“ can you blame me ”

w/@agata

Maintenant qu'il y repensait, ça n'était pas lui qui avait choisi la télévision mais la télévision qui l'avait choisi, à l'époque où il avait été casté pour une série populaire au Canada. A l'époque, il était jeune, simplement passionné de théâtre et on aurait pu lui offrir n'importe quel rôle qu'il l'aurait accepté. Mais c'est sur le petit écran qu'il s'était révélé, et aujourd’hui c'est vrai qu'il ne s'imaginait pas faire autre chose, aussi difficiles avaient été pour lui ces dernières années, où il s'était plus souvent entendu dire qu'il avait fait son temps que l'inverse. Pour autant, il avait toujours aimé le cinéma. Il n'aurait probablement pas pu y travailler, parce que les projets auraient sûrement un peu trop traîné en longueur pour lui, mais il aimait visionner de bons films quand il en avait l'occasion. C'était ce que sa famille et lui faisaient souvent, il n'y a encore pas si longtemps. Il se revoyait d’ailleurs dans le canapé du salon, sa femme blottie contre lui et leurs enfants assis chacun d'un coté. Il pouvait même encore les entendre se chamailler pour la télécommande. Tout du moins il le pouvait aujourd'hui, mais d'autres jours il en serait incapable. Parce que parfois, et sans qu'il se l'explique, tout semblait s'être déroulé hier, alors que le reste du temps une vie entière semblait s'être écoulée depuis la dernière fois qu'ils s'étaient retrouvés tous ensemble. Il y pensait à cet instant alors qu'il était planté devant la console qui offrait un large choix de films, lui qui s'était déplacé jusqu'au cinéma avec l'idée d'en visionner un. Mais tout seul, ça présenterait moins d'intérêt, parce qu'il était du genre à commenter ce qu'il voyait, et qu'il fallait bien quelqu'un pour l'écouter dans ces cas-là. Heureusement, c'est précisément lorsqu'il s'en fit la réflexion qu'il vit quelqu'un approcher. C'était Agata, sa partenaire, et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il fut ravi de la voir. « Tentée par un film d'horreur ? » qu'il l'interrogea dans un sourire, telle une entrée en matière un peu originale, et pour cause, c'était le genre de films qu'il avait bien envie de voir, lui, cette après-midi. « Parce que justement, je loue mon bras à quiconque voudrait s'y agripper dans un moment de panique incontrôlable, c'est une occasion à ne pas manquer. » Il pourrait au passage lui citer quelques scènes d’anthologie susceptibles de lui donner des frissons, seulement on ne pouvait pas dire que ses références en matière de films d'horreurs soient très actuelles. « Y'a juste un inconvénient, c'est que tant que j'ai pas trouvé un moyen de le détacher du reste de mon corps sans me vider de mon sang, je suis obligé d'assister à la projection moi aussi » qu'il finit par ajouter, dans une grimace teintée d'un certain amusement, parce qu'il avait tendance à penser que ce détail ne dérangerait pas Agata, puisqu'aux dernières nouvelles, la sympathie qu'il avait pour elle était un tant soit peu réciproque, quand même.

