Connor

Marre. J'en avais littéralement marre de tout. Que ce soit de mon aventure, de mes camarades, de l'enfermement... J'étais à deux doigts de craquer. Mes nerfs avaient lâché plus d'une fois dans ce nid, et il était désormais hors de question que je me montre une nouvelle fois impulsif ou insultant envers un autre candidat. Car c'était bel et bien ce que je faisais, quand j'étais au bout du rouleau et que je ne contrôlais plus rien. Aujourd'hui, plutôt que de passer mes nerfs sur l'un de mes camarades, j'avais décidé d'aller prendre un peu l'air sur le balcon. L'air frais me fouettait le visage, mais ça faisait beaucoup de bien. Je pus ne penser à rien le temps d'un instant, jusqu'à l'arrivée d'une tierse personne dans mon dos en fait. J'entendis des pas s'approcher doucement. Je mis alors mes deux mains sur la rambarde, sans chercher à savoir qui se trouvait maintenant derrière moi. Je voulais jouer un peu, quitte à passer pour je ne sais quoi encore. « Qui que tu sois, ne t'approche pas ! Je... je vais sauter ! Je suis très sérieux, je vais en finir ! Pour de bon ! » Pas sérieux pour un sou, je faisais comme si j'étais sur le point de mettre fin à mon calvaire. Excusez moi mais mon aventure ressemblait à peu près à ça. C'était l'aventure d'un martyre qui en avait ras-le-cul. J'ignorais si j'étais réellement crédible dans le rôle du mec suicidaire et à bout. Une chose était sure, à moins qu'on ne me pousse dans le vide, je n'avais pas l'intention de passer par dessus bord. Merci, c'était tentant, mais c'était relativement haut et la chute ne pourrait être que fatale, au final. J'étais certes à deux doigts de craquer psychologiquement, mais j'avais quand même quelques années devant moi encore, avant de casser ma pipe.

Cigarettes, cigarettes, cigarettes. Mon corps semblait réclamer sa dose à outrance. J'aurais pu arracher littéralement la tête de quelqu'un si je ne mettais pas la main sur mon paquet, dans la seconde qui suivait. Pourquoi il n'était pas dans la poche de ma veste d'ailleurs ? Je fronce les sourcils, mon briquet est sur la table de nuit. Étrange. J'ai envie de fumer parce que j'sens que j'vais littéralement péter un câble sinon. J'ai l'impression de fumer plus qu'à l'accoutumer, pour compenser sûrement. Le manque, l'isolement, j'fume comme un pompier. Beaucoup plus que ces dix dernières années par ailleurs et ça fait flipper. J'arrive à mettre la main sur un paquet, ce n'est pas le mien, elles sont beaucoup plus light que les miennes mais tant pis. C'est toujours mieux que rien, j'en fumerais deux à la limite. Pas envie de redescendre, j'avance vers le porte fenêtre qui mène au balcon et la pousse. Ruben est de dos. Je m'apprête à le saluer et puis, il se s'empare de la balustrade, ses pieds mais il est taré ce mec. J'en aurais presque envie de rire. J'y crois pas une seule seconde, il n'a rien d'un mec suicidaire, il est trop mature pour cela. Même si ça ne transparaît pas à chaque fois. Si bien que j'décide de jouer le jeu. Mais avant cela, j'allume mon petit bâton de nicotine. Parce que faut pas déconner franchement. « Oh non, non par pitié. J'étais sur le point de t'avouer mon amour... Non, tu ... Fais pas ça, je t'en priiiiiiie ! Tu gâches tous mes plans là ! » Légèrement théâtrale vous avez dit ? Ouais mais qu'est-ce que c'était drôle. J'espère que je ne fais pas fausse route parce que ce serait légèrement stupide comme manière de procéder.

