✗ SIXTINE

En faisant un point sur l’aventure, je me rendais compte que je me retrouvais très vite seule. J’avais lié des liens avec d’autres habitants, mais ceux-ci ne restaient qu’au stade de je te parle vite fait et puis basta. Les seules fois où je m’étais réellement attardée, c’était pour gueuler avec quelqu’un. Ce n’était pas étonnant de me voir dans les derniers de la liste « d’estimation » de popularité. Je n’excluais pas certaines personnes, avec qui je m’entendais très bien, mais je restais tout de même asociale par rapport à d’autres. Toute la journée, j’avais traîné les pieds, ne souhaitant même pas remédier à cette non-popularité. À quoi bon de toute manière, je n’avais pas envie de me transformer en salope pour enfin exister aux yeux des autres. Tout le monde mangeait à la table prévu à cet effet, dans la cuisine, sauf moi. Enfin si, je mangeais, mais pas avec le reste des gens. Je m’étais vêtue d’un jean simple, d’un top simple et d’un très très très épais sweet pour braver le froid. J’étais assise sur l’une chaise de la terrasse, mes jambes repliées contre moi et mon assiette sur me genoux. Je mangeais petite bouchée par petite bouchée cette chose dans mon assiette, tout en regardant la vue devant moi.

L’heure du repas ô combien sacré pour moi. J’avais hésité à me mettre aux fourneaux, mais j’étais aussi bonne qu’en musique pour ce genre de tâche. Je m’étais donc résolue à faire les yeux doux à un candidat qui préparait un plat de riz afin qu’il ajoute quelques poignées pour moi. Une fois servie je décidai d’aller prendre l’air, évitant ainsi l’agitation qui régnait toujours dans le château un midi aussi peu éloigné du prime. Je laissai mes yeux fouiller les alentours, les arrêtant sur une silhouette esseulée sur la terrasse. Je m’approchai pour reconnaître Oona, équipière des Neve et donc susceptible d’être nominée pour la semaine à venir. Je lui adressai quelques mots d’un ton enjoué. « Oh ma petite Oona, ça te dérange si je m’incruste ? » Eh oui, déjà les petits noms affectifs. J’étais du genre à m’attacher facilement dans ce genre de contexte, et au cas où ça aurait échappé à quelqu’un, la blonde je l’aimais bien. Beaucoup même, je ne savais pas vraiment pourquoi, mais j’avais un bon feeling avec elle. Comme quoi, chanter en duo et partager des confidences sur comment devenir une croqueuse de diamants, ça rapprochait. Je m’installai à ses côtés sans attendre de réponse, observant un instant la couche blanche qui recouvrait le paysage. C’était magnifique, il fallait le reconnaître, même si je détestais le froid par-dessus tout. « Tu sais c’était très beau ta danse Dimanche, mieux que les baisers mouillés de certains. » Je laissais échapper un rire bref, mais j’étais sincère pour la première partie. Elle était douée, c’était indéniable. Elle se laissait absorber par sa passion, appartenait à un autre monde qu’elle nous faisait partager. Et c’était beau. « Ils devaient être déçus que Cupidon ne nous oblige pas à le faire cette fois, alors ils ont pris les devants » ajoutai-je en me remémorant les membres de l’équipe Alix s’embrasser à pleine bouche. Il y avait eu un ou deux réticents qui s’étaient effleurés les lèvres, mais pour la plupart on avait pu noter une certaine implication . . . Enfin bref, cette émission tournait vraiment à l’orgie et bientôt on se retrouverait tous nus dans la piscine. Une petite grimace déforma mon visage à cette pensée. Ce fut seulement à cet instant que je me remémorai notre premier prime, et le comportement étrange d'Oona à mon égard. Je me rendis alors soudain compte qui si ça s'trouvait, je lui parlais comme à une vieille copine alors qu'elle n'avait pas la moindre envie d'une autre discussion avec moi. Je plongeai ma fourchette dans le riz avec une pointe de crainte dans le regard, puis la portai à mes lèvres.