Elle est habituée à sa vie organisée, parfaitement rangée, sans qu’une seule seconde ne soit gaspillée ni laissée au hasard. Ici, ce n’est pas le cas, elle a du temps pour elle, presque trop. Elle réfléchit trop ici, et ce n’est pas bon pour elle. C’est pour cela qu’elle fuit la solitude, qu’elle aime être entourée de gens constamment, même si elles ne les apprécient pas toujours ou qu’elle ne partage rien en commun avec eux. Dans l’émission elle est livrée à elle-même, se retrouvant avec des heures dont elle ne sait plus quoi faire. C’est inhabituel, presque dérangeant. Il est quinze heures, et on ne peut dire que sa journée a été productive, même si ici, elles le sont difficilement. Jetant un regard à sa montre, elle se demande ce qu’elle pourrait faire. Il lui semble avoir aperçu un cinéma, bien qu’elle n’ait jamais réellement pris le temps de le visiter plus en détail, ou de s’y arrêter regarder un film. Elle va peu au cinéma Agata, les seules fois où elle s’y rend, c’est pour assister à une avant-première. Ici, on est loin des grandes soirées auxquelles elle assiste, c’est un cinéma plus petit, avec personne pour assister à la projection. Ah si, maintenant qu’elle regarde de plus près elle remarque une silhouette masculine et c’est en s’approchant de plus près qu’elle remarque qu’il s’agit de son partenaire, ce qui lui tire un sourire. Il lui propose un film d’horreur. « Pourquoi pas, mais je te préviens je suis facilement impressionnable, et je risque de ne pas être à l’aise. » Pour ne pas dire clairement qu’elle aura peur, mais c’est ce qui risque de lui arriver. Il lui propose d’ailleurs son bras si jamais elle panique, mais celui-ci doit rester attaché à son corps, ce qui lui tire un léger rire. Elle fait mine de réfléchir et vient finalement s’assoir à côté d’Allen. « Tu veux dire que déjà je dois regarder un film d’horreur et en plus en ta compagnie ? Je ne sais pas trop ce que j’ai à y gagner. » Son amusement est trahi par son sourire, mais elle espère qu’il sait qu’elle n’est pas sérieuse, elle l’apprécie bien évidemment. « Mais je pense pouvoir survivre. Mais je ne veux pas être tenue responsable si ton bras est en mauvais état lorsque tu sortiras de ce cinéma. » Parce que même inconsciemment elle pourrait le serrer un peu trop fort si elle a peur, et elle sait qu’elle ne sera pas rassurée durant tout le long du film. « Enfin, je ne veux pas que tu confirmes l’idée selon laquelle je suis dangereuse. Parce que c’est faux. » Elle ne ferait pas de mal à une mouche Agata, pas intentionnellement en tout cas. « La preuve, je ne t’ai pas encore assommé avec un livre. J’espère d’ailleurs que je ne bouge pas trop quand je dors. » Elle n’a pas encore pensé à lui demander, mais personne ne lui a jamais fait de remarque à ce propos. « C’est ton truc toi d’ailleurs les films d’horreur ? Je ne pensais pas. » dit-elle en revenant au sujet initial.

Allen et les films d'horreur, ça n'était peut être pas l'histoire d'amour du siècle, mais il lui arrivait d'apprécier un bon petit film d'épouvante, du moins quand il avait quelqu'un avec qui partager l'expérience. Parce qu'il avait beau prétendre qu'il serait ravi de prêter son bras à Agata si jamais celle-ci ressentait le besoin de s'y agripper, la vérité c'est que lui aussi serait bien content d'avoir quelqu'un près de lui pour l'aider à supporter le film si certaines scènes étaient trop insoutenables. « Et moi je suis sûr que tu te sous-estimes » qu'il répliqua en tout cas dans un sourire, au moment où Agata laissa entendre qu'il était probable qu'elle ne fasse pas la fière, une fois face à on ne sait trop quels montres ou psychopathes armés