Ma deuxième semaine dans le nid était déjà bien engagée. Comme on me l’avait si bien dit, j’étais une candidate à part entière maintenant. Une vraie de vraie et je savais que mon secret, au même titre que ceux des autres, allait être super convoité. Je me devais de bien le garder pour même et ne pas trop parler pour en dévoiler les rouages. Surtout avec certaines personnes. Comme l’autre blondasse aux milles et uns buzz à son actif. En plus, si ma mémoire ne me faisait pas défaut, elle avait pas mal d’argent. Un peu trop même. Elle pouvait nous buzzer comme elle le souhaitait. Je secouais ma tête subtilement, pour essayer de m’enlever ces pensées de ma tête. Après tout, il n’y a pas de raison pour qu’elle – Swann – trouve le mien en particulier : il me suffisait de ne pas lui parler, ou de lui parler pour ne rien dire et brouiller les pistes. Plus difficile à dire, qu’à faire, quand cette même demoiselle se trouvait à côté de moi à ce moment précis. Je devenais peut-être un peu parano sur les bords. Je levais les yeux au ciel, continuant de courir sur mon tapis de course. Comme je le faisais depuis déjà une bonne demi-heure, toujours aussi fraîche qu’au début. J’ai plutôt de la chance d’avoir une forme presque olympique. Non je ne me vente pas du tout, ce n’est que pure vérité. Un sourire se dessina alors subtilement sur mon visage. La demoiselle d’à côté courrait elle aussi. Pas si rapidement que ça. Je l’observais du coin de l’œil, avant d’avancer mes doigts sur les réglages de sa machine. « C’est bon là, t’as fini de marcher… tu peux courir maintenant ! » M’exclamais-je, un peu/beaucoup sans gênes. Mes doigts sur la machine lui firent passer la vitesse supérieure.

Aujourd’hui, j’ai décidé de faire mon sport hebdomadaire. Je me sens d’une forme particulièrement bonne, aussi je me fixe un objectif bien précis : trente minutes de course à pied. Je me rends donc dans la salle de sport pour fouler tranquillement un tapis de course, les écouteurs dans mes oreilles pour éviter d’avoir à converser avec ma voisine : la blondasse. Non pas que je me sois déjà faite une opinion à son sujet, cela dit elle m’a passablement agacée lors du premier prime, aussi je me méfie de la bestiole. Et j’ai raison, puisqu’elle décide de rompre le silence en trafiquant ma machine. Je fais tomber l’un de mes écouteurs juste à temps pour percevoir son sarcasme. Mais quelle peste ! Je souffle avec un peu plus de difficulté, lui lançant un regard noir. C’est quoi son problème ? Je tends à mon tour mes doigts vers sa machine, augmentant la vitesse de quatre paliers, soit un vrai marathon étant donné qu’elle a déjà une allure rapide depuis plusieurs minutes. « Et toi tu peux te casser la figure, ça nous rendrait service à tous. » Je lui réponds en accélérant la cadence comme si de rien n’était et que son petit jeu ne m’atteignait pas. Car si elle se blesse et quitte le jeu pour nécessités médicales, ce sera aussi bien. Déjà qu’elle a intégré la maison de justesse . . . il aurait suffi d’un vote, un seul, et je regrette d’ailleurs d’avoir dit oui. Je suis trop bonne, et voilà que cette prostituée me pourrit la vie. Elle devrait plutôt me remercier de lui avoir offert la possibilité d’embêter les candidats de ce château. En tout cas si elle désire jouer à ça, elle va bientôt constater qu'elle n'est pas la meilleure.

Ca me prenait parfois. Sans me prévenir, mon corps réagissait de lui-même ou ma langue, pour faire des choses jugées « méchantes », « irresponsables », ou « irréfléchies » (ou « obscènes » aussi). Ce n’est pourtant pas de ma faute. Je suis comme les personnes atteintes de coprolalie (oui oui je connais ce mot !). Eux ils ne peuvent pas s’empêcher de lâcher des sales gros mots. Moi, je ne peux pas m’empêcher d’être méchante, ou de me mêler de ce qui ne me regardait pas. Ce n’est pas de ma faute alors, si à présent Swann devait courir un peu plus rapidement, je ne pouvais pas être blâmé pour ça. C’est donc un peu plus angéliquement que je reposais mon regard devant moi, ne faisant pas plus attention à la blonde. Le petit problème est que, voyez vous, elle ne se contentait pas de me traiter dans sa tête. Non, elle avançait à son tour ses doigts vers ma machine. Aucune imagination celle-là, à imiter ma méchanceté sans saveur. « Et toi tu peux te casser la figure, ça nous rendrait service à tous. » Pourtant, Swann gagna sans conteste (et elle ne croyait pas si bien dire). Augmenter de quatre paliers d’un coup était beaucoup trop. Il fallait être réaliste et même si en surface je ne l’admettais pas, elle s’était bien défendue. Je perdis immédiatement pied. Je me retenais aux barres, mais ce fut absolument inutile. Je me rétamais en beauté, emportée par le tapis. Par la même occasion, ma tête cogna je-ne-sais-quoi. Après quelques secondes passée à terre, je me relevais, sentant quelques choses au niveau de mon front. Mon visage ! Mon beau visage ! Je me relevais, totalement paniquée. Cette blondie allait me le payer, si quelque chose était arrivé à mon visage !