« Oh ma petite Oona, ça te dérange si je m’incruste ? » La voix de Sixtine se rapprocha de moi. Je l’avais reconnue sans même me retourner, mais je le fis tout de même, lui faisant un signe de oui avec un large sourire, tout en finissant d’avaler ce que j’avais dans ma bouche. Je rigolais, elle ne me dérangeait pas du tout. D’ailleurs, je la regardais s’installer à côté de moi avec un sourire, en même temps que je reposais ma fourchette dans mon assiette. Je reportais mon attention devant moi, m’essuyant un peu la bouche avec mes doigts. « Tu sais c’était très beau ta danse Dimanche, mieux que les baisers mouillés de certains. » Je tournais ma tête vers elle, fronçant les sourcils avec un petit sourire en coin. Mis à part Lukas qui aurait aimé me voir danser, elle était la seule à ma le dire. « Merci… mais en même temps, n’importe quoi aurait été de meilleur goût que leur ‘final’ » lui répondais-je en insistant sur le mot final en dodelinant de la tête. À son rire, je ne pouvais pas m’empêcher de sourire sincèrement. J’aimais beaucoup Sixtine. Elle faisait partie des rares personnes qui me donnait envie de me montrer sous mon vrai jour. J’étais toujours sincère avec elle, ce qui n’était pas forcément le cas avec d’autres personnes. Je reprenais ma fourchette en main, engloutissant mon riz. « Ils devaient être déçus que Cupidon ne nous oblige pas à le faire cette fois, alors ils ont pris les devants » Je faillis m’étouffer avec le riz, en l’entendant dire ça. D’ailleurs, j’en fis tomber un peu autour de moi. Une fois tout avalé, je me mis à rire joyeusement. « Je crois que pas mal d’entre nous n’attendent pas le signal de Cupidon pour se rouler des galoches ! » Ca me faisait rire, puisque ça ne m’étonnait pas. « Ou faire autre chose aussi… » Evidemment, je ne faisais pas partie de ces personnes. Je restais chaste et tranquille, pendant que d’autres préférais se dévergonder. Je posais mon assiette sur la table en fer forgé et je me levais pour enlever tout le riz que j’avais sur moi. « Tu manges pas avec les autres ? » lui demandais-je un brun curieuse, en plissant mon front.

Le sourire d’Oona éclaira ma journée plus efficacement qu’un soleil ne l’aurait fait. J’étais soulagée de voir qu’elle ne gardait aucune rancune envers moi de quelconque nature. J’avalai une autre bouchée de mon plat avec appétit, posant la fourchette sur mon assiette avant d’attraper une paire de gants que j’enfilai avec empressement. Il faisait sacrément froid tout de même ! Je repris mon couvert en main, me concentrant sur la conversation. « Ouais c’est sûr . . . » Je me perdis un instant dans mes pensées, marquant une pause. « Quoique le spectacle n’était pas si désagréable par endroit . . . » ajoutai-je songeuse. J’vous l’avais dit que j’aimais mater deux mecs se rouler une galoche, ne prenez pas cet air étonné ! « Mais c’était quand même vachement bien ta danse » lui lançai-je gaiment dans un sourire franc. Elle ne s’en rendait peut-être pas compte, mais elle venait de se déprécier. Je n’allais pas la laisser faire, parce que cette petite blonde avait un véritable talent, qu’elle le reconnaisse ou non. J’étais satisfaite de la voir aussi enjouée à mes côtés, elle n’hésitait pas à plaisanter et à sourire, tandis que parfois, lorsque je l’observais au milieu du groupe, elle semblait plus distante, presque nostalgique. Je ris bruyamment à sa remarque suivante. Tu m’étonnes. Les candidats n’avaient pas eu besoin d’une aide divine ou du Dieu de l’amour pour se jeter les uns sur les autres comme des animaux. « Qui sait, ça t’arrivera aussi peut-être » lui suggérai-je en lui faisant les yeux doux. « On dit que les endroits clos exacerbent les émotions. Même la petite religieuse s’est faite embrasser à plusieurs reprises, c'est pour dire ! » conclus-je en lui citant un exemple comme pour mieux appuyer mon argumentation. Si ça s’trouvait ça lui était arrivé aussi, mais elle n’en avait rien dit à personne. Cependant cela m’aurait étonné, car dans ce château tout finissait par se savoir, d’un moyen ou d’un autre. Je l’étudiai tandis qu’elle retirait le riz tombé sur ses vêtements d’un air amusé, prenant le temps de la réflexion pour lui répondre. « Oh tu sais, l’agitation post-prime peut être fatiguant . . . Et toi ? Tu n’es pas une grande fan des foules, je me trompe ? » l’interrogeai-je en relevant un sourcil. C’était l’occasion de lui poser enfin la question.