jusqu'aux dents. Quant au prêt de son bras, donc, il semblerait qu'elle doute d'être en mesure de supporter que cela implique qu'il lui tienne compagnie pendant la projection, et ça n'avait rien d'étonnant, le courant n'était pas du tout passé entre eux, n'est-ce pas. « Je sais, je t'en demande beaucoup, mais je te jure que si je pouvais faire autrement, je te demanderai pas de faire autant de concessions. » En vérité, il aimait évidemment croire qu'Agata n'aurait rien contre l'idée de passer un moment avec lui, parce qu'elle ne lui avait jusqu'ici donné aucune raison de ne pas apprécier sa compagnie, et ça l'embêterait de ne pas avoir été aussi irréprochable de son coté. Sa partenaire s'inquiéta ensuite de l'état dans lequel pourrait bien terminer son bras s'il s'avérait qu'elle s'y agrippait férocement. « Allons, je sais très bien que tu te ferais une joie de jouer les infirmières pour moi si jamais tu me le cassais » qu'il souffla sur un ton faussement entendu, l'air de placer une douteuse insinuation alors qu'il n'envisageait pas un seul instant de ressortir de là avec le bras en plusieurs morceaux, à moins qu'elle lui ait caché certaines choses. « C'est vrai que tu t'es tenue à carreaux, j'en reviens pas de pas avoir la tête pleine de bosses. T'es bien sûre que t'as dormi avec moi toutes ces nuits ? » ajouta-t-il par la suite lorsqu'elle fit référence au fait qu'aucun livre ne lui soit a priori tombé sur le coin de la figure pendant les nuits qu'ils avaient passé dans le même lit. « Et non tu ne bouges pas, par contre tu parles, beaucoup, et pour dire des trucs pas toujours très clairs … T'as jamais pensé à consulter, Agata ? Parce je pense qu'Addil pourrait faire quelque chose pour toi, tu sais. » Là non plus, on ne pouvait pas dire qu'il soit sérieux, parce que quand bien même elle tiendrait de drôles de discours pendant son sommeil, il était sûrement un peu trop occupé à dormir lui-même pour s'en rendre compte. Ainsi lui adressa-t-il un clin d’œil, avant de l'entendre dire qu'elle n'aurait jamais pensé qu'il aimait ce genre de films. « Ah oui, et toi du coup tu m'imaginais plutôt branché comédies romantiques ou films de cape et d'épée ? » A moins qu'elle ne le pense amateur d'autres genres de films, auquel cas il serait curieux de savoir lesquels. « La nuit des morts vivants, ça te va ? » qu'il finit par la questionner, pensant qu'elle n'aurait pas de préférence, tout comme lui qui n'y connaissait pas grand chose après tout. « Le point positif, c'est que ça date des années soixante, donc ça a peut être tellement mal vieilli que ça fera même pas peur. » Il préférait qu'elle le sache, histoire qu'elle entame la projection sereinement. C'était aussi pour qu'elle ne s'étonne pas si les zombies n'avaient pas grand chose à voir avec ceux de The Walking Dead. « Et le point négatif, bah, c'est le même en fait. » Vu que film d'horreur ou pas, c'était quand même toujours mieux de voir quelque chose qui tenait encore à peu près la route, mais bon, on ne pouvait pas tout avoir.

Elle ne s’attendait pas à trouver Allen en rentrant dans le cinema, pour autant ça lui fait plaisir, elle préfère cela à la solitude et elle l’apprécie Allen. Pour autant, elle n’est pas tellement du genre à regarder des films d’horreur, elle va peu au cinéma et lorsqu’elle loue un DVD chez elle, elle préfère les films plus légers. Il faut dire qu’elle n’est pas très rassurée à l’idée de regarder un film d’épouvante, et il est fort probable que la peur finisse par la gagner. Un léger rire s’échappe de ses lèvres lorsqu’il lui dit qu’elle se sous-estime. « Oh crois-moi, j’aimerais bien. » Elle ne saurait dire à quand remonte