► Le 24 janvier, 23h15, ouvert à tous.
Pourquoi changer les mauvaises habitudes? Ne posez pas cette question à Síomha puisqu'elle ne connaissait pas la réponse. Elle aimait et chérissait tous ses mauvais défauts et son penchant fêtard en faisait clairement parti. Ainsi donc, pourquoi ne profiterait-elle pas des bouteilles d'alcool qu'elle avait déniché et de cette soirée pour célébrer comme elle appréciait le faire? Il ne lui fallait pas plus qu'une musique lui hurlant dans les oreilles, d'une bouteille d'un alcool fort pour se divertir et s'amuser à sa façon. Elle avait choisi la salle de sport pour une seule et bonne raison: la chaine hi-fi qui se trouvait là et qui devait motiver les plus feignants en passant des chansons du genre the eye of the tiger. Dieu merci, elle avait pensé à amener quelques cds de musique, à défaut d'apporter des trucs plus utiles. Ainsi donc, elle lança une chanson au hasard, augmentant le son à son maximum. Une musique rythmée s'éleva, forte, puissante et sans crainte de réveiller ou d'embêter qui que ce soit. Après une bonne gorgée d'alcool qui réchauffa sa gorge, elle commença à danser sensuellement dans la grande pièce, slalomant entre les appareils de torture, se dandinant, se trémoussant. L'esprit vide, le corps libre, avec une agréable sensation de solitude. Elle était seule, elle s'en fichait. Elle ne s'amusait pas pour les autres. La porte finit par s'ouvrir après de longues minutes de tranquillité. Si la personne qui venait de pénétrer dans la salle n'était pas conne, elle danserait aussi. Si tous les candidats n'étaient pas trop cons, ils en feraient de même. Malheureusement, elle doutait de leur intelligence. Et s'attendait dès à présent à des reproches sur la musique trop forte. Elle s'en foutait, et se contentait de se danser.

Je ne sais pas même pas s'il est l'heure de dormir, personne ne semble décider à aller au lit et je préfère me coucher parmi les derniers, question de principe. Ainsi, une poire à la main, je marche dans la maison et tourne en rond. Je viens de prendre ma douche, mes cheveux noués en une queue de cheval sont encore mouillés et je suis déjà en pyjama. Ou plutôt dans ce fameux short de sport très court que j'enfile pour dormir et que je porte le plus clair de mon temps dans le nid. Tout semble étrangement calme et pourtant en passant à côté de la salle de sport dans laquelle je ne me suis jamais attardée, je sens les murs raisonnés. De la musique? Curieux, j'hausse les épaules en pensant que peut-être il s'agit d'une séance de fitness ou de step. De quoi me distraire un peu et faire la conversation, je pénètre dans la pièce et aperçois une demoiselle blonde danser dans celle-ci avec énergie. Un large sourire s'étend sur mes lèvres, j'arque un sourcil en tentant d'identifier la candidate en question mais sans succès. Je jette le fruit dans la poubelle sans l'avoir vraiment entamé et me dirige vers elle, lui faisant signe de la main pour qu'elle remarque ma présence. « Siomha? » Je n'ai pas pensé que la musique couvrirait ma voix, mais j'ai reconnu cette jeune femme pleine d'allure, de caractère, et à qui je n'ai pas encore eu l'occasion de m'entretenir. Je ne souhaite pas parler, j'imagine que l'on peut faire connaissance d'une toute autre manière, elle semble tellement s'amuser qu'il me prend l'envie de danser avec elle. Sa bonne humeur est contagieuse. Nos regards se croisent, je la pointe du doigt en un clin d’œil exagéré pour lui faire signe de s'approcher et, dans un mouvement sensuel, je détache mes cheveux sans trop poser de questions. Mes mains se saisissent des siennes, ou peut-être que ce sont ses mains qui se saisissent des miennes. Je ferme les yeux et me déhanche finalement du mieux que je peux pour suivre la cadence, j'essaye de dépasser la timidité qui me caractérise dans tous les regards, me doutant que bientôt d'autres candidats viendront nous rejoindre ou même assister au spectacle que l'on offre toutes les deux.