« Quoique le spectacle n’était pas si désagréable par endroit . . . » Je la regardais en coin, un sourire amusée par sa remarque. Globalement, il n’y avait rien eu de choquant dans leur geste au final. Voir des personnes s’embrassant, qu’ils soient du même sexe ou de sexe opposés, m’était totalement banal, bien que je n’ais pas saisi le rapport entre ce geste et notre défi. « Mais c’était quand même vachement bien ta danse » Je ne pouvais pas le nier, je connaissais mon talent, n’en déplaise à Syssoï qui me trouvait un poil trop amateur alors que j’évoluais en tant que professionnelle (presque). Pourtant, je ne me faisais jamais aux compliments ou aux gentilles phrases comme celle de Sixtine, que je remerciais par un geste de la tête. J’appréciais vraiment sa compagnie. Je ne saurais dire comment elle faisait ça, mais en sa présence, j’étais comme transformée. Je me prêtais plus aux délires, à l’amusement, contrairement avec les autres, je me « lâchais » avec la blonde. En même temps, elle me donnait envie de m’amuser. Elle faisait partie des candidats que j’enviais pour leur assurance en société, tandis que moi, je peinais à palier mon manque de conversation… « Qui sait, ça t’arrivera aussi peut-être » Je tournais ma tête immédiatement vers elle, émettant un rire en voyant ses yeux doux. « On dit que les endroits clos exacerbent les émotions. Même la petite religieuse s’est faite embrasser à plusieurs reprises, c'est pour dire ! » « C’est ce qu’on dit, mais j’pense pas que ça m’arrivera. Mis à part toi, je ne vois pas qui d'autre aurait envie de m’embrasser ! » Commençais-je en rigolant. « Mais en même temps, je ne cherche pas à ce que ça m’arrive… peut-être que Zhara cache bien son jeu et qu’elle n’est pas si religieuse que ça… » J’émettais ma théorie avec un sourire aux lèvres, on ne soupçonnait jamais les personnes paraissant innocents. Levée pour m’enlever les grains de riz un peu gênant, je m’étonnais de ne pas la voir avec les autres. Elle était tellement bien intégrée au groupe… « Oh tu sais, l’agitation post-prime peut être fatiguant . . . Et toi ? Tu n’es pas une grande fan des foules, je me trompe ? » Je jetais un coup d’œil vers elle, avant de me rasseoir, reprenant ma position, les pieds sur le bord de ma chaises, mes genoux collés contre ma poitrine. « J'te comprend… » Je soufflais, elle n’avait pas totalement tord. « C’est pas que j’aime pas la compagnie des autres, c’est juste que je n’ai pas grand-chose à raconter et j’aime pas être à la table, mais dans mon coin… » continuais-je, reprenant mon assiette de riz et ma fourchette. « Alors pour être dans mon coin, autant l’être devant une magnifique vue, quitte à cailler ! » Je lui montrais en même temps le paysage devant nous d’un geste de la main. « J’en profite ! Je vais sûrement être nominée… »

La jeune fille semblait sous-estimer les candidats du château. Certains n'attendaient pas la permission pour distribuer des baisers, et il aurait suffi qu'elle se trouve au mauvais endroit au mauvais moment pour en être la victime. Remarquez, j'avais moi aussi échappé à cette vague d'excités. Elle avait sans doute raison en suggérant qu'il fallait être deux pour échanger ce genre de choses, car nul doute que celui qui essayait par surprise aurait la trace de ma main sur sa joue. « On recommence quand tu veux chérie. » J’avançai mes lèvres comme pour quémander un baiser avant de m’esclaffer. « Non mais sérieusement tu regrettes d’avoir fait ça ? Tu avais l’air un peu bizarre après » lui fis-je remarquer, sautant sur l’occasion d’obtenir une explication. « Tu imaginais sans doute ta première fois autrement ! » Je plissai le front dans une moue d’excuse, même si ce n’était pas moi qui avais décidé de sceller nos lèvres. Je me sentais un peu coupable d’avoir été à l’origine d’une confusion chez Oona, trouble que je m’étais expliqué par son inexpérience. La pauvre imaginait peut-être un prince charmant, et à la place elle avait fait ça pour faire gagner des points à son équipe dans une émission de télé-réalité. Mais je