Tweedy en était certaine : certains de ces camarades se prenaient probablement pour Dieu lorsqu'ils pénétraient dans cette salle si particulière. Il faut dire qu'il y avait de quoi faire un sacré complexe de supériorité avec ce nombre impressionnant d'écrans qui donnaient un aperçu des plus clairs de la vie de leurs camarades. C'était un peu comme être près d'eux sans l'être vraiment, en fait. Très troublant, hein. Quoi qu'il en soit, Tweedy affectionnait déjà cette pièce. Étrange quand on savait qu'elle se disait militante des droits du tout un chacun et de l'égalité entre tous les hommes. Parce qu'ici, certains étaient clairement défavorisés : ceux qui se retrouvaient filmés, tandis que ceux qui assistaient à ce "spectacle" se trouvaient plutôt bien placés. Pour autant, Tweedy gardait en tête une chose cruciale : si il lui arrivait d'observer ses camarades, elle savait que ces derniers pourraient en faire tout autant lorsqu'elle se retrouverait à leur place, c'est à dire sous les caméras des différentes pièces. Et c'était probablement cette pensée qui l'empêchait de se sentir toute puissante en ce lieu. Oui, probablement. Aujourd'hui, la jeune femme avait eu dans l'idée de se rendre dans cette fameuse salle. Elle y passerait quelques minutes avant d'aller probablement vaquer à d'autres occupations, son but n'étant tout de même pas d'espionner tout un après midi ses camarades. Non, elle n'était pas comme ça. Elle s'intéressait à leur vie, à leur aventure, et comptait secrètement sur ces images muettes pour lui en dire plus sur leur manière d'être, mais jamais elle ne se permettrait d'abuser de ce "pouvoir" temporaire. Non, jamais. A peine Tweedy fut-elle entrée dans l'étrange petite pièce qu'elle tomba sur l'une de ses camarades. Celle-ci ne sembla pas l'avoir remarquée. Parfait. La petite brune resta alors silencieuse un moment, jusqu'à ce que la jeune femme se mette à parler toute seule. Oh, Tweedy s'identifiait beaucoup à elle tout d'un coup. Curieux. « Comme tu dis » répondit-il alors d'une douce voix, tandis qu'elle s'avança un peu plus au centre de la pièce. Regardant autour d'elle, puis constatant que sa camarade ne s'approchait pas tellement des écrans, Tweedy reprit la parole. « Je n'en suis pas certaine, mais je doute qu'ils puissent te manger. » Elle laissa ensuite échapper un petit rire. Non, elle ne se moquait pas de la jeune femme qui se trouvait désormais à ses cotés. Simplement, Tweedy aimait placer une pointe d'humour quand elle le pouvait. Voilà tout.

Okay, ça n'avait pas été très malin d'apparaitre si subitement, provoquant une petite frayeur chez sa camarade. Mais que voulez-vous, Tweedy avait tendance à réfléchir un peu tard semble-t-il. De toute manière, ce qui était fait était fait désormais. En tout cas, la petite brune avait pu remarquer que sa camarade osait difficilement s'approcher des écrans. A croire qu'elle craignait le pire les concernant. Un peu comme si tout allait se mettre à exploser si elle s'en approchait un tout petit peu trop. L'horreur. Mais ce fut finalement pour une autre plaisanterie que Tweedy opta, signifiant à sa camarade qu'il y avait peu de risque que les écrans en question soient amenés à la manger. N'était-ce pas vrai ? Bien sûr que si. A moins d'avoir à faire à des écrans particulièrement affamés, bien sûr. Visiblement, cette petite phrase pourtant loin d'être drôle avait fait sourire la jeune femme. A moins que ce soit Tweedy, en fait. Allez savoir. Quoi qu'il en soit, cette dernière ne s'était pas tellement attendue à ce que la jeune femme lui sorte un argument de taille pour justifier cette distance qu'elle laissait entre les écrans et elle : un film. Est-ce que Tweedy avait déjà regardé Le Cercle ? Après un instant de réflexion, celle-ci reprit la parole. « Je crois qu'il est sorti alors que je vivais encore aux Philippines » avoua-t-elle alors dans un mince sourire. En fait, Tweedy ne savait pas tellement en quelle année le film en question avait bien pu sortir sur les écrans, mais disons qu'à ses yeux il était fort probable qu'elle n'ait pas pu le voir même si elle en avait eu envie à l'époque. « Dois-je comprendre qu'un film t'a traumatisé au point que tu n'oses pas t'approcher de trop près de simples écrans ? » reprit-elle d'une douce voix et toujours un sourire trônant sur ses lèvres. Elle ne jugeait ni ne critiquait sa camarade, soyez-en sûrs. C'était une question comme une autre, visant probablement à mieux cerner son attitude, qu'elle ne blâmait aucunement cela allait de soi. Finalement, sa camarade déclina son identité. Elle se prénommait donc Laoise. « Ça sonne typiquement irlandais » nota Tweedy, avant de reprendre « Quant à moi, je suis Tweedy. » Présentations faites. C'était le principal.

