SAYID & @CLARKE
mardi 31 mars - 22:04

Il avait beaucoup moqué et minimisé l'utilité d'une telle pièce dans l'hôtel, trouvant par nature que la dénomination "salle zen" suffisait à accumuler à l'intérieur tout ce qui lui pouvait être de nature à le stresser. Cela lui rappelait les salles de relaxation du deuxième étage, au centre de rééducation, et il n'y avait pas passé que des bons moments, assurément. Alors il ne savait pas trop ce qui l'avait poussé à venir là ce soir, l'ennui ou le désespoir, mais il s'était bel et bien laissé embobiner par la pièce lorsqu'il avait poussé la porte et posé les yeux sur l'ambiance projetée sur les murs et sans doute abandonnée là par le dernier occupant de la salle. Des arbres contre les murs, du feuillage au plafond, le bruit du vent à travers les branches et des oiseaux cachés dans la végétation ... Évidemment que c'était totalement factice, et d'ailleurs même en fermant les yeux tout cela ne pourrait pas faire illusion auprès de Sayid, mais malgré tout la vision était assez réconfortante pour happer son attention quelques instants. Certains jours comme aujourd'hui il se demandait encore s'il avait bien fait de venir ici, il avait encore plus de mal à s'acclimater aux autres que dehors et il commençait à penser que peut-être sa présence ici était une erreur, quand bien même la raison de sa présence était louable. Peut-être qu'il y avait une autre solution, peut-être qu'ils trouveraient de l'argent autrement, au fond c'était totalement stupide de s'en remettre à quelque chose d'aussi aléatoire que sa présence ici ... Peut-être qu'il aurait fallu envoyer quelqu'un d'autre. N'osant pas s'asseoir à même le sol de peur de ne pas réussir à se relever seul ensuite, Sayid avait cherché des yeux un endroit où se poser un instant et jeté son dévolu sur un pouf bleu ciel, ses yeux ne quittant pas le mur où s'étalait la végétation factice. Il n'avait assurément pas prévu de rester là trop longtemps, sachant qu'il se lasserait vite de cette pièce aseptisée et de sa fausse ambiance rassurante, mais il n'était jamais contre un brin de solitude et avait presque été déçu lorsque la porte avait grincé et qu'une silhouette s'était aventurée à son tour dans la salle. Clarke. Ils n'avaient pas vraiment discuté à nouveau depuis la dernière fois, Sayid ne réalisant la possible subsistance d'un malaise entre eux qu'à travers la question posée à ce sujet dans son détecteur de mensonges ... Oh il était passé à autre chose lui, la bonne foi de Clarke avait suffit à le convaincre, mais une fois encore il n'avait pas eu conscience que ce qui lui paraissait évident à lui ne l'était pas forcément aux yeux des autres. « Tu peux rester là. Si tu veux. » La fin de la phrase avait été rajoutée uniquement parce que Sayid s'était rendu compte après coup qu'il pouvait donner l'impression qu'il ordonnait, alors qu'il ne faisait que proposer. Avec Clarke la communication était toujours difficile parce qu'il n'était pas plus bavard que lui, et que Sayid avait l'impression de devoir marcher sur des œufs en permanence ... C'était plus difficile qu'avec quelqu'un d'autre. « Sauf si tu penses aussi qu'il y a un froid entre nous. » La formulation lui semblait tellement stupide qu'il avait même hésité à la répéter à haute voix, mais c'était à peu de chose près celle utilisée dans le détecteur et il se demandait bien qui avait eu l'idée saugrenue de cette question. Pas qu'il n'y ait grande importance à accorder à ce détecteur, selon Sayid parce que plusieurs questions étaient stupides, et selon le détecteur lui-même puisque le britannique avait obtenu un score de trente pour cent d'honnêteté. Un score dont Sayid n'était pas peur fier tant il avait eu à cœur de faire n'importe quoi, par esprit de contradiction.

