W/ SIXTINE

Perché tout au bord d'une sorte de point culminant de la falaise, les mains dans les poches, la clope au bec, Milan surplombait la mer qui s'étendait au pied de la paroi rocheuse. La tête un peu relevée, il n'était absolument pas effrayé par le vide dans lequel il tomberait s'il ne faisait ne serait-ce qu'un pas en avant. Le vertige, il n'en avait jamais souffert, au contraire, il trouvait cette façon de se retrouver juste en équilibre entre la terre et le ciel fascinante. Alors il avait enjambé souplement le parapet de sécurité et s'était approché prudemment, regard plongé vers le gouffre. Le bruit des vagues, loin, loin, loin sous ses pieds était brutal et apaisant à la fois. Il aurait pu rester là, debout, des heures. Alors qu'il attrapait sa clope et soufflait sa pleine inspiration de fumée, des bruits de pas lui firent redresser la tête. La refourrant en bouche, son buste dévia un peu et du regard, il capta la silhouette de Sixtine qui se tenait derrière lui. « Si tu crois que je vais te laisser te suicider comme ça, sache que c'est raté. Je suis l'attrape-cœurs » qu'il fit d'une voix un peu troublée par la cigarette entre ses lèvres. L'attrape-cœurs, putain, l'attrape-cœurs. Ce bouquin lui foutait toujours la moral dans les chaussettes chaque fois qu'il le relisait et pourtant il ne s'en lassait pas. C'est con qu'un bouquin lui foute autant la déprime, il savait même pas pourquoi, d'ailleurs, n'empêche qu'il passait toujours par une passe chelou après l'avoir relu, ce qu'il avait déjà fait mille fois.

Je me tord presque la cheville en arrivant sur les falaises, jurant contre ce Dieu auquel je ne crois pas. Faudrait que je demande à Zhara si elle ne connaît pas une incantation pour éloigner le mauvais sort. Ah non, ça c’est Evey merde. Je découvre mon ancien partenaire perché sur la hauteur, contemplant le vide d’une façon relativement inquiétante. Ma présence semble toutefois retenir son attention, détournant ses yeux du de ce spectacle tentant. Je ris légèrement, croisant les bras sur ma poitrine en m’arrêtant derrière la barrière de sécurité. « Si y’en a bien un qui a l’air d’avoir envie de se suicider ici, c’n’est pas moi ! » Non parce que c’est lui qui se retrouve à quelques centimètres du bord, prêt à basculer de l’autre côté. Je me demande un moment si ce n’était pas son intention, fumer sa dernière clope avant de se jeter du haut de la falaise. C’est quand même dangereux cette émission, parce qu’aux dernières nouvelles ils ne m’ont pas fait passer de tests psychologiques pour déterminer la stabilité de mon esprit. Heureusement d’ailleurs. Bref, certains de nous peuvent être particulièrement vulnérables, émotionnellement parlant, et cette émission est susceptible de leur flinguer le cerveau. Aussi, poussés par un désir irrépressible d’échapper à cet environnement malsain, ils peuvent éprouver l’envie de s’offrir un saut de l’ange. Non ? « En plus j’suis plus une gamine, t’arrives malheureusement trop tard pour me rattraper. » Il me semble bien qu’il s’agit de ça dans le fameux romain auquel il fait allusion. Un adolescent qui ne souhaite pas grandir, et qui s’imagine pouvoir sauver les mômes au bord de la falaise pour leur éviter de tomber dans l’âge adulte. En bref, il rêve que Peter Pan vienne le prendre par la main une nuit, pour l’emmener dans son monde perdu. Il est conscient Milan, qu’il finit dans un hôpital psychiatrique ? Un fin sourire se dessine sur mes lèvres tandis que je m’approche dangereusement du bord, enjambant à mon tour le parapet. Je m’accroche un instant à son bras, parce que c’est un petit peu plus impressionnant que ce que j’avais imaginé. Mes yeux se perdent un instant sur la mer qui s’écrase contre les rochers en contrebas, puis je relâche mon étreinte en songeant que c’est la seconde fois que je le trouve en équilibre dans ce château, comme s’il aimait volontairement se mettre en danger. « Dis, sérieusement, t’es pas suicidaire si ? » Je soulève la manche de son vêtement du côté gauche, inspectant sa peau à la recherche de cicatrices pouvant trahir des tentatives infructueuses de mettre fin à ses jours. Manquerait plus que j’en trouve.