n’étais pas certaine que le problème se trouvait là, alors autant demander. Concernant Zhara j’esquissai un sourire bref. Je lui avais parlé dans la piscine, et elle m’avait paru très sage. Pas le genre à sauter sur tout ce qui bougeait, mais effectivement dans cette émission on ne pouvait être sûrs de rien. Je soupçonnais déjà Syssoï d’être un bisounours, alors pourquoi pas Zhara d’être une dévergondée. Je m’abstins de toute remarque sur le sujet, me contentant de hausser les épaules. La blonde se rassit dans une position qui semblait être faite pour la protéger du froid. Je décidai de l’imiter, ramenant mes genoux contre ma poitrine en plaçant mon assiette au dessus. J’avalai trois fourchetées de riz en écoutant la candidate. Il était certain que, contrairement à moi, tout le monde n’avait pas été élevé avec des horaires de repas fixes où toute la famille se retrouvait. Cela avait toujours été pour moi un moment de partage et de discussions animées. « T’as raison, c’est vraiment beau ici. On est un peu comme une famille royale le temps de quelques semaines. Une grande famille. » Je tournai mon regard vers elle en souriant, me détachant du spectacle hivernal qu’elle admirait toujours. Cependant mon visage retrouva rapidement une mine outrée. « Mais qu’est-ce que tu racontes oh, y’a pas intérêt je te le dis moi ! Les gens craignent trop les représailles de Sixtine pour oser sauver quelqu’un d’autre. » Pour accompagner le geste à la parole j’agitai mon couvert dans les airs comme si je crevais un œil ou deux. Cela me paraissait inconcevable qu’Oona soit nominée cette semaine, néanmoins je savais parfaitement que son équipe comprenait plusieurs membres appréciés par les autres candidats. Mais elle aussi, il ne fallait pas s’y tromper ! Elle avait pour moi autant de chance que les autres d’être sauvée, alors autant ne pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Je comprenais toutefois sa crainte de ne plus pouvoir admirer le paysage, et je râlais intérieurement de ne pas savoir quoi dire pour la réconforter.

« On recommence quand tu veux chérie. » La voir s’avancer comme ça, ne me fit que plus rire. Dans un sens, si je voulais vraiment être embrassé, je savais vers qui me tourner… Sixtine ne semblait pas gêner avec ça et finalement, je ne me sentis plus réellement gênée à mon tour, en sa présence. En ce qui concerne les autres, c’est une autre paire de manche… « Non mais sérieusement tu regrettes d’avoir fait ça ? Tu avais l’air un peu bizarre après » Je plissais un peu les yeux, apaisant le sourire que j’arboré sur mes lèvres, mais je secouais négativement la tête. « Non, pas du tout. C’est à moi que revient le premier pas… c’est juste que, j’avais un peu bu… un peu trop ce soir là, d’où ma réaction… » Evidemment, embrasser quelqu’un pour la première fois était une expérience très spéciale. Si, pour la plupart du temps, le premier baiser est maladroit, il n’en reste pas moins un souvenir dans la vie d’une personne. Enfin, c’est que je pense… « Tu imaginais sans doute ta première fois autrement ! » J’esquissais un sourire en la regardant de coin. Ma réponse pouvait se lire sur mon visage : évidemment. Attention, je ne suis en rien une romantique, attendant bien sagement dans ma tourelle, le prince charmant qui viendrait m’embrasser. Bien au contraire, c’est tellement nian nian. « Je l’imaginais simplement avec quelqu’un d’un peu plus viril. Mais maintenant c’est fait… » J’émis un rire, à moins que Sixtine nous cache des choses, je ne pense pas qu’elle est un homme. Je prenais une fourchette de riz, puis une deuxième. « T’as raison, c’est vraiment beau ici. On est un peu comme une famille royale le temps de quelques semaines. Une grande famille. » Je souriais, en regardant devant moi et en mangeant tranquillement mon assiette qui se vidait à vu d’œil. C’est vrai qu’en quelques sortes, nous étions privilégiés. Enfin, je reconnaissais la chance que j’avais de vivre dans un château, pour quelques semaines. Rien n’est plus beau que ça, surtout en venant d’une banlieue craignos. Je