la dernière fois qu’elle a pu regarder un film de ce genre, si on lui en a un jour laissé le droit durant son adolescence. Mais apparemment si l’angoisse se fait sentir, elle pourra toujours agripper le bras de son partenaire, bien que celui-ci doive bien évidemment rester attaché au reste de son corps, ce sur quoi elle se permet de plaisanter. « Hm … C’est d’accord alors, je ne voudrais pas que tu finisses par avoir une crise d’angoisse si je te laisse tout seul. » A coup sûr il devait être bien plus courageux qu’elle, il devait sans doute avoir décidé du film bien avant qu’elle ne rentre dans la pièce. Elle ne garantit cependant pas l’état dans lequel sera son bras, une fois le film terminé. Un sourire amusé vient prendre place sur ses lèvres à sa remarque. « Bien sûr, c’est même un de mes rêves les plus chers. » Cela dit elle n’aurait jamais assez de force pour casser le bras de qui que ce soit, elle pourrait éventuellement le serrer trop fort pendant quelques secondes, mais cela n’irait pas plus loin. Et puis elle n’est pas dangereuse Agata, non loin de là, pour preuve elle ne l’a pas assommé avec un livre encore, et malgré la plaisanterie, ne compte pas s’y essayer. « Oui je te le confirme, à moins que tu ne te trompes de lit chaque soir. Mais tu vois, je te l’avais dit que je n’étais pas dangereuse. » ajoute-t-elle dans un grand sourire. Bien entendu tout cela n’est qu’une plaisanterie, mais elle ne voudrait pas que qui que ce soit puisse considérer qu’elle est dangereuse. Puisqu’il parle de dormir, elle en profite pour lui demander si elle ne bouge pas trop la nuit, ne voulant pas déranger son sommeil. « Merci du conseil, j’y penserai. Mais je ne sais pas pourquoi, j’ai beaucoup de mal à te croire. » Elle sait qu’il n’est pas sérieux, que tout ceci reste encore sur le ton de l’humour. Pour en revenir au film, il est vrai qu’elle ne l’aurait pas imaginé amateur de films d’horreur, sans trop savoir pourquoi cela dit. « A vrai dire, oui, cela ne m’aurait pas surpris que tu me propose de regarder Love Actually, ou un film dans le genre. » Donc plutôt comédies romantiques, sans doute à cause de ce qu’il lui a raconté sur sa femme la semaine d’avant. C’est également un genre qu’elle affectionne, même si elle ne sait pas si lui en regarde de temps en temps. Elle hausse les épaules lorsqu’il lui donne le titre du film, elle n’en jamais entendu parler, mais c’est apparemment un vieux film, qui pourrait ne pas faire peur. « Je prends ça pour un point positif, allons-y pour celui-là alors. » Elle aurait sans doute dit oui à toute autre proposition, ne s’y connaissant pas dans le domaine. « Mais si le film est nul, je saurais qui blâmer pour m’avoir fait passer une heure atroce. » Elle n’exagère pas du tout sur le coup Agata, non, mais son sourire la trahit.

Sa partenaire disait être facilement mal à l'aise devant un film d'épouvante, mais lui il avait tendance à penser qu'elle se sous-estimait un peu. En tout cas, ça n'était pas lui qui risquait de la juger, étant donné qu'il faisait lui-même rarement le fier dans ces cas-là. « Une crise d'angoisse, c'est même peu dire. Il suffirait que le meurtrier regarde une demi-seconde de trop dans ma direction pour que j'arrache un fauteuil et le jette contre l'écran. » Bon, là il exagérait légèrement, n'empêche qu'il n'aimait pas les mauvaises surprises, or dans ce genre de films, il n'était pas rare que le méchant déboule d'un seul coup avec sa tronçonneuse à la main pour massacrer tout le monde. Quant à son bras, il supposait effectivement qu'Agata se ferait une joie de jouer les infirmières accomplies pour soigner les blessures qu'elle aurait pu lui