Allons. C'était pas du tout dans le but de mettre fin à ses jours que Milan s'était hissé jusqu'au bord de la falaise. Non. Plutôt pour... Pour rien de spécial, en y pensant. Juste comme ça. Parce que la vue était dingue et les sensations grandioses. Et il savait pertinemment que ce n'était pas non plus dans ce but que Sixtine l'avait rejoint, comme elle le lui faisait si gentiment remarquer. Second degré, bonjour. Curieux, il l'observa s'approcher, lui casser à moitié le bras sous la peur. C'était elle qui était trop trouillarde ou lui qui n'en avait rien à foutre de dégringoler de la falaise et de claquer en s'écrasant dans l'eau ? Elle semblait plus porter sur la deuxième solution, vu comme elle inspectait minutieusement son avant-bras. Se mutiler ? Quelle drôle d'idée. « S'te-plait, pas à moi » soupira-t-il à moitié, gentiment railleur. Comment elle pouvait penser ne serait-ce qu'une seule seconde qu'il puisse être capable de se charcuter les poignets par désespoir. Lui en particulier. Il en avait tellement peu à foutre d'avoir une vie de merde, en fin de compte, que jamais il n'aurait pensé à se foutre en l'air. « Tu sais, je crois que par amour pour mes parents, c'est un truc que je pourrais jamais faire. Me suicider. Ça me foutrait trop les boules qu'ils soient malheureux. Je préférerais encore l'être moi-même. » Vrai. S'il y avait bien un truc qu'il n'aurait pas supporté, c'était la détresse de son père, et de sa mère. Et il savait que la pire douleur qu'on pouvait ressentir, c'était lorsqu'on perdait son enfant. Sérieusement. Il en était persuadé. Alors il préférait de loin se traîner tout le reste de sa vie en prenant la peine d'être suffisamment convaincant dans le rôle de petit gars bien dans ses pompes histoire d'éviter à ses darons la douleur de savoir qu'ils avaient mis au monde un gars malheureux comme les pierres. « Et si on parlait d'autre chose ? J'ai pas envie d'me mettre à chialer » qu'il finit par lâcher, une esquisse de sourire sur le visage. Sérieux, pourquoi il en était arrivé à débattre sur ça? C'était moyen comme conversation, quand même. Puis avec ce foutu attrape-cœurs qui l'avait bien démoli ce matin-là, c'était s'aventurer sur un terrain dangereux.

Visiblement l’idée de se suicider est bien loin de l’esprit de mon ancien partenaire, et il semble presque outré que j’ai pu le soupçonner d’une telle tendance. Bah, mieux vaut vérifier hein. J’aurais aussi tôt fait de le dénoncer à Cupidon pour qu’il l’empêche de s’approcher du vide ! Je cesse mes investigations, plutôt satisfaite de ne rien trouver de suspect, et j’en déduis qu’il aime simplement cette sensation de danger que l’on éprouve si près du bord. Je n’ai qu’à jeter un œil vers les vagues qui s’écrasent bruyamment sous nos pieds pour constater que c’est plutôt agréable, même si relativement angoissant. Je trouve son explication à la fois rassurante et flippante. Parce que j’aurais instinctivement répondu que je trouve la vie bien trop belle pour pouvoir la quitter si rapidement. Milan, lui, ne songe qu’à ses parents et au mal qu’il pourrait causer, quitte à souffrir lui-même. Est-ce que ça veut dire qu’il est malheureux ? Je me mords la lèvre pour éviter de dériver sur le sujet, histoire de ne pas emprunter des voies barrées au public. D’un autre côté il ne va pas me dire qu’il éviterait de se suicider par amour pour la vie, puisque si cette idée le traverse, c’est que ce sentiment n’est pas présent. Bref, je réfléchis trop pour le coup. Je n’ajoute rien, puisque comme le dit si bien le jeune homme, c’est un sujet plutôt déprimant. « Alors, heureux de retrouver ton plan cul ? » Bah, c’est lui qui voulait changer de sujet, n’est-ce pas ? « Ca devient pas un peu . . . rébarbatif, à force ? De baiser sans échanger un mot ? » C’est, d’après ce que j’ai compris, leur façon de faire. Y’a qu’à essayer de discuter avec Siomha pour en déduire qu’elle n’ai pas du genre à papoter, et honnêtement je crois que j’en serais incapable. Je me demande si elle connaît son prénom, parce que la dernière fois elle n’avait pas l’air très au courant. Je ne lui laisse pas le temps de répondre, enchaînant aussitôt. « T’as une clope à me filer, s’il te plaît ? » Je prends soin de lui jeter mon petit air de chien malheureux, battant des cils. Je ne sais pas trop comment ça se passe pour le ravitaillement de cigarettes dans le coin, mais si c’est aussi compliqué que dehors, pas sûre qu’il se montre généreux.