Juste danser. Laisser son corps s'exprimer. Se tordre selon les sons qui résonnaient. N'en avoir rien à foutre du regard des autres. Qu'ils la critiquent, elle s'en fichait, pendant ce temps-là, elle s'amusait. C'était comme être en discothèque. Entourée d'étrangers qui se collent à toi, qui explorent ton corps sans en avoir l'autorisation. C'est n'en avoir rien à foutre. C'est être libre. Et bien qu'elle était seule dans une grande pièce froide et blanche, telle une putain de chambre d'hôpital, elle se déhanchait. La porte s'ouvrit sans qu'elle ne l'entende. La musique était tellement forte que ça n'avait rien d'étonnant. Tout comme le bruit exagéré de la basse recouvrait la voix de Madeleine qui interpellait la blonde. Elle se retourna, ouvrit les yeux et la vit. Elle ne s'arrêta pas pour autant de se défouler, se réconfortant dans l'idée que la nana en face d'elle pouvait bien lui dire d'arrêter cette musique, lui dire qu'elle était ridicule ou tout autre chose, elle n'entendrait rien de ses dires. Mais contre toute attente, sa camarade atterrit dans le panier « a du potentiel », puisqu'elle commença à danser à son tour, se rapprochant bien vite de la belle a la chevelure dorée et au visage fermé. Leurs mains se rencontrèrent tandis qu'elles dansaient sur le rythme imparti. Elle fit faire un demi-tour à sa camarade, se retrouvant dans son dos, continuant à se trémousser, collée à Madeleine, tandis que ses mains, posées sur les hanches fines de la candidate, suivaient les ondulations de son bassin. La chanson se termina, une nouvelle commença. Il suffisait de laisser son corps parler.

Il fallait que je fasse quelque chose. Un truc. N’importe quoi. Un peu plus d’une journée dans ce château et j’étais déjà prête à exploser. J’errai telle une âme en peine dans les couloirs à la recherche de compagnie, un verre de coca-cola entre les doigts. Je me serais même contentée du silence de la réincarnation du croisé. Je pouvais bien faire la conversation pour deux, et même pour trois. Mais, aussi étrange que cela pouvait paraître, je ne croisais personne. Certains étaient déjà couchés, et les autres étaient tout simplement introuvables. L’idée me traversa l’esprit un instant que des zombies aient pu s’emparer de la ville et que mes partenaires de jeu soient actuellement en train de se faire dévorer le foie dans un recoin du château, comme dans cette série « Dead Set » où les candidats d’une émission de télé-réalité se retrouvaient être les derniers survivants. J’adorais tout ce qui faisait peur, mais à cet instant précis j’aurais préféré ne jamais l’avoir regardé. De toute manière c’était stupide. Les zombies, ça n’existaient pas, hein ? Je fus légèrement rassurée par le son d’une mélodie qui s’élevait à quelques mètres de moi. En suivant les notes de musique qui retentissait dans le couloir, je me retrouvais rapidement devant la salle de sport. J’abaissai la poignée pour me retrouver confrontée à un spectacle ma foi plutôt irréel. Deux jolies blondes étaient en train de se déhancher au milieu des machines, dans une danse plutôt lascive. Elles auraient –à n’en pas douter- éveillé quelques pulsions chez certains mâles du château. Je laissai échapper un sourire devant leur représentation, c’était leur petit moment de liberté. Où tout le reste ne comptait plus. Sans plus signaler ma présence, je me contentais de m’installer sur le siège d’un vélo d’appartement face à elles en sirotant mon coca, me laissant apaiser par ce spectacle atypique. C’était un peu comme la télévision, en beaucoup mieux.

Gabrielle entendit une musique, assise dans son lit. P*tain, aucun respect. Si c'était la nymphomane ou la brune qui avait une grande bouche, Gabrielle les tuait si c'était elles. La rousse se leva de son lit, s'habillant rapidement pour éviter de descendre en sous-vêtements. La rousse descendit les escaliers, en glissant sur une marche. « M*rde. » pesta t-elle en français, avant de se relever rapidement. Elle risquait d'avoir un bleu dans le dos, gé-nial. La rousse suivit la musique, en marchant doucement, tournant à gauche, enfin, peu importe. Quelques minutes plus tard, elle tomba sur la salle de sport, poussant doucement la porte, et tomba sur un drôle de spectable. Deux blondes qui se déhanchaient, ça faisait un peu remake de beyonce et shakira, -vive les références de Gaby-, elle entra discretement dans la pièce, avant de s'asseoir par terre, près du vélo où s'était posée une autre blonde, en spectatrice.

