Je me sens en forme pour la première fois de la semaine. Je crois bien que je pourrais avaler un géant tellement j’ai la dalle. Alors oui, il est peut-être minuit et ce que je m’apprête à ingurgiter risque de rouler tout droit sur mes fesses et dans mes cuisses mais j’ai décidé de ne pas me prendre la tête avec cela. Personne ne m’a entendu affirmer que la nouvelle année serait l’occasion pour moi de perdre deux ou trois kilos après tout… Oh et puis zut, c’est la tradition de prendre de grosses résolutions qui sont abandonnées deux jours plus tard. Si tout le monde arrivait à réaliser ses objectifs on s’ennuierait tellement plus qu’en se remémorant tous les échecs accumulés entre le premier janvier et le deux janvier du même mois de la même année. Le retour de la véritable Greta, celle qui n’est plus embêtée par un rhume me fait un bien fou et j’ai décidé de profiter de cette soirée qui pourrait très bien être la dernière. Je ne sais pas ce que le public aura pensé des derniers jours, ils ont été nombreux à me soutenir jusqu’à maintenant mais je garde en tête que cela ne veut strictement rien dire. Ainsi, je préfère engloutir cette pizza qui vient tout juste de sortir du four avec une bonne petite bière à la recherche d’activités nocturnes plutôt que de faire ma mamie et aller au lit. Lorsque Colin arrive, je me souviens qui plus est d’un deal que nous avions fait la semaine passée ! « Hey gamin, viens par là ! » Chassez l’autorité et elle revient au galop, surtout avec lui. « Tu t’es décidé après ma défaite ou pas encore ? Non parce que j’ai bouclé mes valises alors bon… J’voudrais pas que tu loupes la seule occasion que tu auras de me soumettre ! »

La pizza se réchauffe lentement mais surement et j’ai déjà les papilles en éveil, bon, elle ne sera pas aussi succulente que celles que je fais moi-même mais on va se contenter de ce que l’on a sous la dent et ne pas faire la fine bouche. Encore quelques minutes et je pourrais sauter sur ma fourchette pour un moment de plaisir et de gourmandise intense, autant vous dire qu’après cela je ne suis pas certaine que je serais capable de trouver le sommeil. Tant pis, le sommeil c’est un truc pour les jeunes… A moins que ce ne soit justement les jeunes qui, normalement, sont censés ne pas dormir et ne pas être fatigués. J’aurais tendance à croire que l’expression ne leur est plus adressée à présent, ils veulent tout, faire la fête, dormir beaucoup et pouvoir profiter de leurs journées. A leur âge je n’avais pas besoin de tout cela, je travaillais comme une dingue le jour, je faisais la nouba la nuit et dès la sortie de boite je repartais bosser, rien de plus rien de moins, c’est ce que j’appelle profiter de sa jeunesse. Dormir dix heures cela ne permet pas de vivre, juste de se ménager. Colin passe par là et je l’arrête net, décidée à m’offrir une petite dose de divertissement, j’ai perdu notre petit jeu l’autre soir, je n’ai pas tenu le choc et j’ai préféré me retirer avant de rouler par terre et de tapisser les toilettes de mon vomi, une sage décision qui risque néanmoins de me coûter cher. D’autant plus cher qu’il semble ne pas s’être remis du tirage d’oreille du début de semaine sur lequel je rebondis, tout de suite plus autoritaire, le pointant du doigt. « Cody les aura ses excuses, je ne vais pas te lâcher mon p’tit ! » Je marque une pause et je rajoute, un sourire moqueur aux lèvres. « Tu ne vas quand même pas faire ta chochotte ? Tu veux un massage de l’oreille pendant six mois et un traitement de fond ? » Toujours à se plaindre ces jeunes… En plus d’avoir une capacité quasi inouïe à exagérer Colin est un vrai goujat, Achille l’est d’autant plus à en juger par leurs discussions typiquement masculines. « Vous devriez tous les deux vous inscrire à des cours de classe, vous en manquez cruellement ! » Je me rapproche de lui et, chassez le naturel il revient au galop, je lui attrape l’oreille que je tire, moins fort cela dit. « Et on ne dit pas à une femme qu’elle est une cougar ! » Il a tout à apprendre le pauvre. Je retourne à ma pizza que je sors de sa forteresse de chaleur et que je dépose sur le plan de travail, en appétit. Le maudit m’en dérobe une part avant même d’avoir demandé l’autorisation. « EHHHH, tu t’es cru chez ta mère ? » D’autant plus que bon… S’il veut m’embrasser je refuse de le faire avec un arrière-gout de pizza. « Bon… Profitons de ce moment pour que je puisse faire ton éducation, et puis… Avant de parler cougar, dis-toi que c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes ! » Qu’il médite avant d’imaginer fourrer sa langue dans ma bouche.