Spoiler:

Elle a l'air mal à l'aise, la Sixtine. Faut dire que Milan était pas toujours des plus rassurants, lorsqu'il prenait la peine de parler un peu de lui, ou de ce qu'il ressentait. Le petit sourire qu'il ne put retenir fut à moitié caché par la sèche qu'il avait toujours au bec. Mais aussitôt, elle réattaqua en le questionnant. Heureux ? Pas sûr que c'était le mot. Au fond, il n'appelait ses moments en duo avec Siomha qu'un extra, un bonus. Il n'était pas venu ici dans l'idée de se trouver une fille avec qui passer des moments intimes, il n'y avait même jamais pensé et s'était douté que ça n'arriverait sans doute pas tant qu'il serait dans le nid. Il ne pouvait nier néanmoins que maintenant, il n'allait pas cracher sur cet aspect de son aventure. Sans répondre d'abord, il tourna vers son ancienne partenaire un regard à la fois railleur et étonné. « Tu fumes, toi ? » qu'il demanda. Bizarre, il l'avait jamais vu approcher une clope jusqu'à maintenant, il la pensait de ces sains d'esprit qui refusaient de toucher à ça. Enfin, quoi qu'il en soit, il sortit de sa poche briquet et paquet et lui tendit une de ses précieuses sèches. « Ben franchement, je préfère ça plutôt que de l'entendre me raconter comment son chien est mort pendant que je la tripote. » Par chance, c'était pas trop le genre de la blonde de bavarder pendant l'acte, encore moins de ce genre de trucs. C'était pas son genre de bavarder tout court, à vrai dire. Une nouvelle taffe, et il regarda d'un air absent la fumée qui se faisait aspirer dans le tourbillon du vent aussitôt qu'elle franchissait la limite de ses lèvres. « Je la trouve plutôt fascinante moi, Siomha. J'aimerais bien savoir ce qu'elle cache, comment on peut en arriver à en en avoir à ce point rien à foutre de rien... Il y en qui naissent comme ça, mais je ne pense pas que ce soit son cas. » Il se tut aussi sec. Ouais, il y en avait qui étaient programmés pour ne pas être passionné, dans la vie. Par la vie, tout simplement. Oh oui. Et en général, ce n'était pas ceux qui avaient l'air de s'en foutre, non, c'était justement ceux qui le cachaient un peu trop bien. Les yeux bien loin de ceux de Sixtine à ce moment-là, le jeune blond tourna la tête vers elle. « Et toi alors, ça roule avec ton Roméo ? » riposta-t-il avec un air taquin. À vrai dire, il ne savait pas grand chose de ce qui se passait entre ces deux-là, Sixtine et Connor. Avec un peu de chance, il n'avait pas tapé là où ça faisait mal.