En toute honnêteté, Tweedy n'était pas tellement branchée Cinéma, et encore moins films d'horreur. Disons que, selon elle, c'était un art qui ne reflétait que rarement la réalité, une chose qui avait tendance à lui déplaire légèrement. Il faut dire que Tweedy faisait partie de ces personnes engagées et se battant au quotidien pour préserver le monde d'aujourd'hui et ainsi éviter qu'il ne soit encore plus mal portant qu'il ne l'était déjà. Donc, non, elle n'avait pas eu l'occasion de voir le film dont parlait sa camarade. Mais le fait qu'elle ne porte pas dans son cœur n'importe quel film n'en était pas la véritable raison à vrai dire, comme elle prit la peine de l'expliquer à sa camarade. C'était plutôt le fait d'avoir longtemps vécu aux Philippines et de n'en être revenue que quelques années auparavant. Mais voilà qu'avec cette révélation, elle avait visiblement titillée la curiosité de sa camarade, qui ne manqua pas de la questionner à ce sujet. « J'y suis née et y ai passée la majeure partie de mon enfance, à vrai dire » répondit gentiment la petite brune. Okay, peut être bien qu'elle restait volontairement évasive. Mais d'après elle, elle ne faisait que répondre à la question de sa camarade. Si celle-ci souhaitait en savoir d'avantage, elle pourrait toujours le lui demander, et dans ce cas, Tweedy se ferait normalement un plaisir de lui répondre. Dans le cas contraire, et bien, le sujet serait clos. Tout simplement. Laoise disait ne pas avoir été véritablement traumatisée par le film évoqué plus tôt. Si elle le disait. Les paroles de cette dernière ne manquèrent alors pas d'amuser Tweedy. « Il est vrai que le cadre est pour le moins particulier, et pas franchement accueillant. » Effectivement, ce sous-sol et tout ce qui le composait étaient loin d'être très plaisant à contempler. Cette atmosphère avait même un petit coté angoissant il fallait bien l'avouer. Si Tweedy en jugeait par l'acquiescement que lui adressa sa camarade, le prénom de celle-ci était bel et bien irlandais, comme elle l'avait supposé quand elle l'avait entendu le prononcer. Voilà que maintenant, c'était à Tweedy de parler du sien. « Ce n'est pas mon vrai prénom, simplement un pseudonyme. Quand on s'appelle Tweedelia-Yasmina, on a tendance à vouloir écourter son nom » confessa-t-elle alors, toujours un sourire sur les lèvres. Tweedy n'irait pas jusqu'à dire que son vrai prénom lui déplaisait, mais il y avait un peu de ça, quand même.

Parler de sa personne ne dérangeait aucunement Tweedy, bien qu'elle ne passe pas non plus son temps à parler d'elle et de sa vie. Disons qu'elle se faisait toujours un plaisir de répondre aux questions qu'on pouvait lui poser à son sujet, qu'elle aspirait simplement à aider les autres à en savoir un peu plus sur son cas. Voilà donc pourquoi elle avait gentiment répondu à la question de Laoise, à savoir si elle avait longtemps vécu aux Philippines. En effet, Tweedy venait de confier avoir passé un certain temps dans ce pays. La question était maintenant de savoir combien de temps exactement. Quoi qu'exactement, ça n'était pas tellement le mot approprié. Car si Tweedy répondit volontiers à sa camarade, elle veilla à ne pas trop entrer dans les détails pour autant. A quoi bon la noyer sous une tonne d'informations probablement superflues, qu'elle ne retiendrait assurément pas pour la simple et bonne raison qu'elles ne l'intéresseraient que moyennement ? Aux yeux de Tweedy, ça n'avait pas tellement d'intérêt, disons. Alors cette dernière se contenta de faire savoir à Laoise qu'elle avait passé la majeure partie de son enfance aux Philippines, ce qui était tout à fait véridique, après lui avoir signifié qu'elle y était d'ailleurs née, ce qui l'était tout autant. Voilà qui satisferait peut être Laoise. Visiblement, et puisque celle-ci ne la reprit pas et ne chercha pas à en savoir d'avantage, ce fut le cas. Parfait. Par la suite, les deux jeunes femmes échangèrent leur impression sur l'endroit où elles se trouvaient, ou disons sur le sous-sol en général. D'après Laoise, c'était glauque. Et d'après Tweedy, c'était particulier et loin d'être accueillant. En gros, ni l'une ni l'autre ne projetait de s'installer ici prochainement. « Spécial, c'est le mot » répondit alors Tweedy, dans un fin sourire. Attention, cela ne signifiait pas pour autant qu'elle dépréciait les lieux, car ça n'était pas le cas. Mais effectivement, c'était spécial comme endroit. Mais voilà qu'après avoir pris connaissance du prénom de Laoise, Tweedy lui avait révélé le sien, ou disons son pseudonyme, avant d'avoir craché le morceau à propos de son véritable prénom. Tweedelia-Yasmina, donc. Dur à porter, hein. La petite remarque de Laoise ne manqua pas d'amuser la petite brune, qui laissa échapper un petit rire. « Il faut croire, oui » fit-elle, plutôt enjouée. Après avoir laissé passer un court instant, elle reprit la parole. « D'après ce que l'on m'a dit, il s'agit des prénoms de mes grands-mères paternelle et maternelle, mis bout à bout. Ça donne forcément quelque chose de particulier » reprit-elle alors, dans un sourire. Pour dire vrai, Tweedy n'avait eu l'occasion de n'en connaitre aucune. Par conséquent, elle se fiait à ce qu'on lui avait raconté à leur sujet. « Et ton nom à toi, d'où vient-il ? Mis à part d'Irlande, bien sûr » demanda-t-elle finalement. C'était légitime de se le demander également, non ?