S'en était terminé des emmerdes. Pour le bien de tous et de l'humanité, j'avais décidé d'en finir avec la vie et c'est pourquoi je m'étais rendu au balcon dans l'idée de sauter par dessus et de m'écraser comme une daube dix mètres plus bas. Une mort qui s'annonçait certes violente, mais ô combien libératrice. Alors que j'étais sur le point de commettre cet acte irréparable, quelqu'un fit irruption derrière mon dos. La vache, ça sentait la clope à deux kilomètres à la ronde. Sans trop m'avancer, j'avais quand même dans l'idée que c'était Connor qui se trouvait désormais derrière moi. Je reconnus sa voix lorsque celui témoigna toute son horreur. « Oh non, non par pitié. J'étais sur le point de t'avouer mon amour... Non, tu ... Fais pas ça, je t'en priiiiiiie ! Tu gâches tous mes plans là ! » Il était bouleversé, et il y avait de quoi : l'homme de sa vie, celui à qui il avait prévu d'avouer son amour, allait se suicider. Mais j'ignorais tout de ses sentiments, alors bien sur je n'avais pas pris en considération ceux-ci lorsque j'avais décidé de passer par dessus bord pour abréger mes souffrances. Je tournai alors brusquement la tête, comme si j'avais été pris d'une illumination soudaine. « Tu... tu... tu m'aimes Coco ? Oh on ne m'a jamais dit de si belles paroles. Dans mes bras mon amouuuuur ! » Je lâchai alors la rambarde pour me jeter dans ses bras, avec passion et folie. Je pris quand même soin de ne pas lui faire perdre sa clope au moment de l'étreinte. Et, d'un coup, je le regardai avec un air des plus suspicieux. « Heu... c'est con, non ? On a pas genre l'air de deux abrutis ? » On devait en avoir l'air, certainement. Mais nous avions bien le droit de nous amuser un peu, aussi, non ? Et ce n'était pas sa faute, à Connor, c'est moi qui l'avait entrainé à jouer les idiots. Toute la responsabilité était la mienne. Je plaidais coupable.

Sérieusement ? On devait avoir l'air stupide. Mais putain qu'est-ce que ça faisait du bien de lâcher du leste. Après cette semaine de merde, j'étais content finalement que Ruben ait ce genre de réaction. J'sais pas pourquoi il avait eu envie de faire ce qu'il avait fait mais merci poto. Mes mots avaient apparemment frappé le candidat qui s'était retourné aussitôt. Ouf, je passe ma main sur mon front exagérant mon soulagement. J'étais sur le point de répondre quelque chose lorsqu'il me sauta dans les bras. « Oui... Les femmes sont pas faites pour moi, elles ne sont pas assez romantique. Toi par contre... grrrr. » C'était stupide, et un sacré blasphème de dire qu'une femme n'est pas romantique, mais visiblement les spécimens que nous visions l'un et l'autre, n'ont pas été touché par ce gêne ô combien féminin. La réplique de Ruben qui était toujours collé à me fit sourire. « Si mais ça fait du bien, d'arrête de se prendre la tête pendant deux secondes. » Et puis bon, au pire la séquence passerait au prime, nous enfonçant tous les deux ? Rien à foutre. J'étais entrain de fraterniser avec l'ennemi là non ? Ah bah non puisque j'avais gagné son camps lors du prime, j'avais faillit zappé ça tiens. Ouais donc en somme je m'en tape. Et puis c'est un peu gênant cette position, alors je me détache du brun. Parce que bon, ma clope se consume toute seule, c'est con. « Bon alors, ça craint pour toi aussi visiblement ? » Lançais-je, j'vois pas pourquoi il se confierait à moi, on est pas proche mais bon, j'tente toujours on verra bien.