Milan a l’air surpris que je lui demande une clope, et je me sens aussitôt mal, comme prise en flagrant délit d’une chose que je ne suis pas censée faire. Une gamine qui vient de briser le vase chiné de papa, une femme au foyer découverte dans les bras du facteur. Je me ravise alors, la mine penaude. « T’as raison, vaut mieux pas. » C’est idiot de lui affirmer qu’il a raison, il ne m’a jamais interdit de m’emparer de sa cigarette, au contraire il me la tend gentiment. Mais c’est une façon de parler, et j’imagine qu’il comprend ce que je veux signifier. Il m’a rappelée cette promesse que je me suis faite, pour une bonne raison. « C’est de ta faute aussi, toujours la cigarette au bec, c’est tentant ! » Je lui file un petit coup d’épaule en souriant. C’est bien plus difficile de résister à côté de quelqu’un qui répand cette douce odeur de tabac dans vos narines, que près d’un irréductible détracteur de ce bâton de mort. Je soupire finalement, inspirant l’air pur là où la fumée ne s’est pas mêlée à l’oxygène. Je ris franchement à sa remarque sur Siomha, l’imaginant en train de chevaucher mon ancien partenaire –et je n’ai pas franchement besoin d’aller chercher loin puisque je les ai déjà aperçus du coin de l’œil- en déblatérant des inepties sur son pauvre chien trépassé. Ce serait tellement drôle. Je hausse les épaules en penchant la tête pour lui montrer mon assentiment, il marque un point. Il ne manque ensuite pas de me faire remarquer que cette nana le fascine, et j’imagine qu’il n’est pas le seul dans ce cas. Moi-même, je me suis posée mille questions lors de notre rencontre, même si là encore elle était relativement bavarde par rapport à ses habitudes. Elle ne se laisse pas toucher par cette aventure qui pourtant arrive à rendre chèvre plus d’un candidat, moi y compris. Tel un roc au milieu d’une tempête, elle campe sur ses jambes sans jamais parler d’elle, comme si elle était née la veille de son entrée dans le château. Comme si elle n’avait pas de passé. Peut-être qu’elle a toujours été cette espèce de robot pétri de détachement envers autrui, que ça ne l’intéresse pas sans qu’il n’y ait rien derrière. Milan paraît d’un autre avis, et imagine aussi peut-être que c’est lié à son secret. « Je ne suis pas certaine qu’elle cache quelque chose, parce qu’honnêtement c’est la seule qui semble conserver son indifférence sans jamais faillir dans cette émission. Mais c’est intriguant, je le reconnais, bien qu’angoissant pour quelqu’un comme moi qui aime parler . . . » Je ris nerveusement, me reculant d’un pas. Les silences sont agréables parfois, mais pas forcément auprès d’une personne que l’on ne connaît ni d’Eve ni d’Adam. Ils sont, dans ce cas, assez gênants. « Enfin si j’ai envie de tirer un coup je sais où aller, j’crois que ça va pas tarder d’ailleurs. » Je lâche ça le plus naturellement du monde, même pas tiraillée par une petite envie de sourire. Non non, je suis sérieuse en plus. M’envoyer un l’air sans me prendre la tête, ça me manque figurez-vous. Parce qu’ici il est difficile de s’offrir ce plaisir sans s’encombrer de considérations sentimentales, Moore pourra en témoigner. Et, aussi surprenant que cela puisse paraître, je suis un être humain aux désirs aussi primitifs que n’importe quel autre. Après je ne sais pas si la blonde serait potentiellement intéressée, mais il me semble qu’elle n’est pas très regardante sur le partenaire. J’esquisse une grimace lorsqu’il aborde le sujet fâcheux de mon ‘‘Roméo’’. Je pousse un petit grognement, préférant contempler le vide que de lui répondre immédiatement. « Disons que Juliette a envie de se planter la dague un peu tôt que prévu. » Je me tourne vers lui, souriante. Traduction : pas vraiment, et je n’ai pas très envie d’en parler. De toute façon, ça t’emmerderait comme pas possible. Si si, je sais dire tout ça en un seul regard.

En réponse à ses accusations - quoi ? moi, toujours une sèche à la gueule ? tss - Milan esquissa un léger sourire, attrapa la clope qu'il avait en bouche par le filtre, s'accroupit et l'éteignit en la frottant contre la pierre. Se redressant alors, il leva le mégot pour qu'elle l'admire bien, avant de le fourrer dans la poche arrière de son jean. Ouais parce qu'il était hors de question qu'il le laisse à terre, écolo, tu l'es ou tu l'es pas. Il préférait encore dégueulasser son futal. D'ailleurs en y repensant, aussi loin qu'il s'en souvienne, il n'en avait jamais foutu à terre, même pas discrètement dans une bouche d'égout ni rien. D'habitude, il avait son mini-cendrier, vous savez, cette espèce de petite boule verte avec un fermoir en métal et tout, sauf qu'il avait oublié de le prendre. Bref, déjà Sixtine balançait son opinion sur l'affaire Siomha, dont il ne savait même plus pourquoi elle avait été abordée. Ah si ! plan cul. Elle avait peut-être pas tout à fait tord, cela dit. Alors ? Torturée prête à tout pour cacher ce qui déconnait chez elle ou simple conne blasée ? Les paris sont ouverts. Enfin, Milan n'était pas de ceux qui pensaient qu'elle était nécessairement conne. On pouvait être totalement blasée, pire encore, mais ne pas être un connard pour autant. « Elle est peut-être juste psychopathe. Elle a fait de la taule et tout et elle a choisit fake lover comme foyer de réinsertion. » Pas psychopathe genre folle furieuse qui veut tuer tout le monde et tout, non, psychopathe comme atteint de psychopathie, antisocial, aucune empathie, quasiment pas d'émotions, tout ça. Non mais mine de rien, elle en avait quelques symptômes quand même. En partant du principe qu'elle ne cachait rien, bien sûr, ce qui restait à prouver. En gros, ils ne sauraient sans doute jamais rien. « Oh elle prend tout le monde, pas de soucis à te faire de côté-là. » Ouais il parlait comme ça de la nana avec qui il baisait. Et alors ? C'est pas comme ça qu'elle parlait d'elle-même ? Enfin, il plaisantait certes. Détournant le regard vers elle lorsqu'elle évoqua rapidement ses histoires avec Connor, et tout, Milan l'observa un instant. Elle avait visiblement pas envie de parler de ça, ou peut-être simplement avec lui. Et il n'allait pas insister, dans ce cas. Alors à la place, il répondit avec taquinerie « tu pourras dire à Juliette que la dague, c'est totalement démodé. De nos jours, c'est flingue ou méthadone, au moins » avant de lever la main jusqu'à sa tête de lui ébouriffer gentiment les cheveux, genre, mais si besoin, tonton Milan est là.