Je me laisse entrainer par la musique, j'observe ma partenaire de danse onduler fiévreusement sur le son et ça me fait sourire de l'imaginer sur la piste d'une discothèque parisienne. Il est certain qu'elle doit attirer énormément de regards plus envieux l'un des autres, je me sentirais moi-même bien petite à ses côtés dans d'autres circonstances. Je la suis, plutôt bien à vrai dire, et me laisse transporter dans ses exigences en pivotant sur moi-même avec agilité. Je la laisse mener, elle m'apparait comme une dominatrice mais ça ne me dérange pas, elle a trouvé comment communiquer avec moi, ou peut-être que c'est moi qui a trouvé comment l'apprivoiser sans la saouler de paroles. Je ferme les yeux à mon tour, je ne sens même plus ses mains sur mes hanches, je me libère complètement et tâche de me souvenir des cours de danse qu'offrait le foyer socio-éducatif de Sarcelles. Certes, inutile d'avoir pratiqué le ballet pendant dix ans pour savoir remuer des fesses comme dans un clip de 50 cent, mais j'ai hérité de ces heures passées à m'entrainer un certain rythme que beaucoup n'ont pas naturellement. La porte s'ouvre alors que je glisse mes doigts sur l'épaule et la joue de Siomha, j'ouvre un œil et suis du regard Gabrielle qui vient s'installer aux côtés d'une autre blonde que je n'avais même pas remarqué plus tôt. Je ne m'arrête pas, mais me détache un peu de la Dublinoise pour tendre la main vers les deux candidates sagement assises l'une à côte de l'autre, un sourire plein de malice sur le visage. Pourquoi ne pas profiter de ce moment unique de faire un peu la fête entre gonz' avant demain soir?

Gabrielle avait été d'une telle discrétion, cela ne lui ressemblait pas du tout. En général quand elle rentrait dans une pièce, tout le monde était au courant, même ceux de la pièce d'à côté fallait dire. Mais là, par respect aux deux blondies qui dansaient, elle s'était glissée silencieusement dans la pièce. Elle marcha d'une foulée plutôt rapide et rejoingnit sa camarade qui s'était installée sur la selle d'un vélo et qui les observait silencieusement. gabriele s'asseya tout en douceur, ramenant ses jambes à la poitrine, les entourant de ses deux bras. Puis, la belle les observa. Un instant après son arrivée, une blonde se décala et leur tendit la main. Gabrielle se souvint qu'elle s'appellait Madeleine, enfin, elle n'était pas sûre. Ni une, ni deux, la rouquie se leva et se dirigea vers elle, attrappant délicatement la main que lui tendait sa camarade, sans une once d'hésitation. Puis elle suivit le mouvement, il suffisait simplement de se laisser porter par le rythme, heureusement que Gabrielle n'était pas une mauvaise danseuse.

La musique semblait attirée les gens comme une lumière attire un papillon de nuit. Il n'en fallait pas plus pour voir le sol de la salle de sport être foulé par des pieds féminins. Une première fois par Madeleine, qui lui fit au moins le plaisir de venir s'amuser avec la blonde, qui prit le temps de danser et d'oublier. Puis par deux autres personnes, autant inconnues aux yeux de Síomha que l'était Madeleine. Mais ces deux-là donnèrent une moins bonne impression que la première. Elles se contentèrent de s'asseoir et d'observer. De rester spectatrices. Où était l'intérêt à cela? En quoi était-ce amusant? Allez savoir. Et elle n'allait pas leur poser la question. Elles pouvaient bien faire ce qui leur plaisait. Madeleine tenta de les inciter à les rejoindre, après s'être éloignée de la belle Síomha qui n'en fût pas déboussolée pour autant. Elle fit un tour lent sur elle-même, la tête penchée en arrière, en pleine communion avec la musique. Lorsqu'elle ouvrit de nouveau les yeux, elle vit que la rousse avait finalement rejoint le mouvement. Sans un son, Síomha se dirigea vers la bouteille de vodka, posée juste à côté de la chaine hi-fi, en but une nouvelle gorgée et sans un regard envers ses camarades, reprit sa danse. La belle vie.

C’était de ça dont j’avais besoin, simplement me poser sur un vélo et observer les mouvements gracieux des deux danseuses. J’avais décidé de terminer mon coca avant d’éventuellement les rejoindre –la bouffe ça ne se gaspille pas-, lorsqu’une rouquine entra elle aussi dans la pièce avant de s’asseoir à ses côtés. Lorsque l’une des deux blondes tendit ses mains vers nous j’agitai ma boisson pour lui faire comprendre que je terminai ma gorgée, puis je posai le verre au pied de la machine avant de me diriger vers le petit groupe qui s’était formé. Soyons clairs, je ne savais pas danser. J’avais toujours été une horrible danseuse, et n’avait pas manqué d’être la risée des élèves lors du bal de fin d’année. Mais c’était un détail dont je me moquais parfaitement. Il y avait bien une chose que j’avais appris à danser, le rock, mais sans partenaire c’était un peu difficile … De toute façon, après m’avoir vue chanter de ma voix de crécelle dans la salle de musique en jouant du xylophone, les téléspectateurs ne seraient pas plus choqués par ma piètre prestation de ballerine. Il était évident depuis longtemps que je n’avais pas le moindre talent artistique, et je l’avais accepté. Je me dandinai au rythme de la musique, fermant les yeux un instant afin de m’en imprégner, enchaînant des mouvements qui n’avaient pas vraiment de sens ou d’harmonie.