Cette sorcière m’avait sous-estimée, comme beaucoup d’autres avant elles. Sans doute à cause de mon minois angélique, de ma silhouette de fil de fer, de ma force de moineau, de mon air un peu niais, de ma facilité à pleurer. Mais se montrer avenante n’est pas synonyme d’incapacité à se défendre de toute attaque. Si elle croit que je vais user de mes larmes pour si peu, elle se goure la blondasse. J’aurais pu, comme technique pour susciter des remords, cependant je suis presque convaincue qu’avec elle ça ne fonctionnera pas. Aussi j’estime que le vieux proverbe ‘œil pour œil, dent pour dent’ peut s’appliquer, même si généralement je ne cautionne pas la violence en réponse à la violence. Avec elle, cela se justifie, aussi je choisis de lui faire payer son affront précisément de la même façon qu’elle a décidé de m’embêter, soit en lui faisant passer quatre vitesses au dessus de celle qu’elle a enclenchée. Eh bien quoi ma grosse, on n’est pas aussi rapide qu’Usain Bolt ? Je l’observe du coin de l’œil se vautrer lamentablement, riant aux éclats devant cette victoire écrasante. Cependant je cesse rapidement en appuyant sur le bouton d’arrêt de ma machine lorsque je la vois immobile. Je descends, le visage interdit en pinçant les lèvres. Mince, si ça se trouve je viens de l’assommer, de la défigurer, de lui provoquer un trauma crânien ! Je m’apprête à lui porter secours lorsqu’elle se relève finalement en paniquant lorsqu’elle aperçoit du sang couler de son front. « Attends, attends, calme-toi ! » Je tente de la rassurer en écartant ses mains pour pouvoir contempler l’ampleur des dégâts. Rien de bien terrible, une petite entaille et une bosse pour quelques jours. « Tu aurais sûrement une petite croûte lors du prime, mais avec un peu de maquillage tout le monde n’y verra que du feu et tu pourras recevoir ta couronne de reine de beauté, ne t’inquiètes pas. » Je pouffe légèrement devant sa mine déconfite, me dirigeant vers le sac que j’ai emporté pour en sortir du produit désinfectant et une petite serviette. Je m’en sers pour mon propre doigt que je me suis coupée dans la cuisine hier et autour duquel j’ai enroulé un beau petit pansement avec des fusées. J’appuie sur la bouteille qui envoie du produit dans un ‘pshiiiit’ caractéristique, puis essuie le sang qui entoure la blessure avec la serviette. Il y en a beaucoup, mais il y a plus de peur que de mal. « Ca va ? » Je l’interroge réellement inquiète, en décidant de lui épargner la leçon de morale et la théorie du retour de bâton, du karma, et j'en passe et des meilleures.

Sérieusement, je ne l’avais pas vu venir, avec son air angélique et ses quarante kilos, toute mouillée. Je n’ai même pas eu le temps de la voir étendre le bras, que je me retrouvais déjà à terre, mordant – entre guillemet – la poussière. Ce n’est même pas tout, parce que ça la faisait marrer en plus. Dans une tout autre circonstance, je me serais bien levée pour lui coller une droite et lui faire passer l’envie de se foutre de ma gueule. Elle a de la chance, parce qu’elle se mit à paniquer. Ahah, si elle m’avait réellement blessée, elle aurait été foutue. Heureusement pour elle, je réussissais à me relever sans aide, quoique un peu sonnée et pas mal paniqué. Je sentais tout de même quelque chose au niveau de mon front et plus qu’une simple douleur. « Attends, attends, calme-toi ! » Je tournais mon visage vers elle, alors qu’elle venait de me rejoindre, mes yeux lui lançant deux éclairs de foudre. Me calmer ? Elle était sérieuse ? « Me calmer ? » Répétais-je, un ton au dessus du sien. Comment voulait-elle que je me calme quand je me retrouvais défigurée. J’étais certaine d’avoir mon visage complètement gâché par son comportement de gamine. J’allais devoir arranger ça par une énième intervention, c’était déjà tout vu. Alors que j’avais toujours mes mains portées à mon visage, elle me les dégagea pour voir l’étendu de ses dégâts. Je sentais une forte chaleur à mes joues, les imaginant trop rouges. Mon corps s’était emballé lors de ma chute et avait du mal à s’en remettre. « Tu aurais sûrement une petite croûte lors du prime, mais avec un peu de maquillage tout le monde n’y verra que du feu et tu pourras recevoir ta couronne de reine de beauté, ne t’inquiètes pas. » Je serrais les mâchoires, mon envie de la taper n’étant toujours pas partie. J’essayais aussi de ne pas crier. *Du calme, sinon ça va mal finir…* Je préférais m’éloigner d’elle pour vérifier la moindre parcelle de ma peau dans le miroir. Parfais, mis à part l’horrible bosse et l’entaille que j’allais me coltiner, tout semblait être toujours aussi parfait. Je la laissais alors m’approcher et me nettoyer tout ce sang. « Ca va ? » Je lâchais un rire ironique, la bouche presque grande ouverte. Un truc du style « AHAHAH » La réponse était tellement évidente que de nouveau, j’haussais la voix. « Non ça va pas putain ! T’as vu ce que t’as fais à mon visage ! J’en prends toujours soin et à cause de toi, je me retrouve avec un truc horriblement monstrueux ! » Quand on y réfléchissait bien, je ne lui avais pas fais grand-chose en plus à la Swann. En contre partit, je m’étais retrouvée à terre, mon visage à tout les coups défiguré à cause de ses conneries. Moi je dis que Cupidon devrait la sanctionner pour ça. La méchanceté c’est moche, mais la violence !