Je suis le geste de Milan d’un regard attentif, qui, en bon écolo qu’il est et en présence d’une activiste risquant de le dépecer sur place s’il ose jeter son mégot dans la mer, fourre sa cigarette consumée dans la poche de son jean. Y’a plus qu’à espérer qu’il l’a correctement éteinte pour éviter de se brûler le popotin. Ce serait dommage tout de même, d’abimer ses jolies fesses. Quoiqu’une blessure de guerre comme ça, ça peut le rendre encore plus attirant aux yeux des nénettes. Quand elles l’interrogeront sur cette brûlure qui zèbre sa peau de bébé en agitant leurs longs cils de vache, il pourra rétorquer avoir secouru un gamin en pleurs d’un incendie s’étant déclaré dans son immeuble. Bref, je divague. Je hausse les épaules à sa remarque suivante, amusée par cette hypothèse. « Qui sait, mais ça n’a pas l’air de fonctionner du feu de dieu. » Psychopathe, c’est ainsi que l’on définit bien souvent la personnalité des tueurs en série, aussi je l’imagine nous éliminer un à un comme les petits nègres d’Agatha Christie. Quel malheur, si nous étions en vérité enfermés dans une baraque pour y périr, servant d’appâts à la curiosité morbide et malsaine du commun des mortels pour la mort. Une sorte de Battle Royale à l’irlandaise, tout compte fait. Remarque, je l’imagine bien ancienne taularde. Nous avons, si je ne m’abuse Cooper et Ruben pour la concurrencer, or on dit bien jamais deux sans trois. Quoique je verrais bien Sonny y avoir fait un certain temps, sous ses airs de boucher faussement équilibré. Je simule le soulagement lorsque mon ancien partenaire me rassure sur mes chances de terminer dans le lit de Siomha. Diable, je ne sais pas si je dois bien le prendre. ‘‘Tout le monde’’, c’est parce que même si je suis moche comme un pou je peux bien chasser la crainte de la voir me repousser ? Un fin sourire se dessine sur mes lèvres, et je secoue la tête. Ce n’est probablement pas dans ce sens qu’il l’entend, et je me demande un instant si justement ce tout le monde n’est pas une mission confiée par Cupidon. Est-il autorisé à pousser un candidat à la fornication ? Pouvons-nous découvrir à la fin du jeu que Siomha est la serial baiseuse complice de la voix ? Pas vraiment crédible, à mon avis. C’est juste que le sexe est son moyen de communication à elle. Je me tortille un moment, fonçant le nez en grognant à nouveau lorsque les doigts de Milan se mêlent à mes cheveux, comme une gamine qui n’aime pas que ses parents la touche en public. « Je n’suis pas certaine de trouver ça ici, va falloir être plus inventifs. Ou plus classiques, genre le grand saut depuis . . . ici. » La boucle est bouclée. C’est marrant, mais on a commencé et terminé en parlant de suicide, si ce n’est pas gai tout ça ! Je me tourne pour enjamber la barrière, frissonnant un peu assaillie par ce vent qui nous fouette le visage. Je ne suis pas suffisamment couverte pour poursuivre cette discussion, aussi je signale au jeune homme que je vais me réchauffer avant de lui proposer de me suivre.