Ça n'allait pas, ça n'allait clairement pas. Mes prunelles divaguaient depuis maintenant une bonne quinzaine de minutes alors que je sentais mon palpitant s'emballer dans ma cage thoracique. Je ne me souvenais pas avoir mangé durant ces dix dernières heures, et malgré que je ne ressentais pas la moindre fatigue, le fait de ne pas avoir énormément dormi ces dernières semaines avaient certainement tendance à beaucoup y jouer. Toujours est-il que je me sentais partir, peu à peu, si bien que j'avais choisi de me poser sur l'une des marches des escaliers sans trop savoir si je serais capable de remonter. J'avais la nette impression d'être sur un navire en plein naufrages, dans l'impossibilité de me relever ou même de prendre appui sur l'une des rambardes. J'avais du attendre là encore un petit moment avant de finalement trouver le courage de grimper une à une les marches. Personne n'avait l'air de me remarquer, à vrai dire, je n'avais même croisé personne. Même la production n'avait pas bougé le petit doigt, à croire que laisser un candidat mal en point était quelque chose de rigueur. Il s'agissait d'une crise de panique, je crois, même si je n'étais pas réellement expert en la matière. Ça m'était déjà arrivé plusieurs fois. A vrai dire je ne savais pas si c'était ça ou bien de simples angoisses, mais en réalité, je crois que c'était tout simplement lié au fait d'être un peu trop entouré. Je n'étais pas habitué à avoir autant de monde autour de moi, de moins pas depuis ces cinq dernières années. On peut dire que mon isolement avait été volontaire oui, parce que je me sentais bien mieux ainsi. Parvenant à arriver jusqu'en haut des marches, je prenais finalement appui sur un mur, collant un instant mon dos à celui ci pour tenter de calmer ma respiration. Trop rapide, trop irrégulière. Le sol pourrait s'écrouler sous mes pieds. Je me laissais trainer, ici et là à travers le couloir. J'avais conscience qu'il fallait que j'aille me coucher, mais l'idée même de réemprunter les escaliers, ou bien de m'évanouir dans un lieu clos comme l'ascenseur ne m'emballait pas réellement. A vrai dire, même mes pensées semblaient s'entre-mêler les unes dans les autres, ma vision se troublant un instant avant de retrouver sa netteté habituelle. J'avançais pas après pas, dans l'idée de rejoindre la salle qui me permettrait très certainement de reprendre mes esprit, la salle zen. Je pourrais m'y allonger, me reposer, respirer, ce qui n'était clairement pas possible en cet instant. Après cinq bonnes minutes à me lamenter dans le couloir, je m'appuyais lourdement sur la porte pour la pousser, mon regard croisant celui d'un autre candidat que je ne cherchais même pas à reconnaitre, mon cerveau me semblant totalement déconnecté du reste de la réalité. Mes jambes se pliaient presque sous mon poids, alors que je cherchais appui à l'aide de mes paumes. Mais rien. Il n'y avait plus rien autour de moi. Je voyais les lèvres du brun s'agiter, les mots entrant et sortant comme dans un moulin. Rien à faire, je ne le voyais pas, je ne le voyais plus. Alors je restais là, bête, le monde se balançant autour de moi comme un manège légèrement trop en biais. « J-Je crois que... » mais rien, pas un mot puisque ceux ci s'engouffraient dans ma gorge sans réussir à sortir quelque chose de correcte. Je tentais d'avaler ma salive avant de sentir le tout remonter dans ma gorge. Rien ne sortait non plus, évidemment, tout ceci se passait dans ma tête. « Je me sens pas bien. » avais-je finalement réussi à murmurer un peu plus distinctement alors que mon regard se perdait sur un point fixe pour tenter de réparer ce qui semblait être un équilibre perdu.