A force de parler de leur prénom respectif, il semblerait que les deux jeunes femmes en aient temporairement oublié l'endroit dans lequel elles se trouvaient. Quoi que, Laoise semblait se prendre de fascination - si on veut - pour les écrans qui leur faisaient face. Mais Tweedy, elle, parvenait à détacher son regard des dits écrans. Elle aurait de toute manière tout le loisir de les scruter d'ici quelques minutes. Mais pour le moment, la petite brune semblait préférer converser avec sa camarade, sans se laisser distraire par quoi que ce soit. Parce qu'il suffirait que quelqu'un jette un détritus par terre ou fasse couler l'eau du robinet plus de treize secondes pour qu'elle soit obnubilée par ce détail. Oui, elle était comme ça Tweedy. Un peu obsédée sur les bords, disons. Mais voilà qu'elle venait de révéler à Laoise que son prénom venait semble-t-il de ceux de ses deux grands mères. Tweedy n'avait pas connu ces deux femmes, mais c'était bien ce que ses parents lui avait dit. Et vu qu'elle n'avait aucune raison de douter de leur parole puisqu'il s'agissait de gens tout à fait crédibles en général, Tweedy les avait cru. Ainsi donc, Tweedelia avait été sa grande mère paternelle, et Yasmina sa grand mère maternelle. Ou l'inverse, en fait. Elle n'en était même plus sûre. Sans doute lui faudrait-il le leur re-demander quand on l'aurait expulsée du jeu. Ainsi donc, d'après Laoise, ce prénom composé était peu commun mais mignon. Un fin sourire s'étira alors sur les lèvres de Tweedy. Bizarrement, celle-ci n'avait jamais trouvé ce prénom particulièrement mignon. Mais soit, peut être bien qu'il l'était, en fait. Oh, elle voulait maintenant savoir pourquoi Tweedy avait opté pour un tel pseudonyme, au moins tout aussi étrange que son véritablement prénom. La question à un million d'euros. Ou pas. « Déjà, je ne voulais pas totalement renier mon prénom, alors j'ai fait en sorte de trouver quelque chose de plus ou moins ressemblant. Je voulais quelque chose de plus court - pour le coté pratique - et de relativement moderne. Et donc, sans trop me casser la tête, j'ai opté pour « Tweedy » » répondit d'une douce voix la petite brune, toujours un sourire aux lèvres. « Ça n'est pas plus compliqué que ça » reprit-elle alors. Effectivement, Tweedy ne s'était trop cassée la tête pour trouver ce pseudonyme. Et croyez-le ou non, mais ce changement avait rendu sa vie plus évidente. Étonnant. Maintenant, c'était au tour de Tweedy de vouloir connaitre l'origine du nom de sa camarade, en dehors de la nationalité de celle-ci. La réponse de Laoise la fit rire légèrement. « Ils ont bien choisi, en tout cas » fit-elle alors, toujours souriante. Effectivement, aux yeux de Tweedy, le prénom de Laoise était des plus jolis, harmonieux, plaisant à prononcer probablement autant qu'à lire. Non vraiment, un très bon choix de la part des parents de la demoiselle. Finalement, Tweedy se permit de jeter un coup d'œil aux écrans de la pièce. Là, et tandis qu'elle observait certains de leurs camarades faire toutes sortes de choses qu'elle jugeait futiles - pour la plupart en tout cas - la jeune femme ressentit le besoin de reprendre la parole. Une vraie pipelette, décidément. « Je suis sûre qu'une jolie jeune femme telle que toi va faire des ravages ici. Et d'ailleurs, c'est pour ça que tu es venue ici ? Je veux dire, pour rencontrer le grand amour ? » Cela pouvait ressembler à une caricature, mais ça n'en était pas une. Le grand amour, tout ça, ça devait bien exister, après tout.