ft. milano

On a mis quelques heures à s'échapper des bureaux de la production. Après un bref briefing de ce qui nous attendait à l'extérieur, Milan, Léonie et moi-même avons pris la fuite jusqu'à un pub plutôt célèbre dans la ville pour sa bonne ambiance et sa bière bon marché. Milan connait bien les environs, il est irlandais de naissance et Dublin est son terrain de jeu comme Paris est le mien. Il ne tarde pas à nous conduire jusqu'au lieu en question, la devanture rouge m'impressionne et la musique folklorique qui s'échappe de l'unique porte est comme un appel à la fête. On rentre, s'installe à une table, beaucoup nous reconnaissent et certains s'approchent déjà de Léonie et moi. « Je t'aaaaaaime. » Que les jeunes loustiques font dans un français écorché par l'accent et surtout l'alcool. On éclate de rire, les premières bières s'enchainent, on s'essaye à plus fort pour finalement s'entamer au whisky. Je ne tiens déjà pas bien debout sur mes talons et Milan rit pour quedal. Quant à Léonie, elle semble avoir disparu, entrainée par quelques mecs qui la font tourner comme une folle sur le "dance floor". J'ai envie de danser moi aussi. Une ronde se forme entre les tables, tous rient allègrement, je tire mon pote de la soirée par le bras. « Viens avec moi. Alleeez. » Il refuse, râle, rit puis obtempère. Bras dessus bras dessous, on se fait entrainer par les bidets, je reste collée au blond pour ne pas me faire emporter dans la foule. Je ne connais absolument rien de la danse traditionnelle irlandaise, ni du tap dancing. Je me contente de sauter au rythme de la cornemuse et des basses assourdissantes, de toute façon je n'ai pas vraiment le choix avec ces bras autour de mes épaules qui m'entrainent à droite et à gauche. Fake Lover est bien loin.

Donc c'était fini. Déjà. Merde. Inutile d'éluder, Milan l'avait mauvaise. Partir à cause du manque de votes des spectateurs ne l'aurait pas dérangé mais se faire éjecter par les candidats eux-mêmes, il avait un peu du mal à l'avaler. Même la nouvelle et le mec qu'on avait plus vu depuis des semaines, ce Clément, étaient restés. Était-il donc si difficile à supporter ? Ou était-il simplement le mec qu'on avait viré par défaut ? Il était incapable de le dire, du moins tout de suite. Peut-être qu'une fois tranquille, chez lui, en y repensant, il pourrait voir clairement les raisons de son élimination, mais ce n'était pas exactement ce qu'il avait envie de faire maintenant. Alors qu'on le faisait sortir du plateau avec les deux filles, et qu'une paire d'abrutis à micro leur expliquait ça et ça, ce qu'il ne fallait pas faire car il était toujours sous contrat, pas d'exposer, pas balancer sur la chaîne, ce genre de choses, il revoyait les cris de Sixtine, l'indifférence totale de la plupart des autres, et Madeleine qui pleurait sur son épaule. Madeleine avec qui il était toujours, ainsi que Léonie. Milan connait assez bien Dublin, pour y avoir passé un nombre d'heures incalculables par le passé. Trouver un coin sympa où passer le reste de la nuit ne pose pas de problème et c'est une espèce de boite typique irlandaise qu'il attire son attention. Aussitôt, le petit se faufile vers le bar, laissant les filles avec leurs... fans? ce qui y ressemble, en tout cas. Trois bières. Ça suffira pour le moment. À partir de là, ça fuse. Verre, sur verre, sur verre. Milan passe rapidement au Jack's. Si on dansait ? Allons danser. C'est Madeleine qui le tire sur la piste, car Léonie est... quelque part. Pas ici, en tout cas. Non, pas envie. Si? bon d'accord. Il rit en commençant à taper des pieds en rythme. S'il connait bien le tap dancing, il n'est pas non plus un virtuose, et se débrouille comme il peut, l'esprit un peu embué par l'alcool. On aurait presque dit un irlandais pur et dur. Faisant bouger sa compagne comme il pouvait, l'entraînant en rythme autant que possible, il finit par rire, lorsqu'ils s'emmêlaient les pieds. « Oups, ah ! pas comme ça, la française » qu'il fait d'un air d'expert, un sourire un peu moqueur sur les lèvres. Attrapant sa main, il lui fait effectuer un demi-tour, la poussant, la tirant en fonction des pas. C'est crevant. Dieu sait qu'ils devaient avoir l'air ridicule. Il halète en riant à moitié « j'en peux plus » et disparait. Deux whiskys en main, il réapparait, lui passe un des verres. « Santé. » Un clin d'œil et aphone presque l'alcool. Il rit pendant juste deux secondes, attrape les épaules de la blonde et c'est reparti. Ça faisait longtemps qu'il ne s'était pas lâché comme ça. Avant l'émission, au moins.

Milan me fait danser, il est plutôt bon dans son genre, il m'écrase parfois un orteil mais je ne lui en tiens pas rigueur. De toute façon je suis tellement alcoolisée que je ne sens rien, perchée sur mes douze centimètres de talons que je lamine en sautillant dessus depuis trois heures. Sa remarque m'arrache un grand rire un peu éméché, je le fusille du regard avant de lui donner une petite tape sur la joue de ma main originellement posée sur son épaule. « Mais dis moi l'irlandais, tu fais le malin mais moi j'aimerai bien t'y voir moi, dans un autre registre. » Je lui dis d'un air de défi. Je suis persuadée que confronté à la salsa, ce ne serait pas du tout le même résultat. Je suis prête à mener la danse mais il disparait sans prévenir de mon champs de vision et je me retrouve sans cavalier au milieu de la piste de danse, les bras ballants, bêtement. Goujat! Je me contente de les lever au dessus de ma tête au rythme de la musique avant qu'il ne réapparaisse finalement avec deux verres à la main. Mais quel homme, mais quel homme! « Tu me l'offres alors? Gentleman en plus. C'est gentil, merci. » Je fais, espiègle, tout en esquissant un clin d’œil en sa direction. « A nous. » Parce que putain, je m'en rends bien compte maintenant, on se faisait grave chier dans Fake Lover. Je ne me suis pas amusée ainsi depuis un bail. Je bois le contenu de mon verre sans le lâcher du regard, espérant que mon état d'ivresse bien entamé ne me fasse pas louché sur son nez. Il me rattrape finalement par les épaules, si bien que je n'ai pas le temps de poser mon verre que je garde entre mes doigts. Je le vide d'une traite et le glisse finalement entre les mains d'un sombre inconnu, dans l'incapacité de le finir. « Petite joueuse. » Je fais pour moi-même en riant avant de me rapprocher de lui. Je glisse un bras autour de son cou, plonge mes iris dans les siennes. « Montre-moi comment tu t'y prends pour draguer les minettes avec ton déhanché que je rigole un peu. » La musique, qui vient de changer, se prête parfaitement à une danse un peu plus sensuelle. C'est le moment de m'impressionner, non? Moi qui n'étais pas foncièrement proche de Milan dans le nid, je demande à voir. « Et je te parle de vraies femmes, pas de danseuse folklorique. » J'ajoute, railleuse.