infliger. « Et moi donc » qu'il souffla en lui lançant un regard en coin, mais sans parvenir à se retenir de sourire plus de dix petites secondes, parce que clairement, la fin de son mariage ne le travaillait pas au point qu'il en vienne à se laisser aller à ce genre de visions. En tout cas, c'est vrai qu'il ne s'était pas encore pris le moindre livre sur la tête pendant son sommeil, qui l'eût cru. « Eh, dis tout de suite que tu penses que je me couche en étant complètement torché ! » qu'il fit mine de s'offusquer lorsqu'elle émit l'hypothèse qu'il ait pu se tromper de lit à chaque fois, sans se dépourvoir de son sourire. « Mais c'est vrai, j'aurais du te croire dès le départ, au lieu de me laisser influencer par des racontars. » Dans les faits, il n'avait jamais accordé le moindre crédit aux propos d'Istvan, mais il s'était par la suite amusé à soupçonner sa partenaire d'avoir l'intention de lui nuire, c'est vrai. Il lui fit croire au passage qu'elle avait tendance à parler pendant qu'elle dormait, et pour dire des choses assez invraisemblables, d'où le conseil très avisé qu'il se permit de lui donner. « Le plus dur, tu sais, c'est de s'avouer qu'on a un problème » qu'il insista d'une petite voix concernée, lorsqu'elle lui fit remarquer qu'il n'était pas nécessairement crédible. Qu'on se le dise, elle était assurément la plus sensée des deux. Par la suite, Agata sembla s'étonner de son choix de film, et il semblerait effectivement qu'elle l'imagine plus branché comédies romantiques que films d'épouvante. « Eh bien justement, si je te dis que j'ai déjà du voir Love Actually une dizaine de fois, tu me réponds quoi ? » Vu qu'on associait ce genre de films aux jeunes femmes romantiques, habituellement. Mais pour lui, Love Actually était un classique que n'importe qui devrait avoir vu. « Dis-toi que t'auras mon bras à disposition, et l'embarras du choix pour ce qui est de te venger sur lui si jamais le film est décevant » qu'il reprit, lorsqu'elle laissa entendre qu'elle saurait à qui faire des reproches si le film s'avérait nullissime. Et justement, la projection ne tarda pas à débuter, plongeant la salle dans le noir après qu'ils se soient bel et bien installés, et non sans que le canadien ait pensé à laisser son bras à la portée d'Agata. De premières images apparurent sur l'écran et c'est au bout d'une dizaine de minutes que la voix d'Allen s'éleva inévitablement. « La blonde, là, je trouve qu'elle a une tête de victime toute désignée. » C'était sorti tout seul, c'était même comme s'il l'avait pensé tout haut, et ça arrivait fréquemment, eh oui. « Ouais, c'est évident qu'elle finira pas le film. » Il ne savait pas pourquoi, mais il sentait que cette fille allait mal finir. Mais bon, ça n'était pas comme s'il avait beaucoup d’intuition non plus, à la base. « Oh, euh, désolé, je fais ça souvent. » A savoir se lancer dans un palpitant dialogue avec lui-même consistant à commenter tout ce qui se passait à l'écran quand il se collait devant un film. « Je te l'ai pas dit ? Non ? T'es sûre de ça ? » Bizarement, non, ça n'était pas un détail qu'il avait choisi de lui communiquer au moment où il lui avait proposé de regarder un film avec lui. C'est fou comme il pouvait être tête en l'air, parfois.