Sauter dans les bras de Connor, fait. Je n'y aurais jamais pensé, mais l'occasion m'en avait été donnée après que celui-ci m'ait fait renoncer au suicide. Il savait trouver les mots justes, le Connor. Au moins avec ça, la production s'évitait un cadavre sur les bras. C'était toujours ça de positif. Connor et moi allions pouvoir vivre notre amour au grand jour, nous n'avions pas l'intention de nous cacher. Il m'aimait, je l'aimait, on s'aimait... What a wonderful happy end ! « Oui... Les femmes sont pas faites pour moi, elles ne sont pas assez romantique. Toi par contre... grrrr. » Comme je pouvais le comprendre. Pas sur le fait que j'étais, heu comment il disait déjà, ah oui "grrrr", mais bel et bien sur le fait que les demoiselles de ce nid manquaient cruellement de romantisme. Je m'étais comme qui dirait un peu 'affiché' en avouant mes sentiments d'une façon assez pathétique, alors bon je savais ce que ça faisait de se prendre un bon gros râteau dans le face. « Elles ne sont pas faites pour moi non plus, elles n'ont que faire de mes belles paroles. » Des belles paroles qui m'avaient écorchées la bouche plus d'une fois. Je n'étais pas habituer à faire des déclarations d'amour, alors bon c'était encore tout nouveau pour moi. J'avais demandé à Connor si nous n'avions pas juste l'air de deux abrutis, comme ça, dans les bras l'un de l'autre. « Si mais ça fait du bien, d'arrête de se prendre la tête pendant deux secondes. » Ah ça, c'était clair. Pendant un instant, en jouant au con avec lui, mes soucis m'étaient comme sortis de la tête. Parfois, ça avait du bon de passer pour un gros abruti. « Tu l'as dit ! On est le couple IN de ce nid, moi je te le dis tout net. » Un couple totalement imaginaire, mais drôle quand même. On allait tellement pas ensemble lui et moi, c'est ça qui était drôle dans cette histoire. Connor se détacha finalement, sa cigarette toujours à la main. « Bon alors, ça craint pour toi aussi visiblement ? » On pouvait le dire. Ce n'était pas la fête, j'étais loin de vivre une aventure extraordinaire, pleine de bonheur et de bonne entente. Connor avait cherché à ce que je me confies un peu, alors je ne voyais aucun inconvénient à le faire. « Ah ça, c'est clair que c'est pas la joie... J'ai la tête farcie par des histoires à l'eau de rose, pour la première fois de ma vie, et ça me fout littéralement le moral dans les chaussettes. » Bref, je n'allais pas super bien, car j'étais totalement perdu entre mes pensées, mes désirs et mes sentiments. Et ça ne semblait pas prêt de s'arranger...

Cette scène ressemblait à un mauvais film romantique, c'était niais et parfaitement ridicule mais le ridicule n'a jamais tué personne. Et le principal c'est qu'on semblait s'amuser autant l'un que l'autre. C'était surjoué et totalement inimaginable en réalité, mais c'était drôle, particulièrement drôle même. Notre parcours avec la gente féminine de ce nid avait quelques similitudes à ceci prêt que sa relation avec Moore semblait moins corrompue que la mienne avec Sixtine, mais il était clair qu'on était totalement incompris. Il est rare d'avoir à faire à deux spécimens masculins touchés par le romantisme sous le même toit, et encore plus rare de voir deux spécimens féminins totalement insensibles. Si bien que je ne pus m'empêcher de sourire face à sa remarque. « Totalement insensibles ces nanas. » J'joue au mec blasé, pourtant évidemment que j'suis encore sous le coup de la réaction de Sixtine et que je le vis pas aussi bien que cela. Je m'efforce à donner le change tout simplement. Je ne pus m'empêcher de rire une nouvelle fois face à sa remarque. Lui et moi, le couple IN ? Hum, oui bien sûr, dans une réalité alternative peut être. « Le plus improbable surtout, c'est ça qui est IN, parce qu'on tous leur clouer le bec à ses romantiques. » Oui bon j'ai l'air d'un enragé, d'un mec qui se bat pour ses idéaux alors qu'en réalité, tout ceci n'est que du vent. Et puis je fume. Evidemment, je ne lui propose pas de cigarette, il ne fume pas il parait. Et prend soin de recracher la fumée dans la direction opposé parce que j'suis super cool comme type mine de rien. Et puis il se confie à moi, il paraît que ça soulage, j'suis pas sûr que ce soit vrai dans mon cas. La honte prenant littéralement le dessus sur le reste. « C'est cette putain de baraque. J'sais pas, elle doit avoir une emprise mystique sur nous et nous pousse à faire des choses insensés, à ressentir des choses inhabituelles pour qu'on se sentent pousser des ailes. Et quand on trouve le courage de l'avouer à la personne concerné. Elle nous reprend tout, parce qu'elle aime nous voir souffrir cette garce ! » C'est tellement plus facile d'accuser cette baraque en la personnifiant plutôt que d'essayer de comprendre où ça a flanché, de se dire qu'on s'est fourvoyé depuis le début. Et qu'on est con de s'imaginer que des trucs pareils puissent nous arriver à nous pauvres mortels.