Il y avait un effort de présentation et d'apparence, il ne pouvait pas le nier, le rendu de ces arbres projeté au mur était même joli, mais qu'on ne vienne pas lui dire que c'était relaxant ... Non, lui ne se sentait pas relaxé du tout, là. Il ne voyait pas comment il pourrait en être autrement dans une pièce qui n'avait pas de fenêtres, qui sentait l'encens et dans laquelle il n'y avait rien d'autre pour s'asseoir que des poufs multicolores ... Comme si c'était le truc le plus pratique et le plus reposant pour se relever. A vrai dire ils étaient même plus bas que ce que Sayid pensait, et il craignait déjà de galérer un peu pour se remettre debout ... Raison sans doute pour laquelle il était encore assis après plusieurs minutes, ne songeant à bouger - et à fuir - qu'au moment où quelqu'un d'autre était entré dans la pièce, coupant court à la fois au silence et à sa si chère solitude. Il avait semble-t-il échappé au pire avec Clarke cependant, se disait-il, bien que la situation entre Sayid et lui ne soit plus très claire depuis la semaine précédente ... Enfin, tout dépendait le point de vue. Aux yeux de Sayid la situation était parfaitement claire, et il s'étonnait donc surtout du fait que cela ne semble pas couler de source pour tout le monde. Sayid en oubliait parfois un peu son air peu avenant, et le fait que sa tendance à peu parler le fasse parfois passer pour rustre, mal intentionné, ou rancunier. De manière un peu maladroite il avait donc tenté de mettre les points sur les I avec le concerné, une seconde à scruter Clarke en silence lui suffisant cependant à remarquer que le concerné n'avait pas écouté - ou entendu - un traitre mot de ce qu'il venait de dire. « Clarke ? » Fronçant les sourcils, Sayid avait observé le jeune homme sans broncher, sans trop savoir si c'était lui qui mettait deux plombes et demi à régir ou si c'était le temps qui s'étirait de manière déraisonnable. Les notions de temps c'était aussi parfois un peu compliqué pour lui, il pouvait parfois laisser défiler des heures sans s'en rendre compte, s'il avait l'esprit occupé, et à l'inverse lorsqu'il était angoissé le temps s'étirait, encore et encore. « Ça va pas ? » La question lui semblait finalement tellement stupide qu'il n'avait pas attendu la réponse pour se remettre debout - plus difficilement que prévu, comme il l'avait deviné - et attraper Clarke juste à temps pour qu'il ne s'étale pas à même le sol en marmonnant « Je me sens pas bien. » Sans blague. Saisissant le bras de Clarke, et ce alors même qu'il était d'ordinaire du genre à ne pas envahir l'espace vital des autres sans y avoir été invité puisqu'il avait horreur que l'on agisse ainsi avec lui, Sayid l'avait tiré en direction du pouf le plus proche et n'avait pas eu à le forcer beaucoup pour le persuader de s'asseoir, ignorant le regard penaud du jeune homme pour lui demander d'un ton réprobateur « T'es tout blanc, t'as mangé quelque chose aujourd'hui ? » Réprobateur mais néanmoins concerné, parce que Sayid avait peut-être les manières du rustre de base, parfois, mais cela ne signifiait pas pour autant qu'il en était un. « Tu veux un peu d'eau ? » Là encore ce n'était clairement pas dans sa façon de procéder à lui, mais hésitant un instant le britannique avait posé une main sur l'avant-bras de Clarke, comme pour tenter de se faire rassurant. Sailor avait agi ainsi avec lui durant le paintball, et même si le contact autrement que de sa propre initiative était toujours mal perçu par Sayid, la proximité de la jeune fille était aussi ce qui sur le coup l'avait aidé à ne pas céder totalement à la panique qui s'intensifiait en lui.

Blanc. C'était la seule couleur que mes yeux arrivaient à percevoir en ce moment précis. Pas de marron, pas de bleu, contrairement à ce que l'on pourrait penser, juste du blanc, et autant vous dire qu'en règles générales ça n'était pas franchement bon signe. En même temps quelle idée de sauter un repas après avoir aligné si peu d'heures de sommeil. En même temps je ne me voyais pas me forcer alors que je n'avais pas faim, déjà que je n'étais pas du genre à beaucoup manger. Enfin tant pis. Cela dit je commençais légèrement à le regretter, enfin, disons que ça serait le cas si j'étais encore en capacité d'avoir des pensées correctes. Parce que cet écran blanc ne s'appliquait pas qu'à ma vue, non, il s'agissait plutôt d'une ardoise vide, ayant effacé pendant un court instant tous mots et pensées. Je devais avoir l'air particulièrement malin face au candidat qui ne devait avoir rien vu venir. A vrai dire je ne savais même pas de qui il s'agissait, simplement que c'était un homme de par sa silhouette et que dans quelques secondes, si il ne me rattrapait pas, j'allais probablement m'éclater le nez contre le sol de la salle zen. Et on se doute tous l'effet que cela pourrait produire, une tâche de sang sur ce qui est censé être une salle sans problème. On pourrait peut-être même croire à un meurtre. Je me sentais donc dans l'obligation de lui signaler que non, de toute évidence, ça n'allait pas. Je voyais d'ailleurs le candidat s'approcher de moi au moment même où le sol se dérobait sous mes pieds.

Et puis plus rien.

Enfin si, mais seulement quelques instants plus tard. Une poignée de secondes peut-être, et mes paupières battaient alors que mes prunelles tentaient de chasser ce blanc saturé pour se concentrer sur le visage du candidat. Des paroles que j'avais encore bien du mal à capter, du moins pour les premières puisque je finis par gémir un petit « Hm... » comme un gosse de quatre ans que l'on viendrait de réveiller d'un rêve un peu trop agréable, ce qui n'était de toute évidence pas le cas. « Qu'est ce qui s'est passé ? » avais-je fini par murmurer, d'une voix encore un peu rauque alors que je comprenais enfin que je faisais face à Sayid. Pour le coup, je lui en devais une. Encore.