Clairement, Agata n’était pas complètement rassurée à l’idée de regarder ce film d’horreur, mais quelque chose lui disait que si Allen faisait le malin, il n’était pas si courageux que cela. De là, à faire une crise d’angoisse, non elle n’en pensait pas un mot, il s’agissait d’une simple plaisanterie. « Ah oui carrément ? Je ne te pensais pas aussi musclé que cela. Ton autre secret c’est que tu as la force de Superman c’est ça ? » dit-elle en esquissant un sourire. Elle n’est pas en train de dire qu’il n’est pas musclé, mais tout de même pour arriver à arracher le siège il doit falloir avoir une force bien plus développée, si cela est possible. Mais tout cela n’est pas réel de toute manière, comme le fait qu’elle pourrait se transformer en infirmière si jamais elle venait à lui faire mal au bras. Elle se doute que la plaisanterie a assez durée, même si c’est lui qui l’a initiée, il ne doit pas avoir envie de plaisanter là-dessus trop longtemps, ce qui est compréhensible. Pour autant, elle pense avoir prouvé qu’elle n’était pas dangereuse, en une semaine Allen n’a pas reçu une seule bosse sur le crâne. Elle dort toujours dans leur lit, mais qui sait peut-être que lui se trompe chaque soir. « Oh tu interprètes très mal mes paroles, je n’ai jamais dit une telle chose ! Mais après c’est toi qui le dis je te signale … » Elle essaie d’être sérieuse quelques secondes, avant que son sourire ne revienne prendre place sur son visage comme à son habitude. « Merci, je sens qu’il y a une véritable relation de confiance qui est en train de s’installer entre nous comme ça. » dit-elle dans un plus large sourire pour montrer son amusement. Elle ose espérer que son partenaire n’ait jamais cru une telle chose, elle ne le pense pas d’ailleurs. Elle reste cependant muette lorsqu’il lui dit que le plus dur c’était justement de s’avouer qu’on avait un problème en parlant des fausses paroles qu’elle dirait dans la nuit. Elle le regarde quelques secondes avant de parler. « C’est certain, et puis maintenant je sais que si j’ai un quelconque problème je peux aller en parler à Addil, que je ne connais d’ailleurs pas. Mais il est vrai que si j’avais réellement un problème je préférerais plutôt en parler à quelqu’un en qui j’ai confiance. » Elle ne se départit pas de son sourire, même si elle a sans doute trop parlé pour dire pas grand-chose, surtout pour un sujet aussi futile. Mais c’est en tout cas ce qu’elle pense. Pour en revenir au film, il est vrai que jamais elle n’aurait imaginé Allen devant un film d’horreur. Elle se le dépeint plutôt devant sa télé regardant une comédie romantique accompagné d’un pot de glace, qui est sans doute exagéré, mais peut-être pas tant que ça puisqu’il y vient de lui avouer avoir vu Love Actually une dizaine de fois. « Je te dis que ça ne m’étonne pas du tout. Tu as pleuré ? » Elle-même ne devait l’avoir vu que deux fois sans doute, une fois au cinéma et l’autre au moment des rediffusions éternelles de Noël. « Oh non je ne voudrais pas tu as dit qu’il devait rester attaché au reste de ton corps. » ajoute-t-elle dans son éternel sourire pour parler de son bras. C’est alors que le film commence, elle n’est pas sereine, ne sachant pas trop à quoi elle doit s’attendre. Pour le moment tout se passe bien. Elle ne saurait dire si cela faisait cinq ou quinze minutes lorsque la voix d’Allen se fait finalement entendre pour commenter le film. Il fait cela souvent apparemment. « Non effectivement, c’est un détail dont tu as oublié de me parler. On dirait presque ma petite cousine. » Effectivement, la fille de sa cousine, a également cette tendance à commenter tout le film, ce qui au fond ne la dérange pas. « Heureusement pour toi, je me fiche un peu de l’histoire du film, tu peux dont t’adonner à ton loisir favori sans aucun problème. » Ca ne la dérange pas, et même si c’était le cas elle ne le dirait pas, elle est conciliante Agata. « Qui sait, tu devrais peut-être aller voir Addil toi aussi, il pourrait peut-être soigner cette manie. » ajoute-t-elle tandis qu’un nouveau sourire apparaît sur ses lèvres.

