la détruire. Mais Mylah doit s'y connaître mieux qu'elle -c'est pas difficile- alors autant écouter le maître en la matière. L'explication qui suit est chiante. Il n'y a pas d'autre mot. Et ce n'est pas à cause de Mylah ou de sa façon d'expliquer, c'est juste que les théories de l'essorage de lessive et de l'art d'être une parfaite femme d'intérieur ne sont pas des sujets franchement passionnants pour la personne lambda, et encore moins pour Ranja qui n'a jamais accordé à une machine à laver ne serait-ce qu'un regard attendri. « C'est très old-school comme méthode de lavage de linge tout ça. J'ai l'impression de revenir à l'époque des lavoirs, c'est pas du tout dégradant. » commente-t-elle sans sourciller imaginant une vieille babouchka frottant du linge bouillie dans une contrée de Russie. Mais bon, aussi déplaisante que soit cette image, elle a pas vraiment le choix quoi. C'est soit ça, soit elle ne lave pas son linge et elle tient pas vraiment à être connue comme étant la fille qui ne lave pas ses fringues. La proposition de Mylah de lui noter ses instructions -déjà barbantes lorsque dites- sur un bout de papier pour l'aider est admirable de bonté d'âme, mais Ranja se doit de décliner, parce qu'elle a retenu le principal et surtout parce qu'elle ne voudrait pas s'endormir en lisant un récit de lavage de soie. « Je risquerais de perdre la feuille, alors te donne pas cette peine j'vais la laver à la main... » sa voix meurt un peu à la fin de cette phrase. Foutre les mains dans l'eau, toucher le linge imbibé, tout ça c'est vraiment pas glamour et surtout c'est super désagréable, elle le sait elle a gagné un concours de tee-shirt mouillé une fois et même si l'ambiance était bonne ce jour-là, le coton mouillé lui avait déplu au toucher. « Bon, pendant que je travaille au nettoyage de ce morceau de tissu, faut que tu tiennes mon cerveau occupé sinon je vais pleurer. » prévient-elle en lâchant un petit rire. Faut pas déconner, elle ne pleure même pas l'absence de son fils, le manque de son intimité, c'est pas mettre ses mains dans l'eau tiède qui lui fera verser une petite larme. « Parle-moi de toi, j'ai l'impression qu'on a jamais eu l'occasion de vraiment discuter. Tu fais quoi dans la vie ? T'as un chéri ? Tu aimes quoi comme musique ? » elle déblatère en faisant couler de l'eau tiédasse dans une bassine avant d'y foutre ses fringues. Elle ajoutera la lessive dans une seconde. Pour l'instant elle préfère regarde le visage taillé dans le marbre de sa partenaire de lessive.