me contentais d’acquiescer d’un mouvement de tête. « Mais qu’est-ce que tu racontes oh, y’a pas intérêt je te le dis moi ! Les gens craignent trop les représailles de Sixtine pour oser sauver quelqu’un d’autre. » Je la regardais piquer le vide avec sa fourchette, les yeux ébahie par ce que je voyais. Je me mis à rire légèrement, secouant la tête tout en la baissant. Décidément, cette fille, je l’aimais beaucoup et j’aurai vraiment du mal à la quitter. « Merci beaucoup de ton soutiens, mais je suis sûre de gagner si l’on pariait » Lui assurais-je, en ayant une mine résolue. Face aux autres membres de la team Neve, je n’avais franchement aucune chance d’en sortir victorieuse. J’avais beau me convaincre que je pouvais être au moins repêchée au prime, mais j’étais sûre d’être nominée. « Par chance, je ne serais peut être pas éliminée. Les gens vont se dire ‘Oh non, Sixtine va être trop triste sans sa Oona… bon allez, on va tous voter pour elle !’ » Disais-je, avec un petit sourire amusé. Je plongeais ma fourchette dans mon riz, en mangeant les derniers grains qui me restait.

Oona m’expliqua qu’elle avait seulement trop bu à la soirée, ce qui me soulagea très franchement. Bon, au moins ça ne venait pas de moi. J’avais effectivement remarqué qu’elle avait enchaîné les verres sans compter, et en avait visiblement subi les conséquences. « Ca me rassure alors ! » laissai-je tomber avec sincérité. Je piquai quelques grains avec ma fourchette, les avalant aussitôt. Il était certain que je manquais un peu de pilosité pour me faire passer pour le prince charmant. A la limite j’aurais pu tenter d’approcher de Jackson, qui me semblait relativement imberbe, mais pour ça il aurait fallu qu’elle use de son imagination. Je ris à sa remarque, tout le monde imaginait probablement sa première fois avec l’autre sexe. Enfin, presque tout le monde. Cependant dans ce château, les baisers entre filles ou entre garçons semblaient monnaie courante. Pour une personne relativement au fait de ce genre de pratique, ça ne me dérangeait plus depuis longtemps de prêter mes lèvres pour un pari, un défi, ou ce genre de bêtises, puisque je savais parfaitement distinguer le réel du ressenti. Cependant pour des personnes comme Zhara ou Oona qui n’avaient jamais eu d’expérience auparavant, c’était un petit peu plus délicat. On pensait toujours en arrivant dans une émission comme ça, qu’on s’en tiendrait à un certains nombre de règles, et bien souvent tout volait en éclat en l’espace de quelques jours, peut-être quelques semaines. Moi-même je n’étais pas persuadée de pouvoir respecter mes bonnes résolutions initiales, me sentant susceptible de vaciller au moindre instant. Je balayais son remerciement d’un geste de la main, comme si c’était tellement évident d’avoir mon soutien qu’elle n’avait pas besoin de montrer sa reconnaissance. J’esquissai une grimace devant tant de défaitisme, mais il était vrai qu’avec le tirage au sort elle pouvait être inquiète. C’était légitime, puisque je ne faisais pas la pluie et le beau temps à moi toute seule dans ce jeu. Je me mis à rire franchement à sa réplique suivante. « Ca c’est l’esprit ! » lançai-je gaiment. Bon elle avait pigé le truc, ou en tout cas elle faisait semblant devant moi pour que j’arrête de l’embêter avec mes conneries. « Ecoute on va faire un pari alors. Si tu es nominée tu as le droit à une question personnelle à laquelle je serais obligée de répondre avec sincérité. Si tu es nominée mais que tu restes, j’aurais le droit à deux questions personnelles ! Deal ? » Je lui tendis ma main par-dessus mon assiette afin de conclure notre pacte. C’était elle après tout, qui avait proposé un pari. Je tentais d’équilibrer la chose en lui offrant d’abord un sens unique, et ensuite à moi, avec deux degrés différents selon l’importance de l’étape. Ben oui quoi, si elle était sauvée au bord de la sortie elle serait tellement heureuse qu’il était normal que j’ai un petit avantage, non ? Je lui souris avec malice, elle pouvait toujours tenter de négocier les termes du contrat.