Les femmes de ce nid ne nous comprennaient pas, nous, pauvres mâles déchus ayant fait pour une fois preuve de beaucoup de romantisme. Elles n'avaient que faire de nos sentiments, préfèraient nous briser le coeur sans se soucier du fait que cela pouvait nous faire souffrir. Connor et moi en avions fait l'expérience, lui avec Sixtine et moi avec Moore. Ces deux demoiselles, à qui nous avions chacun avoué nos sentiments, nous avaient juste brisé le coeur. Mais Moore m'avait semblée tout de même plus compréhensive que Sixtine, qui d'après ce que j'avais pu entendre, n'avait vraiment pas été très sympa avec Connor. Si je m'étais pris une sacrée tarte dans la gueule l'autre jour, alors je n'imaginais même pas ce qu'il en avait été de Connor. « Totalement insensibles ces nanas. » On ne pouvait dire plus vrai. C'était incroyable de voir deux mecs comme nous, à la base pas franchement sensibles, dévoiler comme ça nos sentiments. Et c'était aussi incroyable de constater à quelle vitesse nous pouvions nous prendre le râteau du siècle, en passant au passage pour ridicules. « Tu veux que je te dise, elles ne savent pas ce qu'elles perdent. » Elles ne le sauraient jamais... Tant pis pour elles. Nous nous étions peut-être évité bien des emmerdes, en fin de compte. Mais bon, je gardais tout de même un tout petit espoir pour Moore, un tout petit petit espoir. Connor et moi étions incontestablement le nouveau couple en vogue du nid, personne ne pourrait nous contredire là-dessus. Connor ne pu s'empêcher de rire à ma précédente réplique. « Le plus improbable surtout, c'est ça qui est IN, parce qu'on tous leur clouer le bec à ses romantiques. » C'était trop vrai. En effet, nous étions un couple tout à fait improbable, mais les différents s'attiraient aussi parfois. « C'est clair, plus imbrobable tu meurs. Ça leur fait les pieds à tous ses cons. Ils doivent creuver de jalousie à l'idée de nous savoir ensemble. » C'est qu'on vendait du rêve, quand même, Connor et moi. Je venais de me confier à Connor concernant mes déceptions amoureuses. Il n'y en avait eu qu'une, mais vu que j'avais eu le coeur brisé plus d'une fois par la même personne, je mettais ça au pluriel. Connor se confia à son tour, visiblement énervé et sur les nerfs. « C'est cette putain de baraque. J'sais pas, elle doit avoir une emprise mystique sur nous et nous pousse à faire des choses insensés, à ressentir des choses inhabituelles pour qu'on se sentent pousser des ailes. Et quand on trouve le courage de l'avouer à la personne concerné. Elle nous reprend tout, parce qu'elle aime nous voir souffrir cette garce ! » Ce nid avait en effet quelque chose de bizarre. Je n'avais jamais été aussi peu moi-même que depuis mon arrivée ici. J'accumulais faux pas sur faux pas, conneries sur conneries et surtout je disais des choses que je ne me croyais pas capable de sortir un jour, à qui que ce soit. Les femmes n'étaient peut-être pas les seules responsables de notre malheur, finalement. « Cette salope nous a bien eu, quand même. Mais vengeance sera faite. » Oui bon je ne voyais pas trop comment me venger sur une barraque, mais il était hors de question que je garde la tête baissée et le blues jusqu'à la fin de mon aventure. Je n'allais pas rester la loque que j'étais actuellement. Connor et moi finirions tôt ou tard par reprendre du poil de la bête, et ce jour là il y aurait du sang sur les murs.