S'il lui fallait quand même un peu plus que quelques monstres et une ambiance morbide pour paniquer, le canadien n'était jamais totalement à l'aise devant un film d'horreur. Alors non, ça n'était pas demain la veille qu'il risquait d'arracher un fauteuil pour le jeter contre l'écran, mais Agata avait tort de le sous-estimer pour autant. « Ah mais ça c'est parce que je mets pas souvent des manches courtes, mais détrompe-toi, je saurais largement me défendre dans un concours d'haltérophilie » qu'il lui assura dans un vif hochement de tête, l'air de croire à ce qu'il disait alors qu'il savait où étaient ses limites, oh ça oui. S'il ne manquait pas de muscles pour soulever des packs d'eau ou déplacer un canapé, il ne fallait pas trop lui en demander. Et après qu'il fut question d'un prétendu rêve qu'ils avaient en commun, le canadien constata qu'il n'y avait encore eu aucun accident impliquant un livre durant son sommeil, ce qui selon Agata pouvait s'expliquer par le fait qu'il se soit systématiquement trompé de lit, elle qui faisait l'innocente quant à ce qu'elle avait voulu dire par là. « Oh alors ça c'est un classique, le coup du 'j'insinue vaguement quelque chose pour t'inciter à le dire clairement et ensuite je prétends que c'était pas du tout ce que j'avais en tête'. » Il avait pris un ton faussement agacé alors qu'il ne l'était pas le moins du monde. Il lui en fallait beaucoup plus pour être contrarié, et il n'était ici question de d'humour. « Oui et il était temps, n'est-ce pas » qu'il répliqua lorsqu'elle laissa entendre qu'une relation de pleine conscience allait s'installer entre eux, en référence bien sûr à leurs premiers échanges, et à cette rumeur invraisemblable. Quant au problème qu'elle avait soit-disant, il semblerait qu'elle soit en plein dénis. Tout du moins jusqu'à ce qu'elle reprenne la parole. « Je sais pas ce qu'il vaut comme psychologue, mais s'il est aussi doué pour écouter les autres qu'il est sympa, je pense que tu peux placer toute ta confiance en lui ! Et puis, n'hésite pas à lui dire que c'est moi qui te l'ai recommandé, comme ça il se sentira redevable et, qui sait, un jour ça me sera peut être utile. » C'est qu'il était pragmatique, quand il voulait. Il aimait le faire croire, du moins, parce que c'était rare qu'il fasse quelque chose avec l'espoir de se voir renvoyer l'ascenseur. Quant à Love Actually, oui il l'avait vu plusieurs fois, ça s'expliquait par le fait que ce soit un film populaire, multi-rediffusé et au casting irréprochable. Parce que lui, il était un grand fan d'Alan Rickman depuis Piège de Cristal, eh oui. « Oh, hm, ça a du m'arriver la première fois que je l'ai vu, oui » qu'il confessa à demi-mot quand Agata chercha à savoir s'il avait pleuré en le voyant. C'avait beau être un film optimiste, il y avait des moments plus tristes, comme quand la femme découvre que son mari a acheté un bijou mais que le jour de noël, il ne lui offre qu'un CD. « Oh mais l'un n'empêche pas l'autre, il suffit d'avoir un peu d'imagination. » Certes, il vaudrait mieux pour lui que son bras reste attaché au reste de son corps, mais ça n'empêcherait pas Agata de se venger sur lui, même s'il ne voudrait pas lui donner de vilaines idées. Le film ne tarda alors pas à commencer, et dès les premières minutes, le canadien ne put faire autrement que de se laisser aller à quelques commentaires, ce qui l'amena  à avouer à Agata que c'était une manie qu'il avait. « Oh ça va, t'es habituée alors » qu'il fit remarquer quand elle lui parla de sa petite cousine, avant qu'elle n'évoque l'histoire qui, semble-t-il, ne l'intéressait pas. « Franchement, de toi et moi, ça m'étonnerait beaucoup que les scénaristes aient fait des heures sup' sur ce film » qu'il nota dans un rire, parce que généralement l'histoire était surtout un prétexte pour montrer des monstres et autres éléments propres aux films d'épouvante. « Ouais enfin imagine qu'il remonte dans mes souvenirs les plus enfouis et découvre que c'est du à un traumatisme que j'ai vécu quand j'étais gamin. » On ne sait jamais, il y avait sûrement des choses qu'il valait mieux continuer d'ignorer, mais si ça l'étonnerait quand même un peu qu'il ait pu se mettre à commenter des films parce que la mère de Bambi avait été tuée. Reportant en tout cas son attention sur le film, il se surprit à plisser le front et à se crisper légèrement dans son siège lorsque les premiers morts-vivants apparurent. « Je sais pas si c'est à cause de la musique, mais en fin de compte je trouve ça quand même assez angoissant pour un film vieux de quatre décennies. » On arrivait presque à faire abstraction du fait que l'équipe du film n'avait pas du miser grand chose sur le maquillage, c'est dire.