J’étais ravie de l’avoir rassurée. Je ne voulais pas qu’elle s’en fasse pour si peu de chose, que j’avais presque déjà oublié. Presque, parce qu’évidemment ce passage allait me rester, mais que dans le bon sens du terme. De toute manière, je garderai toujours un bon souvenir du château et de certains de ses habitants. Ceux qui m’ont été les plus chères… J’esquissais un sourire dénué de sens, à son geste de main. Je me connais trop bien pour dire que j’ai toujours été défaite, parfois plus ou moins, mais rarement je n’ai été optimiste. Si seulement c’était facile de changer de personnalité, je le ferais immédiatement pour devenir super optimiste, sur joyeux tout le temps et super sympathique tout le temps aussi. Sauf qu’on ne peut pas le faire, même avec la meilleure volonté du monde, je ne pense pas devenir quelqu’un d’autre. D’un sens, ça m’arrange bien, je n’ai pas envie de changer ce que je suis pour plaire aux gens… mais d’un autre, je serais toujours avantagée si j’étais différente. En entendant le rire de Sixtine, je ne pu que l’accompagner, mais plus légèrement. « Ca c’est l’esprit ! » Pour une fois, je songeais à l’éventualité d’être sauvé des éliminations, mais je partais tout de même avec en tête qu’on pouvait me compter parmi les nominés. Je souriais, posant mon assiette vide sur la table en fer forgé. J’essuyais discrètement ma bouche, reportant mon attention sur le paysage fabuleux du nid de Cupidon. «Ecoute on va faire un pari alors. Si tu es nominée tu as le droit à une question personnelle à laquelle je serais obligée de répondre avec sincérité. Si tu es nominée mais que tu restes, j’aurais le droit à deux questions personnelles ! Deal ? » Je penchais un peu la tête vers elle, la regardant de coin, comme si nous allions discuter d’affaires sérieuses. J’examinais sa main, hésitant vraiment à la prendre ou non. Mais elle n’était pas vraiment réglo dans ses conditions là ! Je ne cherchais pas à tous savoir sur elle et une question personnelle me suffisait amplement. Je lui lançais un regard défiant, avançant lentement ma main de la sienne. « D’accord… mais si je suis nominée et que je venais à partir, je veux un souvenir de toi !... Ca marche ? » Je lui attrapais la main, la secouant de haut en bas pour sceller notre pari. Au moins, je garderai un souvenir de la blonde, même loin du château. Je la regardais pendant un moment en silence, avant de me réveiller un peu. « Tu veux à boire ? Je vais chercher de l’eau dans la cuisine ! »

De toute évidence Oona pesait le pour et le contre face à ma proposition, lorgnant ma main comme s’il s’agissait d’une offre d’emploi. Les avantages, les inconvénients. Elle se décida finalement à la serrer doucement, ce qui me retira un large sourire de satisfaction. Ouais ouais, j’étais super heureuse d’être parvenue à mes fins. « Ok, ça marche ma chère ! » Nous avions ainsi scellé cette promesse, et je m'en trouvais ravie. Je n’espérais pas avoir à lui donner quelque chose de moi. Du un parce que je voulais qu’elle reste, et de deux parce que je ne savais pas vraiment ce dont je pouvais me détacher pour l’offrir à la jeune fille. Je n'étais pas certaine qu'elle accepte une chaussette. A cette pensée j'esquissai un fin sourire, reportant mes yeux sur la demoiselle. Bof, de toute manière elle ne partirait pas, alors pas la peine de stresser, n’est-ce pas ? Non, je ne voulais vraiment pas qu'elle parte. Je posai mes yeux sur mon assiette terminée, tiquant à la question de la blonde. C’était une excellente idée ça. Je me levai, ce qui me réchauffa immédiatement. « Je t’accompagne, je commence à avoir froid . . . » Je bougeai mes jambes en émettant un petit bruit, pour signaler que ça caillait vraiment. A force de rester immobiles, nous allions nous transformer en glaçon. Je me réjouissais par conséquent de rejoindre l’intérieur du château en sa compagnie.